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Cbrporation
23WISTMAINSTRIiT WnSTIR.N.Y.14SM
(716) «72-4303
CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/ICMH
Collection de
microfiches.
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HISTOIRE
I
BB
J08. MONTFERRAND
'',r;iiV.
HISXOII^E
DE
Jos. MONTFERBAND
L'ATHLETE
CANADIEN
PARBENJAMIN SULTE.
Nouvelle Editioij, ornée de nombreuses gravures.
^
MONTRÉAL
C. 0.
BEAUCHEMIN
& FILS, Libraires-Imprimtcues 256 et 258, rue St-Paul1899
Enregistré conformément à l'acte du Parlement du Canada, enl'année 1899, par C. 0. Beauchemin & FiLS,
au Ministèredel'Agriculture, àOttawa.
JOS. MONTFEBRAND
Après
la signaturede
la capitulationde
Montréal, le 8septembre
1760, les troupes françaises furentembarquées pour
retournerdans
leur patrie,mais
les soldats qui optèrent
en
faveurde
la colonie eurent lapermission d'ydemeu-
rer (1).
L'un
des ces derniers,Joseph
Montferrand, se fixa àMontréal
et ou-vrit
une
salle d'escrime qui fut bientôt très fréquentée.La
taille imposante, la force herculéenne, l'adressede
ce maître(1) JeanSuite, monbisaïeul, était decenombre.
6
JOS.MONTFERllAND
d'armes le mirent
en
réputation.La
légende rapporte que, célébrant le pre- mier jour
de
Tannée, ennombreuse
compagnie, à Thôtel des Trois-Rois, ils'éleva
une
querelleentre lui etplusieurs convives.Les
épées sortirentdu
four- reau.On
était encore si prèsde
laguerre
de Sept Ans que
la rapière et le fleuret étaient bien portés.Les
mili- taires anglais voulurent contraindreMontferrand
à se tenir tranquille. Il les charejea avec fureur et fitmaison
nette.
Son
fils senommait
aussiJoseph
et paraît être néen
1754.En
1783, il s'en-gagea
à lacompagnie du Nord-Ouest
JOS.
MONTFERRAND
7pour
ces rudesvoyages dont
les histo- riens ont si souvent parlé. Très fort et très brave, il se fitremarquer dans
maintscombats —
etTon
sait si la lutteétait
chaude
entre lescompagnies
quise disputaient la traite des fourrures
de rOuest
!Conducteur
des flottilles chargéesde marchandises pour
lespays
d'en haut, ensuite guide
ou
traiteur depelleteries, il sut
amasser une
petite fortune qui luipermit de
finir ses joursdans
Taisance. Il avait larenommée
dene
reculerdevant aucune
provocation etde
n'avoirjamais
été vaincu.Les
Français et lesCanadiens de Montréal
se montraient fiers
de
luicomme de
son8
JOS.MONTFERRAND
père.
Dans
cestemps
agités, la valeur musculaire jointe à la bravoure étaitgénéralement
prisée.Montferrand mourut
àMontréal au commencement de
notre siècle.Sa femme
senommait Marie-Louise
Couvrette. Elle descen- dait d'une famille des plus vigoureuses et tré« connue, les Ethier, deTAssomp-
tion.
Un
îier-à-bras qui venaitun
jourde
maltraiterun
enfant,tomba aux mains de Marie-Louise
et reçutune
dé- geléedont
il portalongtemps
lesmar-
ques,notamment
à la tête etau
cou. Il avait bel et bienperdu
connaissance sous les claquesde
cettefemme
robuste et pascommode du
tout !é
JOS.
MONTFERRAND 9
De
ce couplede
géants naquit, à Montréal, le 26 octobre1802
(1),un
filsqui reçut
au baptême
lenom de
Joseph.C'est notre héros.
Son
parrain s'appe- laitFabre
;de
là lenom de
Montfer-rand
ditFabre
qu'on luidonne dans
certains actes officiels.
Une grande douceur de
caractère le fit d'abordremarquer parmi
les autres enfants. Eloigné des dissipations de son âge, il manifestaitde
la piété,une
profonde modestie, etpersonne
n'eût devinéen
luil'homme de combat
qui(1)RuedesAllemands, dansunemaisonquiaété brûléeau grandfeade 18d2, et remplacée par cellequi porte actuelle-
mentlen^167.
10 JOS.
MONTFERRAND
devait répandre son
nom
sur tous les pointsde TAmérique du Nord.
Le
révérendM.
Sauvage,du
sémi- naire Saint-Sulpice, qui lui fit faire sa premièrecommunion,
le citaitcomme
exemple
à ses condisciples.Sa sœur Hélène
lui enseigna le catéchisme ; ellesut lui inspirer
une
foi vive,une grande
confiance enDieu
etune
profonde vé- nérationpour
la sainte Vierge.Dès
Tenfance il connut la forcedont
il était doué, et,
comme
il avait en toutun grand
sensde
la justice etde
l'é-quité,
on ne
le vitjamais maltraiter ses camarades. D'instinct, il protégeait les petits écoliers contre les grands et sejjt
JOS.
MONTFERRAND
11faisait leur tuteur. Il pouvait prendre
pour
devise,comme
les Salaberry :"
Force
à superbe ; merci à faible."*
.L»
Un
jour qu'il transportaità
lui seulune
piècede
boisénorme,
samère
lui dit :"
Tu
es fort,mais
n'en sois point glo-rieux, ton père était plus fort
que
toi."A
seize ans,une
circonstance fortuite le rendit tout àcoup
célèbredans
lequartier. Il travaillait
à une
excava-tion,
devant
lamaison de
son père.Un nommé Michel Duranleau, fameux
hully,traversant la rue
en compagnie de deux
12 JOS.
MONTFERRAND
Iltransportaitune piècede boisénorme.
autres fier-à-bras très
connus dans
les élections, mit le pied sur la tête de len- fant, qui se trouvaitau
niveaudu
sol.i>
\
/
b
'Jp
i>
K
JOS.
MONTFERRAND
13 Cette insolencene
plut pas à Montfer- rand, qui,poussé comme
parun
ressort,sortit
de
terre et allatomber au
milieu des troishommes. Duranleau,
qui n'a-vait pas ncore " rencontré son maître,"
fut rossé, avec ses
compagnons. Tous
trois étaient
de
lacampagne. Les
gensdu
quartierSaint-Laurentconsidérèrent cette victoirecomme un
item à leurcrédit.
Ce
qui étonnait le plusdans
cetadolescent, c'était la vivacité et la sou- plesse
de
ses allures. Ilne
portait pas sur le sol.On
Tavu
plus d'une fois14 JOS.
MONTFERRAND
s'enlever et
marquer du
talonde
sa botte le plafond des salles (basses^3omme
cellesde
toutes lesdemeures
deMarquer du talon desabotte leplafond des salles.. .
cette
époque) où
il s'amusait avec ses camarades.Bondir
à pieds joints par- dessusune
tableou une
barrière étaitpour
luiun
jeu quotidien.Son
caractère était très doux.Ayant
conscience
de
sa forcesurhumaine
etdu
milieudans
lequel il vivait, il était toujours sur ses gardes et réglait sondb
"
JOS.
MONTFERUAND
15'v'/
humeur
d'après la justice et le droit.Loyal
et honnête, il s'était acquis la réputation d'un gentleman.La
familleMontferrand, très rangée,
économe
et bien notéedans
lefaubourg
Saint-Lau-rent, élevait ses fils avec tout le soin désirable.
Notre
héros se ressentit tou- joursde
la sollicitudede
ses parents envers lui.L'art de la
boxe
estune
institution anglaise.L'armée
et lamarine
britan- niques ont transporté cegoût
sur tous les pointsdu
globe.A
la findu
siècle dernier etjusque
vers 1845.aucun pays
.
ne
fut plus anglaisque
leCanada
à cet égard.Notre
peuple est l'un des plusdb iisn^i
16 JOS.
MONTFERRAND
vigoureux qui se puissent voir.
Lorsque
les soldats
ou
les matelots cherchaient querelleaux
habitants—
ce qui arrivaitcontinuellement
—
ils trouvaient à qui parler.On
se montrait fier, de part et d'autre, des victoires ainsi remportées.Les
élections se faisaient alors par la violence.Durant
dessemaines
et des mois, les rencontres étaient journalières.Un
défi n'attendait pas Tautre.Notre
génération n'a pasconnu
cestemps de
troubles, aussi
pouvons-nous
difiicile-ment nous en
faireune
idée.Le
règne pacifiquede
la loinous a
habituésau mépris
des actes disgracieux quine
choquaientpersonne
ily a
soixanteans.i-
1
JOS.
MONTFF.REAND
17* *
i
'
La
rue desAllemands,
lieude
nais- sancede Montferrand,
esten
plein mi- lieudu
quartier Saint-Laurent,où
se ré- unissaient, avant 1840, tous leshommes
forts
de
passageà
Montréal.Les
ta-vernes
y
abondaient.Le mélange
desnationalités s'ajoutait à la
physionomie
déjà étrangede
ce quartier.Tout
voj/- ageiirun peu
solide tenaità
s'y faire connaître,mais on ne
se battait bienque
sur la grève,au
piedde
la place Jacques-Cartier.Etre connu au
fau-bourg
St-Laurent,c'étaitavoirune
répu- tation qui s'étendait par toutleCanada.
Les
habituésde
ces tavernes passaient2
18 JOS.
MONTFERRAND
alternativement
de
la buvetteà
la sallede
boxe, carl'établissement n'eût pas été complet,en
ce temps-là, sans le noble exerciceque
les Anglaisnomment
themanly
art.Plus
d'unepartie,commencée
avec les gants rembourrés, se terminait, quelques jours après,
en
présencede
lafoule
convoquée
parlarumeur
publique, parune
rencontre sérieuse àcoups de
poing.
Les
sportsmen et les gentlemen lesplus
huppés de
la ville, les officiers destroupes, les
dames mêmes
patronnaient ces joutes, ces tournois, ces exhibitionsde
la force physique.Les
rencontres sefaisaient suivant les règles.
On
n'yJOS.
MONTFERRAND 19
voyait, dès lors,rien
de
répugnant.Plus
d'une taloche savantea
été,dans
ce temps, Fobjetde commentaires
passion- nés, et Fauteurdu coup
s'est attiré leslouanges et les félicitations
de
milliersde
spectateurs enthousiastes.m
La
légende qui s'estformée
sur notre athlète est fausseen
plusieurs endroits.On
dit qu'il ignorait l'artde
la boxe. Il le connaissait aussi bienque
les plus adroits jouteurs. Elevédans
lefoubourg
Saint-Laurent,à deux
pasdu Fort Tuyau, du
CoinFlambant
etde
dixsalles
de gymnase,
il les fréquentait habituellement,mais
évitait les que-r*
20
JOS.MONTFERRAND
relies si
communes dans
ces réunions.Son
éloignementpour
lesboissonsfortesle laissaitmaître de
lui-même
et,lorsqueles têtes s'échauffaient, il savait se re- tirer.
Quand
son adversaire le serraitde
trop près, illevait lajambe
et le cou-chait par terre sans lui faire
de
mal.***
Deux boxeurs
anglaisrenommés
lut-taient
un
jour, en 1818, sur leChamp
de Mars de
Montréal,en
présencede
la foule et d'une partie des troupes
de
la garnison.
On
rapporteque
le vain-queur
futproclamé champion du Canada
et
que
le meilleurhomme du
pays futappelé, séance tenante, à lui disputer ce
\
JOS.
MONTPEKKAND
21Cm ex
-1
A ^i
Ils'élança dansle cercle etchanta le coq.
\
T
22
JOS.MONTFERRAND
titre.
Le sang de Montferrand ne
fit qu'un tour : ilne
voulait pas laisser lapalme
àun
Anglais ! Selon lacoutume du
temps, il s'élançadans
le cercle etchanta le
coq
: cela signifiait qu'il rele- vait le défi.Les
gensdu
quartier Saint-Laurent
battirent desmains—
ils con-naissaient l'enfant qui allait se
mesurer
contre leboxeur
anglais.Leur
espoirne
fut pas trompé.Montferrand ne
porta qu'un seulcoup de
poing,mais
siparfaitement appliqué,
que
son adver- saire se déclara incapablede
lui résister.Sesbras, sur levainqueur dans sagloire troublé, Frappent
comme
un fléau sur la gerbede blé.Le
lendemain, toute la villepronon-
jgmw^r^Qammmaa^gmmg^ggg^
T
\
JOS.
MONTFERRAND 23
çait le
nom de
Jos. Montferrand. Ilavait conquis la faveur populaire ; les
sporismen lui pressaient la
main
et se leprésentaient
Fun à
l'autre.La candeur
avec laquelle il recevait les éloges le fai- sait encore plus remarquer.Sa bonne
fi- gure plaisaitaux amateurs du grand
jeu.Mais
lui,dans
sonhumble
condition,ne
cherchait qu'àgagner
sa vie età
aider sa famille.Ses
instincts étaientdu
côtédu
travail. Il exerça,pour com-
mencer, rétatde
charretierde
grosse voiture ;on
l'employait surtoutà
lamanœuvre
des articles lourds et diffi- cilesà
remuer. Il expédiaitavec
pres- tesse labesogne
d'undéménagement, on
peut
le croire !24
JOS.MONTFERRAND
« *
Sa
conduite àl'égarddu
mulâtre qu'il avait battuà Kingston
révèle sonbon
cœur. C'était en1819 ou
1820.Ce mu-
lâtre, professeur
de
boxe, était le favoride
la garnison.Sa renommée
s'étendait jusqu'aux Etats-Unis.Les voyageurs
canadiens lui parlèrentde Montferrand.
— Je
lui offrirai la partie, dit le pro- fesseur, à condition qu'ilne
fera pointusage de
ses pieds.—
J'accepte, réponditMontferrand.
Au
jour fixé, toute la ville voulut voirle combat.Dès
les premièrespasses, le mulâtre s'emporta etpiqua de
latête.Monferrand
lemenaça de
ses pieds s'ilJOS.
MONTFERRAND 25 rompait
les conditionsdu
cartel. Quel-ques
instantsplus tard,le mulâtre abais- sa lesmains
et sedarda de nouveau
la tête en avant.Le Canadien
leva le pied et lui fracassa lamâchoire en
quatremorceaux.
11 existe plusieurs versions
de
cecom-
bat contre
un
mulâtre (1) ;en
voiciune
autre. C'était
dans
l'hiverde
1820-21.Montferrand
étaitdu nombre
des voi- turiers qui transportaient desmarchan-
dises en
Haut-Canada, en compagnie de
CharlesetJoseph
Perrault.A
Kingston,ils rencontrèrent
un
mulâtre célèbre par ses prouessesau
pugilat et se querel-(l) M. Ltimontagne, neveu de Montferrand, n'en croit au»
cune. Cependanttoutlemondeenparle.
26
JOS.MONTFERRAND
ièrent.
Montferrand
barra lechemin au
mulâtrepour
le punir de son audace,mais un coup de
poing qui le lança à dix pieds, lui apprit ceque
valait sonadversaire. Il
y
eut cinq reprises enrègle et ce n'est qu'à la
cinquième que Montferrand
porta lecoup de
pied quilui
donna
la victoire.Dix
ans plus tard, tousdeux
se ren-contrèrent à Montréal,
au marché Mol-
son, aujourd'hui
marché
Papineau.Le
mulâtre n'était
pas
reconnaissable.Sa maigreur
et sa figure affreusement en-dommagée en
faisaientun
spectre re-poussant.
—
J'ai toujours dépéri, depuis notrecombat,
dit-il à Montferrand.t
JOS.
MONTFEKFAND
274
Celui-ci lui prit la main, le consolade
son mieux
et luidonna
dix piastres.Bientôt après,
en
présencede M.
Fran- çois Laviolette, il lui remit vingt autres piastres ; puis il obtintde
le faire entrer à l'hôpital,où
il ne tarda pas à mourir.Troisième
combat
contreun homme
de
couleur.— Ce
mulâtre étaittambour-
major dans une
troupede
musiciensambulants
; la rencontre eut lieu, par faveur spéciale, sur leChamp
deMars à
Montréal, alorsfermé
à la foule.Au
premier
coup,Montferrand tomba
surune
main,mais
sereleva aussitôt.A
laseconde
passe il portadans
le côtégauche du
mulâtreun coup
qui l'abattit28
JOS.MONTFERRANÏ)
et causa sa
mort
lamême
journée.La
manière
dont
avait été arrangée cettemalheureuse
rencontre fut la sauve- gardede Montferrand
;on
avaitcom-
promis tantde
personnesdans
l'affaireque
touten
resta là.J'ai encore des histoires
de
mulâtres— mais
jevous en
fais grâcepour
lemoment.
Son
père et samère
décédèrentde
ji820 à 1822.
L'année
suivante, il entra To service de lacompagnie du Nord-
Ouest, sous les ordres
de M.
Fisher.Dès
les premiers jours,un
métis,du
X
JOS.
MONTFERRAND 29 nom de Armstrong,
leprovoqua
en duelau
pistolet,à
vingt pas.Montferrand
voulut abréger la distance,mais
son adversaire s'y refusa.A
présent, tuvas la danser I— Eh
! bien, puisque tune veux pas
te battre, tu n'en sentiras pas
moins
lapoudre
!30
JOS.MONTFERRAND
Ce
disant, il luimit
le pistolet sousle nez et tira
en
Fair. Puis, appliquant sa largemain
sur Tépauledu pauvre
diable, il ajouta :
—A
présent, tu vas la danser !Armstrong
s'excusa, àgenoux,
dit- on.Ce
métis était contremaître d'un chantier,ou
servait lacompagnie de
la baied'Hudson. Son amusement
consis- tait à aller d'uncampement
àun
autre, insulter leshommes
et les appeleren combat
singulier.A
causede
sa force etde
saméchanceté on
le craignait beaucoup.Montferrand
le guéritde
ses louables habitudes.A
l'âgede
vingt-cinq ans, il laissa la^'i
JOS.
MONTFERKAND
31compagnie pour
entrerau
servicede Joseph Moore,
qui exploitaitdes coupesde
bois sur la rivièredu Nord, où
il futconducteur en
chefpendant deux
ans.Alors il passa chez
Bowman
et McGill,marchands de
bois.Ce
fut son premiervoyage en haut de
TOutaouais.Le commerce de
bois prenait desproportions
énormes à
cette époque.On
tiraitde
l'Outaouais des " cages "qui descendaient le fleuve et faisaient la fortune des entrepreneurs.
Les
" voya- geurs " touchaientde
gros gages.Les
bons hommes
étaient recherchés.Leur
rendez^vousà Montréal
se continuaitdurant
tout Tété.Ceux
qui avaient fait32 JOS.
MONTFERRAND
Malgréleursbâtons, ilassomma-troisd'entre eux.
plusieurs
campagnes
et qui s'étaient distingués pardes actions d'éclat, jouis-JOS.
MONTFERRAND 33
I
saient d'une notoriété
que
la jeunesseenviait. L'adresse, le courage et les
muscles étaient
en grand
honneur.Nombre de Canadiens
se trouvaient riches sous ce rapport—
et ils exploi- taient leur fonds avec tout Tentrainque
notre racemet dans
les choses quilui plaisent.
Un
jour qu'il était porteurde
plu-sieurs milliers
de
piastres destinées à la paiede
ses gens, il fut attaqué,au
lac des Sables, par cinqhommes
qui vou- laient le dévaliser.Malgré
leurs bâtons,il
assomma
trois d'entreeux
et s'emparades
deux
autrespour
les livrer à lajus-tice.
8
34
JOS.MONTFEllRAND
Il mettait
de
Tordre partout :dans
la bande, souvent indisciplinée, qu'ilcom- mandait
;dans
les affairesde
se.i pa- trons etjusque dans
les écritures descommis,
tant samémoire
était fidèle.Le
lac des Sables est enhaut de
larivière
du
Lièvre, à trente lieuesde Buckingham. Ces
terrains avaient été concédésà Philemon Wright
vers 17î^9.En
1818,M.
Fisher en achetaune
par-tie
pour
établirune
ferme, qui devint bientôt prospère sous sa direction.En
1830, Tarpenteur
Bouchette
constateque M. Bowman y
possédait des cul-tures
en bon
état, ainsique
desmou-
lins.
La compagnie de
la baied'Hud-
son
y
avait dès lorsun
postede
traite.JOS.
MONTFEKUAND
35Un
parti,mêlé
d'Ecossais, d'Irlandais etd'Américains, logeaittemporairement
chezun Canadien de Buckingham,
ciuirecevait des voyageurs lorsque les hô-
telleries étaient pleines.
On
improvisaune
sauterie.Les
fillesdu
canton nedemandaient
pas mieux.Le
plaisir allabon
train, lorsque le fils de lamaison
voulut prendre part à la danse.Les
shinersle repoussèrent avec des
moque-
ries,
en
disant qu'unCanadien
était de trop en cemoment.
Cette insulte cou-rut le village
comme une
traînée depoudre.
Montferrand
en eut connais- sance et il partît seulpour
régler l'af-36 JOS.
MONTFERRAND
faire. Entrant
dans
le bal sans se faire annoncer, il étendit lamain
sur le vio-lon et le broya. Ensuite, s'adressant à
la société :
— Tout
lemonde
dehors !Vouscomprenezle reste: Sur cetordreun peu leste
Chacun s'enfutcoucher.
Trois qualités physiques faisaient de
Montferrand un homme
redoutable :les bras longs et forts, la
jambe
qu'ilmaniait
comme un
fouet, et la souplesseincroyable de tout son corps.
Ajoutons
à celaun
sang-froid qui rendait son courage effrayant.Le
plus souvent, il se battait à lah
JOS.
MONTFERRAND
37Ih
négligence,
mais dans
les casde
légi- time défense, il déployait tous sesmoyens.
C'était alorsun
lutteurhomé-
rique.
Eien ne
l'arrêtait et tout pliaitdevant
son audace. Il semblait avoirun
souverain méprisdu nombre
de sesadversaires, peut-être d'après ce calcul qui consiste à frapper
un grand coup
surdeux ou
troishommes
et à terrifier ainsi toute la bande.Son
frère Louis, plusjeune
etun peu moins
fortque
lui,l'accompagna dans
bien des courses. C'était aussiun hom-
me
d'ordre.Tous
deux, après avoir38 JOS.
MONTFERRAN^
beaucoup
travaillé,rudoyé
leur corpset
couru de
grands dangers sansnom-
bre, ont laissé
une
jolie fortune à leurfamille.
On
raconte de Louis qu'ilbûchait cinq cordes
de
bois durantune
courte journée d'hiver et les cordait avant l'arrivée
de
la nuit. Ses bourgeoislui donnaient toujours double salaire.
Lui
et son frère mesuraient six piedstrois
pouces
et trois quarts de hauteur.Louis ne
possédait pas l'agilitéde
Joseph.A
la batailleilétait maladroit.Quelques-uns
pensaient qu'il valait sonfrère, tant sa forceet sabravoure étaient incontestables.
Un nommé
Berlinguet annonçaiti
JOS.
MONTFERRAND
39^
depuis
quelque temps
qu'il battrait lesMontferrandà
la première rencontre.Les
cagesde
l'Outaouais étant arrêtéesà FAbord-à-Ploufife et Berlinguet sachantque Joseph
avait pris les devantspour
se rendre à Montréal, s'adressa à Louis,
l'injuria et finit
parle
souffleter.A
lagrande
surprise des assistants,Louis ne
tira point
vengeance de
Tinsulte.Mais un homme du nom de
Marsolais,de
Montréal, très vaillant lui-même, sauta
dans une
voiture et alla conter l'affaire à Joseph.On
voit d'ici le poildu grand
frère !
En deux
temps, il futà
l'Abord-à-Plouffe
— mais
Berlinguet avait dis-paru. Bientôt après, rendez-vous fut
40
JOS.MONTFERRAND
pris à Montréal', par Tentremise
de
té-moins. Berlinguet refusa
de
s'y rendre.Joseph
alla le chercher.Sur
le terrain,il s'avoua incapable
de
soutenir son défi.—
Il n'y adonc
pasun homme
sur laterre
pour
faire faceaux Montferrand
!s'écria Joseph.
— Je
le crois bien,vous ne
craignezni
Dieu
ni diable, répondit Berlinguet.— Je
crainsDieu
;quant au
diable, habillez-le enhomme ou
amenez-le-moidans son costume
naturel et je l'é-tranglerai 1
***
De
pèreen
fils, lesMontferrand
sontcharitables.
Lorsqu'un pauvre
charre-JOS.
MONTFERRAND
41tier perdait son cheval, les
deux
frères,Joseph
et Louis, allaientparlesmaisons
quêter l'argent nécessairepour
lui ache- terune
autre bête.Les
veuves et lesenfants
tombés dans
la misère trou-vaient en
eux
des protecteurs d'autant plus écoutés qu'ils étaientdu
peuple,connaissaient toute la ville et étaient estimés
dans
tousles rangsde
la société.Louis
estmort du
choléra, àMont-
réal,
en
1832,âgé de
vingt-cinq ans. Iln'était pas marié.
Vers
1828,à
Montréal,un major du
nom de
Jones, appartenant à l'armée, passaitpour
êtreun
pugiliste invin-gilnWMMMhJiiWÉrui
42
JOS.MONTFERRAND
cible. Il affectait
un
profond mépris des Canadii^n^ ITu jour,dans une
bu-vette de ^a Place
d'armes,
il vit entrerMontferrand
et se :r.o^^^9. de lui.Dix minutes
après, lesdeux hommes
seme-
suraient
dans
la cour de l'établissement.A chaque coup
appliqué d'unemain
sûre,
Montferrand
lui disait :Insulterez-vous encore les
Cana-
diens ?Le major
capitula, toutgrand boxeur
qu'il était.
*
.
En
1828, àQuébec, Montferrand
pensionnait à YHôtel de Québec, tenu parun nommé
Beaulieu.Les
frères9}
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ce 0)
(U
o aV mS O N t
44
JOS.MONTFERRAND
fi
h
McDonell, commis
deBowman
etMc-
Gill, donnaient
un
balaux
voyageurs.Les
officiers d'un navire anglais s'avi- sèrentde
troubler la fête. Ils cher- chaient à semesurer
contre les plus vaillants etmenaçiient de
tout briserdans
l'hôtel. C'était lamode du
temps.Les McDonell
appelèrentau
secours ;Montferrand
descenditde
sachambre.
Il tenta d'abord
de
faire sentir sa forceaux
intrus,mais
ceux-ci s'armèrentde
garcettes.
Alors
le véritable balcom- mença
!Montferrand ne manqua
pasun
seul officier : il les laissa tousaux mains
des médecins.La
chose fitgrand
bruit par la ville