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La mastectomie de trop ? - Grand Prix 2016 : 1er lauréat

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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CAS CLINIQUE 1er lauréat Grand Prix 2016

Maladie de Paget du mamelon

• Cancer du sein • Chirurgie conservatrice.

Paget’s disease • Breast cancer

• Breast conserving surgery.

La mastectomie de trop ?

Is mastectomy the best choice?

C. Fagot 1 , S. Frank 1 , A. de Rocquancourt 2 , M. Espié 1

La maladie de Paget est une affection rare du mamelon. Sa prise en charge chirurgicale est aujourd’hui remise en question par de nombreuses études. Celles-ci montrent que la mastectomie (jusqu’alors privilégiée) n’apporte pas de bénéfi ce en termes de survie par rapport à un traitement conservateur associé à une radiothérapie mammaire. Des solutions moins invasives peuvent dès lors être envisagées.

Observation

Une patiente, âgée de 52 ans, consulte pour une lésion eczématiforme du mamelon. Elle était suivie pour une mastopathie fibrokystique sans autre antécédent mammaire per- sonnel et familial notable. Elle se plaint d’un prurit ainsi que d’un écoulement du mamelon depuis 1 an. La mammographie, réalisée lors de la première consultation, met en évidence un large foyer de microcalcifications non spécifiques du quadrant supéro-externe (QSE) droit, classées ACR3. Des biopsies réalisées 6 mois plus tard identifient une mastopathie fibrokystique non proliférante au niveau des microcalcifications, et un épiderme dissocié avec des éléments cellulaires atypiques évoquant une maladie de Paget au niveau du mamelon. À l’examen clinique, on retrouve des lésions cutanées au niveau du mamelon droit ainsi qu’une masse rétromamelonnaire de 4 cm sur 4 cm associée à une adénopathie axillaire mobile (figure 1, p. 29).

Un nouveau bilan sénologique par mammographie montre un surcroît de densité du QSE droit à 7 cm du mamelon, d’allure glandulaire ainsi que des macrocalcifications d’allure séquellaire en rétroaréolaire à droite, sans microcalcifications retrouvées. L’examen classe ACR3 à droite et ACR2 à gauche. L’échographie retrouve une collection rétroaréolaire droite hétérogène en rapport avec un hématome vieilli post-biopsie.

Pour compléter le bilan, une IRM mammaire est programmée. Elle met en évidence une formation arrondie rétromamelonnaire de 13 mm en hypersignal T1 et T2 compatible avec un hématome post-biopsie. Il n’y a pas d’adénopathie axillaire suspecte (figure 2, p. 29).

Devant l’absence de cible radiologique et après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire, une pamectomie droite sans geste axillaire est décidée.

Le résultat anatomopathologique confirme la maladie de Paget mamelonnaire avec des lésions de carcinome intragalactophorique de haut grade nucléaire s’étendant sur 30 mm sans lésion carcinomateuse infiltrante (figure 3, p. 29). Les marges d’exérèse sont saines.

Une radiothérapie est programmée.

Discussion

La maladie de Paget représente 1 à 3 % des tumeurs mammaires. Cette affection tou- chant la plaque aréolomamelonnaire, décrite pour la première fois en 1874 par Sir Paget, se distingue par une lésion eczématiforme du mamelon et de l’aréole. Le diagnostic est souvent tardif par rapport au début des symptômes et repose sur une biopsie cutanée.

Deux théories peuvent expliquer son développement : la transformation in situ de cellules épidermoïdes ou la migration au niveau de la plaque aréolomamelonnaire des cellules carcinomateuses sous-jacentes (1).

Cette maladie reste isolée dans 1,4 à 13,3 % des cas, mais peut être associée à un cancer de la glande mammaire dans environ 80 % des cas (2), avec une atteinte multifocale retrouvée dans 21 à 80 % des cas (3). La présence d’une masse palpable n’est associée que dans 50 % des cas.

1 Centre des maladies du sein, hôpital Saint-Louis, Paris.

2 Anatomopathologie, hôpital Saint-Louis, Paris.

La Lettre du Sénologue • N° 71 - janvier-février-mars 2016 | 27

0027_LSE 27 07/04/2016 16:04:22

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CAS CLINIQUE 1er lauréat Grand Prix 2016

En cas de maladie de Paget du mamelon sans anomalie radiologique, on retrouve en histologie 33 à 75 % de carcinomes non invasifs et jusqu’à 9 % de cancers invasifs (2). Il est nécessaire de réaliser une IRM mammaire lorsque le couple mammographie/échographie ne retrouve pas d’anomalie. Il a été montré que, sur 23 patientes dont la mammographie était négative, l’IRM avait permis d’identifier 57 % de lésions cancéreuses (4).

Le traitement chirurgical standard de la maladie de Paget a été pendant de nombreuses années la mastectomie totale. Cependant, la chirurgie conservatrice apparaît comme une alternative à la mastectomie lorsque les examens radiologiques ne distinguent pas d’anomalie.

En effet, dans la plus grande étude prospective européenne, menée chez 61 patientes traitées par chirurgie conservatrice associée à une radiothérapie mammaire, avec un suivi moyen de 6,4 années, le taux de récurrence locale était de 5,2 % (IC95 : 1,8-14,1).

Le traitement conservateur doit être associé à de la radiothérapie pour limiter le taux de récidive locale (5), d’autant que des données rassurantes ont récemment été publiées sur la survie globale et la survie sans récidive. Une étude portant sur 38 femmes atteintes d’une maladie de Paget, sans masse palpable ni anomalie à la mammographie, avec un suivi médian de 113 mois, a montré des durées de survie similaires ; 94 % des patientes ont eu un traitement chirurgical conservateur (excision de la plaque aréolomamelonnaire totale ou partielle) suivi d’une irradiation mammaire totale de 50 Gy, associée à un boost pour 97 % des patientes. Le contrôle local de la maladie était excellent, de 91 et 87 %, respectivement, à 5 et 10 ans. La survie globale spécifique était de 97 % à 5, 10 et 15 ans (6).

Plus généralement, une étude rétrospective s’est intéressée à 113 patientes atteintes d’une maladie de Paget, avec ou sans anomalie mammaire clinique ou radiologique, opérées par mastectomie ou traitement conservateur avec radiothérapie et suivies pendant 7 ans.

Aucune différence en termes de survie sans récidive et de survie globale spécifique en fonction du type de traitement chirurgical n’a été montrée. Seul le statut ganglionnaire permet d’observer une différence dans les analyses. La survie spécifique est diminuée de 93 à 47 % en cas de ganglions envahis (7). L’indication du geste axillaire reste à définir.

Malgré ces données prometteuses, la controverse sur le traitement conservateur reste toutefois d’actualité. Une récente méta-analyse regroupant 7 études avec examens radiologiques normaux ou non, menées entre 1990 et 2013, et concernant 685 patientes, a montré qu’il y avait une différence significative en termes de récidive locale en faveur de la mastectomie, avec 5,6 % de récidives locales à 5 ans chez les patientes ayant eu une mastectomie et 13,2 % pour celles qui ont bénéficié d’un traitement conservateur (OR = 0,38 ; IC95 : 0,21-0,69 ; p = 0,001) [8]. Cependant, toutes les démarches diagnos- tiques n’étaient pas comparables et il n’y avait pas de données sur la survie globale.

Conclusion

Le dépistage systématique et les techniques d’imagerie modernes permettent un dia- gnostic de plus en plus précoce du cancer du sein. Dans la tendance actuelle, où les prises en charge thérapeutiques se veulent le moins invasives possible, la place du traitement conservateur dans la maladie de Paget reste controversée.

Il paraît donc nécessaire de codifier la prise en charge chirurgicale de la maladie de Paget lorsque les examens radiologiques ne détectent pas d’anomalie. Nous proposons un exemple de prise en charge (figure 4).

Toutefois, aujourd’hui, la chirurgie conservatrice associée à la radiothérapie apparaît comme une alternative à la mastectomie pour certaines patientes permettant une survie

globle identique, au prix d’un taux de récurrences locales un peu plus élevé. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

1. Ashikari R, Park K, Huvos AG, Urban JA. Paget’s disease of the breast. Cancer 1970;26(3):680-5.

2. Geffroy D, Doutriaux-Dumoulins I, Labbe-Devilliers C et al. Maladie de Paget du mamelon et principaux diagnostics différentiels. J Radiol 2011;92(10):889-98.

3. Helme S, Harvey K, Agrawal A. Breast-conserving

surgery in patients with Paget’s disease. Br J Surg 2015;102(10):1167-74.

4. Morrogh M, Morris EA, Liberman L et al. MRI

identifi es otherwise occult disease in select patients with Paget disease of the nipple. J Am Coll Surg 2008;206(2):316-21.

5. Bijker N, Rutgers EJ, Duchateau L et al. Breast-

conserving therapy for Paget disease of the nipple:

a Treatment of Cancer study of 61 patients. Cancer 2001;91(3):472-7.

6. Marshall JK, Griffi th KA, Haffty BG et al. Conser-

vative management of Paget disease of the breast with radiotherapy: 10- and 15-year results. Cancer 2003;97(9):2142-9.

7. Kawase K, Dimaio DJ, Tucker SL et al. Paget’s disease of the breast: there is a role for breast-conserving therapy.

Ann Surg Oncol 2005;12(5):391-7.

8. Li YJ, Huang XE, Zhou XD. Local breast cancer

recurrence after mastectomy and breast-conserving surgery for Paget’s disease: a meta-analysis. Breast Care 2014;9(6):431-4.

Références bibliographiques

28 | La Lettre du Sénologue • N° 71 - janvier-février-mars 2016

0028_LSE 28 07/04/2016 16:04:22

(3)

1

1 2

3

Maladie de Paget

Masse palpable Anomalie retrouvée à la mammographie et/ou à l’échographie

Traitement conservateur : pamectomie et radiothérapie

IRM mammaire

Non Oui

Normale

Anormale

Traitement chirurgical adapté à l’histologie

Biopsie mammaire

4

Légendes

Figure 1. Lésion mamelonnaire droite évoquant une maladie de Paget.

Figure 2. IRM mammaire (coupe axiale) montrant une collection rétroaréolaire droite en rapport avec un hématome post-biopsie.

Figure 3. Aspect histologique d’une maladie de Paget. Prélèvement mamelonnaire : colo- nisation de l’épiderme par de grandes cellules carcinomateuses de nature glandulaire.

Figure 4. Proposition de prise en charge chirurgicale pour une maladie de Paget avec examens clinique et radiologique négatifs.

La Lettre du Sénologue • N° 71 - janvier-février-mars 2016 | 29

0029_LSE 29 07/04/2016 16:04:23

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