FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNEE 1901-1902 No 97
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
DES
DD CARPE
(ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE)
ilif.Si; J'OUI! LKDOCTORAT UN MEDECINE
présentée et soutenuepubliquement le '^9 Juillet 1902
Pierre-Antoine-Gabriel MOURGUES
Né àHautefage(Lot-el-Garonne),le 28 mai 1876.
MAI. DEMONS, professeur.... Président.
examinateurs de la Thèse PJECHAUD, professeur....
POUSSON, agrégé luges.
CHAVANNAZ, agrégé \
Ie Candid; t répondra aux questicus qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
HOUUEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
11, litK PoQUBLlN-MOLlÈltS, 17
1902
►
FACULTK DE
MÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXM. de NABI AS Doyen. | M. PITRES.
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o
* l LeSecrétairede la Faculté: LEMAIRE.
Pardélibérationdu 5 août1819, la Facultéaarrêtéqueles opinions émises dans les Thèsesqui
sont présentées doivent être considérées comme propres àleursauteurs, et qu'elle n'entend leur donner ni approbation ni improbation.
*
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur DEMONS
Professeur de Clinique chirurgicale à la Faculté de Médecine de Bordeaux, Officier de la Légion d'honneur.
Officier de l'Instruction publique,
Membrecorrespondant del'Académie deMédecine,
Membrecorrespondant dela Société de chirurgie deParis,
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
DES
FRACTURES DU CARPE
(ETUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE)
INTRODUCTION
Vers la fin de nos études médicales, nous eûmes l'occasion d'examiner avec M. le Dr Rocher deux cas de fracture du carpe dont le diagnostic probable cliniquement fut confirmé par la radiographie A lamêmeépoque,nouseûmesconnaissance d'une
communication qu'il fit à la Société d'Anatomie sur un cas de
fracture du scaphoïde découverte à l'autopsie. C'est sous son
inspiration que nous avons entrepris l'étude des fractures du
carpe.
Nous n'avons pas la prétention, dans ce travail que nous sou¬
mettons à l'examen et à l'indulgence de nosjuges, de faire un
exposé complet des fractures du carpe avec leur pathogénie,
leur symptomatologie et leur traitement; cette tâcheserait trop
— 12 —
lourde pour nous etnous n'avons l'intentionde faire quel'étude anatomo-pathologique de ces lésions.
Cette question est loin d'êtreconnue, et c'estpour cette raison
que nous aurons recours, dans notre documentation, aux diffé¬
rentes littératures française, anglaise, allemande et américaine.
Nous sommes heureux aujourd'hui de profiter de l'occasion qui nous est offerte pour remercier nos Maîtres de la Faculté et des Hôpitaux et en particulierM. le professeur Démons d'avoir
bien voulu nous faire le grandhonneurd'accepterla présidence
de notre thèse. MM. les professeurs Pousson, Chavannaz, Bour¬
sier, Picot, Moussous ont droit à la plus grande part de notre reconnaissance. Nousavons trouvé en eux des maîtres bienveil¬
lants et dévoués; c'est à leurs bonnes leçons que nous devons
les connaissances de chirurgie et de médecine que nous possé¬
dons.
Nous adressons à M. le professeur Bergonié l'expression de
notre gratitude pour l'amabilité avec laquelle il a mis à notre
disposition les radiographies des malades de sa clinique. Nous
avons pu étudier à son laboratoire, au moyen de l'écran de radioscopie, différents mouvements physiologiques du poignet
et l'effet de ces mêmes mouvements dans certains cas de frac¬
ture du carpe. Nos constatations viennent confirmer celles de Cousin [De l'emploi de la radiographie dans les lésions trauma-
tiques dupoignet. Thèse, Lyon, 1898).
Nous devons à l'obligeance de M. le Dr Bivière plusieurs radiographies qui présentent le plus grand intérêt au point de
vue de l'étude des fractures du carpe. Nous le remercions très sincèrement.
L'idée première de notre sujet nous a été inspirée par notre sympathique ami le docteur Rocher, chef de clinique chirurgi¬
cale, qui a mis à notre disposition tous les documents cliniques
et bibliographiques qu'il possédait sur la question. Il nous a communiqué sept observations inédites où nous avons recueilli les renseignements nécessaires à l'étude de la fracture qui y était consignée. Nous rapportons dans chacune de ces observa¬
tions les considérations radioscopiques qui y sont formulées et
nous-même, avons eu souvent l'occasion d'étudier avec lui aux rayons Rœtgen et au point de vue clinique plusieurs de ces cas de fracture, certainsune ou deux années aprèsl'accident.
Nous le remercions vivementde sa sincère amitié qui ne s'est jamais démentie et nous garderons un précieux souvenir des
années que nous avons passéesavec lui alors qu'il était l'interne
de M. le professeur Démons et de M. le Dr Bouvet.
Nous diviserons notre étude en quatre chapitres :
Le premier seraconsacré à Yhistorique de la question.
Dans le second nous ferons un aperçu sur l'anatomie chirur¬
gicale et laphysiologie du poignet.
Le troisième sera réservé aux cinquante-quatre observations
que nous rapportons, dont huit sont basées sur des constata¬
tions nécropsiques, trente-neuf sur des constatations radio- graphiques et sept dont le diagnostic fut édifié cliniquement et
ne fut pas confirmé par la radiographie.
Dans le quatrième chapitre nous traiterons les points sui¬
vants :
a) Utilité et nécessité de la radiographie;
h) Etude anatomo-pathologique des fractures du scaphoïcle.
semi-lunaire, pyramidal, pisiforme, trapèze, trapézoïde etgrand
os.
c) Etude expérimentale des fractures du carpe.
Enfin, en dernier lieu, nous conclurons.
CHAPITRE PREMIER
Historique.
La radiographie est venue renouvelerdanscesdernierstemps
l'anatomie pathologique des fractures et des luxations; elle a permis surtout d'étudier, celle des fractures des extrémités à tel
point qu'on pourraitdiviser l'histoire de celles-ci en deux pério¬
des : avant et après la découverte des rayons X.
Laradiographie indique le nombre des fragments, leur forme,
leur position, leur déplacement, renseignements que ne pour¬
rait fournir la clinique pour des os aussi petits que ceux du
carpe. Il ne faut pas cacher aussi que' ces fractures sont d'une certaine rareté. Ce dernier fait est peut-être une des cau¬
ses pour lesquelles leur étude estrestée en retard sur celle des autresfractures.
L'exposé succinct des différentes idées que se sont faites les chirurgiens surl'existence oulapossibilitédepareilles fractures
nous démontre combien encore cette question était ignorée jusqu'au travaux de Delbecq, Pannier, Destot, Cousin, Gallois,
Ilôfliger, Ross et Wilbert, etc.
Ambroise Paré écrit, dans son chapitre des fractures des os de la main : « les os du carpe et du métacarpe sont quelque¬
fois rompus et cassés, le callus se fait aisément ».
Johannès de Gorter pense que ces fractures sont graves et
que l'ankylose est fréquente.
Ravaton, Manne, Petit, Radel, Rover et Vitet, pensent cpie
ces fractures sonttrès rares et envisagent surtout les fractures
compliquées du poignet. Savary et Richeraut nient même la
possibilité des fractures des os du carpe par cause indirecte.
Cloquet, le premier, donne des examens nécropsiques de ces fractures.
Dupuytren dit que le diagnostic de fracture et de luxation des
os qui composentle poignet et l'avant-bras est souvent difficile (,Journal de médecine etde chirurgie pratiques).
D'après Bégin (1824), les os du carpe ne sont le siège que d'écrasements plus ou moins considérables.
Citons en passant les observations probantes de Peste (1843)
et de Guibout (1847) dans le Bulletin de la Société cinatomique, qui ont rapport à des fractures de plusieurs os du carpe et que
nous rapportons résumées dans notre travail.
Jarjavay soutient dans sa thèse que le scaphoïde peut être
fracturé à la suite d'une chute sur la main.
La première observation de fracture des os du carpe par
cause indirecte diagnostiquée sur un sujet vivant, est due à Robert. Mais dans celle-ci on ne sait vraiment quel os incrimi¬
ner.
Malgaigne admet la production de ces fractures par cause
indirecte. Fabre et Vidal de Cassis ne les conçoivent pas sans
plaie. Follin prétend que la fracture du carpe est sans impor¬
tance.
Nélaton écrit que ces fractures sont souvent méconnues pen¬
dant la vie.
Polaillon, dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, donne un exposéde la question.
John Packard(Encyclopédie internationale de chirurgie)envi¬
sagela fracture des os du carpe comme une complication de la
fracture de Fextrémité inférieure du radius.
Blum, en 1882, dans sa Chirurgie de la main, prétend que ces fractures sont très rares et ne surviennent qu'à la suite d'une
violence considérable. La fracturé est alors peu importante, les
désordres des parties molles donnent à la plaie toutesa gravité.
Quelquefois,cependant, on peut rencontrer ces fractures àl'état simple etalors, les fragments étant retenus par les ligaments,
elles passentinaperçues.
Debecq a fouillé la littérature médicale anglaiseet allemande
— 16 —
jusqu'en 1887, il n'a trouvé aucun document important sauf l'observation nécropsique de FlowerdansA System of surgery.
Dans sa thèse (1887), il étudie d'une façon aussi complète que
possible les fractures des os du carpe et il y rapporte trois
observations dont le diagnostic fut édifié cliniquement et trois observations nécropsiques. Malgré l'importance de son travail, on comprend combien son œuvre est incomplète quand
il dit : « Jarjavay a rencontré un cas dans lequel une fracture
du scaphoïde avait été produite par une chute sur la paume de
la main. C'est là un cas tout à fait spécial et c'est le seul que
nous ayons rencontré dans nos recherches ».
Edouard Albert, dans son Traité de chirurgie clinique et de
médecine opératoire (traduction française de Broca, 1893), pré¬
tend que les fractures du squelette de la main sont rares et de peu d'importance pratique. Les fractures du carpe ne peuvent
être diagnostiquées qu'exceptionnellement et quand le déplace¬
ment des fragments est très grand.
Nous avons consulté plusieurs atlas de radiographie, notam¬
ment ceux de Donald et de Mackintock; nous n'avons trouvé
aucun exemple de fracture du carpe.
Tillaux, dans son Traité de chirurgie clinique, ne fait aucune allusion aux fractures des os du carpe. « Les chutes sur la face dorsale de la main exposent auxluxations ducarpe plutôt qu'aux
fractures ».
La thèse de Pannier (1896) est une excellente étude de diag¬
nostic et de traitement des fractures des os du carpe. Au point
de vue anatomo-pathologique cependant, son étude semble s'écarter notablement des idées et des notions que nous expose¬
rons. Pour lui, la fracture que l'on rencontre le plus ordinaire¬
ment est la fracture du grand ossiégeant au niveau du col.
Cependant il prétend que l'on peut observer la coïncidence de la fracture du radius avec celle du scaphoïde.
Rieffcl, dans le Traité de Le Dentuet Delbet(1896), Ricard et Demoulin (1897), dansle Traité de Duplay et Reclus, rapportent plusieurs cas de fractures du carpe. Ils font remarquer que ces fractures sontextrêmement rares et que leur symptomatologie
est si obscure qu'elles sont confondues avec les contusions et les entorses graves du poignet. L'anatomie pathologique n'est exposée que d'une façon incomplète.
Cousin, dans sathèse de1897, étudie, grâce àlaradiographie,
les lésions traumatiques du poignet. « La fracture seule des os du poignet siège presque toujours sur le scaphoïde... Les frac¬
tures des os du poignet sont souvent concomitantes aux frac¬
tures de l'extrémité inférieure du radius, qui n'est que le stade
ultime ».
Gallois, dans sa thèse sur la fracture de l'extrémité inférieure du radius (1898), met en évidence le rôle ducarpe dans lafrac¬
ture du radius; il rapporte deux cas de fractures du radius accompagnées de fractures du scaphoïde et fait une excellente
étude physiologique des mouvements des différents os du carpe
au moyen des rayons X.
Halmiton connaît peu les fractures simples des os du carpe.
Il envisagesurtout les fractures compliquées.
Helferich et Delhet, dans Y Atlas manuel des fractures, consi¬
dèrent surtout les fracturesaccompagnéesde déchirures étendues
des parties molles.
Forgue, dans son Traité de thérapeutique chirurgicale, garde
le silence absolu sur les fractures des os du carpe.
Bouilly, dans le Manuel de pathologie externe, t. IV, dit :
« Les fractures des os du carpe appartiennent à l'histoire des
écrasements et des plaies de la main et ne sauraient motiver
une description isolée ».
Oberst (1901) dans son atlas des fractures et des luxations, rapporte plusieurs cas de fracture des os du carpe avec radio¬
graphies.
Gunther, Linhapt, Schuller, Hoffa, estimentque les fractures
des os du carpe sont cependant plus fréquentes qu'on ne l'a prétendu.
Bardenheuer estime qu'elles ne sont pas rares chez les gens
âgés.
Ilofliger [Corresportdenz-Blatt, XXXI, 15 mai 1901) rapporte plusieurs cas de fracture des os du carpe et faitune étude assez
Mourgues 2
complète de la fracture du scaphoïdc. D'après lui, lesosle plus
souvent atteints sont le scapboïde et le semi-lunaire.
Ross et Wilbert [The Pli. med13 oct. 1900) étudient le
mécanisme des fractures dupoignet,notamment celles ducarpe.
Ussont,avecHofliger, ceuxquiontle mieuxenvisagé la question
à ses différents points de vue, étiologie, symptomatologie et
traitement.
Enfin, citons les communications récentes de Gagnières et Abadie, de Forgue, de Dujon, de Destot, de Stokes et de Cal- lender.
CHAPITRE II
Aperçu surl'anatomie chirurgicale et la physiologie
du poignet.
La région carpienne doit sa solidité et sa
résistance
à la mul¬tiplicité et à la petitesse des segments osseux
qui la
composentet à leur union intime au moyen de ligaments serrés. Les
traumatismes qui agissentsur elle amènent le
plus
souventdes
tiraillements, des déchirures, des arrachements de parcelles
osseusesquidéterminent lecomplexus
symptomatique dénommé
entorse. Que la force soit plus violente, que sa direction se porte avec plus d'intensité sur un des points du
massif carpien
ou se transmette aux différents segments osseux qui constituent
le squelette du membre supérieur, et nous aurons
l'explication
des différentes lésions qui peuvent provenir d'une chute sur la
main.
Nous n'avons pas à étudier ici la
pathogénie
etle mécanisme
des fractures du membre supérieur, pas plus qu'à discuter les
raisons qui font qu'une chute sur la paume
de la main entraîne
dans un cas une fracture de l'extrémité inférieure du radius,
dans l'autre une fracturedu scaphoïde; cesserait sortir du cadre
de notre sujet. Nous voulons seulement expliquer par
quelques
considérations anatomiques etphysiologiques,
la prédisposition
aux fractures que présentent certains os
du
carpe comme le scaphoïde et le grand os.Le squelette du poignet
comprend, d'une part, l'extrémité
inférieure des os de lavant-bras,radius et cubitus, d'autre part,
les os du carpe. Ces os sont plus ou
moins solidaires dans les
traumatismes qui peuvent les atteindre,
de
sortequ'on
peut— 20 —
rencontrer soit une fracture isolée d'un os du carpe, soit une fracture carpienne combinée à celle des os de l'avant-bras ou
même du métacarpe.
L'extrémité inférieuredu radiusest aplatie d'avant en arrière et allongée transversalement; elle affecte une forme prismati¬
que triangulaire etsetermine à sapartie externe par l'apophyse styloïde. Celle-ci est unie au carpeau moyen de fibres ligamen¬
teuses très volumineuses qui constituent le ligament latéral
externe. Ce ligament se fixe au scaphoïde en dehors du revête¬
ment cartilagineux. Cette connexion de l'apophyse styloïde du
radius et du scaphoïde explique la possibilité de lésions conco¬
mitantes et les observations que nous rapportons dans notre travail, les schémas
radiographiques
qui y sont adjoints, font foi de l'existence de fractures simultanées de ces deux os. Nousne cherchons pas à déterminer par quel mécanisme se produit
la fracture de cette apophyse; y a-t-il arrachement, comme le prouve l'expérimentation, parun mouvement forcé d'adduction de la mainsur l'avant-bras ; y a t-il, au contraire, par un mou¬
vement d'abduclion forcé, un éclatement de cette apophyse qui
viendrait en même temps fracturer à la manière d'un coin le
scaphoïde à sa partie rétrécie ? Nous ne faisons qu'indiquer ces
pathogénies qui peuvent se rencontrer toutes deux dans des
cas différents suivant la position du poignet au moment du traumatisme.
Il est très difficile d'expliquerexclusivement par le coefficient
de résistancedes os,la pathogénie etlafréquence des différentes fractures du poignet. Comment expliquer, en effet, que dans la plupart descas, l'extrémité inférieure du radiuset son
apophyse styloïde se fracturentsans lésiondu carpe etque, dans d'autres,
très rares proportionnellement, le scaphoïde seul soit intéressé par le traumatisme? Le mécanisme de la fractureimplique la part prépondérante que prend l'apophyse styloïde en agissant
à la manière d'un coin sur la portion rétrécie du col du sca¬
phoïde. Il y a là une question d'application de forces, différen¬
tes dans tel ou tel cas sur laquelle nous ne pouvons insister
dans notre étude anatomo-pathologique.
— 21 —
L'extrémité inférieure du cubitus comprend deux parties :
la
tête et l'apophyse
styloïde. A l'inverse du radius qui, lui,
semet
en rapportdirect avec
le condyle carpien et notamment
avecles
deux os externes de la première rangée
(scaphoïde
etsenii-
lunaire), le cubitus en estséparé
parle ligament triangulaire.
Sur l'apophyse
styloïde
ducubitus et
à sabase vient s'insérer
le ligament latéral interne
qui vient
sefixer intérieurement
surle pyramidal et le
pisiforme. 11 n'est
pasbesoin d'insister long¬
temps sur le mécanisme
de l'arrachement de l'apophyse sty¬
loïde cubitale coïncidant avec une fracture du scaphoïde et se
produisant dans un
mouvement forcé d'abduction. Nous n'avons
point noté de fracture
plus haute de l'extrémité inférieure du
cubitus existant avec une fracture du carpe.
Le carpe osseux est
constitué
pardeux rangées transversales
d'os. La première
comprend le scaphoïde, le semi-lunaire, le
pyramidal et le
pisiforme. De
ces os, unseul est important à
étudier au point de vue de
l'anatomie" chirurgicale, c'est le
sca¬phoïde, dontla lésion résumepresque
toute l'histoire des fractu¬
res du carpe. La grande fréquence avec
laquelle
onle constate
intéressécomparativement à la rareté
des fractures des autres
os, nous oblige à l'étudier spécialement et à
déterminer d'une
façon précise le point de
faible résistance où
passele trait de
fracture dans presque la totalité
des
cas.Le scaphoïde, de forme allongée, est
l'os le plus externe delà
première rangée. 11 est incurvé en
virgule et cet aspect est tout
àfaitcaractéristique lorsqu'on le
regarde
enplace et
par saface
palmaire. Les anciens
anatomistes lui ont donné
son nomà
cause de sa forme en nacelle. Il offre une face supérieure ou mieux supéro-externe qui
s'articule
avecle radius,
uneface
inférieure pour le trapèze et le
trapézoïde,
uneface interne
pourle semi-lunaire et la tête du grand os. On lui décrit une face
non articulaire externe qui est constituée par un
tubercule
saillant en dehors et en avant. Du côté dorsal, à l'union de
la face externe et de la face supérieure, se trouve une gouttière
transversale qui répond à la
gouttière de l'artère radiale (Poi¬
rier). C'est en ce point échancré
de l'os
querépond la pointe de
22
l'apophysestyloïdeduradius etc'estsurcetétranglementantéro- postérieur que s'amorce le plus souvent le trait de fracture. Sur des radiographies, on voit d'une façon très manifeste le trait de fracture correspondre à cette encoche normale de l'os.
Examinons maintenant sa faceinterne quiest fortement exca-
vée. Le sommet de la convexité est en moyenne à 2 ou 3 milli¬
mètres de l'espace articulaire scaphoïdo-lunaire. C'est le point qui, logiquement, paraît lemoins résistant à touteforce qui agira
sur cet os soit pourexagérersa courbure, soit pourla diminuer.
Donc il y aurait là, sur la face interne de l'os, un point de fai¬
ble résistance; et ces considérations sont confirmées par la cli¬
nique.
Les observations nécropsiques, les examens
radiographiques
et radioscopiques nous montrent que le trait de fracture passe, soit par l'encoche décrite plus haut, soit parce point de faible résistance, soit par les deux. Or, nous pensons que dans les traumatismes du poignet, deux facteurs peuvent intervenir pour fracturer le scaphoïde ; d'une part, l'apophyse styloïde du radius, d'autre part, la tête du grand os. Si ces deux éléments
se combinent, le scaphoïde est saisi entre deux forces opposées,
l'une le poids du corps transmis à
l'apophyse
styloïde, l'autre,force de résistance transmise par la tête du grand os. Il est ainsi pris comme dans un étau et éclate en deux fragments.
Supposons que la main soit fortement portée en adduction, la
force est transmise par la tête du grand oset le trait de fracture apparaît sur la face concave de l'os. Supposons, au contraire,
que la main soit portée en abduction, l'apophyse sty loïde du
radius pénètre dans l'encoche du scaphoïde et amorce un trait de fracture qui part de sa face supérieure.
Sick a montré que l'os scaphoïde, exceptionnellement dans 3 ou 4 p. 100 des cas, au lieu de former une masse unique, se compose de pièces séparées. Ce fait peut conduire à une erreur
d'interprétation dans la lecture d'un cliché
radiographique.
Barbarin rapportait dernièrement à la Société d'Anatomie de Paris (janv. 1900),.unexemple de division duscaphoïde endeux segments. L'explication de ce fait anatomique résulterait de la
— 23 —
présence pour
cet
osde deux points d'ossification comme
le démontrent Rambaud et Renauld.
A
proposd'une telle
cons¬tatation, faisons remarquer
qu'il
aété décrit
auniveau du carpe
de nombreux os surnuméraires.
Cette étude
aété faite
parPfitzner. La seule connaissancede ces
anomalies permettra
auclinicien de ne point
conclure
à unefracture d'un des os du
carpe alors
qu'il n'y
aurasimplement que contusion ou entorse.
Le semi-lunaire formele sommet
du condyle carpien. Cet
os petit etmobile
estrarement intéressé par des fractures; le plus
souvent il se luxe. Ross et Wilbert
ont signalé deux
casdans
lesquelsil
était intéressé; dans l'un il était le siège de fissures,
dans l'autreil était écrasé. Ces
lésions doivent être mises
surle
compte du
grand
os,dont la tête dans les mouvements d'abduc¬
tion vient se mettre directement en
rapport
avecla face infé¬
rieure de l'os et l'écraser contre la
partie inférieure du radius.
Le pyramidal et
le pisiforme sont les deux os les plus internes
de la première rangée
earpienne. Vu leur petit volume et leur
mobilité, oncomprend
qu'ils échappent facilement
auxtrauma-
tismcs; s'ilsseluxent
quelquefois, très rarement ils
sefracturent,
à moins qu'il y ait
traumatisme direct.
Les os de la seconde rangée du carpe sont :
le trapèze, le
trapézoïde,
le grand
oset l'os crochu. Les deux premiers
forment deux petites masses
cubiques s'articulant
enbas avec
les deux premiers
métacarpiens,
enhaut
avecle scaphoïde. Les
traumatismes qui fracturent
le scaphoïde produisent souvent
aussi la subluxation de ces os et la
dislocation de leurs articu¬
lations.
Le grand os est
beaucoup plus important à étudier. 11 est le
plus
volumineux des
osdu carpe; il a une forme cuboïdc et
présente une
portion arrondie
outête séparée de la portion
principale ou corps par une
partie rétrécie ou col. Sa longueur
l'expose aux fractures comme
le scaphoïde. Quoique fortement
enclavé entre ce dernier os, le
semi-lunaire, le trapézoïde, l'os
crochu et le métacarpe, il pourra,
dans certains
cas,soit
seluxer si ses ligaments
d'union cèdent, soit
sefracturer
aupoint
le plus faible,
c'est-à-dire
aucol. La tête du grand os est un
foyer autour duquel rayonnent ou se déplacent presquetous les
os du carpe
(Gallois).
Elle pourra donc se mettre en rapport,selon différentes positions prises par la main, avec le scaphoïde
ou le semi-lunaire et leur transmettre la force qui les trauma¬
tise. Dans les mouvements de flexion, le grand os tend à faire issue sur la face dorsale du poignet; si on exagère cette flexion,
sa tête vient faire une forte saillie et les ligaments dorsaux n'étant pas suffisamment résistants, il se produit une luxation.
Un mécanisme
identique
explique sa fracture et il faut supposer dans ce cas qu'il y a résistance de la part des ligaments qui maintiennent sa tête. Si nous voyons se produire rarement des fractures de cet os, c'est que les chutes sur le dos de la main sont rarès et se font plus souvent, sur la paume, occasionnant ainsi une lésion du scaphoïde ou du radius. Le grandos pourraitencore se fracturer au niveau du col dans un mouvement
d'extension forcée du poignet, comme le démontre l'expé¬
rienceXVIII de Gallois.
Enfin, l'oscrochu estsituéà lapartieinternedecettedeuxième rangée du carpe. Bien qu'il présente sur sa face palmaire une
apophyse aplatie
transversalement,
bien détachée ducorps de
l'os et semblant toute
prédisposée aux fractures, il n'existedans la
bibliographie
médicale aucun exemple de fracture de cet osqui est en effet, recouvert et matelassé par les muscles de l'émi-
nence hypothénar.
CHAPITRE III
Observations.
Danscechapitre, nousrapportons54observationsde fractures
du carpe que nous avons classées, pourla commoditéetla clarté
de l'exposition, en trois catégories :
I. 8 observations de fractures du carpevérifiéesoudécouvertes
à l'autopsie.
II. 39 observations de fractures du carpe diagnostiquées ou contrôlées par les rayonsRœtgenque nous avonsclasséessuivant
leur ordre de fréquence et suivant la complexité des lésions.
A. Fractures du scaphoïde se divisant ainsi : a) Fractures isolées du scaphoïde.
b) Fractures du scaphoïde combinéesà une ou plusieurs
lésions des os de l'avant-bras.
c) Fractures du scaphoïde combinées à d'autres lésions
exclusivement carpiennes (Luxations ou fractures).
R. Fractures des autres os du carpe.
III. 7 observationscliniques de fractures ducarpe noncontrô¬
lées par la radiographie. Ces observations résumées sont tirées
des thèses de PannieretdeDelbecqettranchent,parl'hésitation
du diagnostic, avec la certitude qu'apporte l'application des
rayonsX.
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Observation I (inédite).
Observation faitesurlecadavre, due àl'obligeance de M. le D>'Hocher.
Fracture duscaphoïde.
Il s'agit d'un homme de ans, bien musclé, artério-scléreux,
mort d'embolie pulmonaire. A l'autopsie, M. le Dr Rocher, en
palpant l'interligne articulaire du poignetdroitpourfaire une désar¬
ticulation comme exercice de médecine opératoire, eut son attention attirée par la présence d'une légère tuméfaction siégeantsur la face dorsale et au niveau de la région externe du carpe. Dès qu'il eut incisé les plans superficiels,il s'aperçut qu'il existait làune disposi¬
tion anormale de l'interligne radio-carpien. Il désarticula lecondyle carpien et se trouvaen présence d'un interligne supplémentaire qui
était dûà une fracture du scaphoïde. Ce cas a été l'objet d'une com¬
munication à la Société d'anatomieet de physiologie de Bordeauxet les pièces sont déposéesau musée de la Faculté.
Le scaphoïde est seul intéressé. Le trait de fracture est unique.
Sur la surface articulaire qui correspond au radius, ce trait a une
direction à peu près antéro-postérieure, parallèle aux interlignes
articulaires desos de lapremière rangée carpienne, en forme 5 ita¬
lique trèsallongée. Sur la face articulaire qui correspond à la tête du grand os, le trait affecte, dans sadirection et par rapport aux inter¬
lignesarticulaires desosvoisins, lamême directionantéro-postérieure
et sinueuse; mais tandisqu'il délimite sur la face supérieure de l'os deuxfragments dont l'interne comprend les deux tiers de la surface articulaire radiale, sur la face inférieure ce trait de fracture est
beaucoup plusrapproché de l'interligne scaphoïdo-semi-lunaire, de telle sorte que la surface de section est dirigée de hauten bas et de dehors en dedansvers l'axe de la main. En avant, c'est-à-dire surle bord palmaire de l'os, le trait de fracture prend naissance directe¬
ment sur le col du scaphoïde pour s'en éloigner en arrière et se re¬
porter en dedans, vers l'axe médian du poignet.
Les deux fragments sont complètement séparés l'un de l'autre; il n'existe entr'eux aucune ébauche de soudure osseuse, aucun lien fi-
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breux etil s'est constitué là une pseudarthrose ou plutôt une néar-
throse. Les surfaces en contact, irrégulières, légèrement mamelon¬
nées, s'emboîtent réciproquement et sont recouvertesd'une couche
de cartilage. Cette couche de cartilage est surtout accusée sur les
deux tiers supérieurs de cessurfaces, mais elle est beaucoup moins épaisse que sur les surfaces articulaires normales.
Du côté dorsal et partant de la faceprofonde duligamentd'union,
de fines frangesde tissu fibreux plus ou moins irrégulières s'avan¬
cent à la façon d'un ménisqueentre les deux fragments osseux.
A côté de ces lésions principales, il existe un fragment osseux de
la grosseur d'un petit pois qui semble provenir de la division en Y
du trait de fracture àsa partie postérieure. C'est donc une fracture
à trois fragmentsdontdeux principaux,l'externe le plus volumineux
enrapport par sa face inférieure avec le trapèze etle trapézoïde,
l'interne en rapport avec une petite portion de latêtedu grand oset
dont letroisième, minime,paraîtn'avoiraucunrapportaveclesautres
os et se trouverattaché aux deux autres fragments parles fibres du ligament dorsal du carpe.
A l'extrémité inférieure du radius, au niveau du bord postérieur
de la surface articulaire,on trouveun petit nodule osseux,irrégulier qui ne doit être qu'une parcelle osseuse détachée par arrachement.
Ce fragment estsitué au devant du trait de fracture scapboïdien et
cettelésion paraîtrelever,comme pathogénie,du même traumatisme
quia entraînéla fracturedu scaphoïde. 11 n'y a rien à noter du côté
de l'apophysestyloïde du radius et ducubitus.
11 n'existe aucune trace d'arthrite du poignet, aussi bien dans les
articulations carpiennes que radio-carpiennes, pas de synovite chro¬
nique des tendons extenseurs ou fléchisseurs qui glissent librement
dans leur gaîne; pas d'œdème péri-articulaire, pasd'hydarthrose.
En résumé, cette observation estun type cliniquede fracture iso¬
lée du scaphoïde.
Elle est une découverte d'autopsie et rien ne pouvaitfaire soup¬
çonner cette lésion, car il n'existait pas de déformation du poignet,
de raideur ni d'ankylose, les mouvements, du moins passifs, n'étant
pointlimités.Il est très probable que cette fracture a dûpasser pour
une simple contusion ou une entorse du poignet.