FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1894 — 1895 N»71.
ETUDE
SUR LES
DIMENSIONS DD CRISTALLIN
THESE
POUR LE DOCTORAT EN MEDECI E ^ c§.
Présentée et soutenue publiquement le 24 Mai 1895
yàv
UJean - M arie D TJ CLOS
Né le 27Juillet 1871, à Martres-Tolosane (He-Ge)
MM. BADAL professeur, Président
_ . , , , > ) BERGON1É professeur, i Examinateurs dela These.. ( MESNARD agrégé
Ju«es SIGALAS agrégé
Le Candidat répondra àtoutes lesquestions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'enseignement médical
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI, P. CASSIGNOL
91, RUE PORTE-DIJEAUX, 91
1895
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS
M. MIGÉ
AZAM Professeurs honoraires
Cliniqueinterne.
Clinique externe Pathologie interne
Pathologieetthérapeutiquegénérales.
Thérapeutique
Médecineopératoire Clinique d'accouchements Anatomiepathologique
Anatomie
Anatomie généraleet Histologie Physiologie.
Hygiène.
Médecinelégale
Messieurs
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
DUPUY.
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BOUCHARD.
VIAUJLT.
JOLYET.
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BLAREZ.
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FIGUIER, de NABIAS FERRE.
BADAL.
PIÉCHAUD.
BOURSIER.
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CASSAET.
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POUSSON.
DENUCE.
YILLAR.
Accouchements ) RIVIERE.
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SECTION DES SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
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Histoire naturelle N.
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Physique SIGALAS.
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Pharmacie BARTHE.
COURS COMPLÉMENTAIRES
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Histoire naturelle Pharmacie Matière médicale Médecineexpérimentale Clinique ophtalmologique
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AGREGES EN EXERCICE SECTION DE MEDECINE
Pathologie interne etMédecine légale.
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS
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Clinique int. des enf. MM. MOUSSOUS Clinique des maladies
syphilitiqueset cutanées DUBREUILH Cliniq. desmaladies des voies urin. POUSSON
Mai. dularynx, desoreilles et dunez MOURK
Maladies mentales.
Pathologieexterne.
Accouchements.. . .
Chimie Zoologie
MM. REGIS.
DENUCE RIVIÈRE DENIGËS BEILLE Le Secrétaire delaFaculté : LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la l'acuité a arrêté que les opinions émisés dans les Thèses qui lui sont présentées, doivent être considérées comme propres a leurs
auteurs etqu'elle n'entendleur donner ni approbation ni improbation.
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR
BADAL
PROFESSEUR DE CLINIQUE OPHTALMOLOGIQUE A LA FACULTÉ DE MÉDECINI
DE BORDEAUX
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
INTRODUCTION
Suivant les conseils de notre maître, M. le Professeur Badal, nous avons entrepris de rechercher quelles variations,
dans ses dimensions et sa forme peut présenter le cristallin
tant à l'état normal qu'à l'état pathologique.
Nous avons, dans ce but, procédé à de nombreuses extrac¬
tions de cristallins de cadavres et assisté, pendant l'année 1894, à la plupart des opérations de cataractes
de la Clinique
de l'Hôpital Saint-André.
C'est donc une œuvre patiente de
statistique
que nouspublions, et les conclusions de notre modeste
travail
serontnécessairement brèves.
Avant d'entrer en matière, nousoffrons à M. le
Professeur
Badal, l'expression de notre
vive gratitude
pourla bien¬
veillance qu'il nous a témoignée pendant notre stage
dans
son service et pour l'honneur
qu'il
nousfait
en acceptantla présidence de cette
thèse.
ÉTUDE
SUR LES
DIMENSIONS DU CRISTALLIN
CHAPITRE PREMIER
Le Cristallin. Ses diverses formes dans les espèces animales.
Le cristallin est ce corps transparent, solide, en forme de
lentille biconvexe, et situé entre l'iris etle corps vitré.
Il est en rapport par sa face postérieure avec la membrane hyaloïde etle corps vitré, creusé d'une
dépression
pourle
recevoir. — Par sa face antérieure, le cristallin esten rapport
avec la pupille et l'iris. Sur les limites
de
cette face,il
estrecouvert par la zone de Zinn. Au
niveau de
sacirconférence,
on voit lazone de Zinn et la membrane hyaloïde se séparer
pourpasser, la première en avant et
la seconde
enarrière,
en formant un canal prismatique et triangulaire qui entoure
la circonférence cristalline; c'est le canal godronné de Petit.
(Fort.)
Autour de la circonférence du cristallin on trouve encore,
en dehors de la zone de Zinn, la couronne ciliaire, et plus en
dehors, le muscle ciliaire.
Envisagé rapidement au point de vue de sa structure, le
cristallin estformé parla lentille proprement dite et par sa
capsule. Les éléments fondamentaux de la substance propre du cristallin sont les fibres c.ristalliniennes; les unes, à noyaux, forment les couches périphériques de la lentille; les
autres, dentelées, composent la portion centrale, dure et résistante, le noyaudu cristallin.
La capsule du cristallin, ou cristalloïde, est mince, amor¬
phe, transparente et homogène; de plus, elle jouit d'une
élasticité dont on peut facilement se rendre compte : dès qu'on y pratique une déchirure, on voit eneffet les lambeaux
s'écarter et s'enrouler en spirale sur eux-mêmes. Cette élas¬
ticité était nécessaire pour que la capsule pût se prêter aux
changement de forme du cristallin, d'où résulte l'accommo¬
dation de l'œil aux distances.
La portion de la capsule qui recouvre la face antérieure de
la lentille s'appelle cristalloïde antérieure; la postérieure est
connue sous le nom de cristalloïde postérieure.
Après cette description succincte, qui rappelle des notions
courtes, mais suffisantes pour notre étude, nous jetterons un coup d'œil sur les diverses formes du cristallin dans les espè¬
ces animales.
La forme de la lentille varie suivant les types et surtout suivant les conditions dans lesquelles se trouvent placés les
divers animaux. Chez les poissons, le cristallin est à peu près sphérique: il conserve sensiblementle même aspect dans les
yeux de batraciens, les ophidiens et les mammifères aquati¬
ques, ainsi que dans les espèces nocturnes. Au contraire,
chez les mammifères ordinaires et la plupart des oiseaux, sa
convexité est bien moindre. Chez les bimanes, les quadru¬
manes, le diamètre antéro-postérieur atteint à peine la moi¬
tié du diamètre vertical. Il en est à peu près de même chez les solipèdes, les ruminants, la plupart des quadrupèdes;
enfin nous savons et nous verrons que chez l'homme, le rap¬
port des deux axes estdans les mêmes proportions que chez
les bimanes; mais cependant chez le foetus humain, il en est tout autrement etle cristallin estsphérique.
D. 2
CHAPITRE II
Axe et diamètre cristalliniens.
Comme toute lentille, le cristallin présente un axe et un diamètre. Le diamètre estdésigné sous des appellations mul¬
tiples prêtant à la confusion avec celles que l'on applique
aussi parfois à l'axe. C'est ainsi que le diamètre du cristallin
a été appelé : diamètre transversal» diamètre vertical, grand
diamètre; tandis que l'axe qui mesure l'épaisseur de la len¬
tille a reçu les noms de diamètre antéro-postérieur, diamètre sagittal, etc., etc.
Nous utiliserons simplement les expressions, axe et dia¬
mètre.
Si maintenant nous résumons les avis des anatomistesjet
desophtalmologistes, à l'égard des dimensions du cristallin,
nousvoyons que :
1° En cequi concerne le diamètre:
a) D'aprèsles tables de Petit et les recherches de Sappey,
ce diamètre, mesuré avec les branches d'un compas sur 11 cristallins, a varié de 9 à 10 millimètres. •
b) PourTillaux et Beaunis, le diamètre du cristallin leur paraît également variable entre 9 et 10
millimètres.
— 11 —
c) J.-A. Fort considère que le cristallin ne présente que
8 à9 millimètres de diamètre.
cl) Lamé l'estime à 10 millimètresen moyenne; tandis que Huschke l'évalue chez le nègre à 5 lignes 1/2, c'est-à-dire à
peu près 13 millimètres!
ë) Enfin, M. le professeur Lad al pense que d'une
façon
générale, on peut dire que «le
diamètredu cristallin, quelles
que soient les dimensions
du globe,
estinférieur d'environ
2 millimètres au diamètre transversal de la cornée. »
2° En ce qui concerne l'axe, les opinions
des
auteurs sontmoins divergentes; pour la majorité, sa longueur paraît
varier entre 4 et 5 millimètres.
a) « L'épaisseur du cristallin sur l'axe, dit
Badal, varie,
suivant les sujets et suivant l'état de
l'accommodation, de
3raml/2à5 millimètres;
elle
estla
mêmechez l'enfant
quechez l'adulte. »
h) De Wecker, Landolt,
Schwalbe
se rangent àla
mesuremoyenne de 4 millimètres.
c) Helmholtz, dont lesmensurations semblent très
précises,
atrouvé que l'axe du
cristallin varie de 4mm
2 à4mm 314.
cl) Beaunis note que l'axe
du cristallin
a4 millimètres
surle cadavre, et est un peu moindre sur le vivant.
e) Polaillon dit que (( l'épaisseur
du cristallin
estde
4 millimètres à 5mm 1/4; mais dans quelques cas exception¬
nels, elle peut acquérir une
longueur de 6 millimètres
à6mm 3/4, ainsi que Petit,
Huschke
etKrause
enont cité des
exemples. »
La différence indiquée par Beaunis, entre
les dimensions
de l'axe de la lentille sur le cadavre et le vivant, est aussi
admise par Polaillon qui en
voit la raison dans
cequ'il
se gonfle sans doute par osmose auxdépens des humeurs de
l'œil.
— 12 —
Cette épaisseur est d'ailleurs indépendante de l'âge.
Donc sur le cadavre, le cristallin estplus bombé qu'à l'état vivant; il reproduit ainsi la disposition qu'il présente dans la
vision rapprochée.
Il n'y a pas là de contradiction avec la théorie de l'accom¬
modation, comme il pourrait le sembler au premier abord,
toute action musculaire ayantdisparu sur le cadavre. En effet,
si l'on sereporte au mode de suspension du cristallin, on voit que l'œil ayant perdu sa tension, le corps vitré ne maintient plus les procès ciliaires et lazone de Zinn ; celle-ci acquiert de ce fait son maximum de relâchement, ce qui permet au cristallin élastique de prendre la forme sphérique
ou subsphérique.
L'axe du cristallin du cadavre devrait donc d'après ces considérations être augmenté de longueur. Mais à l'accrois¬
sement que permet la zone de Zinn relâchée, nous trouvons
une compensation qui est la suivante :
Le corps du cristallin, dans l'opération de la cataractepost
mortem, s'échappe très aisémentdesacapsule dèsque celle-ci
est ouverte. Mais il s'en trouve séparé chez le cadavre par
une mince couche de liquide jadis décrite sous le nom d'hu¬
meur de Morgagni. Des observations précises de MM. Sap-
pey et Polailion ont montré que cette humeur est due à
l'altération même des éléments cristalliniens ; en même temps que les parois des cellules se détruisent on voit se
former de grosses gouttes claires et limpides qui ne tardent
pas à se multiplier, et formentpar leur agglomération l'hu¬
meur de Morgagni.
Ce liquide n'existejamais chez le vivant et résulte donc
simplement de la décomposition des couches superficielles
dela lentille.
Si,d'une part,le cristallin du cadavre estaugmenté d'épais-
— 13 —
seur par le relâchement cle son ligament suspenseur; si,
d'autre part, une fois extrait cle la capsule, cet axe est dimi¬
nué par l'écoulement de l'humeur de Morgagni, on peut
considérer que le cristallin du cadavre offrira pâr la mensu¬
ration, à quelques dixièmes de millimètre près, sans doute,
les dimensions que normalement il possède sur le vivant.
Nous devons cependant spécifier que Beaunis et Polaillon
n'ont pas indiqué dans leur assertion, s'ils avaient compris,
clans l'évaluation de l'axe sur le cadavre, le cristallin et sa
capsule.
En résumé :
10 millimètres cle diamètre.
4 millimètres d'axe.
Telles sont les mesures généralement adoptées.
Ces dimensions sont celles du cristallin cle l'homme arrivé à son complet développement; nous devons voir s'il en est
de même chez l'embryon, le fœtus et l'enfant; si le cristallin embryonnaire et fœtal se développent suivant leurs dimen¬
sions uniformément.
L'embryologie vient ici à notre aide, et nous nous borne¬
rons pour ces recherches, à reproduire le passage qui suit, emprunté à M. Vialleton :
« Au point oùva seformer le cristallin, l'ectoderme s'épais¬
sit, ses cellules deviennent plus hautes, et les noyaux se
disposent suivant des lignes de stratification superposées.
Bientôt cette région s'infléchit un peu en formantunefossette
« fossette cristallinienne » qui devient cle plus en plus pro¬
fonde et se transforme par la soudure de ses bords en une vésicule, la vésicule cristallinienne.
» Les parois cle cette vésicule sont d'épaisseur
inégale;
l'antérieure estplus mince, la postérieure est beaucoup plus
épaisse. La cavité comprise entre ces deux parois tend à se
réduire de plus en plus par le développement exubérant de
la paroi postérieure etprend sur les coupes la forme d'un
croissant à concavitétournée en arrière.
)) (Jette cavité finit par disparaître et le cristallin forme alors une sphère pleine dans laquelle on peut distinguer
deux parties : une partie antérieure tournée vers l'ectoderme de la tête, constituée par une lame de cellules peu élevées,
une partie postérieure formée par des cellules allongées pre¬
nant l'aspect de fibres plus ou moins longues, mais gardant toujours une disposition épithéliale et se continuant par des
transitions insensibles avec l'épithélium de la partie anté¬
rieure. Ces deux parties sont séparées l'une de l'autre par
une ligne très nette. La couche des cellules antérieures devient de plus en plus mince ; elle consiste chez l'adulte en cellules aplaties, disposées sur un seul rang, et formant ce
qu'on appelle l'épithélium antérieur du cristallin. Celui-ci
est enveloppé par une membrane anhiste, la cristalloïde,
que l'on peutconsidérer comme une sécrétion cuticulaire des cellules du cristallin. y>
De ces données embryologiques, une seule chose nous
intéresse plus particulièrement: nous y observons, en effet,
que le cristallin, à son premier stade de formation, est sphé- rique; l'axe égale le diamètre.
Le cristallin embryonnaire se distingue donc du cristallin adulte par sa forme sphérique. Pour aboutirà laforme lenti¬
culaire, il faut bien que l'une des dimensions ait une prédo¬
minance de développement dans une période quelconque de l'existence.
Il résulte des recherches de divers anatomistes (Sappey, Jœger, etc.), que si le diamètre du plan équatorial augmente dans la vie post-embryonnaire , l'axe avant la naissance atteint son maximum de développement.
— 15 -
L'arrêt de croissance dans le sens de l'axe coïncidant avec
l'accroissement dans le sens équatorial, l'aplatissement du
cristallin doit par conséquent provenir d'une superposition
de couches dans la zone équatoriale. Le cristallin de l'em¬
bryon correspond alors au noyau de l'adulte, l'accroissement
a été appositionnel (Schwalbe, Henle, 0. Becker).
Kôlliker pense que le cristallin s'accroît par juxtaposition
avec augmentation du nombre des fibres.
Harting a trouvé par la mensuration et le calcul que le
cristallin du nouveau-né ne renferme pas plus de fibres que celui d'un fœtus de quatre mois (1.450 à 1.475 dans la circon¬
férence du cristallin), mais que ces fibres ont le double de largeur et d'épaisseur.
Le cristallin de l'adulte, au contraire, montre une augmen¬
tation considérable du nombre de fibres dans la circonférence de la lentille (2.058) et cela sans accroissement d'épaisseur.
Par conséquent « l'accroissement du cristallin humain
serait, pendant la vie embryonnaire, interstitiel; et, après la
naissance, appositionnel ».
L'axe du cristallin présente donc une longueur indépen¬
dante de l'âge; il est déjà chez le fœtus desept mois de 4 1/2
à 5 millimètres.
Il n'en est pas de même pour le diamètre. Le cristallin ne s'accroît que par élongation de ce dernier, dont les variations
ont été évaluées par Sappey de la façon suivante : à) A la naissance, 7 millimètres;
b) A 10 ou 12 ans, 8 millimètres;
c) A '17 ou 18 ans, 9 à 10 millimètres. Il atteint à cet âge
sa longueur définitive.
De tout ce qui précède nous déduisons les
résultantes qui
suivent, et qui représentent l'opinion
générale des
auteurs :1° Le cristallin mesure une épaisseur d'axe, à peu près
invariable après la naissance, soit environ 4mm 1/2;
— 16 —
2° Le diamètre du cristallinvarie suivant l'âge du sujet ;
3° Ce diamètre oscillerait entre des valeurs assez différen¬
tes, de 8 millimètres (Fort) à 13 millimètres (Huschke); et, d'après ce dernier, varierait aussi suivant les races.
Il estaisé de voir qu'une longue statistique peut seule don¬
ner des résultatsprécis, susceptibles peut-être de donner des indications pour le choix d'un procédé dans l'opération de la caîaracte, à la condition toutefois de faire porter également
les recherches surles cristallinscataractés. C'est précisément
cette statistique qui constitue le fond de notre travail.
Nous envisagerons les dimensions du cristallin dans leurs variations physiologiques et pathologiques. — Physiologi¬
ques, dans l'acte de l'accommodation; pathologiques, dans
les anomalies de formes (colobome, lenticone, astigmatisme),
la presbytie et les multiplesvariétés de cataractes; laissant systématiquement de côté l'étude des déformations cristalli- niennes consécutives à la luxation traumatique de la lentille,
au glaucome, à la phtisie du globe, ou aux tumeurs intra- oculaires, d'ailleurs excessivement rares celles-ci. Dans ces
affections, en effet, le cristallin estsoustrait d'une façon quel¬
conque à l'action zonulaire, et prend une forme sphérique plus marquée que celle qu'on lui trouve à l'état normal; ce
n'est là, d'ailleurs, que l'extension du phénomène qui se pro¬
duit dans l'accommodation.
CHAPITRE III
Variations physiologiques des dimensions du cristallin
dans l'accommodation.
La théorie de l'accommodation est basée sur l'élasticité et la tendance naturelle àla sphéricité que possède le cristallin.
La lentille, dans sa capsule, est aplatie par la traction qu'exerce le ligament ciliaire; les fibres du muscle ciliaire
en se contractant avancent leur partie mobile qui donne
insertionauligamentsuspenseur, versleurportion fixe insérée
sur le bord de la cornée. La zone de Zinn se porte donc en avant, se raccourcit et se tasse, diminuant par son relâche¬
ment la traction qu'elle exerce sur le cristallin. Ce dernier prend alors la forme naturelle qui lui est assignée par l'élas¬
ticité de ses fibres; il devient plus convexe et, parsuite, plus
le muscle ciliaire se contracte, plus le cristallin s'arrondit, se
rapproche de la forme sphérique.
Le relâchement du muscle ciliaire amène un résultat inverse.
Au moyen de son ophthalmomètre, Helmholtz aremarqué
que pendant l'accommodation la plus énergique, le raccour¬
cissement du rayon de courbure de la face antérieure du cris¬
tallin était, en moyenne, de 3 millimètres à 3ram 1/2; et sa
D. 3
— 18 —
projection en avant, c'est-à-dire son augmentation d'épais¬
seur, l'allongement de son axe, de 0mm 36 à0mm44. Ilva sans dire que le diamètre du cristallin diminue proportionnelle¬
ment au fur et àmesure quele cristallin se bombe ; mais les
variations du diamètre doivent être encore plus petites que celles de l'axe.
Nous n'insistons pas davantage sur ces faits, l'instrumen¬
tation et la science nous faisant défaut pour d'aussi délicates
mensurations.
CHAPITEE IV
Variations pathologiques des dimensions du cristallin. —
Presbytie.
Chez le presbyte, le point
le plus rapproché de la vision
distincte s'éloigne de plus en plus avec l'âge.
Cet éloignement du punctum
proximum tient d'abord à
un changement dans laconstitution intime de la lentille et de
sa capsule; Donders dit que ceschangements de la capsule ont
une certaine importance dans la
formation des images
ré¬fléchies.
Les recherches anatomiques montrent qu'à un
certain
âgele cristallin est un peu aplati; cet
aplatissement augmente la
distance focale de la lentille. En même temps que cet
apla¬
tissement, on constate une
augmentation de densité des
couches périphériques,
qui
sedifférencient moins du
noyau.Or (Young, Listing,
Senff),
unelentille de même forme
que le
cristallin
etde densité uniforme, égale à celle du
noyau de la
lentille,
a unedistance focale supérieure à celle
d'une autre lentille dont la densité irait en
décroissant du
centre à la périphérie.—
Choses qui expliquent chez le
pres¬byte la
diminution de
sonacuité visuelle (l'aberration de
I
— 20 —
sphéricité cîes lentilles convergentes étant moins corrigée après l'égalisation de réfringencedes parties corticales et des parties centrales).
De plus, les parties corticales du cristallin devenant ainsi
plus denses, plus dures, sont moins élastiques, moins aptes
à changer de courbure. La même contraction du muscle ciliaire ne suffira plus à produire, par le relâchement de
lazone deZinn, le même effet que chez l'adulte; le cristallin,
au lieu de se bomber ou de s'aplatir à la suite des phéno¬
mènes musculaires ciliaires, demeure toujours plusou moins aplati, de par sa sclérose. Et on observera conséquemment
chez le presbyte la diminution de l'amplitude d'accommo¬
dation, qui caractérise la sénilité de la lentille.
Donc, la presbytie relève anatomiquement de la sclérose cristallinienne, physiquement de la diminution de l'axe du cristallin, dette réduction de la longueur axile de la lentille
n'a pas, au point de vue pratique, assez d'importance pour
nous attacher plus longtemps à son étude. Il suffisait de la mentionner.
Astigmatisme, Colobome, Lenticone.
Ces trois affections constituent, à proprement parler, les
anomalies de forme du cristallin.
Elles sont : l'astigmatisme, congénital ou acquis; le colo¬
bome et le lenticonus, essentiellement congénitales.
L'astigmatisme est caractérisé parl'inégale réfringence des
méridiens de la lentille; il s'accompagne, sans aucun doute,
soit d'une différence dans la courbure, soit d'une variation dans la densité de la substance cristallinienne. Souvent, cet
— 21 —
astigmatisme vient compenser un astigmatisme inverse,
celui de la cornée, pour rétablir l'intégrité de la vision. Sou¬
vent, aussi, il existe à part et gêne alors le bon fonctionne¬
ment de l'œil.
Les déformations lenticulaires qu'il occasionne ou dont il
est le résultat, doivent intéresser l'épaisseur, l'axe du cris¬
tallin; mais leur mensuration présente des difficultés que seuls d'éminents physiologistes peuvent aborder; nous nous bornonsà les signaler.
Le coloboma du cristallin est une variété assez rare.
Grunung en a publié une statistiqueportantsur dix-neuf cas.
Cependant cette anomalie congénitale n'est bien connue que depuis Heyl (1876), qui cite trois cas intéressants :
a) Le premier, relatif à un homme de cinquante-un ans, et qui présentait un coloboma irien incomplet en bas, et un coloboma énorme de la choroïde. Le bord du cristallin appa¬
raissait selon une ligne droite horizontale.
b) Le deuxième, s'accompagnant d'un coloboma total de l'iris; la périphérie du cristallin étaitdécoupée selon un bord
sinueux, mais à direction générale horizontale.
c) Dans le troisième cas enfin, il existait encore un colo¬
boma de l'iris, et le cristallin présentait aussi un bord
sinueux.
En 1880, M. Chambrelentpubliait l'observation d'un colo¬
boma des membranes de l'œil et du cristallin, prise à la clinique du professeurBadal, et
coïncidant
avec unecataractenoire. On constatait une encoche de 1 millimètre, de telle
sorte que le diamètre du
cristallin, qui fut enlevé dans
sacapsule, mesurait 8 millimètres, et
7 millimètres seulement
au niveau du coloboma.
Le cristallin peut donc présenter une
portion
desoncontour horizontale; il semble qu'un segment de la lentille manque,— 22 —
ou ait été enlevé (fait signalé par Wagner). La section peut
être faite selon un bord sinueux (Bowmann); quelquefois
même il présente uneconvexité supérieure (Baclal) ; quelque¬
fois le contour a une forme triangulaire (Bowmann), il peut
même revêtir l'aspect du revers d'une selle (Polaillon).
Le degré de la défectuosité est également sujet àvariations, depuis la simple échancrure jusqu'à une perte de substance égale au maximum au quart environ de la lentille.
Il est des cas cependant où la lentille manque en totalité;
mais il s'agit alors de l'aphakie congénitale, déjà signalée
dans la microphtalmie par Seiler et Von Ammon.
Le lenticonus estune déformation d'une rareté exception¬
nelle, consistant dans une saillie conique centrale et trans¬
parente de la face antérieure du cristallin, allongeant par suite, etd'une quantité très sensible, l'axe de la lentille. Le
lenticone n'a été signalé que deux fois, par Webster et
Placido. L'absence de toute opacité élimine l'idée d'une
cataracte pyramidale; elle rappelle volontiers le kératocone.
Dans un cas, la vision fut longtemps normale, et l'anomalie
reconnue seulement à lapuberté (Placido).
En somme, dans ces anomalies purement congénitales, il
y a pour le coloboma diminution du diamètre dans l'un des
méridiens, et augmentation de l'axe dans le lenticonus.
Il nous reste maintenantà étudier les dimensions du cris¬
tallin dans la cataracte etsur le cadavre; c'est d'ailleurs le
fond môme du sujet que nous avons entrepris.
Nous avons vu quelles divergences relativement considé¬
rables existaient entre les mesuresadoptées. Ces divergences
tiennent-elles aux procédés de mensuration employés? ou bien à ce que les uns ont mesuré le cristallin hors de sa
capsule, comme après l'opération de la cataracte, tandis que d'autres ont pu mesurer le cristallin dans sa cristalloïde?
Mais la minceur de cette capsule est telle qu'on l'a comparée
à une toile d'araignée (Badal).
Cette dernière cause d'erreur ou de confusion peut être
certainement considérée comme nulle, si l'on prend soin d'ajouter aux dimensions du
cristallin
mesuréhors de
sa capsule deux dixièmes de millimètrequi
représentent,et
au delà, la double épaisseur de la cristalloïde.CHAPITRE V
Instruments de mesure : Esthésiomètre de Weber, palmer (modifié).
Nous avons utilisé pour les mensurations tout d'abord l'esthésiomètre de Weber; cet instrument nous donnait directement par l'écartement de ses branches la mesure du cristallin placé entre elles. Mais il présentait le réel inconvé¬
nient de nécessiter pour le glissement de la branche mobile,
un effort du doigt quisouvent dépassait son but. En outre, la graduation étant par millimètres, l'approximation possible
n'était guère que de un demi-millimètre.
Pour obtenir à la fois plus de facilité à la manoeuvre, et
plus de précision dans la mesure, nous avons imaginé une combinaison de deux instruments, l'esthésiomètre et le
palmer; ce nouvel instrument est capable de donner une approximation de 1/50e millimètre.
Le palmer-esthésiomètre a sur le palmer simple, dont se servent les lamineurs, l'avantage de mesurer les longueurs
et non plusseulement les épaisseurs. Il estformé d'une pièce
deux fois recourbée à angle droit; à l'une des extrémités est
pratiqué un écrou dont l'axe est parallèle à la branche
moyenne du cadre. Une
vis micrométrique pénètre dans
l'écrou; son extrémité plane déplace avec
elle
unepointe
qui se meut suivant
l'axe de la vis
sansparticiper
au mouve¬ment de rotation, et qui glisseàfrottement
doux, guidée
pardeux petites tiges
perpendiculaires
à-sadirection.
La branche additionnelle, analogue de la branche
mobile
de l'esthésiomètre, se meut donc toujours
perpendiculaire¬
ment àla tige moyenne du
palmer, et parallèlement à
unebranche fixe opposée, contre
laquelle elle peut venir
aucontact.
D. 4
— 26 -
En tournant la vis, on produit l'écartement de ces deux branches; leur intervalle est évidemment mesuré par la quantité dont la vis s'est déplacée. Cette quantité est déter¬
minée par le nombre de tours ou de fractions de tours dont
on a tourné la vis. On lit le nombre de tours directement sur un tubefixe entourantlavis, etqui estgradué en millimètres;
un tube mobile quifait tourner la vis donne les fractions de millimètres.
La graduation de ce tube marque les vingtièmes de milli¬
mètres; mais l'intervalle correspondant au 1/209 millimètre
mesure en réalité sur l'échelle 2 millimètres, de telle façon
que cet intervalle peut être lui-même apprécié dans ses fractions par l'œil avec assez d'exactitude, pour permettre
uneapproximation de plus d'un cinquantième de millimètre.
Lafigure ci-contre fait comprendre mieux que toute des¬
cription le maniement de l'appareil etla lecture des mesures
effectuées.
CHAPITRE VI
Les dimensions du cristallin sur le
cadavre.
Les mesures que nous avons
effectuées ont porté les unes
sur des individus morts depuis
vingt-quatre heures seule¬
ment, lesautres sur les
cadavres des salles de dissection,
misgracieusement à notre
disposition par M. le professeur
agrégé Princeteau; nous sommes
heureux de lui adresser ici
nos plus sincères
remerciements.
Comme nous n'avons saisi entre ces
deux catégories de
mensurations aucune différence
sensible,
nous nedistingue¬
rons pas entreellespour
le calcul de la moyenne.
Toutefois, il est à remarquerque
le cristallin
aété extrait
avec sa capsule; ce
fait doit être noté, car les divers traités
d'anatomie n'indiquent pas
si dans l'appréciation des mesures
de la lentille on a tenucompte de
la cristalloïde.
Nous indiquons dans notre
statistique le sexe et l'âge
approximatif
des cadavres; il nous a paru intéressant de
noter aussi le côté, car le
cristallin enlevé dans les mêmes
conditions n'offre pas
toujours exactement les mêmes
dimensions pour l'œil
droit
et pourl'œil gauche.
— 28 —
SEXE AGE
Approximatif COTÉ DIAMÈTRE AXE
Homme 40 OD 8mm2 3ram5
Homme 50 OD 8 5 4
Femme 50 OH 7 2 3 5
id 50 OG 7 3 5
Homme 35 OD 8 75 3
id 35 OG 8 3
Femme 45 OG 9 4
Femme 35 OD 8 5 3
id 35 OG 8 5 3
Homme 50 OD 8 55 3 1
id 50 OG 8 8 3 3
Homme 40 OG 8 65 05 QO<M
id 40 OD 7 75 3 20
Homme 40 OG 7 4 1
id 40 OD 7 32 3 68
Homme 30 OG 7 39 3 05
id 30 OD 7 17 2 87
Femme 50 0(5 7 65 3 70
id 50 OD 7 35 3 40
Femme (50 OG 8 30 4 05
id 60 OD 7 7 4 3
Homme 30 OD 7 25 M 00
id 30 OG 7 39 2 62
Femme 40 OD 8 4 5
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SEXE
AGE
Approximatif COTÉ DIAMÈTRE AXE
Femme 40 OG 7mm5 3mm75
Homme 35 OD 7 5 3 5
id 35 OG 7 25 2 25
Homme 50 OD 8 25 2 5
Homme 50 OD 8 5 3
id 50 OG 7 2 3 5
Femme 40 OD 7 5 3
id 40 OG 7 3
Femme 35 OD 7 5 2 75
Femme 30 OD 8 3 5
Homme 60 OG 7 25 3 5
Femme 50 OG 8 3 75
Homme 20 OD 8 5 3
id 20 OG 8 3
Homme 50 OD 8 5 3
id 50 OG 8 25 3 5
Femme 30 OG 7 2 75
id 30 OD 7 5 3
Homme 40 OD 8 3
id 40 OG 8 25 3
Homme 50 OD 8 3 5
Homme 50 OD 8 3
id 50 OG 8 3 5