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Les droits fondamentaux des étrangers en France

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DROITS FONDAMENTAUX DES ÉTRANGERS

EN FRANCE

MAI 2016

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TABLE DES MATIÈRES

I.

ENTRÉE, SÉJOUR, ÉLOIGNEMENT : DES FONCTIONS RÉGALIENNES DE L’ÉTAT

À EXERCER DANS LE RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX

DES ÉTRANGERS 10

I. Lecontrôledel’entrée

desétrangerssurleterritoire 10

A. Leslimitesàladélivrancediscrétionnairedes

visas 10

1. Desatteintesauxdroitsconstatéesdansladélivrance

desvisascourtséjour 11

2. Desatteintesauxdroitsconstatéesdansladélivrance

desvisaslongséjour 17

3. Lapolitiquedesvisas,notammentàl’égarddesSyriens,

àl’épreuvedudroitàuneprotectioninternationale 24 B. Lerefoulementauxfontièresdifficilementsubordonné

aurespectdesdroitsfondamentaux 27

1. Unefrontièreexternaliséeauméprisdesdroits 27 2. Lemaintienenzoned’attente,sourcedeprivation

desdroits 36

II. Ledroitauséjourdesétrangers 39

A. Uneprécarisationdudroitauséjourcomportant

desatteintesauxdroitsfondamentauxdesétrangers 39 1. Uneprécarisationorganiséeparlestextes… 39 2. …etentretenueparlesdéfaillancesconstatées

enpréfecture 44

B. Descatégoriesd’étrangersparticulièrementaffectées

parlaprécaritédudroitauséjour 57

1. Lesmineursisolésdevenusmajeurs 57

2. Lespersonnesmalades 60

3. Lespersonnesvictimesdeviolences 69

4. Lesdétenus 74

5. Lestravailleursmigrants 76

(3)

III. L’éloignementdesétrangers 95 A. Desmesuresd’éloignementaubien-fondécontest-

able 95

1. Desentorsesàl’interdictiond’éloignerlesétrangers

protégésparlaloi 96

2. Ladifficileconciliationdel’éloignementdesparents d’enfantsmineursavecledroitaurespectdelavie

privéeetfamilialeetl’intérêtsupérieurdel’enfant 103 3. Unélargissementdespossibilitésderecours

auxinterdictionsderetoursurleterritoirefrançais

outrepassantlecadrefixéparledroiteuropéen 105 B. Desmesuresd’éloignementexécutées

auméprisdecertainsdroitsfondamentaux 107 1. Atteintesdanslecadredesinterpellations 107

2. Atteintesdanslecadredelarétention 110

3. Atteinteslorsdelamiseenœuvredeséloignements

forcésparvoieaérienne 130

4. Reconduitesexécutéesenméconnaissance

desformalitésrequisesenmatièredelaissez-passer 136

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II.

DROITS FONDAMENTAUX DES ÉTRANGERS PRÉSENTS SUR LE TERRITOIRE : UNE ÉGALITÉ DE TRAITEMENT

AVEC LES NATIONAUX SOUMISE À RUDE ÉPREUVE 159

I. Lesdroitscivilsetpolitiques 159

A. Lalibertéd’alleretvenir 159

1. Pratiquesillégalesvisantàéloignerdespersonnes

deleurlieudevie 160

2. Contrôledel’identitéetduséjour,

unciblagedesétrangers 162

B. L’accèsàlajustice 174

1. Accèsaujugedesplusdémunis:desentraves

résultantdedifficultésàobtenirl’aidejuridictionnelle 176 2. Droitàunrecourseffectif :uneexclusiondudroit

communpréjudiciableauxétrangersprésentsoutremer 179

C. Ledroitaumariage 184

1. Contrôledesmariagesblancsetgris 184

2. Mariagehomosexueldesétrangers

decertainesnationalités 186

II. Lesdroitséconomiquesetsociaux 187

A. Ledroitàlaprotectiondelasanté 187

1. Lesétrangersensituationirrégulière :derniersexclus

d’unsystèmed’assurancemaladietoujoursplusinclusif. 189 2. Lesétrangersensituationrégulière :unaccèsàl’Assurance

maladiefragiliséparlarécenteréformePUMa 197 3. Lesétrangers,unpublicparticulièrement

exposéaurisquederefusdesoins 200

B. Ledroitaulogement

etàl’hébergementd’urgence 206

1. Lestentativesderestrictiondel’accèsaulogement,

sourcespotentiellesdediscriminations… 208 1. ...danslecontexted’uneremiseencausedudroit

àl’hébergementd’urgence 211

2. Demandeursd’asile :desentravesàl’accès

auxconditionsmatériellesd’accueil 214

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C. Ledroitàuneprotectionsociale 219 1. Desdiscriminationsrésultantdesconditions

spécialementimposéesauxétrangers 220

2. Desexclusionsrésultantd’uneapplicationrestrictive

desrèglesdedroitcommun 228

D. Ledroitautravail  232

1. Restrictionsàl’emploidesétrangerssollicitant ledroitdetravaillerenFrance :lanotionfluctuante

demétiersentension 234

2. Restrictionsàl’emploidesétrangersdéjàautorisés

àtravaillerenFrance 237

3. Restrictionsàl’emploid’étrangersparticulièrement

vulnérables :lesdemandeursd’asile 243

E. Ledroitaucompte 250

1. Ledroitàl’ouvertured’uncompteconditionné

àlavérificationdel’identitéetnonduséjour 251 2. Ledroitàl’utilisationducompteauregarddel’exigence

dedocumentsencoursdevalidité 253

III. Lesdroitsspécifiquesdesmineurs 254

A. Ledroitdesmineursnonaccompagnés

àuneprotection 255

1. Lespréalablesàlapriseenchargedesmineurs

nonaccompagnés. 256

2. Unequalitédepriseenchargetrèsvariable 268 B. Minoritéetextranéité,deuxfacteursd’entrave

àl’exercicedesdroitsfondamentaux 272

1. Droitàlaprotectiondelasanté 272

2. Droitàlaprotectionautitredel’asile 275 3. Accèsàl’emploietàl’éducationprofessionnelle

desmineursnonaccompagnés 277

4. Droitàl’éducationetàlascolarisation

desenfantsétrangers,isolésounon 280

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Les différentes lois relatives aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers ayant succédé à l’ordonnance du 2  no- vembre 1945ont,àderaresexceptionsprès,conduitàunerégres- siondelasituationdesétrangers,lestexteslesplusfavorablesne revenant jamais complètement sur la situation prévue par la légis- lationantérieure.Cefaisant,ellesontrenforcélabanalisation,dans lesespritsetdansledroit,dutraitementdifférenciédesindividusà raisondeleurnationalité.

A tel point qu’aujourd’hui, l’idée de traiter différemment les per- sonnesn’ayantpaslanationalitéfrançaise,deleuraccordermoinsde droitsquelesnationaux– ettoujourssousuneformeconditionnée, plusprécaire –estsiusuelleetconvenuequ’ellelaisseraitcroireque laquestiondelalégitimitéd’unetelledistinctionestdépourvuede touteutilitéetdetouteintérêt.

LeDéfenseurdesdroitsconsidèrequecetteapparenteunanimitéfait fausseroute.L’article 1erdelaDéclarationdesdroitsdel’Hommeet duCitoyen,partieintégrantedublocdeconstitutionnalité,nedéclare- t-ilpaseneffetque« touslesHommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », cesdroits– inaliénablesetsacrés –leurétantaccor- désenraisondeleurconditiond’êtrehumain,sanspriseencompte aucunedel’originenationale ?Cesdroitssontuniversels.

LeDéfenseurestimeeneffetquelerespectdesdroitsdesétrangers estunmarqueuressentieldudegrédeprotectionetd’effectivitédes droits et libertés dans un pays. Il entend, dans ce rapport, relever l’ensembledesobstaclesquisedressentàl’accèsdesétrangersaux droitsfondamentauxenFranceetmesurerl’écartentrelesdroitspro- clamésetlesdroitseffectivementexercés1.Or,cesobstaclesnesont passeulementliésàdespratiquesdépourvuesdebaselégale.C’est danslarèglededroitelle-mêmequ’unetensionforteexisteentrela proclamationetlaréalisationd’un« principe universaliste d’égalité », quiconduitàsupprimerlesdifférencesdetraitementsillégitimes,et d’un« principe réaliste de souveraineté étatique »quiconduitàcréeret développerdesrégimesjuridiquesetunaccèsauxdroitsdifférents fondésurlanationalité2.

Autermed’untravailderecensementdesactionsjuridiquesquele Défenseur a mené à la suite du Médiateur de la République, de la Défenseuredesenfants,delaCommissionnationalededéontologie delasécurité(CNDS)etdelaHauteautoritédeluttecontrelesdis-

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criminationsetpourl’égalité(Halde)dontilareprislesmissionset les compétences, l’approche générale de ce rapport s’oriente de la manièresuivante :

Enmatièred’entrée,deséjouretd’éloignement,ledroitpositifauto- riselesdifférencesdetraitementfondéessurlacatégoriejuridique

« étranger ».Danscesdomaines,lepouvoirdiscrétionnairedel’Etat estimportant.Iln’esttoutefoispassanslimiteetnesauraitenaucun casêtrediscriminatoire.Sansmêmeavoiràseprononcersurleca- ractèrefondéounond’unetelleacceptationparledroit,leDéfenseur sedoittoutefoisderappelerque,mêmedansundomaineaussiréga- lien,lerespectdesdroitsfondamentauxdoitêtregaranti(Première partie).

S’agissant de la plupart des autres domaines (protection sociale, protectiondel’enfance,santé,logement,hébergement),ledroit,au termed’unemutationimportante,nelégitimepluscettedifférence detraitementet,àderaresexceptionsprès– certesnotablesenma- tièred’emploi –,l’interdit.Au-delàdespratiquesillégalesquicontre- viennent à cette interdiction, comme les refus de scolarisation ou d’accèsauxsoinsparexemple,laloiestsusceptibled’instaurerdes critères autres que la nationalité, apparemment neutres, mais qui deviennentpourtantdenouvellesentravesàl’accèsauxdroitsfonda- mentaux desseulsétrangers(Deuxièmepartie).

Loin d’être naturelles et immuables, les règles de droit dédiées aux étrangers ou encore celles s’appliquant principalement à eux – qu’ils’agissedel’étrangerprésentsurleterritoirefrançaisdepuis peu ou au contraire de celui dont la présence est ancienne  – sont autantdechoixopérésparlelégislateuretlepouvoirréglementaire quireposentparfoissurdesconsidérationssubjectives,fluctuantes, empreintesdeprotectionnisme,voiredexénophobie.C’estdansce contextequesedéveloppentdesidéespréconçues,desmythes,fré- quemmentalimentésparlapeurlorsquel’onévoquelesétrangers, dontilestdudevoirdesacteursdeladéfensedesdroitsdecontri- bueràdéconstruire.

Autitredecesprésupposés,laforteprésenced’étrangersenFrance, y compris en situation régulière et durablement installés, serait de natureàremettreencause« l’identiténationale ».Dèslors,lafinalité des règles de droit s’appliquant aux étrangers devrait être irrémé- diablement celle de la «  maîtrise de l’immigration  »3 ou, au mieux, celledu droitdesétrangers4,marqueurd’unrégimejuridiquedistinct, etnoncelledes droitsdesétrangers.Or,l’immigrationestunfaitso- cialconsubstantielàlaconstructiondelaFranceetd’unepartiede l’Europe.Aucunepériodedel’histoiredel’immigration,aussiintense soit-elle, n’a modifié le socle des valeurs républicaines communes.

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Nilemillionderapatriésetharkisaudébutdesannées 60,pasplus quetouslesPortugais,Espagnols,Italiens,Algériens,Marocains,Tuni- siens,venus– pourtravailler –danslesannées 60et70.Nilesimmi- gréssub-sahariensquel’indépendancedesEtatsafricainsaconduits enEurope.Nienfinlesprèsde200 000« boatpeople »audébutdes années70etce,alorsquelasituationéconomiquedelaFrancecom- mençaitàsedégrader,quelegouvernementavaitsuspendul’immi- grationdetravailleursetquela«maîtrisedesfluxmigratoires»était déjàdevenuelapréoccupationmajeuredespouvoirspublics.

Parmices« idéesreçues »,ontrouvecelleselonlaquelleunepolitique à l’égard des étrangers pleinement respectueuse des droits fonda- mentauxprovoqueraitun« appeld’air »favorisantuneimmigration massiveouseraitparticulièrementcoûteuse.Outrelessituationsde renoncementauxsoinsdontilssontcoutumiers5,lesétrangerssont particulièrementexposésaunon-recoursauxprestationssociales,en cequ’ilsappartiennentauxfrangeslesplusfragilesdusalariat,aux catégorieslesplusprécairesetlesmoinssusceptiblesdeserepérer danslesméandresdel’administration6.Lenonrecoursàcespresta- tionsestunsignaldufaitqu’unsystèmedeprotectionsocialejugé

« généreux »àl’égarddesétrangersn’estpasunesourced’attractivité etunmotifd’immigration.

Enfin, au nombre des allégations susceptibles d’orienter les choix politiqueetjuridiqueàl’égarddesétrangers,ilyacelledel’oppor- tunitéd’opéreruntrientreles« bons »étrangersetles« mauvais », entreceuxquelaFrancechoisiraitd’accueillir,notammentenraison deleurhautpotentieléconomiqueetceuxdontellesubiraitlapré- sence,contrainted’assumeruneimmigrationfamilialeimposéepar desrèglessupranationales.Or,dutriopérédécoulentdesdroitsdif- férentsauséjour,àlaprotectionsocialeetautravail.

Véhiculesdesidéesetdesstéréotypes,lesmotsutilisésnesontpas neutres et sans conséquence. Migrants, réfugiés, clandestins, sans papiers, immigrés, exilés sont autant de mots rarement utilisés de manièreindifférente.Sil’objetdecerapportestd’évoquerles« étran- gers »pourdécrirelacatégoriejuridiquedesindividusquin’ontpas lanationalitéfrançaise,leDéfenseurpeutêtreamenéàutiliserlemot

« migrant »pourdécrirelesortdespersonnes,sujetdedroitsdansun processusd’immigration,dedéplacement.Cetermealongtempsété vucommeleplusneutre,auregardnotammentdeceluide« clandes- tin »,particulièrementutilisépardesmouvementsanti-immigration.Il anéanmoins,depuisunepérioderécente,tendanceàêtreutilisé,en particulierdansl’expressioninappropriéede« crisedesmigrants », pourdisqualifierlespersonnes,leurdénierundroitàlaprotectionen lesassimilantàdesmigrants« économiques »,dontl’objectifmigra-

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toireseraitutilitaristeet,partant,moinslégitimequeceluiliéàlafuite delaguerreoudespersécutions,opéréparleréfugié.Ainsi,malgré lesbonnesintentionstendantàsoulignerlecontextedanslequelces personnesontfuileurpays,l’appellationde« réfugié »parfoispré- coniséepourdécrirelesauteursdesmouvementsmigratoires,està doubletranchantencequ’ellepeutinciteràdistinguer,unefoisde plus,les« bons »réfugiés,ceuxquipourraientprétendreàunepro- tectionautitredel’asile,des« mauvais »migrantsditséconomiques, cequin’apasdesens.

Cettedistinctionconduitàjeterlediscréditetlasuspicionsurlesexi- lésdontonchercheàdéterminersileurchoixd’atteindrel’Europeest noble,« moral »etpassimplementutilitaire.Avec,àlaclé,lerisquede priverdeprotectionlespersonnesendroitd’enbénéficier.Or,cette logiquedesuspicionirriguel’ensembledudroitfrançaisapplicable auxétrangers– arrivésrécemmentcommeprésentsdurablement – etvajusqu’à« contaminer »desdroitsaussifondamentauxqueceux delaprotectiondel’enfanceoudelasanté.Ainsiqu’ilvaêtredémon- tré tout au long de ce rapport, le fait que le droit et les pratiques perçoiventlesindividuscomme« étrangers »avantdelesconsidé- rerpourcequ’ilssont,enfants,malades,travailleursouusagersdu servicepublic,conduitàaffaiblirsensiblementleuraccèsauxdroits fondamentaux.

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I.

ENTRÉE, SÉJOUR, ÉLOIGNEMENT : DES FONCTIONS RÉGALIENNES DE L’ÉTAT À EXERCER DANS LE RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX DES ÉTRANGERS

I. LE CONTRÔLE DE L’ENTRÉE

DES ÉTRANGERS SUR LE TERRITOIRE

A. LES LIMITES À LA DÉLIVRANCE DISCRÉTIONNAIRE DES VISAS

Pour entrer sur le territoire français, les étrangers doivent être en possessiond’unvisa.Toutefois,ceprincipeconnaitdesexceptions.

En premier lieu, il ne s’applique pas aux ressortissants de l’Union européenneetdel’Espaceéconomiqueeuropéen,niauxressortis- santsbénéficiantdeconventionsinternationalesliantleurpaysetla France.Ensecondlieu, etbienquelaforcedecetteexemptiontende àêtreatténuéeparledéveloppementd’unejurisprudencerestrictive [voirinfra,PI-I-A-3],lesdemandeursd’asilen’ontpasàjustifierd’un visapouraccéderauterritoirefrançais.

RattachéeaupouvoirrégaliendesÉtatsdedéterminersouveraine- mentlesconditionsd’entréeetdeséjoursurleurterritoire,ladéli- vrancedesvisasestunecompétenceéminemmentdiscrétionnaire.

Toutefois,lalargemarged’appréciationdontjouissentlesEtatsen lamatièreestaujourd’huiencadréeàundoubleniveau :parledroit del’Unioneuropéenned’abord,etparlesnormesinternationalesen matièrededroitsfondamentauxensuite.

Depuisl’entréeenvigueurduTraitédeLisbonne,lapolitiquedesvi- sasesteneffetunecompétencepartagéeentrel’Unioneuropéenne etlesEtatsmembres.En2009,l’établissementd’uncodecommunau- tairedesvisas7,dit« Codedesvisas»,estainsivenuconsacrerune compétence exclusivement européenne dans le domaine des visas decourtséjour.Troiscatégoriesdevisaseuropéensexistentdésor- mais :levisauniformepourleséjourouletransit,levisadetransit aéroportuaire(VTA)etlevisaàvaliditéterritorialelimitée.Toutefois, le respect de des normes édictées par le Convention EDH impose certaines limites à la délivrance discrétionnaire des visas de court séjour (1).

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Enrevanche,ledomainedesvisasdelongséjourrelèvetoujoursprin- cipalementdelacompétencedesEtatsmembres.Plusieursarticles duCESEDAysontconsacrés.C’estdanscedernierdomainequeles limitations imposées à l’appréciation discrétionnaire des Etats par lesconventionsinternationalesprotégeantlesdroitsfondamentaux –notammentlaConventionEDHoulaCDE–s’avèrentlespluspré- gnantes, puisque ces visas, dits d’installation, sont majoritairement sollicitéspourdesmotifsfamiliaux(2).Parailleurs,ilyalieudesou- lignertoutparticulièrement,danslecontexteactuel,quelapolitique françaisedesvisas,notammentàl’égarddesSyriens,estsusceptible de se heurter au droit conventionnellement protégé à bénéficier d’uneprotectioninternationale(3).

1.  Des atteintes aux droits constatées dans la délivrance des visas court séjour 

Del’examendesréclamationsportéesàsaconnaissance,leDéfenseur desdroitsconstatequelesrefusdevisasdecourtséjoursontsuscep- tiblesdeporteratteinteaudroitdemeneruneviefamilialenormale (a)etd’interférerdanslavieprofessionnelledesétrangers (b).

a.  Refus de visas portant atteinte au droit à la vie privée et familiale

Lecodecommunautairedesvisas8énumèreleshypothèsesdansles- quelles les autorités consulaires peuvent refuser la délivrance d’un visadecourtséjourSchengenparmilesquellesl’existencededoutes raisonnablesquantàlavolontédudemandeurdequitterleterritoire del’Étatmembreavantl’expirationduvisa,autrementdit,sil’étran- gerreprésenteun« risquemigratoire ».

Dansunarrêtdu19 décembre20139,laCJUEaconsidéréquelaliste derefusposéeparlecodedesvisasavaituncaractèreexhaustif.Elle estime,enoutre,quelesÉtatsn’ontpasàacquérirdecertitudequant àlavolontédudemandeurdequitter,ounon,leterritoiredel’État membreavantl’expirationduvisademandé,maisquel’évaluationde l’existencedetelsdoutesreposesurdesélémentscomplexesréser- vantunemarged’appréciationimportanteauxautoritéscompétentes.

Le Défenseur des droits s’inquiète de ce qu’un tel motif de refus puisseêtreopposédefaçontropsystématique,notammentlorsque cesdécisionsportentatteinteaudroitaurespectdelavieprivéeet familialetelqueprotégéparl’article 8delaConventionEDH.

Le Défenseur est, par exemple, saisi de façon récurrente de refus devisasopposéssurlemotifdu« risquemigratoire »àdesparents deFrançaissouhaitantrendrevisiteàleursenfantsetpetits-enfants français.Or,sil’administrationconsulairedisposed’uneimportante

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marged’appréciations’agissantdel’évaluationd’untelrisque,celane ladispensepasdeprendreencompte,dansl’examendelademande devisa,lerespectdesdroitsfondamentauxdesétrangers,enparticu- lierleurdroitaurespectdelavieprivéeetfamiliale.LeConseild’Etat, saisienréféré,aeul’occasiondelerappeleràplusieursreprises10. C’est pourquoi le Défenseur des droits recommande aux mi- nistres des Affaires étrangères et de l’Intérieur d’émettre des instructions en vue de guider les autorités consulaires dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation. Ces instructions vise- raient à :

– rappeler la nécessité de tenir compte de l’impact de leur dé- cision sur le droit à la vie privée et familiale des demandeurs et de la situation particulière des demandeurs (membres de famille de Français, âge et état de santé) ;

demander de procéder à un examen bienveillant des de- mandes de visas de court séjour présentées pour visite fa- miliale ou privée dès lors que les demandeurs remplissent les conditions fixées par le code communautaire des visas, surtout lorsqu’il apparaît qu’un refus porterait une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale ;

– préciser les cas où pourrait être retenue l’existence de doutes raisonnables sur la volonté du demandeur de quitter le ter- ritoire avant l’expiration du visa demandé. Compte tenu de la large marge d’appréciation laissée aux Etats s’agissant de l’évaluation de l’existence de tels doutes, cette précision ne contreviendrait pas aux dispositions du droit de l’Union eu- ropéenne et à l’objectif d’instruction uniforme poursuivi par le code des visas.

b.  Refus de visas ayant des conséquences sur la vie professionnelle

LeDéfenseurdesdroitsrelèvedesdifficultésquantàl’accèsàune informationclairedesressortissantsdepaystiersserendantsurle territoirefrançaispouruncourtséjourpourraisonsprofessionnelles.

Ilaainsiétésaisiparuneassociationàlasuitederefusdevisasop- posésàunetrouped’artistesseproduisantdansdifférentesstruc- tures,notammentpubliques,enraisond’unrisquededétournement del’objetduvisaetdel’absencedegarantiesfinancièressuffisantes concernantlarémunérationdesditsartistes.LaDirectionrégionale des affaires culturelles (DRAC) avait pourtant validé le dossier pré- voyantlesmodalitésmatériellesdecetéchangeartistiqueetenavait informélesautoritésconsulaires.

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Il est néanmoins ressorti de l’instruction diligentée par le Défen- seur que les demandeurs se produisant dans le cadre d’un séjour d’échangesartistiquesdevaientprésenteruncontratdetravailvisé parlaDirectionrégionaledesentreprises,delaconcurrence,dela consommation,dutravailetdel’emploi(DIRECCTE),afind’obtenirune autorisationprovisoiredetravailou,lecaséchéant,uneattestation dedispensedecemêmeorganisme.Or,lesdemandeursl’ignoraient, cequi,auvud’élémentsd’informationsportésàlaconnaissancedu Défenseur,nesemblepasêtreuncasisolé.

Le Défenseur des droits estime ainsi opportun de recommander aux ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur, minis- tères de tutelle, de prendre les dispositions propres à assurer la délivrance d’une information claire aux demandeurs de visas de court séjour pour raisons professionnelles en indiquant s’il y a lieu pour l’employeur de solliciter une autorisation de travail auprès de la DIRECCTE et, selon les cas, en rappelant l’obligation de présenter un contrat de travail visé par la DIRRECTE ou une attestation de dispense émanant de ce même organisme, en par- ticulier dans le cadre d’échanges artistiques.

c.  Demandes illégales et discriminatoires formulées pour la délivrance des attestations d’accueil

ToutétrangerquidéclarevouloirséjournerenFrancepourunedu- réen’excédantpastroismoisdanslecadred’unevisitefamilialeou privéedoitprésenterunjustificatifd’hébergement.Cetteattestation d’accueil,signéeparlapersonnequiseproposed’assurerlelogement del’étrangeretvalidéeparlemairedelacommune,estprévuepar laConventionSchengendu19 juin1990.Lesconditionsdesasous- criptionetdesavalidationsontquantàellesprévuesparleCESEDA.

Dans l’hypothèse où l’étranger accueilli ne pourvoirait pas person- nellementàsesfraisdeséjourenFrance,l’attestationd’accueilest accompagnée de l’engagement de l’hébergeant de les prendre en charge,pendanttouteladuréedevaliditéduvisaoupendantune duréedetroismoisàcompterdel’entréedel’étrangersurleterritoire desEtatspartiesàlaConvention11.

UndécretenConseild’Etat fixelespiècesquidoiventaccompagner l’attestationpourêtrevalidéeparlemaire:unjustificatifd’identité del’hébergeant12,undocumentprouvantsaqualitédepropriétaire, delocataireoud’occupantdulogementdanslequelilcomptehéber- ger le ou les visiteurs, tout document permettant d’apprécier ses ressources(bulletinsdesalaires,avisd’impositionetc.)etsacapacité d’hébergerl’étrangeraccueillidansunlogementdécent(superficie,

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sécurité,salubrité,confort)etsonengagementàprendreencharge financièrementl’étrangers’ilestdéfaillant13.

Saisisdedifficultésdécoulantdecetteexigence,lesservicesduDé- fenseurdesdroitsontconstatéqueleslistesdepiècesrequiseset les conditions fixées par les mairies concernées étaient contraires auxdispositionsduCESEDAencequ’ellesajoutaientdesconditions nonprévuesparlestextespourladélivranced’uneattestationd’ac- cueil, commel’exigencedelapartdel’hébergeantd’unminimumde ressourceséquivalentauSMIC,lanonpriseencompteduRSAetdes prestationsfamilialesdanslacomptabilisationdesressources,lapro- duction d’une attestation d’assurance maladie couvrant l’étranger hébergé,laproductiondepiècesrelativesàl’identitéetaudomicile del’hébergé.

Al’issued’uneinstructioncontradictoire,leDéfenseurdesdroitss’est prononcé,dansunedécisionnMLD-2015-310,surlecaractèreillégal etdiscriminatoiredetellespratiques.IlrecommandaitauPréfet,en saqualitéd’autoritédetutelledesmairiesconcernées,d’établirune listedespiècesexigéescommuneetconformeauxtexteslégislatifs etréglementaires.Cetteinstructionad’oresetdéjàconduitlePréfet etlesmairiesàmodifiercertainesdeleurspratiquespoursemettre enconformitéavecledroitapplicable.Conscientquelespratiques portéesàsaconnaissancepourraientnepasêtreisolées,le Défen- seur des droits formule les observations suivantes relatives aux pièces susceptibles d’être demandées à la personne sollicitant la délivrance d’une attestation d’accueil.

i. Conditions imposées à l’hébergeant Sur ses ressources :

Enpremierlieu,leDéfenseurdesdroitsrappellequelecontrôledes ressources de l’hébergeant présente uncaractère subsidiaire  : si l’étranger dispose de ressources suffisantes, aucune demande ne doitêtrefaiteàl’hébergeantsurcepoint(article 5duRèglement eu- ropéendu13 juillet2009).

Larédactiondel’articleL.211-4duCESEDAvadanscemêmesens :

«  [l’attestation d’hébergement]est accompagnée de l’engagement de l’hébergeant de prendre en charge pendant toute la durée de validité du visa (…), et au cas où l’étranger accueilli n’y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l’étranger pour son entrée sur le territoire en l’ab- sence d’une attestation d’accueil ».

C’est d’ailleurs aussi la formulation qui est reprise par la circulaire du23novembre2004,point3-4-4.Seulledécretd’applicationdela loi14 semble faire de cet engagement une condition exigée quelles

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quesoientlesressourcesdel’étrangerhébergé(articleR.211-11du CESEDA).Surcefondement,leformulaireprévu(cerfan10798*03) obligel’hébergeantàs’engagersursesressources.Rienn’indique,là nonplus,lecaractèresubsidiairedelapriseenchargefinancièrede l’hébergeant.

Ainsi,exigerdel’hébergeantqu’ilseportesystématiquementgarant delapersonnequ’ilreçoit,indépendammentdelapriseencompte desressourcesduvisiteuretalorsquecedernierestdéjàtenude souscrireuneassurance,semblecontraireàlaloietexcessifaure- garddudroitaurespectdelavieprivéeetfamiliale.

Ensecondlieu,ilconvientderappelerque,danslecadred’unede- manded’attestationd’accueil,l’hébergeantn’apasl’obligationdejus- tifierd’unminimum de ressourcesmaisseulementcelledepouvoir prendreenchargelesfraisdeséjourdelapersonneaccueillie,limités aumontantdesressourcesexigéesdelapartdel’étrangerpourson entréesurleterritoire,enl’absenced’uneattestationd’accueil15,ainsi quel’apréciséleConseilconstitutionnel16.Les« frais de séjour limités », auxtermesdesdispositionslégislativesduCESEDA,rappellentl’article 5 du Règlement européen précité, lequel évoque des«  ressources suffisantes  ». Les dispositions réglementaires étant muettes sur ce point, seule la circulaire du 23  novembre  2004 définit ce niveau de ressourcesenlefaisantcorrespondreauSMICjournalier.

Enfixantuntelniveauderessources,lacirculaire,toutcommelefor- mulairecerfano10798*03,outrepassentlecadredelaloi.

Sur l’exclusion des prestations sociales des ressources prises en compte :

Le Défenseur des droits souligne que la pratique développée par certaines mairies consistant à exclure les prestations sociales des ressourcesprisesencompten’estpasexpressémentprévueparle CESEDA,contrairementàcequiestprévupourlesdemandesdere- groupementfamilial17oudecartederésident18.

Ilestimequecettepratiqueillégaleanotammentpoureffetd’exclure les personnes bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé (AAH) delapossibilitédesolliciterenqualitéd’hébergeantuneattestation d’accueil et peut constituer une discrimination en raison du handi- cap,contraireauxarticles8et14delaConventionEDHainsiqu’aux articles 1eret2delaloidu27 mai200819.Eneffet,lapossibilitépour l’hébergeantdesolliciteruneattestationd’accueilpourpermettreà sesprochesdeserendreenFrancepourunevisitefamilialeoupri- véerelèveduchampd’applicationdesstipulationsdel’article8dela ConventionEDH.

(16)

A cet égard, le Défenseur des droits a considéré à de nombreuses reprisesquelerefusdepriseencomptedel’AAHdanslecalculde la condition de ressources était discriminatoire(Halde n2006-285, n2006-286,no 2008-13,etDéfenseurdesdroits,nMLD-2014-164).

Sur la production d’une attestation d’assurance :

Certaines mairies sollicitent la production d’une attestation d’assu- ranceaumomentdelademanded’attestationd’accueil.Pourtant,en application du CESEDA20, l’hébergeant a uniquement l’obligation de déclarer,dansleformulairedédié,sicetteassuranceserasouscrite parluioulapersonneaccueillie.

ii. Conditions pesant sur l’étranger accueilli

Certainesmairiesimposentàl’hébergeantdefournirdespiècesrela- tivesàlapersonneaccueillie,liéesparexempleàsonidentitéouà sondomicile.

Or,lacirculairedu23novembre2004,point3-4-4,esttrèsclairesurce point :« L’hébergeant n’est tenu de produire des pièces justificatives que s’agissant de sa propre identité, de son logement, de ses ressources (…), les renseignements fournis sur l’étranger accueilli relevant en revanche d’un régime déclaratif, sans qu’il soit besoin de solliciter la production de pièces justificatives. La vérification de l’identité de l’hébergé et des justifica- tifs requis pour obtenir un visa et pour pénétrer sur le territoire relève de la compétence des autorités consulaires et de contrôles aux frontières ».

En effectuant un contrôle de ces pièces, les mairies outrepassent doncleurmission.

Il résulte de ce qui précède que, saisi de nombreuses réclama- tions relatives au refus de visas court séjour, le Défenseur des droits recommande :

au ministre de l’Intérieur de rappeler à ses services décon- centrés de veiller à la bonne application du droit concernant les pièces exigées des administrés en vue de la délivrance d’une attestation d’accueil, au bénéfice d’un ressortissant de pays tiers, établie dans le cadre de sa demande de visa de court séjour.

au ministre de l’Intérieur et au ministre des Affaires étran- gères, de modifier les dispositions réglementaires de l’article R.211-11 du CESEDA relatives aux pièces exigibles de l’héber- geant pour dissiper toute ambiguïté sur le caractère subsi- diaire du contrôle des ressources de l’hébergeant ;

(17)

au ministre de l’Intérieur et au ministre des Affaires étran- gères, de modifier la circulaire du 23 novembre 2004 :

en ce qu’elle ne devrait plus fixer de montant minimum de ressources exigibles, cette exigence étant contraire à la loi et au droit communautaire ;

en ce qu’elle devrait prendre en compte, dans la déter- mination des ressources, les prestations sociales, notam- ment l’AAH.

2.  Des atteintes aux droits constatées dans la délivrance des visas long séjour

L’objectifpoursuiviparlesvisasdelongséjour(VLS)étantl’installation durabledel’étrangersurleterritoirefrançais,l’appréciationdesauto- ritésdiplomatiquesetconsulairesestégalementtrèsétendue,s’agis- sant du pouvoir régalien de l’Etat de décider qui entre et séjourne sursonterritoire.Danscertainscas,biendélimitésetexpressément prévus par les textes, le législateur habilite ainsi ces autorités à se prononcersurl’intérêtduprojetmigratoiredudemandeur :ellesexa- minentparexemplelaviabilitééconomiqueoulafaisabilitéduprojet nécessairesàladélivrancedescartes« commerçant »ou« compé- tencesettalents »enmêmetempsqu’ellesstatuentsurlademande devisa21.

Toutefois,danscertainscasdéterminésparlaloiouidentifiésparla jurisprudence,lamarged’appréciationdontellesdisposentsetrouve réduite.Telssontlescasdesvisasdélivrésauxpersonnesayantdes liensparticuliersaveclaFranceouauxréfugiés(a).LeDéfenseurdes droitssetrouverégulièrementsaisidecasderefusdevisasopposés àcespersonnes.Cesréclamations,danslamesureoùellesmettent encauseledroitconstitutionnellementetconventionnellementpro- tégédesréclamantsàmeneruneviefamilialenormaleoul’intérêt supérieurdel’enfant,fontl’objetd’uneattentiontouteparticulière.

LeDéfenseurdesdroitss’attacheàveilleraurespect desobligations procéduralesrenforcéesquiprévalent(b)toutens’assurantqueles autorités compétentes en matière de délivrance de ces visas exa- minentsurlefondlasituationdesdemandeursauregarddurespect deleursdroitsfondamentaux(c).

a.  Une marge d’appréciation réduite des autorités

diplomatiques et consulaires pour plusieurs catégories d’étrangers

Membres de famille pour lesquels le regroupement familial a été autorisé

Pourmémoire,laprocédurederegroupementfamilialsedérouleen deuxtemps.Ledemandeurintroduitd’abordunedemandeauprès

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del’autoritépréfectoraleaubénéficedesmembresdefamillerejoi- gnant –  le conjoint, les enfants mineurs. Une fois le regroupement familialautoriséparlepréfet,lademandedevisadubénéficiaireest alorsinstruiteparleconsulatdeFrancecompétentquinepeutrefu- serlevisaqu’ensefondantsurdesmotifsd’ordrepublic22.

Parmilesmotifsd’ordrepublic,figurel’absencedecaractèreprobant desactesd’état-civilproduits,étantpréciséqu’ilrevientalorsàl’admi- nistration,sielleallèguedetelsmotifs,« d’établir la fraude de nature à justifier légalement le refus de visa »23.

Membres de famille de ressortissants français

Lesconjoints de Françaissontégalement,enprincipe,unecatégorie d’étrangerspourlesquelslesautoritésnepeuventquetrèsrarement refuserlevisalongséjour.LeCESEDA24dispose,qu’outrelecasoùle demandeurnejustifiepas,lecaséchéant,desaparticipationàlafor- mationauxvaleursdelaRépublique,levisalongséjour nepeutêtre refuséqu’encasdefraude,d’annulationdumariageoudemenaceà l’ordrepublic.

Le Défenseur des droits est néanmoins assez souvent saisi de tels refusdevisas,fondéssurl’absencedemaintiendesliensmatrimo- niaux ou le caractère complaisant du mariage qui serait contracté dansleseulbutdefaciliterl’établissementenFrancedudemandeur.

Dansunerécenteaffaireoùl’intentionmatrimonialeétaitainsimise encause,leDéfenseurafaitlechoix,parladécisionnMSP-2015- 153, de présenter des observations devant la Cour administrative d’appeldeNanteslaquellea,pararrêtdu15 janvier201625,annuléla décisionimplicitederejetenestimantqu’aucundecesélémentsne pouvaitêtreretenudanslecasd’espèce.Malgrél’issuefavorabledon- néein fine àlaréclamation,cetteaffaireillustrelasuspicionquiguide l’instructiondesvisasd’installationdesconjointsdeFrançaisetque leDéfenseuraeul’occasiondesouligner.Lesréclamantsdisposaient en l’occurrence d’un nombre considérable d’éléments de preuve attestantdeleurintentionmatrimonialeetontdû,dansuncontexte juridique de limitation du pouvoir de l’administration, mener une procédurecontentieusedeprèsde4anspourexercerleurdroitde meneruneviefamilialenormale.

Danslemêmeétatd’esprit,lesdemandesdevisasforméesparles parents d’enfants françaissonttrèsencadréesetlaissentenprin- cipepeudeplaceàl’exercicediscrétionnairedupouvoir26.

Pourmémoire,auxtermesdesdispositionsdu6odel’articleL.313-11 duCESEDA,unecartedeséjourtemporaireportantlamention« vie privéeetfamiliale »estdélivréedepleindroitàl’étrangernevivant pasenétatdepolygamiequiestpèreoumèred’unenfantfrançais

(19)

mineurrésidantenFrance,àlaconditionqu’ilétablissecontribueref- fectivementàl’entretienetàl’éducationdedecelui-cidepuissanais- sanceoudepuisaumoinsdeuxans.C’estdanslebutdevenirvivre enFrance,aubénéficedecetitredeséjour,quel’étrangerparentde Françaisformeunedemandedevisas.

LeDéfenseurdesdroitsaétésaisi,parlebiaisderéclamationsindivi- duelles,deplusieursdifficultésrencontréesparcesparents.Cesdif- ficultésconcernent,d’unepart,laconditionderésidenceenFrance del’enfantet,d’autrepart,l’établissementdelapreuvedelapartici- pationàl’entretienetl’éducationdel’enfantparleparentétranger.

La condition de résidence en France fixée par le CESEDAestpro- blématiquepuisquel’enfantfrançaisnerésidepastoujoursenFrance au moment de la demande de visa. Les cas soumis à l’examen du Défenseurdesdroitsontpuconcerneruncouplenonmariérésidant àl’étrangeretsouhaitantvenirs’établirenFranceavecleurenfant françaisouencoreunconjointétrangerséparédesonconjointfran- çaissouhaitantvenirs’établirenFranceavecleurenfantfrançais,ne serait-cequepourpouvoirpermettreauconjointfrançaisd’exercer sonautoritéparentale.

MêmesileCESEDAn’évoquequelasituationdanslaquellel’enfant résideenFrance,leConseild’Etataconsidéréen200927qu’unvisa delongséjournepouvaitêtrerefusé,sansméconnaitreledroitau respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l’article8delaConventionEDHauxmotifsquel’enfantnerésiderait pasenFranceetqu’aucunlienmatrimonial– mariageoupactecivilde solidarité –unissaitlecouple.

Cette décision, tout à fait conforme à l’esprit de la loi et à l’intérêt supérieur de l’enfant, n’en reste pas moins qu’une simple décision juridictionnelleetlesilencedu6del’articleL.313-11duCESEDA,qui n’envisagequelasituationdesenfantsfrançaisrésidantenFrance, induitparfoisdesrefusdevisasdesservicesconsulaires.

Le Défenseur des droits recommande que le 6de l’article L.313- 11 du CESEDA soit modifié afin de préciser la portée de la déci- sion du Conseil d’Etat du 5  novembre  2009 et que le visa long séjour soit accordé au parent étranger d’enfant français, que ce dernier réside ou non en France préalablement à cette demande.

Le ressortissant d’un pays tiers vivant avec son enfant français à l’étranger devrait pouvoir venir sans difficultés résider en France en même temps que son enfant.

La preuve de la participation à l’éducation et à l’entretien de l’en- fant estuneautresourced’interprétationsdivergentesdelapartdes

(20)

autoritésconsulairesetdiplomatiquesdontpeutêtresaisileDéfen- seurdesdroits.

En1997,leConseilconstitutionnel28aconsidéréque,pournepaspor- teratteinteaudroitdel’étrangerdemeneruneviefamilialenormale, devaitêtreregardécommesubvenanteffectivementauxbesoinsde sonenfant,lepèreoulamèreayantprislesmesuresnécessaires, comptetenudesesressources,pourassurerl’entretiendecelui-ci.

Lajurisprudenceadministrativeenadéduitquel’étatd’impécunio- sitéduparentd’enfantfrançaisnefaisaitpasobstacleàcequ’ilpour- voiteffectivementàl’entretienetàl’éducationdesonenfant29.Dans cesens,unecirculairedu20 janvier200430rappellequechacundes parentsdoitcontribueràl’entretienetàl’éducationdesenfants« à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des be- soins de l’enfant ».Lespréfecturessontainsiinvitéesàveiller« à ce que le défaut de ressources ne soit pas un obstacle à l’admission au séjour du demandeur, dès lors que celui-ci établit par tout autre moyen remplir ses obligations légales en matière de surveillance et d’éducation de l’enfant ».

Ilrésultedel’ensembledestextesprécitésquelesautoritésconsu- lairesnepeuventprocéder,danslecadredesdemandesdevisaspré- sentéesparunparentd’enfantfrançaisàunexamendesressources ducouple,dèslorsqu’ellesdoiventseulementcontrôlerqueleparent ressortissant de pays tiers contribue effectivement à l’entretien de l’enfantdepuissanaissanceoudepuisaumoinsdeuxans.

Malgrél’arsenallégislatifetjurisprudentielinterprétantledroitpositif conformémentaudroitfondamentaldemeneruneviefamilialenor- maleetàl’intérêtsupérieurdel’enfant,despratiquesrestrictivesnon isoléesperdurent.

En conséquence, le Défenseur des droits préconise que les mi- nistres de l’Intérieur et des Affaires étrangères rappellent, par voie d’instruction, la portée des décisions du Conseil constitu- tionnel du 22 avril 1997 et celles de la juridiction administrative précitées afin que :

la délivrance d’un visa long séjour à un étranger parent d’enfant français ne soit pas soumise à une condition de res- sources du couple mais à la seule condition de participation à l’entretien et l’éducation de l’enfant par le parent étranger ; l’état d’impécuniosité du parent étranger ne permette pas

de conclure que la condition de participation à l’entretien et l’éducation de l’enfant n’est pas, en tant que telle, respectée.

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Membres de famille de réfugiés

Laprocédurederéunificationfamilialepermetauxbénéficiairesdu statutderéfugié,delaprotectionsubsidiaireetauxapatrides,d’être rejointsparcertainsmembresdeleurfamille,sansconditiontenant àuneduréepréalabledeséjourrégulier,deressourcesoudeloge- ment,commecelaestexigéenmatièrederegroupementfamilial.

Unefoislaprotectioninternationaleaccordée,lademandedevisaest instruiteparleconsulatdeFrancequinepeut,commeenmatièrede regroupementfamilial,refusersadélivrancequ’ensefondantsurdes motifsd’ordrepublic.Ainsi,enmatièrederapprochementfamilial,si lesagentsdiplomatiquesetconsulairesnesontpasautorisésàvéri- fierl’authenticitédesdocumentsétablisparl’OFPRA31,ilspeuventen revanches’assurerdelavéracitédesrenseignementsproduits,l’ab- sencedecaractèreprobantdesactesd’état-civilconstituantlàencore unmotifd’ordrepublic32.

LorsqueleDéfenseurdesdroitsestsaisidetelsrefus,ilinterrogeles servicesconsulaires,leurrappelleledroitapplicableetinformeles réclamantsdesvoiesjuridiquesquis’offrentàeuxpourcontesterces décisions.

b. Sur la forme, des obligations procédurales renforcées

LaCourEDHaprécisélateneurdecesobligationsdansquatrear- rêtsconcernantdesrefusdevisassollicitésdanslecadredeprocé- duresderegroupementfamilial33etderéunificationfamiliale34 :pour quelesdécisionsdesautoritésconsulairesetdiplomatiquessoient conformesàl’article 8delaConventionEDH,celles-cidoiventfaire preuve d’une souplesse, d’une célérité et d’une effectivité particu- lièresetcelad’autantplusquesontencausedespersonnesayant obtenulestatutderéfugiéoudesenfants.

Ces obligations spéciales découlent par ailleurs du droit de l’Union européenne, la directive 2003/86/CE du Conseil de l’Union euro- péennerelativeaudroitauregroupementfamilialdisposant,enson article 13 :« Dès que la demande de regroupement familial est acceptée, l’État membre concerné autorise l’entrée du ou des membres de la famille.

À cet égard, l’État membre concerné accorde à ces personnes toute facilité pour obtenir les visas exigés ».

Or,leDéfenseurdesdroitsaétésaisidesituationsquiparaissentpeu conformesauxprincipeseuropéens.

En premier lieu, une pratique développée par certains consulats françaisconsisteànotifieretmotiver,àl’aided’unformulairetype, des refus de visas à l’égard des membres de familles de réfugiés résidant régulièrement en France. Ce formulaire se réfère à une

(22)

liste stéréotypée de dix motifs de refus au nombre desquels l’un a particulièrement retenu l’attention du Défenseur  :«  le dossier de demande de visa établit la filiation de l’enfant, mais l’autre parent n’étant ni décédé, ni déchu de l’exercice de ses droits parentaux ou du droit de garde, l’intérêt supérieur de l’enfant commande qu’il reste auprès de son autre parent dans son pays d’origine ».

Untelmotifderefusapparaîtillégal,dèslorsqu’iln’appartientpasà l’autoritéconsulairededétermineraveclequeldesesparentsl’en- fantdontlafiliationavecunepersonnereconnueréfugiéeenFrance estétablie,doitvivre.Plusgénéralement,leformulairetypesemble contrevenirauxexigencesformuléesparlaCourEDH.

En conséquence, le Défenseur des droits recommande au mi- nistre de l’Intérieur et au ministre des Affaires étrangères, d’indi- quer aux autorités consulaires :

– de ne pas utiliser de formulaire stéréotypé pour motiver les refus de visas de long séjour des membres de familles de ré- fugiés ou d’étrangers résidant régulièrement en France, afin qu’une réponse accompagnée d’une motivation circonstan- ciée et individuelle leur soit apportée en cas de refus ;

qu’il ne leur appartient pas de se substituer aux choix des parents pour fixer le lieu de résidence de l’enfant dont l’un des parents étrangers vit régulièrement en France.

Ensecondlieu,c’estaustadedelaprocéduredevérificationdel’au- thenticitédesdocumentsqueleDéfenseurdesdroitsestamenéà intervenir.

Acetégard,ilremarquequelesréclamantsrencontrentdesdifficultés dedifférentsordres :d’abordpourobtenirdesinformationssurl’évo- lutiondelaprocéduredevérification,ensuitepourfairevaloirleurs arguments,notammentparlaproductiondedocumentscomplémen- taires,envued’établirl’authenticitédesélémentsd’état-civilfournis ouleliendefiliationcontestéparl’administrationet,enfin,pourobte- nirunemotivationprécisedesraisonsayantconduitaurefus.

Conformément aux principes dégagés par la Cour EDH dans les arrêts précités, le Défenseur des droits demande aux ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères de rappeler aux autori- tés consulaires qu’elles doivent :

procéder à une information régulière de l’évolution des véri- fications en cours ;

– apporter la motivation précise du constat de l’inauthenticité des documents d’état-civil en produisant par exemple le pro- cès-verbal des recherches effectuées par l’agent consulaire habilité ;

procéder aux vérifications des documents d’état-civil  avec

(23)

souplesse, selon la formule que retient la Cour EDH, lorsqu’il s’agit de réfugiés, de personnes mineures ou de personnes ressortissantes de pays où les services d’état civil présentent des carences notoires ;

permettre au demandeur de produire des observations avant qu’un refus définitif de délivrance lui soit opposé.

c.  Sur le fond, un examen à réaliser au regard du respect des droits fondamentaux

LaCourdeStrasbourgestimequel’article8delaConventionEDH n’impliquepas,pourlesEtatscontractants,uneobligationgénérale derespecterlechoixémispardesressortissantsdepaystiersd’éta- blirleurviefamilialesurleurterritoireetd’yautoriserleregroupe- ment familial. Toutefois, elleprécise quelepouvoirdiscrétionnaire desEtatsenlamatièren’estpasabsolu,l’étenduedel’obligationleur incombantderespecterlechoixdupaysderésidenceexpriméparles personnesmigrantesvariantenfonctiondelasituationparticulièrede cespersonnesetdel’intérêtgénéral35.Danscecontexte, lesfacteurs à prendre en considération sont l’existence d’une entrave effective àlaviefamiliale,l’étenduedesliensquelespersonnesconcernées ontnouésavecl’Etatderésidence,l’existenced’obstaclesinsurmon- tables au développement de la vie familiale dans le pays d’origine, l’existenced’élémentstouchantaucontrôledel’immigrationouàdes considérationsd’ordrepublicetpesantenfaveurd’uneexclusion36. LeConseild’Etatarappeléàplusieursreprisesque,demanièregé- nérale, les autorités compétentes étaient tenues, lorsqu’elles envi- sageaientderefuserdesvisassurdesmotifsliésàlaprotectionde l’ordrepublic,deprendrecomptelesconséquencesdecerefussur laviefamilialedudemandeur37.Acetitre,lejugeexerceuncontrôle de proportionnalité, vérifiant que l’atteinte portée à la vie familiale desdemandeursn’estpasexcessiveauregarddesobjectifsd’ordre publicpoursuivisparlerefusdevisa38.

Deplus, lorsquedesenfantssontencause,lesautoritésnationales doivent,dansleursconsidérations,faireprimerleurintérêtsupérieur conformémentàl’article3-1delaCDE39.

Lorsque le Défenseur des droits est saisi de tels refus, il inter- roge les services consulaires, leur rappelle le droit applicable et informe les réclamants des voies juridiques qui s’offrent à eux pour contester ces décisions.

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3.  La politique des visas, notamment à l’égard des Syriens, à l’épreuve du droit à une protection internationale Lalégitimitédelademandedeprotectioninternationaledesressor- tissantssyriensestévidenteauregarddelasituationdeguerreque connaitlaSyrieetdesexactionsquisontcommisessurlapopulation civile.

En2013,laFrancearétablil’exigencedevisadetransitaéroportuaire (VTA)pourcesressortissants,auregarddurisqued’affluxmassifsde migrantsquelestraitementsvécussurplacepourraientprovoquer.

CettedécisionaétévalidéeparleConseild’Étaten201440aumotifque cetteobligationrépond« à des nécessités d’ordre public tenant à éviter, à l’occasion d’une escale ou d’un changement d’avion, le détournement du transit aux seules fins d’entrée en France »,etqu’elleneportepas atteinteaudroitd’asile.

Peudetempsaprès,c’estlerefusd’unedemandedevisaforméedans lebutdedemanderl’asileenFrance,opposéeàunefamillesyrienne, quiaétéàsontour,validéeparlejugedesréférésduConseild’État aumotifque« si le droit constitutionnel d’asile a pour corollaire le droit de solliciter en France la qualité de réfugié, les garanties attachées à ce droit fondamental reconnu aux étrangers se trouvant sur le territoire de la République n’emportent aucun droit à la délivrance d’un visa en vue de déposer une demande d’asile en France »41.

Ilaainsifaitapplicationd’unejurisprudenceclassiquefondéesurle caractèresouveraindeladécisiond’accorderounonunvisapuisque

« l’État est en droit de définir les conditions d’admission des étrangers sur son territoire42 »dèslorsqu’« aucun principe non plus qu’aucune règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national43 ».

Certes,endroit,iln’estpasnécessaired’avoirobtenuunvisaenbon etdueformepourdemanderl’asileunefoissurleterritoire.Dansles faits,lapolitiquedesvisasmenéeparlaFrancecontraintnombredes intéressésàopternécessairementpourd’autresmoyensdecircula- tion,illégauxetpérilleuxalorsmêmequeledroitdequittersonpays – ledroitd’émigrer –constitueundroitfondamental(voirinfra).Or,ce sontcesmêmespersonnesqui,aucoursdeleurparcoursmigratoire, etàdéfautd’avoirempruntélesvoieslégalesd’arrivéesurleterritoire français,vontseretrouverdansunesituationdetrèsgrandevulné- rabilitéetsouventcontraintsdevivredansdesconditionsindignes,à Calaisoudansd’autreslieuxfrontalierstoutaussiprécaires.

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Le Défenseur recommande de supprimer, pour les Syriens, l’exi- gence de VTA rétablie en 2013. Il demande également que les ser- vices consulaires soient engagés à procéder à l’examen bienveil- lant des demandes de visas présentées par ces ressortissants en vue de solliciter l’asile en France.

DIFFICULTÉS LIÉES À LA PRIVATISATION

PARTIELLE DU TRAITEMENT DES DEMANDES DE VISAS

Conformémentàcequ’autoriseleCodedesvisas44,etafindefaire faceàlahausseconstantedesdemandesetd’améliorerlescondi- tionsd’accueildesdemandeurs,laFranceadécidédeconfieràdes organismesprivés,depuisunedizained’années,letraitementdecer- tainestâchesliéesàladélivrancedesvisas.Lepoint4del’article43du codecommunautairedesvisasdisposeenrevancheque « l’examen des demandes, les entretiens éventuels, la prise de décision concernant les demandes, ainsi que l’impression et l’apposition des vignettes-visas sont effectués uniquement par le consulat. »

Soucieusedegarantirl’aspectcommundelapolitiquedesvisas,la Commissionapréconiséunencadrementeuropéendecetteforme d’externalisationàdesorganismesprivés45.

Demême,l’article 43ducodecommunautairedesvisaspréciseque lorsquelesÉtatsmembresrecourentauxservicesd’unprestatairede services extérieurs, ils doivent s’assurer du respect par celui-ci des exigencesminimalesquidoiventêtreinséréesdansl’instrumentjuri- diquedecoopération.Lecodeaprévu,àcettefin,uneannexe Xtrès utilequilistecesexigencesminimalesdontl’objectifestessentielle- mentdes’assurerdurespectdelalégislationcommunautairerelative àlaprotectiondesdonnéesnominativesdesétrangersformantdes demandesdevisa.

LeDéfenseurdesdroitsaétésaisiàplusieursreprisesdedifficultés rencontréesparcertainsusagersdesservicesconsulairesayantainsi externaliséceservice.Cesréclamantsneparvenaientpasàfaireen- registrerleurdossierauprèsduprestataireaumotifqu’ilsn’auraient pasproduitlespiècesexigéesparleslistespréétabliesoubienqu’ils nejustifieraientpasdesconditionsdefondpourl’obtentiondutype devisasollicité.

EnréponseauDéfenseurquisollicitaitsesobservations,leministrede l’Intérieuraprécisélesmodalitésdelacoopérationdéveloppéeentre les autorités administratives et les prestataires de services privés.

Lesmissionsdesprestataires,sélectionnésselonlesrèglesdespro-

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céduresdemarchéspublics,diffèrentd’unpaysàl’autreetpeuvent prendredeuxformes.Ilpeuts’agirdelasimpleprisederendez-vous, del’accueildupublicetdurecueildesdossiers.Danssaformelaplus large,l’externalisationconsiste,enoutre,enlacollectededonnées biométriques,lavérificationdel’ensembledespiècesrequisesetla perceptiondesdroitsdevisas.

Selonleministre,l’activitédesprestatairesseraitrégulièrementvéri- fiéeparlesservicesdel’administrationcentraleetpardesmissions d’audit.Lesfonctionnairesdesconsulatsserendraientrégulièrement dans les locaux des prestataires afin de vérifier leur travail. Le mi- nistreaégalementexpliquéauDéfenseurqu’outrelesdroitsdevisas, lesdemandeursdoivents’acquitterauprèsduprestatairedefraisde servicequelecodecommunautairedesvisaslimiteà30euros.L’en- caissementdecesfraisnedevraitsefairequ’aprèsdépôtdudossier parledemandeurchezleprestataire.Lorsqu’undossierestconsidéré commeincomplet,ledemandeurdevraitêtrelibrededéposersade- mandeenl’étatoudelacompléterdansletempsquiluiestimparti.

Leministrerappelaitàcetteoccasionquelepassageparlepresta- tairenedevraitjamaisêtreobligatoire,lesdemandeursdevisasres- tanttoujourslibresdedéposerleurdossierdirectementauservice desvisasduposteconsulaire.Acetégard,leministreindiquaitau Défenseurque,pourmettreuntermeauxdifficultésexposées,ilavait invitéleserviceconsulaireencausedanslesréclamationsàmodifier lesindicationsfigurantsursonsitepourfaireapparaîtrequelepas- sageparleprestataire,s’ilestencouragé,n’estpasobligatoire.

Le Défenseur des droits salue cette initiative et recommande que des instructions, tendant à ce que les sites Internet des consulats précisent expressément que le passage par le prestataire, s’il est encouragé, n’est pas obligatoire, soit adressées à l’ensemble des autorités consulaires.

Le Défenseur des droits préconise également que le ministre de l’Intérieur prévoit plus précisément dans le contrat de marché public conclu avec les prestataires privés, les modalités de récep- tion des dossiers de demande de visas. Il convient notamment de leur préciser que, lorsqu’un doute sur les pièces requises ou le bien-fondé de la demande de visa a des conséquences sur l’enregistrement du dossier, les prestataires doivent prendre contact avec le consulat ou inviter le demandeur à s’y adresser directement. Les procédures mises en place par les centres de traitements ne doivent jamais conduire, en pratique, à fermer

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tout accès direct des demandeurs aux services consulaires. Elles doivent interdire que les prestataires privés puissent eux-mêmes prendre une décision de refus de visa, compétence exclusive et discrétionnaire de l’Etat.

B. LE REFOULEMENT AUX FONTIÈRES

DIFFICILEMENT SUBORDONNÉ AU RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX

1. Une frontière externalisée au mépris des droits

Ledroitpourtoutepersonnedequittern’importequelpays,ycompris lesien,jouitd’unemultiplereconnaissancesurleplaninternational.

Outrel’article13delaDéclarationuniverselledesdroitsdel’Homme, noncontraignant,cedroitfondamentalestconsacréàl’article2-2du Protocole additionnel n4 de la Convention EDH, à l’article  5 de la Conventioninternationalerelativeàl’éliminationdetouteslesformes dediscriminationsracialesde1965et,enfin,àl’article12duPacte internationalrelatifauxdroitscivilsetpolitiquesde1966.

Ce droit doit, par ailleurs, faire l’objet d’une protection renforcée lorsqu’il est exercé par des personnes particulièrement démunies, fuyantlespersécutionsdontleurpaysd’origineestdevenulethéâtre.

Encesens,l’article33delaConventiondeGenèvede1951relativeau statutdesréfugiésinterditl’expulsionetlerefoulement« de quelque manière que ce soit, d’un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opi- nions politiques ».L’article18delaChartedesdroitsfondamentauxde l’Unioneuropéennegarantitquantàluiledroits’asile« dans le respect des règles de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés »

La Cour EDH a appliqué ce principe de non refoulement des réfu- giésauxinterceptionsenmer.Elleaainsicondamnél’Italieen2012 pourlareconduite,parsesgardesdecôte,deressortissantssoma- liensetérythréensàTripoli,cesderniersayantétélivrésauxautori- téslibyennesenapplicationd’accordsdeluttecontrel’immigration clandestineconclusaveccepays46.LaCours’estfondée– fauted’un examendelasituationindividuelledesmigrantsparlesautoritésita- liennes –surlaviolationdel’article4duProtocoleno4interdisantles expulsionscollectivesd’étrangersainsiquedel’article3delaConven- tionconsacrantledoitànepassubirdetraitementsinhumainsou dégradants.Laprohibitiondurefoulementvautdonc,selonunejuris-

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prudenceconstantedelaCour47,àl’égarddetoutepersonnedontles droitsintangiblesàlavieetànepassubirdetorture,nidepeinesou traitementsinhumainsoudégradants,setrouventmenacés.

Parailleurs,silesEtatspeuventrestreindrel’accèsàleurterritoire, laConventiondesNationsUniessurledroitdelamerde1982leur interdit,enprincipe,deprocéderaucontrôleenhautemerdesna- viresbattantpavillonétranger.Pluslargement,ledroitdelamer– la ConventiondesNationsUniescommeplusieursautresinstruments internationaux –imposentàtoutnaviresituéàproximitéd’uneper- sonneendétresseenmer,l’obligationdeluiportersecours.

L’effectivitédececadrejuridiquesolidevisantàprotégerlesdroits intangiblesdesexiléss’avèresérieusementcompromiseparladyna- mique d’externalisation de la gestion des flux migratoires engagée parl’Unioneuropéenne(a),ainsiqueparlespolitiquessécuritaires menéesactuellementauxfrontièresnationaleseteuropéennes(b).

a. L’externalisation de la gestion des flux migratoires

Cinqmoisaprèsl’accordentreBruxellesetAnkaradenovembre2015, venant lui-même à la suite de celui d’octobre 2014, le sommet du moisde mars 2016atenduunenouvellefoisàconvaincrelaTurquie deréduirelefluxdescandidatsaudépartversl’Europeencontrepar- tied’unerelanceduprocessusd’adhésionàl’UE,d’assouplissements dansladélivrancedesvisasdesesressortissantsetd’uneenveloppe de 95 millions d’euros, sur les 3 milliards d’euros promis, destinée àfinancerunepartiedescampsderéfugiésdontlenombres’élève aujourd’huià2,7 millions.

Ces accords de réadmission à l’initiative de la Commission euro- péennenesontpasnouveaux.Ilstendentàfaciliterlerapatriement versleurpaysd’originedesmigrantsnonautorisésàpénétrersurle territoire.Maisilsautorisentégalementlerapatriementdesressortis- santsdepaystiersayantseulementtransitéparlespayssignataires.

Autrementdit,lesaccordspassésouenvoiedel’êtreentrel’Union européenneetlaTurquiepermettentaux28Etatsmembresdefaire réadmettre sur le territoire turc, non seulement les ressortissants turcsmaisaussitouslesressortissantsSyriens,Afghans,Irakiensou autreayanttransitéparcetEtatdansleurtentatived’atteindrel’Union européenne.

Or, ces ressortissants sont de plus en plus nombreux et d’origines diverses.L’accèsàl’Europevia laMéditerranéeetl’Italieayantétédé- laisséenraisondelahaussedespatrouillesmaritimesetdelaforte mortalitéenmer,laroutedesBalkansaété« réactivée »(voirinfra).

Ainsi,depuis2011,cesontégalementdesréfugiésd’Afriquequitran- sitentparlaTurquie.

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Entermesderespectsdesdroitsfondamentaux,celaposedespro- blèmesdedifférentsordres.

LerenvoiverslaTurquieestensoiproblématiquecarellen’estpas considérée comme un «  pays sûr  ». L’article  39 de la directive UE 2013/3248disposequ’unEtatpeutcertesprévoirdenepasexaminer unedemanded’asilesiledemandeurestillégalemententrésurson territoiredepuisunpaystiersmaiscelaàconditionquecetEtatde renvoisoitunpayssûr.Or,seloncettemêmedirective,pourpouvoir êtreconsidérécommesûr,unEtatdoitavoirratifiélaConventionde Genèvesansaucunelimitationgéographique,cequin’estpaslecas delaTurquie.

Par une communication du 17  mars, la Commission européenne a d’ailleurs elle-même estimé que l’application des dispositions de l’accordUE-Turquie« requiert la modification préalable des législations nationales tant grecque que turque – la législation grecque doit prévoir le statut de pays tiers sûr pour la Turquie et la législation turque doit garan- tir l’accès effectif à des procédures d’asile pour toute personne ayant be- soin d’une protection internationale ». Demême,laHongrieconsidère irrecevableslesdemandesd’asiledespersonnesayanttransitépar despayssûrsaunombredesquels« les États candidats à l’adhésion à l’Union européenne à l’exception de la Turquie ».

Face à l’intensification des mouvements migratoires vers le ter- ritoire européen et la pression importante qui pèse sur la Turquie pourqu’ellecontiennelesexilés,uneffet« domino »seproduitalors irrémédiablement :laTurquie,égalementsoucieusedenepasvoir semaintenirdurablementsursonterritoirelesmigrantsréadmispar lesEtatseuropéensetceuxqu’elleacontenus,entreprenddesigner àsontourunnombreimportantd’accordsbilatérauxderéadmission aveclesEtats« sourcesd’immigration »telsquelePakistan,laRus- sie,leNigéria,laSyrieetenvisageraitdelefaireavec14autrespays commel’Irak,l’Iran,leSoudan,l’Egypte.Cesaccords,enpermettant le« refoulementenchaîne »49depersonnesquifuientsouventles guerresetlespersécutions,nientl’existencedudroitfondamentalde quittersonpays,notammentpourdemanderl’asile.

Or,formellement,ledroiteuropéens’opposeàcesrenvois.Selonla Coureuropéennedesdroitsdel’Homme,lesEtatscontractantsont certes le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux. Ni la Convention ni ses Protocoles ne consacrent d’ailleursledroitàl’asilepolitique50.Toutefoissajurisprudenceest clairesurlefaitquel’interdictionfondamentaledelatortureetdes traitements inhumains ou dégradants posée par l’article 3 impose auxEtatscontractantsl’obligationdenepaséloignerunepersonne versunpayslorsqu’ilyadesmotifssérieuxetavérésdecroirequ’elle

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y courra un risque réel d’être soumise à un traitement contraire à l’article 351.

Cettejurisprudencevamêmeplusloinenprévoyantl’interdictionde renvoyerunepersonnedansunpays,ycomprisconsidérécomme sûr,s’ilyaunrisquequecedernierrenvoielui-mêmecettepersonne dansunautrepaysrisquépourelle,celuidesanationalitéoudesa résidence.LaCourestimeenoutrequelerefoulementindirectvers unpaysintermédiairequisetrouveêtreégalementunEtatcontrac- tantàDublinn’aaucuneincidencesurlaresponsabilitédel’Etatqui renvoie,lequeldoitveillerànepasexposerlerequérantàuntraite- mentcontraireàl’article3.

SiunEtateuropéenàl’obligationdefairecetexamenavantderen- voyerunressortissantversunEtatpartieàDublin,onimaginequ’il doitlefaired’autantpluslorsqu’ilrenvoieverslaTurquie– paysnon sûr –,susceptiblederéadmettreelle-mêmeverstouteuneautresérie d’Etats,encoremoinssûrs.

L’externalisationdelagestiondesfluxmigratoiresn’épargnepasles exilés en besoin de protection internationale puisqu’elle se traduit égalementparlavolontédel’Unioneuropéennededéléguerletrai- tementdesdemandesd’asile.LeDanemarkproposaitdéjàen1986 lamiseenplacedecentresdetraitementrégionauxdesdemandeurs d’asile, gérés par les Nations unies. En 1994, les Pays-Bas soumet- taient à l’Union européenne un projet similaire visant à la création decentresd’accueilpourlesmigrantssituésnonloindeszonesde départ.L’idéeaétérelancéeparleRoyaume-Unienmars2003,puis repriseparlaCommissioneuropéennequipréconisait« une véritable politique partenariale avec les pays tiers de premier accueil et de transit » pour« une implication beaucoup plus forte de [ces] pays »52.

Plusconcrètement,leConseildesministresdel’Intérieurdel’Union européenneetlaCommissioneuropéenneontannoncé,respective- mentenmarsetmai2015,lacréationd’« un centre polyvalent pilote » auNigerenprécisantque« l’existence de ces centres dans les pays d’ori- gine ou de transit permettra de donner aux migrants une idée précise des chances de réussite de leur voyage et d’offrir à ceux qui sont en situation irrégulière des solutions d’assistance au retour volontaire »53.

Cetteidées’inscritdirectementdansleprocessusdeKhartoumlancé le28novembre2014quiconsistenotammentàpermettreàcertains Etatsde« garantir »l’accèsàlademanded’asileenEuropeetfaciliter leretourverslespaysd’origine,toutenluttantcontrelatraitedes êtreshumains.Pourcefaire,les28Etatsmembresdel’Unioneuro- péennes’associentàplusieurspaysdelaCornedel’Afrique.Or,cer- tainsdecespays– l’Erythrée,leSoudan,l’Ethiopieparexemple –n’ont

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