FACULTÉ DE
MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1900-1901 N° 52
CONTRIBUTION
ÉTUDE DU l'ÂPl HOME
ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE
THÈSE
POUR LE DOCTORAT ENMÉDECINE
Présentée et soutenue publiquement le 22 mars 1901
PAR
Adolphe-Barusch BARGUES
INTERNE A L'HOPITAL MUNICIPAL
Né à Bordeaux (Gironde) le 1er mai 1B7©
'MM. ARNOZAN, professeur Président.
Examinateurs de la Thèse:^ PITRES,professeur \ ( DENUCÉ,agrégé j Juges.
DUBREUILH, agrégé )
ÉeCandidat répondra aux questions qui lui seront faites surles diverses parties
de l'Enseignement médical
BORDEAUX
0. gounouilhou, imprimeur de la faculté de
médecine
II, RUE GUIRAUDE, II
1901
FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES. Doyenhonoraire, PROFESSEURS :
MM. MIGE . . DUPUY.. .
MOUSSOUS Professeurs honoraires.
Cliniqueinterne . . .
Cliniqueexterne. . .
Pathologieetthérapeu¬
tique générales. . .
Thérapeutique. . . .
Médecineopératoire .
Cliniqued'accouchements.
Anatomiepathologique. .
Anatomie
Anatomie générale et
histologie Physiologie ...
Hygiène
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
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CANNIEU.
VIAULT.
JOLYET.
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Médecinelégale . . . Physique
Chimie
Histoire naturelle . .
Pharmacie
Matière médicale. . .
Médecineexpérimentale . Clinique ophtalmologique.
Clinique desmaladies chi¬
rurgicales desenfants . Clinique gynécologique Cliniquemédicale des
maladies des enfants Chimie biologique . .
MM.
MORAGHE.
BERG0N1É.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
deNABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
PIÉCHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS.
DENIGÈS.
AGREGES EN EXERCICE:
section du médecine (PathologieinterneetMédecinelégale.}
Le DANTEC.
HOBBS.
Pathologieexterne.
MM.CASSAET. 1 MM.
AUGHÉ.
SABRAZÈS.
section de chirurgie et accouchements /MM.DENUCÉ.
\ VILLAR.
1 BRAQUEHAYE
f CHAYANNAZ. |
,
, 1MM. CHAMBRELENT.
Accouchements,j FIEUX
Anatomie
Physique.
section des sciences anatomiques et physiologiques
IMM.PRINCETEAU. I Physiologie . . . MM.PACHON.
' i N... Histoire naturelle.
section des sciences physiques MM. SIGALAS.— Pharmacie . .
BEILLE.
M. BARTHE.
COURS COMPLÉMENTAIRES:
Clinique desmaladiescutanées et syphilitiques
M^'muKSfVM^^
Clinique desmaladiesdes voies urinaires
aiottrE
Maladies dularynx,des oreillesetdu nez. .
nOrTQ
Maladiesmentales •.
Pathologie externe
UnvnnT
Pathologie interne *
, PV„r
Accouchements
nnDmîv
Chimie ^UP •
Physiologie ^
Ophtalmologie.
: :::::: :Hydrologieetminéralogu
DANTEC.
Pathologieexotique . . ^
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les opinions émises ia = ^ Thèses qui luisont présentées doivent être considérées commepropresà leurs autei , qu'elle n'entendleurdonnerniapprobation niimprobation.
A M. LE D' W. DUBREUILH
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX CHARGÉ DU COURS DES MALADIES SYPHILITIQUES
ET CUTANÉES
A MON PRÉSIDENT DE THÈSE
MONSIEUR LE DOCTEUR N.
ARNOZAN
PROFESSEUR DE THERAPEUTIQUE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
Entêtede ce travail,nous plaçons lenom de nos maîtres
de
la Faculté et des Hôpitaux, faible témoignage
de reconnais¬
sance pour ce qu'ils ont été pour nous.
Nousprierons plusparticulièrement
MM. Monod et Davezac,
dans le service desquels nous avons été en
qualité d'externe,
de bien vouloir ici accepter nos remerciements pour
la bien¬
veillance qu'ils nous ont toujours
témoignée.
MM. de Chapelle et Lauga, dont nous avons
été l'interne à
l'Hôpital municipal, ont été pour nous des
guides précieux
àquinous sommesredevable des quelques
connaissances
quenous avons acquises en vénérologie. Ce nous est un
devoir
bien doux à remplir que de les remercier de leur
amabilité.
M. leprofesseur agrégé W. Dubreuilh a mis
à
notredisposi¬
tion les trésors de sabibliothèque et a bien voulu nous
diriger
dansnotre travail; qu'il soit assuré de notre vive
gratitude.
M. le professeur Arnozan, en acceptant la présidence
de
notre thèse, nous fait un honneur dont nous ne saurions
lui
être trop reconnaissant.
INTRODUCTION
Il estun fait de constatation courante qui
frappe forcément
l'observateur. C'est la coexistence fréquente de
végétations et
desverrues chez un même sujet.
«Sur58 individus atteints de végétations,
47 avaient
eudes
verrues, 8 ne se souvenaient pas
d'en avoir
eu. »(Diday.)
Notre enquête
personnelle
nousdonne
unrésultat ana¬
logue :
44sujets sur 48 ont eu, ou ontencoreau
moment où ils sont
examinés, desverrues ou traces
de
verrues.Gémy, qui donne plusieurs
observations (40) d'individus
atteints de végétations et ayant ou
ayant
eudes
verrues,dit
:« Sije ne craignais d'allonger
fastidieusement
cetravail, je
pourrais multiplier les observations
de
ce genre. »Devons-nous admettre une simple coïncidence,ou y
a-t-il
unlien de parenté entre ces deux
néoplasies?
Sinous consultons les auteurs sur cepoint, nous voyonsque
la plupart admettent que végétations et verrues ne
sont
quedes formes différentes d'une même production.
Parmi ceux-ci,
nous citerons Duhring, Gémy,
Fournier, Hardy, Kaposi,
Mollière,
Pingaud.Voyons ce que disent les quelques rares
dissidents
:Cullerier: «Il y a des différences
capitales entre les verrues
etles végétations : les verrues ont toujours un
aspect absolu¬
mentsec, corné; elles n'offrent jamais
la même confluence et
le même volume que les végétations;
elles
nesiègent
quepar
exception auvoisinage des organes
génitaux et, dans
cecas, il
en existe end'autres points. »
— 10 —
Brocq, dans son Traitédes maladies de la peau, pense que les « verrues molles » doiventêtre cliniquement
distinguées
dela verrue vraie.
JBesnier et Doyon séparent nettement ces deux productions
hyperplasiques
:<sLes condylomes acuminés,
végétations,
etc., sont bien distincts des verrues communes et de toutes les espèces deverrues, aussi bien par leurs caractères anatomiques que par
les caractères cliniques ; c'est à propos de la
blennorragie
et du virus vénérien que leur étude doit être faite. »Heurtaux : «On pourrait rattacher aux verrues des produc¬
tions fort analogues développées sur la muqueuse anale ou
préputiale et désignées sous le nom de végétations. Mais ces
productions ont des propriétés et des caractères particuliers qui méritent qu'on les sépare. »
Ainsi donc, pour
Cullerier,
Brocq, Besnier et Doyon, Heur¬taux, etc., les verrues et les végétations sont des entités noso-
logiques distinctes et par leur structure et par leur étiologie.
Au point de vue histologie pure, l'opinion de tous les auteurs qui ont traité la question est unanime. Les coupes de
verrues et des végétations sont superposât)]es. On a la même constitution
histologique,
avec cette différence que la verrue est sèche avec une couche cornéedéveloppée,
la végétationétant légèrement humide avec prédominance de l'élément vasculaire. (Kaposi,
Duhring,
Fournier, D. Mollière.)Ce n'est donc pas leur composition anatomique qui permet
de les différencier d'une façon tranchée.
Nous allons voir si
l'étiologie
le permet et si lapathogéniede la lésion ne donne pas la clef de la solution. Mais avant d'entrer dans le corps de notre sujet, nous dirons ce que nous entendons par papillomes etnous élimineronsimmédiatement, afin de ne pas avoir à y revenir, la syphilis de cette lésion.
Nousn'encombrerons point notre thèse d'un historique dont
le corps de notre étude ne serait, en somme, que la répé¬
tition.
CONTRIBUTION
A
L'ÉTUDE DU PAPILLOME
ÉTUDE ÉTIOLOGIQUE
DÉFINITION
On a décrit sous le nom de papillome des
affections
cuta¬nées fort diverses qui diffèrent les unes des autres non seu¬
lementpar leur nature, mais encore parleur marche et
leur
pronostic.Depuis que l'étiologie en est mieux connue,
le cadre
du papillomese restreint de plus enplus. Le.terme même
de
papillometend àdisparaître, et des maîtres comme
Auspitz
etUnna tendent à faire du papillome simple une
production épi- théliale,
un acanthome.Pour nous, nous entendrons par papillome des néoplasies bénignesformées parl'hyperplasie despapilles du derme et
de
son revêtement épithélial. Cette définition prête le flanc à la critique, car elle semble émettre l'idée que le développement
des papilles préexistantes du derme est toute la néoplasie.
C'estune question à laquelle nous ne sommes pas en mesure
de
répondre,
et que nous laissons de parti pris de côté : dansnotretravail,nous ne nous occupons que de
l'étiologie de la
lésion.
Maisnous garderonscette définition, exacte d'ailleurs, parce
qu'elle nous permetde rangerdans le même cadrenosologique
les verrues vulgaires et les végétations des organes génitaux qui, selon ce que nous tendonsà prouver dans notre thèse,ne sont que des modalités différentes d'une même production: le
papillome.
Nous emploierons ici,quand nous parlerons des productions hyperplasiques des organes génitaux, le terme de «végéta¬
tions».Ce terme, employé pourla premièrefoisparDesruelles,
fait image : il indique la tendance qu'ont ces productions à
végéter, à s'étendre au loin. Nous ne nous servironsjamaisdu
terme de « condylome acuminé », employé par Heurtaux etla majorité des auteurs allemands et italiens, qui peut prêtera
la confusion. On peut en effet comprendre sous cette dénomi¬
nation des néoplasies, telles que les condvlomes syphilitiques,
dont nous n'avons pas à nous occuper ici.
Lestravaux deBenj.Bell, Lagneau, Gibert, Gazenave,Ricord, Diday, Rollet, Boys de Loury et Costilles, Proleta, Aimé Mar¬
tin, etc., déjà devancés par des observateurs tels qu'Ambroise Paré, Astruc, Nicolas de Blegny, ont établi par la clinique et
le microscope que la syphilis n'entrait pour rien dans l'étio- logie du papillome des organes génitaux.
Tout le monde connaît les arguments décisifs et incisifs dont Diday a accablé les derniers partisans de l'origine syphilitique
des crêtes de coq. Il n'est pas besoinde les rappeler.
Mais c'est là actuellement le seul point indiscutable de la question. La plus grande incertitude règne encore surl'étiolo- gie de cette tumeur si banale. La plupart des classiques ne parlent qu'enpassant d'une lésion qui semblepeuintéressante,
et si l'on consulte à ce sujetles traités spéciaux, on
s'aperçoit
que les auteurs diffèrent d'opinion: « Les vrais praticiens
font
en deux lignes, achèvent d'un coup de ciseaux l'histoire
entière des végétations. » (Diday.)
Pour donnerle plus de clarté possible à notre travail, nous citerons le opinions des auteurs dans un ordre rigoureux.
Nous diviserons classiquement les causes attribuées au
papillome, par les auteurs, en :
Causesprédisposantes :
Influence de l'âge et du sexe.
Influence delaprofession.
Causesdéterminantes : Causes physiques.
Causes chimiques.
I Rôle d'un micro-organisme spécifique.
Puisnousaborderons la question du
terrain.
Causesinfectieuses
Sécrétions vénériennes.
CHAPITRE PREMIER
Causes
prédisposantes.
Influence de l'âge et du sexe..
Aucun des auteurs qui ont traité la question ne s'est préoc¬
cupé de ce point, qui nous semble cependant mériter un examen sérieux. Ils se contentent de dire que c'est une affec¬
tion de jeunes.
Si on observe des végétations à tout âge, il faut cependant
reconnaître que les observations de sujets porteursdeverrues et de végétations sontfréquentes quand il s'agit d'adultes (18 à
45 ans), rares quand il s'agit d'enfants, très rares quand il s'agit d'individus ayant dépassé la cinquantaine.
Nous n'avons pas eu l'occasion d'observer des papillomes
chez les enfants et, d'un autre coté, aucun auteur n'ayant
traité cette question, à notre connaissancetoutaumoins, pour arriver à nous faire une opinion, nous avons été obligé de
réunir en un faisceau toutes les observations que nous avons trouvées dans la littérature médicale.
Nous en avons réuni qui se répartissent ainsi : De 0 à 1 an, 2 observations citées par Diday.
De 1 à 3 ans, Melchior Robert rapporte le cas d'un enfant
de 14 mois, encore à lamamelle, portantaupourtourde l'anus
une masse végétante volumineuse.
Yariot, celui d'une petite fille de 17 mois, bien
constituéej
sans syphilis acquise ou héréditaire.
Ghaumier (de Tours) cite également une petite fille
de
17 mois.
De8 à9ans. Aucune observation, saufcelle de Lagneau, et
encore porte-t-elle dans sa
rédaction
: «unefdlette de 8
ou10 ans... », et une de Gillette,
chez
unefillette de 9
ans,neprésentantni
vulvite, ni vaginite, ni syphilis, ni antécédents
morbides quelconques.
De 40 à 11 ans. Gémy vit chez une jeune fille de cet
âge
une crête de coq de 2 centimètres de
long, située
entrele
clitoris et le méat, et rendant la miction
difficile.
De 12 à13 ans. Boys de Loury et
Costilles citent 6 obser¬
vations, dont 4 chez des filles.
De14 à 15 ans. Demarquay cite 1 cas chez une fille
de
15 ans, Biday 5et Yariot2.
De16 à 18 ans, les observations sont
plus nombreuses.
Guntz, Diday, Jullien, Fournier en
citent chacun plusieurs
observations.
Gomme on le voit par l'énoncé ci-dessus,
il semble ressortir
que, plus l'on avance vers l'époque de
la puberté, plus les
végétations sont observées.Malheureusement, à côté des faits précis que nous énumé-
rons, bon nombre d'auteurs se sont tenus dans le vague.
Ils
ontformulé une opinion sansl'appuyersur
des faits rigoureux.
Tel Gullerier, qui déclare «les végétations
chez les enfants
n'être pas rares».
Tel Guersant qui parle «de plusieurscas
de végétations
sur¬venues chez de trèsjeunes enfants et qui, sous
l'influence
d'un simple traitement local, ont disparu ».TelsBoys de Louryet Costilles, qui « ont
rencontré des végé¬
tations assezfréquemment chez desenfants ».
TelsDucreyet Oro « chezplusieurs enfants.»
Nous ne citerons quepour mémoire
l'opinion de quelques
rares auteurs qui ont nié l'existence des papillomes
chez les
enfants. Depuis la spirituelle exécution de leur
chef (*)
par Diday,aucun d'euxn'a protesté, etle faitestrestéacquis.
Ainsidonc les papillomes existentchez les
enfants
et,d'après
(') Onnevoitjamais naître desvégétations chez lestrèsjeunesgarçonsetchez les
jeunesfillesvierges.(Vidal.)
rémunéré des observations, il semble que les petites filles
sont plus souvent atteintes que les garçons.
Pour les cas de 18 à 45 ans, nous nous en tiendronsàce
que nous avons observé pour établir une statistique. Les papillomes étant les plus fréquentesde toutes les tumeurs des organes génitaux, nous n'avons pas cherché à réunir toutes les observations qui peuvent exister dans la littérature mé¬
dicale.
HOMMES FEMMES
De 19 à 20 ans. . . 6 3
21 à 22 ans. . . . . 7 3
23 à 24 ans. . , 8
25 à 26 ans. . . . . 2 4
27 à 28 ans. . . 3 1
29 à 30 ans. . . 2 0
31 à 32 ans. . . . . 0 1
33 à 34 ans. . . . . 0 0
35 à 36 ans. . . . 1 0
37 à 38 ans. . . . . 0 1
39 à 40 ans. . . . . 0 0
41 à 42 ans. . . . . 0 0
43 à 44 ans. . . . . 1 0
45 cà 46 ans. . . 0 0
27 2?
Il résulte dece tableau statistique quele plus grand nombre
de papillomes des organes génitaux dans l'un et l'autre sexe s'observe de 19 à26 ans.
Au-dessus de 45 ans, nous n'avons trouvé que de très rares observations. Les quelques auteurs qui en parlent ne les
mentionnent qu'àpropos de maladiesintercurrentes. TelAimé Martin, qui cite 4 cas chez des diabétiques, et les quelques
cas épars dans la littérature médicale où l'on voit des verrues du pénis se transformer en cornes des organes génitaux ou
en épithélioma chez des gens âgés. Asmus (thèse de Bonn, 1888) relève 20 cas de cornes du pénis, parmi lesquels on
voit
plusieurs fois des papillomes donner naissance à des cornes.Nous ferons remarquer que nous n'émettons point
l'idée
que les
papillomes dégénèrent toujours chez les gens âgés.
Cette pénurie
d'observations de papillomes chez des gens
âgésconfirme
la décroissance
que nousvoyons dans le tableau
ci-dessus.
Quant à l'influence du sexe, en
totalisant tous les
cas onvoit qu'ils s'équilibrent
à
peuprès exactement.
Il en est de même pour les verrues.
Elles sont fréquentes
chez les enfants et rares chez les vieillards, chez qui elles peuvent dégénérer également en cornes ou en
épithélioma.
Notons, en outre, que, de même que nous avons vu
les végé¬
tations sembler plus fréquentes chez les
filles
quechez les
garçons durant les premières
années, de même les
verruesseraient plus fréquentes chez les
jeunes filles pendant l'en¬
fance, suivant Delmas (thèse inspirée par
M. le professeur
Dubreuilh).Influence de la profession.
Tous les auteurs notent que les végétations se
rencontrent
plus souvent dans la basse classe, où la
malpropreté
esthabi¬
tuelle. Sans nier de parti pris cette cause, nous avons remar¬
quéque lesprostituées, chez qui les
papillomes
sontfréquents,
etles pédérastes, chez qui ils sont
habituels,
sontordinaire¬
ment habitués à pratiquer des lavages
minutieux de leurs
organes génitaux, et qu'en outre il
n'est
pas rared'observer
de semblables productions chez des
individus auxquels
onne peut faire semblable reproche. Ce qui est
plus vraisem¬
blable, c'est que les végétations
semblent
augmenterde viru¬
lence, sont en un mot plus luxuriantes
chez les individus qui
neprennent aucunsoin habituel de propreté.
Il en est de même des verrues, qu'on observe
aussi bien
chez les individus qui se livrent à des travaux
manuels
quechez ceuxqui professent une carrière
libérale.
2
CHAPITRE II
Causes déterminantes.
Causes mécaniques.
cLe consciencieux Cullerier l'Ancien » cite une observa¬
tion typique que Diday rapporte et à laquelle nous nous ferions un scrupule de changer un mot :
« Une jeune personne n'a couru aucun danger, elle est
même encore vierge, mais elle remplace des jouissances qui
luisont interdites par des titillations supplémentaires. Ce sont
ces titillations trop vives qui donnent lieu au développement
vasculaire. »
Diday ajoute que « les végétations ont pour siège le
plus
fréquent une région muqueuse exposée aux frottements etavec contact habituel de deux membranes semblables». Elles s'y développent le plus souvent après l'action d'une cause
qui
a irrité directement le point qui va en devenir le siège ou déterminé indirectement un afflux sanguin habituel vers
l'organe. Voilà pourquoi elles sont plus fréquentes
chez les
individus qui usent du coït que chez ceux qui n'ontpas eu
de
rapports sexuels.
C'est également pour cetteraison queles végétations
sont si
communes chezles pédérastes. Cette remarque date
des sati¬
riques latins, qui font des végétations anales la marque
dis-
tinctive de ces pratiques honteuses. A ce propos, un
fait à
retenir, c'est que Ducrey et Oro, qui ont eu l'occasion
d'exa¬
miner plusieurs ménages, ont toujours rencontré des
végéta¬
tions aussi bien chez le sujet actif que chez le
passif Us
prétendent que
l'un des sujets
adû contaminer l'autre.
Nous nous demandons s'il y a eu vraiment contagion et si la
causemécanique qui est ici en jeu n'est point suffisantepour expliquer la genèse de ces
productions.
Il est vrai que Wilhem Petters, dans deux séries
d'expé¬
riences, neput arriver àprovoquer expérimentalement l'appa¬
rition des crêtes de coq par simple irritation. Il est utile
de
«signaler que chez quatre sujets observés par W. Petters,
qui
sécrétaient abondamment, des irritations et des dénudations
des parties limitées du vagin ne produisirent aucune hyper- plasie papillaire ».
Mais faut-il s'étonner de l'insuccès des tentatives expéri¬
mentales, et cet échec peut-il être invoqué contre
l'influence
étiologique de ces causes irritatives? Nous ne le pensons pas:cesphénomènes d'inflammationsont extrêmement complexes,
etsi les causes qui les provoquent sont banales, ils représen¬
tent la mise en jeu de processus cellulaires multiples dontle
déterminisme nous échappe. En outre, il faut remarquer qu'il n'ya pas dans l'expérimentation une durée de temps compa¬
rable à celle qui est nécessaire au développement des néo- plasiesaux dépens deces inflammations chroniques.En outre,
il importe de distinguer entre le traumatisme brusque, mais temporaire, et l'action persistante, continue, de certaines irri¬
tations.
Les mêmes causesmécaniques ont été revendiquées comme
jouant unrôle important dans la genèse desverrues.
Winiwarter croit que les traumatismes, les écorchures peu¬
ventdéterminer le développement desverrues.
Paul Yogt pense que la plupart des verrues sont dues à un
traumatisme,
sans qu'il soit nécessaire d'admettre une causespécifique.
Schaal croit avoir trouvé l'étiologie de la verrue dans le fait
suivant :
((Il y a quelque temps, il brisa un tube de verre
dans
ses mainsennombreuxpetitséclats; il éprouvaune petitedouleur
surle côté de flexion, mais n'y fit aucune attention. Huit jours
après, il se produisit en ce pointresté douloureux une verrue
qu'il brûla avec la potasse caustique. Quand l'eschare fut
tombée, il voulut extirper ce qui restait; mais le bistouri se
buta à un objet dur. Il trouva deux petits éclats de verrequi, d'après lui, ont provoquéune irritation mécanique des papilles
et produit ainsi la verrue. »
Causes chimiques.
Après les excitations mécaniques, nous placerons les causes
chimiques.
La littérature médicale nousfournitquelquesrares exemples
de végétations provoquées par des produits chimiques.
Telles sont les quatre observations des Drs Léon Dervilleet
Guermonprez, de papillomes des organes génitaux chez les
raffineurs de pétrole.
Telle, également, une observation de Mackenzie, où le
facteur étiologique serait la créosote.
Mais ces papillomes nesont pascomparablesaux végétations bénignes. Ils dégénèrent au bout d'un temps plus ou moins long en néoplasie maligne et doivent être regardés commede
véritables épithéliomas qui peuvent être rapprochés, comme étiologie, de l'épithélioma des ramoneurs.
Une observation, publiée par Diday, chez un homme
de
soixante-huit ans qui. à la suite d'aspirations de vapeurs chlorhydriques, avait vu se développer sur le côté droit
de
la langue une végétation du volume d'un grain de chanvre,
absolument comparable aux végétations du gland, doit
égale¬
ment être réservée, vu l'âge du sujet.
Aussiest-ce avec une certaine hésitation que nous
publions
l'observation suivante, où les papillomes pourraient recon¬
naître comme causes l'irritation prolongée due à un caus¬
tique.
Service du dr LA.UGA.(Hôpital Saint-Jean).
Léontine A..., domestique, vingt-trois ans, est envoyée à
l'hôpital
Saint-Jean pour métrite. À... est d'une bonne constitution, un peu
anémiée, nerveuse. Réglée àtreizeans,
bien réglée. On aperçoit,
surle
pourtour de la vulve,
cinq végétations pédiculées, petites et isolées.
LéontineA... est porteurde deux verrues sur
l'index de la main droite.
Pasdegrossesse.
Le col utérin est tuméfié et présente quelques légères
excoriations.
Écoulement peu abondant. L'examen
bactériologique n'est
pasfait.
Il n'y apas d'urétriteconcomitante.
Ondilateavecles bougiesd'Hegar, eton fait un
attouchement intra-
ulérin avec un tampon monté, imbibé d'une
solution de chlorure de
zinc à 50/100 tous les trois jours. Le col est légèrement
scarifié et
touchétouslesjoursavec une solution iodoiodurée.
Trente-cinq jours après l'entrée de la malade à
l'hôpital,
onaperçoit
nettementsur le pourtour du col, formant un arcde
cercle, des végéta¬
tions à grains agglomérés, presques cornées et
grisâtres, analogues
commeaspect aux papillomes que l'on rencontre
chez l'homme
surle
pourtourdu méat urinaire.
Excision d'unepartie. Examen histologique sommaire.
On supprime les cautérisations, et la malade sort
neuf jours après.
Lestumeursdu col nesemblent pasavoir augmentédevolume.
Examen histologique. — Pièces colorées au
picro-carmin et à
l'hématoxyline alunée. La couche épithéliale est plus épaisse que nor¬
malement, il y a de l'éléidine par places. La couche de
Malpighi est
très augmentée de volume, à cellules irrégulièrement
polygonales. Le
dermeesttrèsvascularisé.
L'irritation causée par le chlorure
de zinc est-elle la
causeinitiative qui a produit les
végétations?
La question est douteuse, car nombreux sont
les sujets
traités de la même manière, et jamais fait
semblable n'a été
observé.
Quoique la malade n'eût pas d'urétrite
concomitante,
nouspouvons supposer quelamétrite était
d'origine blennorragique
etqueles papillomes pourraientreconnaître commecause
l'ir¬
ritation provoquée parlessécrétions
pathologiques de l'utérus.
Nouspouvons également nous
demander s'il n'y
a pas eu contagion par le spéculum. Lespéculum pouvait très bien
avoirfrotté les végétations du pourtour
de la vulve avant de
sappliquer sur le museau de tanche. Or, justement,
le lieu
dimplantation des végétations utérines
était l'endroit où le
spéculum venait appuyer.
22
Influence des sécrétions irritantes.
Nous avons déjà dit,en parlant de laprofession de* individus affectés, que la malproprété, le smegma, la sueur, ne parais¬
saient à notre avis n'avoir qu'une influence relative sur la
genèse des crêtes de coq. Il nous reste à examiner le rôle des sécrétions pathologiques.
Ilestunfait de constatation couranteque ce quetouslesméde¬
cins, depuis B. Bell, constatent dansleur pratiquejournalière,
c'est la fréquence des crêtes de coq à la suite des maladies vénériennes et surtout de la blennorragie. De là à faire de
ces maladies ou plutôt de leurs sécrétions irritantes lacause
efficiente des néoplasies, il n'y avait qu'un pas.
Bazin, qui est uniciste et qui considère la blennorragie
comme un accident primitif de la vérole, veut que pour pro¬
duire les végétations il y ait« un contagium spécifique ».
Pour Edmond Lesser, la présence d'un papillome peut, à
coup sûr, dénoncer une affection blennorragique antérieure.
PourDuhring, « le condylome pointu a sa causela plus fré¬
quente dans la sécrétion irritante d'un mal vénérien et notam¬
ment d'une
blennorragie.
»PourKaposi,« lesvégétations doivent leur apparition à l'irri¬
tation produite parun écoulement blennorragique. »
Besnier et Doyen, dont nous avons déjà cité les opinions,
affirment nettement la nature vénérienne des végétations.
Cullerier, Rollet, Diday, Wharton, Pinguaud,sansconsidérer
les végétations comme exclusivement vénériennes, recon¬
naissent que presque toujours elles sont provoquées par
l'irri¬
tation d'un liquide pathologiquevénérien.
Enfin Mann, cité par J. W. Taylor, aurait trouvé desgono¬
coques dans lessécrétionsetmême dansle tissu desvégétations.
J. W. Taylor ajoute qu'il est probable qu'il faut une action prolongée dupus
blennorragique
pourproduire lesvégétations.Ces auteurs oublient que la blennorragie est peut-être,
de
toutes les maladies, la plus commune, et qu'il est
facile de
trouverdans les antécédents de tous
les malades
uneblennor¬
ragie; de
plus,
tousles blennorragiques n'ont pas de crêtes
de coq. Enfin on a
trouvé des crêtes de coq chez des gens
vierges, n'ayant
jamais
eude rapports sexuels. Les diverses
observations que nous avons
citées chez des enfants jeunes, les
observations de végétations chez des
femmes enceintes dont la
conduite ne peut être suspectée, sont
possibles d'après les
partisans de cette
manière de voir de critiques. A l'époque où
les plus anciennes de ces
observations ont été prises, on ne
connaissait pas encore la
vulvo-vaginite des petites filles. De
plus, l'examen de la
famille n'a jamais été fait
aucomplet
dans lesobservations récentes.
Voiciune observation personnelle qui nous
permet de nier
l'influence de maladies vénériennes comme cause nécessaire et
suffisante dans laproductionde
végétations des
organesgénitaux:
HenriX..., étudiantenmédecine, vingt-six ans,
arthritique. Le sujet
estporteurd'un sycosis du sillon naso-labial droit
qui résiste à toutes
les médicationsdepuis deux ans. Il nie formellement
avoir jamais
eula
moindre maladievénérienne, que la pudeur, qui d'ordinaire
retient tant
d'individus, ne l'empêcherait point d'avouer. Il y a
treize
ans,il
serappelleavoireu de nombreusesverruesde la face
palmaire des doigts?
quifurent exciséeset brûlées à diverses reprises au nitrate. Deux ans après, il eut plusieurs bouquets de verrues aux mêmes
endroits, qui
furent guéries par suggestion, un pharmacien lui ayant
conseillé de
mettre touslesjours, pendant quinze jours, et à jeun, une
goutte d'un
liquide coloré et non corrosif sur la plus grosse des verrues.
Actuelle¬
ment, il a une verrue au cuir chevelu au niveau du (}, verrue
qui
disparaîtet revientsans cause apparente à un intervalle
plus
oumoins
éloigné. Cette verrue,qui date de trois ou quatreans, a
été écorchée
plusieurs fois par le coiffeur sans qu'aucune autre
soit
apparue.Cette
verrueestenviron de la grosseur d'unelentille.
ilestporteurde deux petitesvégétations, crêtesde coq
de 4 à 5 milli¬
mètres delongueurenviron, séparées l'une de l'autre par un
intervalle
de 1centimètre, et situées dans le sillon
balano-préputial,
auxenvirons
du frein. Elles datent de trois semaines environ. Excision avec les ciseaux; pas de récidive.
An'yapasde balanite, pas d'herpès, pas d'écoulement
apparent,
pasdefilaments dans l'urine.
Quatre mois après (novembre 1900), Henri
X... contracte
une_ 24 —
bleanorragie. Les phénomènes aigus passés, on érode la faceinterne du prépuce et l'on y place à demeure un tampon de ouate stérilisée imbibé de pus urétral (gonocoques nombreux) pendant quatrejours.
Il se produit de labalano-posthite qui force à interrompre l'expérience.
Lablennorragie est guérie en trois mois. Henri X..., revu ces jours derniers, neprésenteaucuneproduction hyperplasique.
Cette observation nous paraît intéressante pour plusieurs
raisons :
1° Le sujet est manifestement un bonterrain pour les affec¬
tions cutanées : on trouve chez lui réunies des végétations,
des verrues des mains, une verrue ducuirchevelu, du sycosis;
2° Chez lui, les végétations se sontproduites sansmaladie vénérienne antérieure ou concomitante ;
3° Même chez un « diathésique », le pus blennorragique n'a
pas été suffisant pour provoquer l'apparition de nouveaux
papillomes;
4° Enfin, cette observation est intéressante par la guérison
par suggestion de certaines verrues des mains, et par cette
verrue du cuir chevelu qui guérit spontanément, reparaîtsans
cause apparente, et qui en toutcas nepeut reconnaîtrecomme
causel'irritation d'un liquide vénérien.
Nous ne ferons que citer lachancrelle et l'herpès récidivant,
les papillomes survenant après ces affections étant rarement observés.
Comme on le voit par les pages qui précèdent, toutes les
raisons qu'ont données les auteurs peuvent expliquer chacune
des cas en particulier, mais aucune n'est absolue : on ne les
rencontre pas fatalement à l'étiologie de tous les papillomes.
Leur diversité nefait que confirmer qu'elles ne font quecréer
un terrain ou une prédisposition.
Il faudrait alors admettre de toute nécessité: ou unecause infectieuse spécifique, ou une prédisposition spéciale de cer¬
tains organismes à produire des papillomes, comme d'autres produisent des cancers. Il y aurait un terrain papillomateux,
comme il existerait un terrain cancéreux.
Nous allons examiner ces deux hypothèses.
CHAPITRE III
De la nature
parasitaire du papillome.
Pour démontrer la nature parasitaire d'une
lésion, il faut
plusieurs ordres de preuve : Des preuves cliniques; Des preuves expérimentales;
Les preuvestirées de la constatation
dans la néoplasie d'un
parasiteconstant;
Enfin pouvoir cultiver etreproduire, par
inoculation de
ces cultures, la néoplasie.Preuves cliniques. — Au point de vue purement
clinique,
lesvégétations paraissent être contagieuses,
contrairement à
l'opinionaccréditée par les anciens auteurs.
L'opinion du public, qui estfaite
d'observation et qui n'est
pas à dédaigner, quand il s'agit de
simple observation, est
toute en faveur de la contagion.
Nous devons examiner la contagion chez un
individu déjà
porteur de semblables lésions, et la contagion d'un
individu
sain parun individumalade.
Auto-contagion.
—L'auto-contagion ne faitplus de doute
pour personne, depuis l'expérience
célèbre de Yelpeau,
en 1852, qui put reproduire sur un point
similaire du gland
unevégétation du prépuce, enmaintenant de
force
cesorganesencontactpendant quelques jours.
Aubert présenteen 1884à la Société médicale