Trois applications de Thal` es : M´ en´ ela¨ us, C´ eva, Pappus
Daniel PERRIN
L’objectif de ce texte est de faire le point sur les th´ eor` emes de M´ en´ ela¨ us, C´ eva et Pappus, leurs ´ enonc´ es, leurs r´ eciproques ´ eventuelles et leurs preuves et de pr´ eciser ce qui peut ˆ etre trait´ e le jour du CAPES.
1 Le th´ eor` eme de M´ en´ ela¨ us
1.1 La variante avec les longueurs
1.1 Th´ eor` eme. Soit ABC un triangle et soit D une transversale, c’est-` a- dire une droite qui coupe respectivement les droites (BC), (CA), (AB) en A
0, B
0, C
0. On suppose ces points distincts des sommets du triangle. Alors, on a l’´ egalit´ e de rapports de longueurs :
A
0B
A
0C × B
0C
B
0A × C
0A C
0B = 1.
A
B
C C'
B'
A'
C"
1.2 Remarque. Nous verrons plus bas que l’´ enonc´ e le plus raisonnable n’est
pas en termes de rapports de longueurs mais de mesures alg´ ebriques, voire
de vecteurs. Notons aussi qu’un choix rationnel des noms des points permet
de retrouver facilement l’´ enonc´ e (les rapports se d´ eduisent les uns des autres
par permutation circulaire).
D´ emonstration. Un seul geste suffit pour se ramener ` a Thal` es : tracer une parall` ele ` a un cˆ ot´ e (par exemple (AB)) passant par le sommet oppos´ e (ici C), voir figure ci-dessus. Cette droite coupe D en C
00. L’application de Thal` es avec le triangle A
0CC
00donne A
0B
A
0C = C
0B
CC
00. L’application de Thal`es avec le papillon de sommet B
0donne B
0C
B
0A = CC
00C
0A . Le produit de ces relations donne le r´ esultat.
1.2 R´ eciproque
On suppose qu’on a l’´ egalit´ e A
0B
A
0C × B
0C
B
0A × C
0A
C
0B = 1 et il s’agit de prouver que A
0, B
0, C
0sont align´ es. Pour cela, on trace la droite (A
0B
0) qui coupe a priori (AB) en C
00et il s’agit de montrer qu’on a C
0= C
00. L’hypoth` ese donne C
0A
C
0B = C
00A
C
00B ce qui ne suffit pas pour conclure (il y a deux points qui divisent un segment dans un rapport donn´ e). D’ailleurs, l’exemple des points A
0, B
0, C
0milieux des cˆ ot´ es de ABC montre que cette r´ eciproque est
´
evidemment fausse si l’on ne prend pas de pr´ ecautions.
A
B
C C"
B'
A'
C'
Il y a deux solutions pour surmonter cette difficult´ e :
• Un ´ enonc´ e avec des mesures alg´ ebriques, voir ci-dessous.
• La pr´ ecision de la situation des points. Par exemple, avec la figure ci- dessus, on suppose B
0∈ [AC], C
0∈ [AB] mais A
06∈ [BC]. L’axiome de Pasch (une droite qui coupe un cˆ ot´ e d’un triangle en coupe un deuxi` eme) implique alors que C
00est lui aussi dans [AB] donc ´ egal ` a C
0.
1.3 L’´ enonc´ e correct
1.3 Th´ eor` eme. Soit ABC un triangle et soient A
0, B
0, C
0des points distincts
points distincts des sommets du triangle. Alors les points A
0, B
0et C
0sont align´ es si et seulement on a l’´ egalit´ e :
A
0B
A
0C × B
0C
B
0A × C
0A C
0B = 1.
1.4 Remarque. Attention, la notion de mesure alg´ ebrique n’est plus au pro- gramme du coll` ege ni du lyc´ ee. On peut (mais on ne le fait pas en g´ en´ eral au lyc´ ee) utiliser des rapports de vecteurs (si ~ v et w ~ sont des vecteurs colin´ eaires et si w ~ est non nul, le rapport ~ v
~
w est le scalaire λ d´ efini par ~ v = λ ~ w).
2 Le th´ eor` eme de C´ eva
2.1 La variante avec les longueurs
2.1 Th´ eor` eme. Soit ABC un triangle et soient A
0, B
0, C
0des points distincts de A, B, C et situ´ es respectivement sur (BC), (CA) et (AB). On suppose que les droites (AA
0), BB
0) et (CC
0) concourent en G. Alors, on a l’´ egalit´ e de rapports de longueurs :
A
0B
A
0C × B
0C
B
0A × C
0A C
0B = 1.
D´ emonstration.
On applique le th´ eor` eme de M´ en´ ela¨ us deux fois, une premi` ere avec le triangle ABA
0et la transversale (CC
0) une seconde avec le triangle
“compl´ ementaire” CAA
0et la trans- versale (BB
0). On obtient les deux
´
egalit´ es : C
0A
C
0B × CB
CA
0× GA
0GA = 1 B
0C
B
0A × GA
GA
0× BA
0BC = 1
et le r´ esultat s’ensuit en multipliant ces relations.
A
B
C C'
B'
G
A'
2.2 Remarques. 1) On note que l’´ egalit´ e est la mˆ eme que celle de M´ en´ ela¨ us, ce qui n’est ´ evidemment pas tr` es raisonnable. On donnera un ´ enonc´ e plus pertinent ci-dessous avec des mesures alg´ ebriques.
2) Je ne sais pas prouver directement C´ eva ` a partir de Thal` es sans passer par M´ en´ ela¨ us.
3) En revanche, je rappelle la belle d´ emonstration de ce r´ esultat en uti- lisant les aires et notamment le lemme du chevron (voir [ME]), comme le montre la figure ci-dessous. En effet, on a la formule :
A
0B
A
0C × B
0C
B
0A × C
0A
C
0B = A(AGB )
A(AGC) × A(BGC)
A(BGA) × A(CGA) A(CGB) = 1.
A
B
C C'
B'
G A'
2.2 R´ eciproque
Il y a ici deux difficult´ es. D’abord, la r´ eciproque de C´ eva est ´ evidemment
fausse avec la formule exprim´ ee en termes de rapports de longueurs (car c’est
la mˆ eme que pour M´ en´ ela¨ us qui conduit ` a l’alignement des points A
0, B
0, C
0et non au concours des droites (AA
0), (BB
0) et (CC
0)). Il faut donc utiliser
des mesures alg´ ebriques ou des arguments de position (par exemple supposer
que les trois points A
0, B
0, C
0sont dans les segments [BC], [CA], [AB] et pas
seulement sur les droites). Ensuite, si l’on tente de prouver la r´ eciproque,
on est amen´ e ` a introduire le point d’intersection G de (AA
0) et (BB
0) par
exemple, mais il faut pour cela que ces droites ne soient pas parall` eles. Le
r´ esultat convenable est le suivant :
2.3 Th´ eor` eme. Soit ABC un triangle et soient A
0, B
0, C
0des points distincts de A, B, C situ´ es respectivement sur (BC), (CA) et (AB). On suppose ces points distincts des sommets du triangle. Alors les droites (AA
0), (BB
0) et (CC
0) sont concourantes ou parall` eles si et seulement on a l’´ egalit´ e :
A
0B
A
0C × B
0C
B
0A × C
0A
C
0B = −1.
2.4 Remarque. Pour savoir quel signe correspond ` a C´ eva et quel autre ` a M´ en´ ela¨ us, il suffit de penser au cas des m´ edianes d’un triangle.
3 La variante affine de Pappus
Voici l’´ enonc´ e :
3.1 Th´ eor` eme. Soient d, d
0deux droites s´ ecantes en O et soient A, B, C (resp. A
0, B
0, C
0) trois points de d (resp. d
0) distincts de O. On suppose que les droites (AB
0) et (BA
0) sont parall` eles, ainsi que (AC
0) et (CA
0). Alors (BC
0) et (CB
0) sont parall` eles.
D´ emonstration. On applique Thal` es d’abord avec (AB
0) et (A
0B), puis avec (AC
0) et (A
0C) et on obtient les ´ egalit´ es :
OA
OB = OB
0OA
0et OC
OA = OA
0OC
0. En les multipliant on a OC
OB = OB
0OC
0. Pour conclure avec la r´eciproque de Thal` es il faut soit utiliser les mesures alg´ ebriques, soit un argument de posi- tion (par exemple, comme sur la figure ci-dessus, le fait que les points soient sur la mˆ eme demi-droite issue de O).
3.2 Remarque. Il y a une variante de Pappus, projective : on suppose que les droites (AB
0) et (BA
0) se coupent en W , (CA
0) et (AC
0) en V et (BC
0) et (CB
0) en U . Alors U, V, W sont align´ es. Je ne sais pas prouver ce r´ esultat directement ` a partir de Thal` es
1. On peut soit le prouver analytiquement, soit, si l’on est plus savant, le d´ eduire du cas affine en notant que la propri´ et´ e est projective et en envoyant les points U, V ` a l’infini.
1. Et je pense que ce n’est pas possible.
d
d' O
A
B C
B'
A' C'