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Contrôle de l’identité et du séjour, un ciblage des étrangers

SUR LE TERRITOIRE : UNE ÉGALITÉ DE TRAITEMENT AVEC LES NATIONAUX

A. LA LIBERTÉ D’ALLER ET VENIR

2.  Contrôle de l’identité et du séjour, un ciblage des étrangers

Ledispositiflégalrelatifauxcontrôlesetvérificationsd’identitééta-blitunedifférencedetraitementfondéesurlanationalité,lesrègles applicablesdifférantselonquel’onestfrançaisouétranger.Sil’ex-tranéitéfondeunrégimespécifiquedecontrôleetdevérificationde l’identitéetduséjour (b),cesontsouventlesrèglesdedroitcommun ducontrôledel’identitéquiserventenréalitéàciblerlesétrangersou lesindividusprésuméscommetels(a).

a.  Des procédures de droit commun utilisées pour appréhender les étrangers

Le contrôle d’identité est la demande faite à une personne par un agentdelaforcepublique,fonctionnairedepoliceoumilitairedela gendarmerie,dejustifierdesonidentitépartoutmoyen.Ilrésultede lacombinaisondesarticles78-1et2ducodedeprocédurepénale (CPP),quelecontrôled’identitéestenréalitéuneinjonctionadressée parlesforcesdel’ordreàuncitoyenquiestcontraintderestersur placepourrévélersonidentité.Lapersonneinterpelléeestdoncte-nueàladispositiondesautoritésdepoliceoudegendarmerie,leplus souventsurleslieuxdel’opération,letempsnécessaireàladémons-trationdesonidentitéetàlaconsultationdefichiersdepolice298.Le pouvoir de contrôle de l’identité est dévolu, sous la responsabilité d’un officier de police judiciaire, à tous les policiers et gendarmes, quelquesoitleurgrade,enleurqualitéd’agentsdepolicejudiciaire (article20duCPP).

Lesconditionsautorisantunagentdelaforcepubliqueàeffectuer uncontrôled’identitésontpréciséesàl’article78-2duCPP.Parmiles hypothèseslégalesdedroitcommunposéesàcetarticle,troissont particulièrementsusceptiblesdepermettrelecontrôledesindividus enraisondeleurnationalitéétrangère.Or,c’estjustementl’utilisa-tiondeprocéduresdedroitcommunpourneviserenréalitéqueles étrangers –oulesindividussupposésl’être –quienfontdescontrôles discriminatoires,« aufaciès ».

i.  Contrôles fondés sur la commission ou la tentative de commission d’une infraction (article 78-2 al. 1er du CPP)

Toutepersonneàl’égarddelaquelleexistentuneouplusieursrai-sons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de com- mettreuneinfractionpeutêtrecontrôlée.Danscecadre,desétran-gerspeuventbienévidemmentêtrecontrôléss’ilsontcommisune infractionoutentédelefaire.Maiscertainespratiquesattestentque cefondementlégalestdévoyépoureffectueruncontrôledelarégu-laritéduséjourdesétrangers.

Atitred’illustration,danssadécisionno MDS-2011-113,concernant lasituationdesmigrantsàCalais,leDéfenseurdesdroitsaconstaté l’existencedecontrôlesd’identité,horsdeszonestellesqueleport, lesgaresoucellesviséespardesréquisitionsduprocureurdelaRé-publique[autresfondementslégauxauxcontrôles,voirinfra PII-I-A-2-b],quivisaientspécifiquementles migrants.Cescontrôlesétaient,

d’aprèslesforcesdel’ordre,motivésparlacommissiond’uneinfrac-tion, bien souvent contraventionnelle, telle qu’un crachat ou le jet d’undétritussurlavoiepublique,ouencorelefranchissementd’une routeendehorsdespassagespiétons.

Enrelevantdetellesinfractions,dansdeslieuxoùilestnotoireque viventdesétrangersensituationirrégulière– icilebidonvilledeCa- lais –,cescontrôlesrévèlentundétournementdeprocéduresuscep-tibledeproduireuneffetdiscriminatoire,encequ’ilsnevisentqueles migrantspoursuivispourdesinfractionsquinesontjamaisrelevéesà l’égarddenonmigrants.LeDéfenseur,relevantquel’infractionayant originellementfondélecontrôlen’étaitjamaismentionnéeenprocé-dureouverbalisée,enavaitconcluquel’allégationdecommissionde cetteinfractionvisaitenréalitéàpermettrelarévélationd’uneinfrac-tionauxrèglesdel’entréeetduséjoursurleterritoirefrançais.Ilavait recommandéquelescontrôlesnes’opèrentpluspourdesmotifsde cetype.

Selon certaines associations, ces contrôles se poursuivent actuelle-mentsurCalais.Enl’absencedetraçabilitédescontrôlesetauvude l’actuellemobilitédesmigrantssurleterritoirefrançais,ilestdifficile d’enquêtersurcetypedegrief.

ii.  Contrôles fondés sur les réquisitions du Procureur (article 78-2 al. 3 du CPP)

Auxtermesdecettedisposition,leProcureurdelaRépubliquepeut, surréquisitionsécrites,autoriserlescontrôlesd’identitédansunlieu déterminéetpouruneduréepréalablementfixée.Cesréquisitions mentionnentlesinfractionsquecesopérationsontpourobjectifde rechercherauxfinsderechercheetdepoursuitesd’infractions.Dès 1993etlacréationdecemotifdecontrôle,lacirculaired’application delaloi299mentionnaitcommeinfractionsusceptiblededonnerlieu àdetelles réquisitions,outreleproxénétismeetlesinfractionsàlalé-gislationsurlesstupéfiants,cellesrelativesàl’entréeetauséjourdes étrangers.Lerecoursàdesréquisitionspourinterpellerdesétran-gersensituationirrégulièren’atoutefoisdébutéquedanslemilieu desannées2000.Danscesens,unecirculairede2006duministrede l’IntérieuretdugardedesSceaux300ainvitélesparquetsà« organiser des opérations de contrôles ciblées, par exemple à proximité des loge-ments foyers et des centres d’hébergement ou dans des quartiers connus pour abriter des personnes en situation irrégulière ».

Lescritèresutilisésparlesforcesdel’ordrepourchoisirlespersonnes contrôlées dans ce cadre soulèvent des questions importantes au regardduprincipedenon-discrimination.Ilressortàcetégarddes auditionsmenéesparleDéfenseurdesdroitsquelesagentscompé-tentspouropérerdetelscontrôlessefondentengrandepartiesur

descritèressubjectifstelsqueleurressentiouleur« instinct »dans lamesureoù,àladifférencedu78-2-1°,lasélectiondelapersonne contrôlées’opèresanslienavecsoncomportement.Ilrevientalors auxagentsd’apprécierlibrement,selondescritèrespropresàcha-cun,quellessontlespersonnesquiferontl’objetd’uncontrôle.Siles risquespotentielsdediscriminationontconduitlespouvoirspublicsà préciserqu’ilconvenaitde« veiller à prévenir toute mesure qui pourrait être perçue par le public comme étant discriminatoire et d’adopter un mode de sélection adapté aux infractions recherchées »301 ,cette« limita-tion »semblebienthéoriquelorsquelesinfractionsrecherchéessont cellesdelalégislationsurlesétrangers.

En2010,laCNDS,dontleDéfenseurdesdroitsareprislesmissions, relevaitquelefaitqu’onnepuissevérifierlamanièredontsontsélec- tionnéeslespersonnes,enparticulierdanslescasd’opérationsme- néessurréquisitionsduProcureurdelaRépublique,étaitprobléma-tique302.CespréoccupationsontétéréactualiséesparleDéfenseur danssonrapportd’octobre2012relatifauxrelationspolice/citoyens etauxcontrôlesd’identité.

Ceslacunesontenfinfaitl’objetd’observationsdevantlaCourd’appel deParisdanslecontentieuxditdes« contrôlesaufaciès »donthuit destreizedemandeurss’étaientd’ailleursfaitcontrôlerdanslecadre de réquisitions du Procureur (décision du Défenseur no  MSP-MDS-MLD-2015-021).

Danssesarrêtsdu24juin2015,laCourd’appel,suivantlesobser- vationsduDéfenseur,aconsidéréquelescontrôlesd’identitéopé-rés sur des motifs discriminatoires –  en particulier la race ou l’ori-gine  – constituait une atteinte au principe d’égalité de traitement quiestgarantiàtousettoutesetuneviolationflagrantedesdroits fondamentaux,constitutifd’unefautelourdedenatureàengagerla responsabilitédel’Etatpourfonctionnementdéfectueuxduservice publicdelajustice.

Acetégard,ilestsignificatifquelereprésentantdel’Etatdanscetteaf-fairependantedevantlaCourdecassation,justifieainsilescontrôles jugés discriminatoires. Dans ses observations à l’appui du pourvoi publiéedanslapresse303,l’agentjudiciairedel’Etatécriteneffetque

« la circonstance que, à ce moment de leur mission et de la journée, les officiers de la police n’auraient contrôlé que des personnes d’apparence étrangère ne peut pourtant démontrer que le contrôle n’aurait pas été réalisé dans les conditions respectueuses des libertés individuelles et du principe d’égalité. En effet, les policiers étaient chargés d’enquêter notam-ment sur la législation sur les étrangers. Et d’autres personnes, d’origine ou de couleur de peau différente, ont pu être l’objet de contrôles d’iden-tité en exécution de la réquisition judiciaire ».

Ainsi, les craintes concernant les critères de sélection d’un tel contrôlen’étaientpasinfondées.Ciblerlesétrangerspoureffectuer descontrôlesd’identitédanslebutderechercherdesinfractionsà la législation sur le séjour aboutit à des contrôles discriminatoires puisquevisanttoutepersonnequienraisondesonorigineoudesa couleurdepeauvaêtreassimiléeàunétrangerpotentiel.

Pourtant,lescritèresautorisésparledroitpourdéterminerdema-nièreobjectivequiparaitêtreétrangersontrestrictifs.Enl’absence d’encadrement légal, la circulaire du 21 octobre 1993 précitée rap-pellequelaqualitéd’étrangernepeutêtretiréed’uneappréciationde l’apparencephysiqueet,plusgénéralement,detoutautrecritèredis- criminatoire.Parexemple,lefaitdes’exprimerenunelangueétran-gèren’estpasuncritèreobjectifet« extérieur »àlapersonne.Sont enrevanchenondiscriminatoiresetdenatureàfaireapparaîtrela qualitéd’étranger,laconduited’unvéhiculeimmatriculéàl’étranger, leportd’unlivreoud’unécritenlangueétrangère,laparticipation àunemanifestationdontlesbanderolesmontrentqu’elleregroupe des étrangers, le fait d’avoir, dans le passé, déjà été contrôlé pour séjourirrégulier.Or,danslesfaits,lesagentsdepoliceoudegendar-meriesontamenésàétendrecescritèresàd’autresplussubjectifs, commeenattestelesécritsdel’agentjudiciairedel’Etat.

Le Défenseur des droits demande que soient publiées des don-nées relatives à l’utilisation des contrôles effectués sur réquisi-tions du Procureur (nombre, infracréquisi-tions recherchées, poursuites engagées).

Il réitère par ailleurs ses recommandations en matière d’enca-drement des contrôles de police, lesquelles ont trouvé une confirmation par la Cour d’appel de Paris, tendant à :

l’obligation de rédaction de procès-verbal, d’enregistre-ment ou de récépissé, de nature à ce qu’une traçabilité des contrôles d’identité existe, élément fondamental à l’effecti-vité d’un contrôle juridictionnel effectif ;

la mise en place d’un aménagement de la charge de la preuve dans le cadre de la contestation d’un contrôle d’identité sus-ceptible d’être discriminatoire.

Par ailleurs, le Défenseur des droits, constatant le caractère po-tentiellement discriminatoire que peuvent revêtir les contrôles réalisés sur le fondement de l’article 78-2 alinéa 3 du code de pro-cédure pénale, préconise qu’une réflexion soit engagée afin que, dans ce cadre, la recherche des infractions à l’entrée et au séjour des étrangers ne puisse plus être requise par le Procureur mais exclusivement réalisée par la procédure ad hoc du contrôle et de la vérification du séjour prévues à l’article L.611-1 du CESEDA.

b.  Des procédures dédiées principalement ou exclusivement aux étrangers

i. Les contrôles transfrontaliers (article 78-2 al. 4 du CPP)

En prévision de l’entrée en vigueur de la Convention Schengen en 1995,lelégislateurfrançaisadécidédecompenserlasuppressiondes contrôlesstatiquesauxfrontièresinternesdel’espaceSchengenpar descontrôlesenprofondeur,decaractèrealéatoire,effectuésparla policeauxfrontièresdanslebutdelutterefficacementcontrel’immi- grationirrégulièreetladélinquancetransfrontalière.Lazonefronta-lièreestunebandede20kmàlafrontièreterrestredelaFranceavec lesÉtatspartiesàlaconventionSchengen.Leszonesaccessiblesau publicdesports,aéroportsetgaresferroviairesouroutièresouverts au trafic international en font également partie. A titre d’exemple, touteslesgaresparisiennessontdésignéesparl’arrêté,ainsiqueles aéroportsdeRoissyetd’Orlyenfontpartie.

En2010,laCourdejusticedel’Unioneuropéenneaconsidéréqueces contrôles,enraisondeleurcaractèrepermanent,étaientcontraires audroitdel’Unioncaréquivalaientàdesvérificationsauxfrontières.

Silaloidu14mars2011alimitédansletempscescontrôles–lesopé-rationsnepeuventdurerplusde6hconsécutives–etpréciséqu’ils nepouvaientpasêtresystématiques,peud’élémentspermettentau jugedevérifierquecesconditionssontbienrespectées.Ilenrésulte quelalégislationenvigueursembletoujourspouvoirêtreconsidérée commecontraireaudroitdel’Unioneuropéenne.

Parailleurs,àpartirdumomentoùl’interpellations’effectuedansla zonefrontalière,lecontrôleestdispensédetoutejustificationetles agentsdepolicen’ontpasàrespecterlajurisprudencerelativeaux signes extérieurs et objectifs d’extranéité304 [voirsupra, PII-A-2-a-ii].

Or, les contrôles censés respecter cette exigence d’objectivité dans ladéterminationdeceluiquiestpossiblementétrangersontdéjà,on l’avu,facilementdiscriminatoires.Ilenvadoncainsia fortiorid’un contrôle qui, pour être légal, nécessite uniquement d’être réalisé dansdeslieuxpréciscertes,maistrèsnombreux.

S’agissantdescontrôlesfrontaliers,leDéfenseurconstate,outreces problèmes généraux, des irrégularités liées à l’irrespect des zones danslesquellescescontrôlessontautorisés.Ainsi,ilaconstaté,dans une décision no MDS-2013-235, qu’un contrôle d’identité avait été réaliséàMayotte,surcefondement,endehorsdecettezone(d’un kilomètreàcetendroitduterritoirefrançais),contrairementd’ailleurs auxmentionscontenuesdansleprocès-verbald’interpellation.

Acetégard,l’applicationdel’article78-2alinéa4duCPPàMayotte, comme en Guyane et en Martinique, alors même que la

Conven-tion Schengen ne s’y applique pas, interroge. En effet, la légitimité descontrôlesfrontaliersnes’expliquequeparlefaitqu’ilssontun pendant,unecompensation,àlalibertédecirculationàl’intérieurde l’espaceSchengen.Enl’absenced’unetellelibertédecirculationdans cesterritoires,cescontrôlesneparaissentpasjustifiés.

ii.  Le contrôle et la vérification de la régularité du séjour (article L.611-1 du CESEDA)

L’article L.611-1 du CESEDA autorise la police, en dehors de tout contrôled’identité,àprocéderàuncontrôledelarégularitédusé-jour,lespersonnesdenationalitéétrangèredevant,selonlaloi,être enmesuredeprésenterauxagentsetofficiersdepolicejudiciaireles piècesetdocumentssouscouvertdesquelsellessontautoriséesà séjournerenFrance.

Al’instardecequis’estpassés’agissantdescontrôlesfrontaliers,l’ar- ticleL.611-1duCESEDAaétéjugécontraireaudroitdel’Unioneuro-péenne305parlaCourdecassationausensoùilconféraitauxpoliciers la possibilité d’exiger la présentation des documents autorisant un étranger à résider en France, sur l’ensemble du territoire national, endehorsdetoutcontrôled’identitéetindépendammentd’uncom-portementparticuliersusceptibledeporteratteinteàl’ordrepublic.

PourlaCour,untelcontrôlerevenaitàrétablirdemanièrepérenne lescontrôlesauxfrontières.

Lepouvoirréglementaire306 atirérapidementlesconséquencesjuri-diques d’une telle décision en indiquant qu’un contrôle du titre de séjournepouvaitplusêtreeffectuédirectementmaisseulementàla suited’uncontrôled’identitéeffectuéenapplicationdesarticlesdu CPP.Lelégislateuraquantàluipréférépérennisercedispositifen prenantencomptedesréservesdelaCourdecassationetdudroitde l’Unioneuropéenne:pourprocéderdirectementàunevérificationde régularitéduséjour,lesagentsdepolicesonttenus,d’unepart,dese prévaloir« d’éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé »et,d’autrepart,delimitercescontrôles à une durée n’excédant pas 6  heures consécutives tout en n’effec-tuantpasdecontrôlesystématiquedespersonnescirculantdansce lieu.

Endehorsdescritèresd’extranéitésurlesquelscecontrôledoitse fonderetdontonapumesurerleslacunesquantàleurobjectivité,il apparait,auvud’unejurisprudencerécente,quelecontrôleduséjour surlefondementdel’articleL.611-1duCESEDApeuts’opéreràlasuite d’informationsfourniespardestiers,parexemplelesdéclarationsdu personneld’unferrysurlaprésenceàbordd’unressortissantétran-ger qui s’est déclaré sans passeport ni document de séjour307. Cet

encouragementàladénonciationd’unesituationadministrative,non constitutived’uncrimeoud’undélit,estsymptomatiquedesentraves jugéeslégitimesàlalibertédecirculationdesétrangers.

iii.  La retenue pour vérification de droit au séjour (article L.611-1-1 du CESEDA)

Crééeparuneloidu31 décembre2012,cetteretenueestunemesure privativedelibertéd’uneduréemaximalede16heures,destinéeà vérifierledroitauséjourd’unepersonneet,lecaséchéant,l’instruc- tionetlanotificationdesdécisionsrelevantdelacompétencedel’au-toritéadministrative,c’est-à-direlesmesuresd’éloignement.

Si l’étranger interpellé308 n’est pas en mesure de justifier la régula- ritédesonséjour,ilestretenudansunlocalparunofficierdepo-licejudiciaire,lequelmetl’intéresséenmesuredeprouverpartout moyensondroitauséjouretprocède,lecaséchéant,auxopérations devérificationnécessaires.Cedispositifestvenuremplacerlagarde àvue,devenueinapplicableàlasuited’unedécisiondelaCJUEdu 6  décembre 2011309 selon laquelle la directive 2008 dite «  retour  » s’opposeàcequ’unEtatpuisseréprimerleseulséjourirrégulierd’un étrangerparunepeined’emprisonnement.LaCourdecassation,le 5 juillet2012310 ,avaitparlasuitetirélesconséquencesdel’interdic-tiond’unteldélitpouraffirmerqu’iln’étaitpluspossibledeplaceren gardeàvuedesétrangerssurceseulmotif.

Si la procédure ainsi créée n’est plus pénale et ce, pour se confor- merauxexigencesdudroitdel’Unioneuropéenne,ellelaissetoute-foisplaneruneincertitudequantàsanature.D’uncôté,ellesemble conserver uncaractère judiciaire,notamment dufait des garanties qu’elle offre (avocat, interprète, médecin…), de l’autre, elle semble purementadministrative– telleune« pré-rétentionadministrative » – sansquelerecoursàunjugenesoitprévudansunbrefdélai.Sepose dèslorslaquestiondesaconformitéauxnormessupérieures.

Dansl’arrêtprécité, laCourdeJusticeaadmisqueladirective« retour » nes’opposaitpasà« un placement en détention »durantlaphasepréa-lable« d’arrestation initiale »carlesEtatsontbesoin« d’un délai certes bref mais raisonnable afin d’identifier l’étranger et de déterminer son irrégularité ». Ilrestealorsàappréciersi,danscecadre,unedurée maximalede16heuresestundélai« bref mais raisonnable ».

Conformémentàl’article5§1(f)delaConventionEDH,« nul ne peut être privé de sa liberté sauf si, notamment, il s’agit de (…) la détention régulière d’une personne (…) contre laquelle une procédure d’expulsion (…) est en cours ».AuxtermesdelajurisprudencedelaCoureuro-péenneappliquantcetexte311,lamesurededétention,pournepas

êtrearbitraire,doitsefairedebonnefoietavoirpourfinalitél’exé-cutionde« l’expulsion ».Or,lafinalitédelaretenuen’estpas l’exé-cution d’une expulsion mais la vérification du droit au séjour et, le caséchéant,l’édictiond’unetellemesured’expulsion.C’estl’assigna-tionàrésidenceoularétentionenCRAquiseront,elles,destinées àexécuterl’expulsion.Cen’estd’ailleurspasunhasardsilesarrêts précitésdelaCourEDHinterprétantl’article5§1(f)concernentexclu- sivementdesétrangersayantd’oresetdéjàfaitl’objetd’unetelledéci-sion312.End’autrestermes,siauregarddudroiteuropéenilsuffitque ladétentionaitpourfinalitél’exécutiond’uneexpulsion,encorefaut-il justifierquelaprocédured’expulsionesten coursetnonsimplement projetée313.Parailleurs,auregardduparagraphe 2decemêmearticle 5,toutepersonneprivéedesalibertépararrestationoudétentiona ledroitd’introduireunrecoursdevantuntribunal,afinqu’ilstatueà brèveéchéancesurlalégalitédesadétentionetordonnesalibéra-tionsiladétentionestillégale.Dansledispositifdelaretenue,untel recoursaujugen’estpasprévuetestdoncdenatureàcontrevenir auxdispositionsconventionnelles.

Dansunavisno 12-03du15novembre2012,surleprojetdeloirelatif àlaretenue,leDéfenseurafaitpartdesesréservesauParlementà voirsecréerunegardeàvue« bis »,dérogatoireaudroitcommun alorsqu’existedéjàuneprocéduredevérificationd’identitéapplicable àtoutepersonne(article78-3CPP)quinepeutexcéder4 heures.

S’ilpeutêtreobjectéquelarecherched’uneidentitéestplusrapideà effectuerqu’unerecherchedelarégularitéduséjour,iln’endemeure pasmoinsquelaretenuecréeunrégimeprivatifdelibertéspécifi-quementdédiéeauxétrangers,dontladuréemaximalede16heures, indépendammentdetoutesuspiciondedélitoudedécisionadminis- tratived’éloignement,peutparaîtredisproportionnée.Laduréepen-dantlaquellecedispositifd’enfermementad hocpeutavoirlieuparaît d’autantplusexcessivequ’ellesemblerépondreavanttoutauxinté-rêtsdesservicesdel’Etataudétrimentdeladéfensedesdroitsdes intéressés.Cetteprocédureapparaîtalorscommeunesolutionvisant àpallierlemanquedemoyensd’unecoordinationplusrapidedel’ac-tiondesservicesdepoliceetdepréfecture,permettantderetenirdes individusjusqu’àunenuit,puisquatreheurespourvérifierleurdroit auséjour,indépendammentdelacommissiondetoutdélit314.

S’agissant des contrôles frontaliers, le Défenseur des droits re-commande au ministre de l’Intérieur que soit mise en œuvre :

l’obligation de traçabilité et d’aménagement de la charge de la preuve préconisés pour les autres types de contrôles pré-vus par le code de procédure pénale (voir supra), la

traçabili-té de ces deux types de contrôles nécessaire à la vérification de la limitation des 6 heures et donc leur conformité au droit de l’Union européenne ;

la suppression des contrôles frontaliers à Mayotte, en Guyane et en Martinique, territoires hors de l’espace Schengen.

S’agissant de la retenue pour vérification de la régularité du sé-jour (article L.611-1-1 du CESEDA) :

Compte tenu des incertitudes juridiques sur la conformité de ce dispositif aux normes européennes, le Défenseur des droits réitère ses recommandations à l’égard du ministre de l’Intérieur tendant à ce que soit imaginée une solution moins attentatoire à la liberté individuelle, comme celle d’une permanence de nuit à la préfecture afin que les services de police puissent vérifier la régularité de séjour des intéressés dans un temps plus bref, à l’instar de la procédure de vérification d’identité d’une durée de quatre heures.

LA PÉNALISATION CROISSANTE DES ÉTRANGERS