FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1902-1903 i° IO
ÉTU
DE
L'HALLUX YARUS
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
n déc
PAR
Jean-Baptiste-Célestin GIRARD
Né à Cuers (Var) le 9novembre 1879.
ÉLÈVE DU SERVICE DE SANTE DE LA MARINE
MM. PIÉCHAUD, professeur, président.
Examinateurs de laThèse; \ LANELQNGUE, professeur. \ DENECE, agrégé.
J
Juges.BEGOUIN, agrégé.
)
Le Candidatrépondra aux questions qni lui serontfaitessur les diverses parties de l'Enseignementmédieal.
BORDEAUX
imprimerie J. DURAND, 20, rue Condillac
1902
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE B0RDEAD1
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES
professeurs :
Doyen honoraire,
MM. MICE ,
DUPUY Professeurs honoraires.
Moussôùs
Cliniqueinterne.
MM.
PICOT.
PITRES.
r,v ■ , | DEMONS.
Clinique externe
|
LANELONGUE.Pathologie et théra¬
peutique générales. VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecine opératoire.. MASSE.
Cliniqued'accouchements.... LEFOUR.
Auatomiepathologique CO\ NE.
Anatomie GANN1EU.
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
Médecinelégale MORACHE.
Physiquebiologique etélectri¬
cité médicale . Chimie
Histoirenaturelle....
Pharmacie Matièremédicale
Médecineexpérimentale Clinique ophtalmolo¬
gique
Cliniquedes maladieschirur¬
gicales desenfants Cliniquegynécologique Clinique médicale desmaladies
des enfants
Chimie biologique ...
Physique pharmaceutique.
Pathologie exotique..
agrégés en exercice:
section de médecine (Pathologie interne etMédecine
MM.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GU1LLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
P1ÉCHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS DENIGÈS.
SIGALAS LE DANTEC.
légale).
MM. CASSA ET.
SABRAZÈS.
HOBBS.
MM. MONGOUR.
CABANNES.
section de chirurgie et accouchements MM. DENUCÉ.
Pathologie externe.
BEGOUIN.
( F1EUX.
Accouchements.*' •
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Anatomie.
section des sciencesanatomiques etphysiologiques
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cours complémentaires
Clinique des maladies cutanéesetsyphilitiques MM. TN
DUBREUILH
AN TTOCAMClinique desmaladies des voiesunnaires.
Maladies du larynx, desoreilleset dunez Maladies mentales
Pathologie externe Pathologie interne
Accouchements Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologieetminéralogie
LeSecrétaire de laFaculté: lemaire pousson.
moure.
régis. .
denuce.
rondot.
anderodias.
pachon
PRINCETEÉ
LAGRANGE.
GAREES.
Pardélibération du 5 août 1879, là Facultéa arrêté que les opinions émises
clan
•Thèsesquilui sont présentées doivent être considéréescommepropres àleurs
auteu
-quelle n'entend leur donnerni approbation niimprobation.
A MON
PÈRE
ET A MAMÈRE
Bien faible témoignage de ma pro¬
fonde reconnaissance pour tous les sacrifices que vous avezfaitspourmoi.
A TOUS MES PARENTS
THÈSEGIRARD.
1
Au moment de terminer nos études, il nous est un
agréable devoir à remplir, celui de remercier nos maîtres qui, depuis notre entrée dans la vie médicale, nous ont
témoigné quelque intérêt.
Nous n'oublierons jamais MM. les professeurs Pitres, Démons, Moussous, dans les services desquels nous avons
passé, et qui nous ont initié à la pratique médicale.
Nous remercions aussi M. le docteur Cabannes, profes¬
seur agrégé qui, pendant trois ans, n'a cessé d'être pour
nous un ami.
M. le docteur Louis Rocher, chef de clinique chirurgicale
des enfants, a droit à notre reconnaissance; il nous a guidé
dans l'élaboration de notre thèse; nous l'en remercions.
Nous tenons à remercier plus particulièrement M. le pro¬
fesseur Piéchaud dont nous avons assidûment suivi le service pendant trois mois dans le cours de notre dernière année d'études. Nous n'oublierons jamais ses cliniques magistralesni sescauseries toutes de profit au lit du malade
et à la consultation. Il nous tait aujourd'hui l'honneur
daccepter la présidence de notre thèse; nous conserverons de lui un souvenir très reconnaissant.
Introduction et division du
sujet.
Un matin, nous avons vu entrer à la consultation des
maladies chirurgicales des enfants, un garçon d'une quin¬
zaine d'années, s'appuyant sur une canne ; M. le professeur Piéchaud attira notre attention sur l'affection que présentait
ce jeunegarçon ; cette affection était tout à fait inconnue de
nous. 11 s'agissait d'un gros orteil dévié en dedans, que notre
maîtrenous désigna du nom d'Hallux varus.
Cette déviation du gros orteil étant très peu connue, nous
avons pris avec soin l'observation de ce malade, et nous avonsdemandé à M. le professeur Piéchaud si nous ne pou¬
vions faire de cette observation le pointde départ de notre thèse.
Aucun travail d'ensemble n'avait été publié sur ce sujet ; aussi nous nous sommes laissé tenter à l'idée de présenter
un cas inédit d'une affection rare, etde le rapprocher du plus grand nombre d'observations analogues pour en tirer quel¬
ques conclusions intéressantes.
Nous avons parcouru toute la littérature médicale française
et étrangère; le nombre des auteurs qui ont observé cette afféction est assez restreint; ce sont des auteurs allemands et américains. Nous les avons traduits de notre mieux, et
nous avons reproduit leurs rapports dans notretravail.
Le plande notre étude est très simple.
Dans un premier chapitre nous plaçons la définition et
l'historique.
— 10 —
Dans un deuxième chapitre nous étudions l'hallux varus
congénital;
Dans un 3e chapitre, l'étiologiede l'affection ; 4e — l'anatomie pathologique; 5e — la pathogénie;
6e — les symptômes et la marche de la
maladie ; 7e — le pronostic; 8e — le traitement.
Nous terminons notre travail en relatant les observations et endonnant les conclusions.
— 11 —
CHAPITRE PREMIER
Définition et
Historique
L'hallux varus est une déformation du gros orteilcaracté¬
risée par sa déviation vers la partie médiane du corps. En France, enAllemagne, il est connu sous ce nom-là ; en An¬
gleterre, en Amérique, on lui a donné un nom spécial ; on l'appelle« pigeon-toc », orteil depigeon, probablement à cause de sa ressemblance avec l'ongle interne des pigeons qui,
comme onle sait, est dévié en dedans.
On le connaîtencore sous le nom de clinodactylie interne
du grosorteil, par opposition au mot de clinodactylieexterne de ce même orteil, qui est l'hallux valgus. Cette dénomina¬
tion n'est jamais employée.
Cette déformation peut être congénitale ou acquise. Congé¬
nitale, ellese montre à la naissance ; elle estdans cecas, tou¬
joursliée àun pied-bot, à un genu valgum, ou encore et plus
souvent à une absencecongénitale d'un os de la jambe. Nous étudieronsdans un chapitreà part cet hallux congénital.
Acquise, elle se montre généralement à la suite d'un pied plat valgus; c'est ce que nous avons observé dans notrecas.
Cet halluxacquis s'installe quelquefoisen même temps qu'un
orteil en marteau sur le même orteil, et nous avons dansce cas, l'association de deux déviations , celle du varus et celle
en maliens que l'on rencontre plus spécialement sur le deuxième orteil. C'est l'hallux varus (malleus).
Connaît-on depuis longtemps cette déformation? Jetons un
coup d'oeil sur son historique, et voyons.
Nous savons tous le dédain que les chirurgiens du xvm°
siècle professaient pour les maladies des orteils, dignes tout
au plusd'occuper des pédicures, disaient-ils. En 1769, Hous- selot « chirurgien de Mgr le Dauphin, des Princes et de Mes¬
dames», les blâme dans la préface de sonlivre intitulé:La toilettedespieds; et ilajoutequec'est leur faute si les affections du pied sont traitées par descharlatans. En 1778, Laforestj pédicure de Louis XVI, décrivaitl'orteil: « dévié endehors ».
En 1852, Broca, à la Sociétéanatomique, et Chassaignac, à la
Société de chirurgie, attirèrent l'attention sur les difformités des orteils. En 1870, Hueter décrivit l'hallux valgus etsongea àlecorrigerenayantrecours à la résection de la tète métatar¬
sienne.
Jusqu'à cette époque, nous ne trouvons écrit nulle partie
mot hallux carus.
En 1872, Wittelshofer, le premier rapporte un cas d'hallux
varuscongénital compliqué d'unehypertrophie du gros
orteil.
En 1883, Polaillon, dansson Traité sur les affectioîis
chirur¬
gicales des membres, rapporte une observation de gros
orteil
dévié à angle droit vers la partie médianedu corps.
En1890, Burckhard, deZurich, décritla déviationen hallux
varus congénital, compliquant une absence d'un os à la jambe.
En 1892, un américain, Hopkins (W.-B.), décrit un moyen pour guérir le pigeon-toc.
Jusqu'à ce moment, aucune opération n'avait été tentée
pourguérir cette affection. On s'était contenté d'appareils or¬
thopédiques qui redressaient les faibles déviations, mais
qui
restaient insuffisants pour les fortesdéviations ; il fallaitpour celles-ci un traitement plus radical, une intervention san¬
glante.
En 1895, J.-E. Moore, de Minnéapolis, rapporte un cas
de
hallux varus lié àun pied-bot varus équin, qu'il traita
d'a¬
bord par l'opération du Phélps, puis par l'ostéotomie sus- malléolaire du tibia. Nous verrons plus loin dans le chapitre
du traitement comment il fut amené à faire cettedernière
s
opération.
La même année, Nicoladoni, professeur à Vienne,
pratique
— 13 —
deux fois la résection de la tête du premier métatarsien, que Hueter, vingt-cinq ans auparavant,
avait pratiquée
pour l'hallux valgus.En 1896, Ranneft, de Gronningen, a l'occasion de voir 1111 malade présentant de l'halluxvarus lié à 1111 hallux
malleus
avec un pied plat valgus.
En 1897, dans le Centrablalt fur chirurgie, paraît un article
de Kirsch sur l'hallux varus (malleus). Il rapporte un cas analogue à celui de Ranneft.
En un mot, jusqu'à 1872, rien ; de 1872 à nos jours, quel¬
ques observations et quelques indications curatives de cette
déformation. C'est tout ce que nous possédons.
0
CHAPITRE 11
L'Hallux varus
congénital.
Cette variété de l'halluxvarusquisemontrea la naissance*
est très rare; nous n'avons trouvé que six observations s'y rapportant, et encore nous voyons que cette difformité n'est
citée que comme complication d'une malformation plus importante.
En effet, l'hallux varus congénital est presque toujours
liée à une malformation des membres inférieurs; tantôt c'est
un genu valgum (J.-E. Moore), tantôt une absence congéni¬
tale d'un os de la jambe (observations de Burckhard et de
Redard),
tantôt un pied-bot (observation de J.-E. Moore).Cependant lescas de Wittelshôfer et de Polaillon font excep¬
tion; le premier est un cas d'hallux varus congénital avec
seulementhypertrophie du gros orteil; le secondne présente
pas de malformation coexistante. Mais c'est un fait assez rare
puisque sur six cas, deux seulement sont des liailux varus
purs.
Au point de vue pathogénique, nous devons donc consi¬
dérer cette malformation du gros orteil aumême titre que les
autres malformations plus importantes avec lesquelles elle coexiste. Nous n'entrerons pas ici clans la question de la pathogénie des malformations en général; nous dirons seulement que les mêmes causes peuvent être invoquées :
traumatismes pendant la grossesse (il y en a deux exemples dans les observations que nous rapportons), hérédité (l
otlierby,
dans le Brilish médical journal, Lonclon, 1886,cite 1 histoire d'une famille dans laquelle une difformité
semblable, l'ectrodactylie, se montra
pendant cinq généra¬
tions).
L'anatomie pathologique, la
symptomatologie et la marche
de l'affection ne présentent rien de
spécial
; nousétudierons
ces différentes parties avec l'hallux varus
acquis.
Le traitement de l'hallux varus congénital s'adresse à
la
malformation qui l'accompagne comme
si cette dernière était
la cause de l'hallux. C'est ainsi que nous voyons
J.-E. Moore
traiter le genu valgumet
abandonner le
grosorteil;
«lorsque
le genu valgum est
guéri, dit-il, le pigeon-toc
adisparu. »
Dans un cas d'hallux varus compliqué d'un pied-bot varus équin, rapporté parce
même
auteur, nous voyonsfaire tour
à tour l'opération de Phelps,
c'est-à-dire la section de toutes
les parties molles qui
s'opposaient
auredressement de la
déformation; puis, comme le pigeon-toc
persistait
parsuite
de la rotation axiale du tibia en dedans, l'ostéotomie sus-
malléolaire du tibia et la mise du pied dans une
position
droite.
Dans les cas d'hallux varus pur que nous avons
cités,
Wittelshôfer et Polaillon font sur leurs malades la
désarticu¬
lation métatarso-phalangienne du gros
orteil.
Burckhard traite son absence congénitale du
péroné par
l'arthrodèse de l'articulation tibio-tarsienne.
Nous reviendrons dans le chapitre relatif au
traitement de
l'hallux varus acquis plus en détail sur ces
modes de traite-
tement que nous venons d'énoncer.
— 17 —
CHAPITRE III
Étiologie.
Hopkins dans YInternation, médical Magazzinc. Philadel¬
phie, 1892, dit : « que l'hallux varus est une affection assez
répandue. » Nous avons fouillé cependant toute la littérature médicale et nous n'avons recueilli que quatre observations et
cinq si nous y joignonsla nôtre. Cela est dû en grande partie croyons-nous, à ce fait que l'affection n'atteint que très rare¬
ment la période où se montrent les phénomènes qui oblige¬
raient les malades à aller consulter unchirurgien.
Nicoladoni rapporte en 1895 deux observations d'hallux varus avec hallux maliens et pied plat.
Ranneft, en 1896, relève aussi un cas d'hallux varus
associé à unhallux maliens sur un pied plat.
Enfin Kirsch, en 1897, rapporte un cas analogue à celui de Ranneft.
Le cas que nousavons observé comporte un hallux varus purs'étant installé sur un pied plat.
D'après ces observations, nous pouvons dire que l'hallux
varus acquis est plutôt une affection de l'adolescence. Sur les
cinq cas, trois cas de 12 à 20 ans : l'un de Nicoladoni, le
second de Ranneft et le troisième le nôtre.
Au point de vue du sexe, nous pouvons dire qu'il se ren¬
contreexclusivement chez les hommes: aucun des cas n'est relatif à une femme.
Au point devue des professions, nous ne relevons aucune profession libérale; les cinq malades qui font les sujets des cinq observations sont tous des travailleurs de la campagne
portant des chaussures
larges, des sabots. Peut-être cette
dernière considération est-ellede quelque importance
dans la
pathogénie de cette affection; nous yreviendrons dans le
chapitre relatif à cette
question.
'CHAPITRE IV
Anatomie
pathologique.
Si l'on veutcomprendre l'anatomie pathologique de l'hallux
varux, c'est-à-dire se rendre compte des déformations qui existent sur les os et des changements de rapports des faisceaux musculaires qui s'y insèrent, il est nécessaire avant tout de se faireune idée très exactede la disposition normale du squelette et des muscles du gros orteil.
Premier métatarsien. — La tète du premier métatarsien est
aplatie de haut en has; on peut lui considérer une surface articulaire et des faces latérales plus ou moins rugueuses. La surface articulaire s'étend en assez grande partie du côté plantaire et ne présente rien de bien particulier, si ce n'est
une crête médiane antéro-postérieure qui divise sa partie plantaire en deux portions latérales, l'une interne, l'autre externe, toutes deux en forme de gouttière et destinées à
logerun os sésamoïde.
Les faces latérales de la tête du métatarsien présentent une saillie osseuse plus ou moins marquée qui donne insertion à des faisceaux tendineux assez puissants, ligaments latéraux de l'articulation
métatarso-phalangienne.
Première
phalange
du gros orteil. — L'extrémité postérieurede la première phalangeestaplatie de hauten has, et présente
une surface articulaire excavée, destinée à loger en partie la
tète du métatarsien. De chaque côté de cette surface articu¬
laire et particulièrement du côté interne se trouve un rebord fort net,qui donne insertion aux faisceaux de la capsule arti¬
culaire.
THÈSE GIRARD.
2
Articulation métatarso-phalangienne. —
L'articulation
métatarso-phalangienne du grosorteil
neprésente de diffé¬
rence avec l'articulation correspondante des orteils
voisins
que dans la
forme
etl'étendue des surfaces articulaires, et
dans ladisposition de
l'appareil ligamenteux.
Nous avons vu les particularités qu'il faut notersur
les
os;il ne nous restedonc plus àétudier ici que
l'appareil ligamen¬
teux. Celui-ci secomposede deux portions
bien distinctes
:le
ligament
glénoïdien
etles ligaments latéraux.
Le ligament
glénoïdien
estbeaucoup plus épais
quedans
les articulations correspondantes, il est formé
de faisceaux
fibreux beaucoup plus résistants, et à son
intérieur
setrou¬
vent deux os sésamoïdes, l'un interne, l'autre externe,
qui
glissent dans lesgouttières correspondantes
que nousavons
signalées sur la tètedu métatarsien. Ces
ossésamoïdes que
nous ne ferons que mentionner ici, sans en
donner
uneétude
complète qui ne
rentrerait
pasdans
notresujet, sont desti¬
nés à donner insertion aux différents muscles
plantaires
chargés de faire exécuter
à l'orteil
sesmouvements de laté¬
ralité.
Quant aux ligaments latéraux,
ils
sonttrès résistants et se
partagent en deux
faisceaux
:faisceau plialangien et faisceau
glénoïdien, ce dernier
allant répandre
sesfibres jusque sur
l'os sésamoïde correspondant.
Muscles du gros
orteil.
— Nousallons étudier successive¬
ment l'insertion, la direction et l'action des
différents
muscles, soit dorsaux, soit plantaires,
destinés
àmouvoir
l'orteil en totalité ou en partie.
A la place plantaire, il existe
cinq muscles s'insérantsm
le gros orteil : long
fléchisseur,
courtfléchisseur, adducteur,
abducteur oblique et abducteur transverse.
Le longfléchisseur, dont la
direction
estsensiblement celle
du gros orteil, va
s'insérer
àla partie inférieure de la base de
la dernière phalange. Le court
fléchisseur du
grosorteil est
formé, à proprement parler, de deux
faisceaux musculaire
qui se réunissent en
arrière
pourprendre
uneinsertion
— 21 —
commune an niveau du premieret du deuxièmecunéiformes.
Eu avant, les deux faisceaux musculaires, sensiblement égaux, s'écartent l'un de l'autre pour venir s'insérer sur les
sésamoïdes interneet externe etsur la partie correspondante
de la première phalange. En somme, ces deux muscles, long
et court fléchisseurs, tirent sur les phalanges du gros orteil
dans une direction axiale, et considérés seuls ils fléchissent l'orteil directement.
L'abducteur oblique et l'abducteur transverse s'insérant
tous deux au niveau du sésamoïde externe et sur la partie
externede l'extrémité postérieure de la phalange, tendent à
dévier le-gros orteil en dehors, L'adducteur, au contraire, situé en dedans des tendons fléchisseurs, vient s'insérer sur le sésamoïde interne et sur la partie interne de l'extrémité de
la première phalange. Il s'ensuit que ce muscle est antago¬
niste des abducteurs oblique et transverse. Aussi bien il est facile de voir qu'il est beaucoup plus développé que chacun
d'euxpris isolément,etqu'il formeuncorpsmusculaire capable
de résister à l'action abductrice deces deux muscles réunis.
Si donc nous considérons que tous les muscles plantaires qui s'insèrent au gros orteil se contractent en même temps, la flexion sera directe, et normalement, il n'y aura pas de déviation du gros orteil.
Il nous reste àétudier l'action des muscles qui s'insèrent à la face dorsale. Ils sont au nombre de deux : l'extenseur propre du grosorteil et le premierfaisceau du pédieux.
L'extenseur propre du gros orteil, dont la direction au
pied est sensiblementcelle du métatarsien, vient s'insérersur la partiesupérieure de la base de la première phalange. Son tendon tire dans une direction axiale.
Le premier faisceau du pédieux, le plus souvent indépen¬
dantdes autres, vient se terminer sur la base de la première phalange du gros orteil. Mais sa direction forme aveccelle de la
phalange
un angle très obtus ouvert en dehors et enavant.Ils ensuit que, quand ce muscle se contracte, il communique
a l'orteil un léger mouvement d'abduction.
Ce mouvement peut-il être
corrigé normalement
par unautremuscle ? C'est ce qu'il nous faut
maintenant étudier.
La plupartdes
anatomistes français
ouétrangers ont décrit
un petit faisceau
tendineux, dépendance du tendon de l'ex¬
tenseur propre qui
viendrait
surle côté interne de la base de
la deuxièmephalange. C'est un
faisceau aplati de haut
enbas
décrit par Sappey, sous
lé
nomde tendon filiforme,
parCru-
veilhier, Beaunis et
Bouchard
sousle
nomd'expansion
fibreuse de l'extenseur propre, par Testut, sous
le
nomde
tendon surnuméraire.
Il semble que la présence
de
cetendon ait
uneimportance
capitale sur les
mouvements du
grosorteil. Comme nous
l'avons dit, l'action abductrice du
chef interne du pédieux
n'est corrigée par aucun
faisceau musculaire,
car oncom¬
prend bien que
le tendon de l'extenseur propre qui a une
direction axiale ne peut produire que
l'extension directe : ce
serait alorsce petit tendon
surnuméraire qui serait l'antago¬
niste du chef internedu pédieux, et il
pourrait d'autant plus
servir dansce sens que sa force active est
représentée
parles
fibres musculaires de l'extenseur propre lui-même.
Peut-être dans l'article pathogénie, trouverons-nous
une
démonstration du rôle physiologique que nous venons
de
prêter àce tendon
?
Ces considérations anatomiques étant
données, voyons
quelles sont leslésions de l'hallux
varus.Examenmacroscopique. —Au
simple
examen, cequi frappe
d'abord la vue, c'est la déviation du gros
orteil
endedans. A
l'état normal, et à la naissance, l'axe de
l'orteil et celui du
premier
métatarsien forment
uneligne droite; à J'age adulte,
ces deux axesforment un angle regardant en
dehors qui peu'
varier de 8 à 15 degrés. Dans l'hallux varus, au
contraire, cet
angle est ouvert en
dedans et peut varier de quelques degres
à 90°. Dans le cas que nous avons
observé, cet angle était de
45°; dans celui que nous
rapporte Polaillon, le gros orteil
était implanté
perpendiculairement
surla tête du prenne1
— 23 —
métatarsien ; en dehors de cette déviation en dedans, nous
observons quelquefois une flexion du gros orteil sur la face plantaire. (Dans les deux cas de Nicoladoni, celui de Kirsch
et celui de Ranneft, c'est-à-dire dans quatre cas sur cinq.)
C'est Yhallux malleus (orteil en marteau), que nous trou¬
vons associé àl'hallux varus.
La peau, considérablement épaissie au niveau de la face inférieurede la première phalange forme là quelquefois, un durillon surtout quand il y a de l'hallux malleus (la première phalange étant fléchieappuiepar sa faceinférieuresur le sol).
11 n'existe pas de boum'séreuse.
Si, poursuivant notreexamen des lésions, nous recourons à la palpation, celle-ci nous révèle :
Premier métatarsien. — La tète du métatarsien est aug¬
mentée de volume, surtout dans -sa moitié externe oii elle présente une hypertrophie osseuse. De plus si, prenant dans
les doigts l'articulation métatarso-phalangienne, mais dans
un sens vertical, et appuyant les pouces, l'un sur la face supérieure de la phalange, l'autre sur la face supérieure de
la tête métatarsienne, nous imprimons aux deux articles osseuxdesmouvementsverticaux,nous nousrendons aisément compteque l'articulation est absolument saine. Donc, articu¬
lation saine, mais hypertrophie partielle de la tête du premier métatarsien.
Une intervention chirurgicale ayant été faite pour traiter
cette déviation du gros orteil sur le cas que nous avons
observé, nous avons pu nous rendre compte des autres mo¬
difications suivantes:
La tête du métatarsien ne setrouve plus coiffée par la sur¬
face articulaire de la phalange. Celle-ci rejetée en dedans, subluxée à ce niveau, n'entre plus en rapport qu'avec la moitié interne de la tète, où l'on voit une surface néo-articu¬
laire.
Nous n'avons pu nous assurer si la gouttière intersesa- moidienne existait encore.
i
— 24 —
Phalange. — La phalange est
déviée
endedans
etlégère¬
ment en bas; sa surface articulaire est surmontée du côté
externe par une augmentation du volume de
l'os. De plus,
ense portant en dedans elle a entraînéavec
elle dans
ce mouve¬ment les os sésamoïcles qui lui sont intimement unis parle ligament glénoïdien.
C'est
cequi explique
quele sésamoïde
internesoit, demêmeque la'phalange,interne au
métatarsien,
et quele sésamoïde externe occupe
la place de l'interne.
Articulation. — L'articulation en elle-même est déplacée et
relâchée; les mouvements sont à peu près conservés.
La synoviale est saine.
Le ligamentlatéral externe estépaissi et tendu ; le
ligament
latéralinterne est relâché.
Le ligament transverse de l'articulation
métatarso-phalan-
gienne doit être aussi
considérablement relâché,
parce quenous avons un élargissement du diamètre antérieur
du pied.
Nous nous réservons d'apprécier la valeur de cesigne dans
le
chapitre de la symptomatologie.
Disons encore, pour en finir avec l'examen du
squelette,
qu'à l'élargissement dudiamètre antérieur
sejoignent l'effon¬
drement du pied et l'effacement consécutif de la voûte
plan¬
taire, caractère qui nous amènera ultérieurement à
consi¬
dérer une variété spéciale de pied platavec
hallux
varus.Muscles. — Il ne nous reste, pour terminer l'étude
anato-
mo-pathologique de l'hallux varus,qu'à passer en revuel'état
des muscles qui se rendent au gros orteil.
Nous avons dit qu'à la face plantaire du pied,
l'orteil est
fléchi selon son axe par le long fléchisseur, auquel
s'ajoute
le court fléchisseur, et que l'abduction, produite par le
fais¬
ceau oblique et le faisceau transverse de l'abducteur,
est
con¬trebalancée à l'état normal par l'adducteur du gros
orteil.
Dans le cas quinous occupe, ces muscles ou plutôt leurs
ten¬
dons d'insertion, tendent à devenir tous abducteurs ; mais
fixés par leur gaine, ils sont maintenus dans leur
position
respective.
Il n'en est pas de même à la face
dorsale du pied. Le
muscle pédieuxagit dans le sens de
l'abduction, et
setrouve
corroboré dans cette fonction par le muscle long extenseur, qui représente en raison de sa direction une force
légèrement
abductrice. Cette action est contrebalancée par la présence
d'une force légèrement adductrice, je veux parler
de
cepetit
tendon du gros orteil que nous avons étudié plus haut.
Dans le cas que nous avons observé, c'est en dedans
de
l'articulation métatarso-phalangienne que nous avons ren¬
contré le tendon de l'extenseur propre du gros orteil. 11 ne se trouveplus fixéau métatarsienpar lagaine fibreusequi naît du
bord supérieur et de la face externe de l'os pour venir se terminer en bas sur le ligament latéral interne, ni par
les
aiderons tendineux qui du tendon gagnent les extrémités
articulaires du gros orteil et du métatarsien.
Cette gaine fibreuse et ces aiderons tendineux étaient
amincis et relâchés; à l'inverse des tendons fléchisseurs, le
tendon du long extenseur était devenu libre et était venu
se placer surle côté interne de l'articulation.
Telles sont les lésions que nous avons trouvées dans notre
cas
d'halfux
varus. En lisant les observations des autres cas quenous rapportons, nous n'apprenons rien au point de vueanatomo-pathologique; nous aimons à croire que les lésions qu'ils présentaient étaient semblables en tous points à celles
que nous venons de décrire.
CHAPITRE V
Pathogénie.
Nous arrivons maintenant au chapitre le plus difficile de
notre travail, car il nous faut expliquer sous quelle influence
et dans quelles conditions se produisent la déviation et les troubles qui l'accompagnent.
Pour l'hallux varus congénital, nous avons vu quelles
étaient les causes que nous pouvions invoquer. Pour l'hallux
varusacquis, la question est plus délicate.
Nous avons déjà vu que cette affection n'existait jamais seule; elle est toujours accompagnée d'une déformation du pied existant avant elle. Pour l'hallux varus cette déforma- lion préexistante est toujours le pied plat. Comment pouvons-
nous expliquer qu'un hallux varus, vienne se greffer sur un
pied plat? Nous allons successivement passer en revue toutes les théories que l'on peut invoquer, pour terminer par une
interprétation
des faits qui appartient à M. le professeur Piéchaud et qui est à notre avis l'explication la plus satisfai¬sante.
Cette théorie est, en effet, celle qui permet d'expliquer le plus facilement l'évolution anatomique de la lésion et les troubles fonctionnels qui y sont attachés.
Commenous le verronsdans l'étude des symptômes, il faut considérer deux choses bien différentes : la déviation et la
douleur. Celle-ci est
toujours secondaire. Par conséquent, quitte à expliquer cette douleur par la suite, nous devons
nous occuper d'abord des causes du varus.
ihèorie
mécanique.
— Cette théorie se présente naturelle¬ment à l'esprit; si nous nous reportons à nosobservations,
nous trouvons en effet que tous nos malades portaient le
même genre de chaussure ; ils portaient tous des sabots ou des chaussures larges, laissant le pied très libre dans leur intérieur, et amenant dans la suite un effacement de la voûte plantaire et un élargissement du diamètre antérieur du pied.
Mais est-ce uneraison pour cela qu'il se produise de l'hallux
varus ? Evidemment non. La chaussure est évidemment une cause adjuvante, mais si elle devait expliquer la déviation
du
gros orteil, l'hallux varus serait beaucoup plus fréquent,
et
devrait s'observer chez tous les gens de la campagne
qui
portent ce genre de chaussure.
Théorie musculaire. — On peut aussi penser à invoquer
la
prédominance d'action des muscles adducteurs du grosorteil
sur les muscles abducteurs.
Au chapitre des considérations anatomiques, nous avons
vu qu'on pouvait diviser les muscles qui s'insèrent sur
le
gros orteil en deux groupes: muscles plantaires,
muscles
dorsaux.
Deux muscles plantaires, le long fléchisseur et le
courtflé1
chisseur, tirent suivantune direction axiale. L'adducteur
et
les abducteurs oblique et transverse tirent en sens
opposé et
compensent réciproquement leur action.
A la face dorsale, l'extenseurpropre tire suivant une
direc¬
tion axiale ; le chef interne du pédieux tend à dévier legros
orteil en dehors ; mais comme nous avons vu, il existe un petit tendon filiforme qui compense normalement
l'action
abductrice decedernier muscle.
11 faudrait donc admettre une prépondérance des
muscles
adducteurs. Mais comment se produit cette
prépondérance-.'
Voilà ce qu'il nous faut expliquer.
Théorie de compensation. — C'est la théorie de M. le pro¬
fesseur Piéchaud ; elle nous explique pourquoi se
produit
cette prépondérance des muscles adducteurs. Avant
l'hallux
varus, avons-nous dit, il existe toujours un pied plat,
c'est-
à-dire effondrement de la voûte plantaire et disparation du pilier antérieur, élargissement du pied et douleur. Que va-t-il
seproduire? Nous allons assister à une série de phénomènes qui vont avoir pour but de compenser cettedéformation du pied plat. Pour venir reformer le pilier antérieur de la voûte plantaire, le gros orteil va se dévier endedans et se fléchir,
et essayerdese substituer à ce pilier. Puis, et c'est à ce mo¬
ment-là, les muscles adducteurs vont prendre de la prédomi¬
nance sur les abducteurs. Enfin, cetteposition compensatrice
du gros orteil devenant définitive, nous aurons un hallux
varusacquis type. Dans ie cas que nous avons observé, c'est
ainsi que s'est formé l'hallux varus; de plus, dans ce cas, les quatre autres orteils avaient suivi le mouvement d'adduction du premier.
Il nous reste à expliquer pourquoi il s'est développé sur la
moitié externe de la tètedu premier métatarsien une hyper¬
trophie osseuse. Par le fait de la déviation en dedans de la première phalange du gros orteil, la moitié externe de la tète du premiermétatarsien a perdu tout contact avec la phalange
tandis que sa moitié interne s'est trouvée comprimée par celle-ci. Or, nous savons que toute extrémité osseuse non
comprimée subit une hyperthophie dans les points où existe
cette absence de compression.
Les troubles fonctionnels sont faciles à expliquer. A cause de la déviation en dedans du gros orteil, la peau est pressée par la chaussure; il peut se produire un durillon ; puis l'ac¬
tion de la chaussure se poursuivant, une bourse séreuse qui,
si elles'enflamme, devient une source degêne et de douleurs continuelles.