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Les personnes malades

DIFFICILEMENT SUBORDONNÉ AU RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX

B. DES CATÉGORIES D’ÉTRANGERS PARTICULIÈREMENT AFFECTÉES PAR LA PRÉCARITÉ DU DROIT AU SÉJOUR

2.  Les personnes malades

Les étrangers malades rencontrent des difficultés de différents ordresdansleursrelationsaveclesservicesdespréfectures.Sil’état desantépeutfonderl’admissionauséjourdespersonnesétrangères (a),ilestaussi,danslemêmetemps,unfacteurderefusdedroits pourtantprévusparlaloi(b).Parfois,lespratiquesillégalesdespré- fecturesnefontquesesuperposeràunelégislationtroppeuprotec-trice,notammentàl’égarddesparentsaccompagnantenFranceleur enfantmalade (c).

a. Les entraves au droit au séjour pour soins

Lespersonnesétrangèresgravementmaladesontd’abordbénéficié d’undroitànepasêtreéloignéesduterritoirefrançais113,avantdese voirreconnaître,en1998114,unvéritabledroitauséjourpourraisons médicales. L’article L.313-11 11o du CESEDA prévoyait ainsi la déli-vrancedepleindroitd’unecarte« vieprivéeetfamiliale »àl’étranger résidant habituellement en France lorsque, d’une part, son état de santénécessitaitunepriseenchargedontledéfautentraîneraitpour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et sous réserve, d’autrepart,qu’ilnepuisseeffectivementbénéficierd’untraitement appropriédanssonpaysd’origine.

En 2011, la condition liée àl’impossibilité d’accéder effectivement à untraitementaétéremplacéeparcellede l’absenced’un traitement appropriédanslepaysd’origine115.Cettenouvelleformule,ignorant les conditions matérielles et sociales dans lesquelles les intéressés pourrontounonréellementaccéderàcetraitement,estévidemment moinsprotectrice.

Sanstoutefoisreveniràlarédactionde1998,larécenteloidu7 mars 2016116 aréintroduitlanotiond’accèseffectifàuntraitementappro-prié. Dans ses avis nos15-17,15-20 et16-02 précités, le Défenseur desdroitsasaluécetteamélioration.Eneffet,lefaitqu’untraitement existe dans un pays n’implique pas nécessairement que l’intéressé puisseyaccéder.LeConseild’Etataainsijugéquelanatureetlagra-vité des conséquences d’un retour dans le pays d’origine devaient s’apprécierentenantnonseulementcomptedel’existencedutrai-tement dans le pays d’origine, mais également de son accessibilité

socio-économiqueouencoredescirconstancesexceptionnellesliées àlasituationpersonnelledumalade117.

Lesdispositionsrelativesauséjourpoursoinsdanslaloidu7 mars 2016 n’entrant en vigueur que début 2017, les développements ci- dessousconcernentlesdifficultésrencontréesparlespersonnesma-ladesétrangèressollicitantleuradmissionauséjoursurlefondement desdispositionsactuellementenvigueur.Toutefois,lanouvellelégis-lationn’apportepasderéellespistesderésorptiondecesdifficultés, lesquellesrisquentdeperdurer.

Lesfaitsquisontrapportésci-aprèsdécoulentdesréclamationsdont leDéfenseurdesdroitsestsaisidepuis5ans,dutémoignagedecer-tainsmembresdugroupedutravail« maladesétrangers »118,ainsi quederapportsd’observations,notammentceluidel’Observatoire desmaladesétrangerspubliéparAIDES119.Lesobstaclesàl’accèsaux droitsdespersonnesmaladesétrangèresenrétentionadministrative serontabordésultérieurement[voir :PI-III-B-2-c].

Lesentravesàl’accèsauséjourdespersonnesétrangèresmalades sontconstatéesàplusieursstadesdelaprocédure.

Elles concernent, en premier lieu, l’accueil des malades en préfec-tures.

LeCESEDAimposantauxétrangersdésireuxdefaireunedemande de titre de séjour de se déplacer en personne en préfecture, les personnes hospitalisées se retrouvent dans l’impossibilité d’entre-prendrecetypededémarches,alorsmêmequeleurétatdesanté, particulièrement dégradé, pourrait justifier que leur soit délivré un titredeséjourpoursoins.Au-delàdestextesdéfaillants,lespratiques d’accueildesmaladesposentd’importantsproblèmesauregarddu droitaurespectdelavieprivéeetdusecretmédical.Certainespré-fecturesmettenteneffetenplaceunnumerus clausus etdesfilesd’at-tentedifférentesenfonctiondumotifdelademandedeséjour.Les personnes malades peuvent ainsi, outre la difficulté d’accéder aux guichets,êtreplacéesdansunesalled’attentespécifiqueou,àtoutle moins,êtrerepéréesenraisondeleurétatdesanté.

Ensecondlieu,leDéfenseurconstatequelaconditionrelativeàla preuvedelarésidencehabituelleenFrancedudemandeurengendre, au stade de l’enregistrement des demandes, des difficultés spéci-fiques.

Eneffet,pouraccéderàlacarte« vieprivéeetfamiliale »mentionnée àl’articleL.313-11duCESEDA,lapersonnemaladedoitjustifierd’une résidencehabituelleenFrancedepuisplusdedouzemois.Toutefois,

leCESEDAprévoitque,àdéfautderemplircetteconditionderési-dencehabituelle,lapersonneétrangèremaladepeutsevoirdélivrer une autorisation provisoire de séjour (APS) renouvelable pendant touteladuréedutraitement120.

Or,certainespréfecturesrefusenttoutsimplementd’enregistrerles demandesprésentéespardespersonnesnejustifiantpasd’unerési-dencehabituelleenFrancedepuisplusde12 mois.Detelrefussont illégauxetleurpersistanceestd’autantplusregrettablequeplusieurs instructionsduministredel’Intérieur,dontl’unede 2014,rappellent expressément que«  la condition de résidence habituelle ne doit en aucun cas constituer un préalable à l’acceptation du dossier médical »121 ou encore que«  lorsque cette condition de résidence habituelle n’est pas remplie »,ilappartientnéanmoinsauxservicesdelapréfecture

« d’enregistrer la demande d’admission au séjour »122.

Enoutre,ilarrivefréquemmentquedespiècesnonprévuesparles textessoientexigéespourpreuvedecetterésidencehabituelle.Cer-taines préfectures exigent ainsi 12  justificatifs différents, un pour chaquemois. Or, la conditionderésidence habituelle nepeutêtre envisagéeainsi :elles’apprécieauregardd’unfaisceaud’indicesetle demandeurdoitêtremisàmêmederapportertoutélémentfactuel denatureàattesterdecetteantérioritédeprésence,deséléments mêmedérisoirespouvantcontribueràladémontrerlorsqu’ilsnesont pasisolés.

Demême,lepasseportestunepiècefréquemmentdemandéeaux intéressés. Cette pratique a pourtant été censurée par le Conseil d’Etat123 .Uneinstructioninterministérielledu10mars2014estégale- mentvenuerappelerauxpréfetsqu’ilsnepouvaientimposerlapro-duction d’une telle pièce, dès lors que les étrangers sollicitant leur admissionauséjourpourraisonsmédicalesn’ontpasàapporterla preuvedeleurentréerégulièresurleterritoire124 .Lamêmeinstruc- tionrappellequ’entoutétatdecause,lesagentsdesservicespré-fectorauxdoivent,s’agissantdespiècesexigibles,seconformeràla listenationaledespiècesdiffuséeparlacirculairedeladirectionde l’immigrationdu21janvier2014.LeDéfenseurconstatetoutefoisque cettecirculairen’ajamaisétépubliée,alorsqu’unepublicationserait de nature, d’une part, à permettre aux malades étrangers de faire davantagevaloirleursdroitset,d’autrepart,àgarantiruneapplica-tionplusuniformedudroitauseindespréfectures.

Lesmaladesétrangersrencontrentensuitedesdifficultésaustadede l’instructiondudossier,puisqu’ilspeuventseheurteràdesrefusde délivrancederécépissés.Pourtant,cettedélivrance,demêmequele renouvellementdurécépissétoutaulongdel’instruction,s’impose à l’administration en vertu d’une obligation réglementaire125. Cette violationdestextes,préjudiciablepourtoutétranger[voir

supra,PI-A-2-c],l’estparticulièrementpourlapersonnemaladequinepourra percevoirdesprestationsliéesàsonétatdesanté,fautedepouvoir démontrersondroitauséjour.

Un dernier point d’achoppement réside enfin dans les décisions prisesautermedel’instructiondesdossiers.

D’abord, il n’est pas rare qu’en cas d’acceptation de leur demande, despersonnesmaladesrésidantenFrancedepuisplusde12mois sevoientdélivrerl’APSprévueàl’articleR.313-22duCESEDAenlieu etplaced’unecartedeséjourtemporaired’unanportantlamention

« vieprivéeetfamiliale ».Cesentravesàl’accèsàuntitredeséjour pourtantexigibledepleindroits’expliquentparlespreuvesexorbi-tantesexigéesparcertainespréfecturespourétablirles12 moisde présenceenFrance.

Ensuite,leDéfenseurestrégulièrementsaisidecasderefusd’admis-sionauséjourpoursoinsopposésendépitdel’avisfavorablerendue lemédecindel’agencerégionaledesanté(MARS),ou,pourParis,le médecinchefduservicemédicaldelaPréfecturedePolice.

Eneffet,laprocédured’admissionauséjourpourraisonmédicalese dérouleendeuxtemps.Dansunpremiertemps(phasemédicale),le MARS(ouchefduservicemédicaldelaPréfecturedePolicepourPa- ris),saisiparunmédecinhospitalierouunmédecinagrééparlapré- fecture,rendunavissurl’étatdesantédel’intéressé.Cetavis,trans-mis à la préfecture, répond à des questions sur la nécessité d’une prise en charge et l’absence de traitement approprié dans le pays d’origine.Enrevanche,danslerespectdusecretmédical,ilnedélivre aucune indication relative à la pathologie de l’intéressé. Ensuite, la préfecturerendsadécisionsurl’admissionens’appuyantsurcetavis (phaseadministrative).Elleconservetoutefoisunpouvoird’apprécia- tiondiscrétionnaireetpeut,parexemple,refuserd’admettreausé- jourunepersonnebénéficiantd’unavisfavorableduMARSensefon-dantsurdesconsidérationsd’ordrepublicou,aucontraire,admettre auséjourunepersonnebénéficiantd’unavisdéfavorableduMARS ensefondantsurlecaractèreexceptionneldesasituation.

Or,depuis2012,lesrefusd’admissionauséjourpoursoinsopposés parlespréfetsendépitd’unavisfavorableduMARSaugmentent.Ce phénomène est la conséquence de stratégies nouvelles déployées parl’administrationauxfinsdedécouvrirlapathologiedel’intéressé etd’investirlapartiemédicaledelaprocéduredel’admissionausé-jour.Cesstratégiesserévèlentàdeuxniveaux.

Enpremierlieu,lesservicesdelapréfectureciblentlesélémentsde preuvedeprésencequ’ellesdemandent,enexpliquantparexemple

auxdemandeursquelesattestationsderendez-vousmédicauxse-ront prépondérantes. Dès lors, les étrangers sont incités à fournir desdocumentssusceptiblesdedévoilerlanaturedeleurpathologie.

Apartirdecesélémentsetdelanationalitédel’étranger,certaines préfecturesmèneraientunecontre-enquêteenprenantattacheavec desmédecinsrattachésauxambassadesdanslespaysd’originepour déterminersilestraitementsappropriéssontbien,commel’indique leMARS(ouchefduservicemédicaldelaPréfecturedePolicepour Paris),inexistants.Cefaisant,lesservicesdelapréfecturesesubsti-tuentauxmédecinspourseforgerleurpropreconviction.

Au cours des auditions menées par les services du Défenseur, des représentants du ministère de l’Intérieur expliquaient le recours à cespratiquesparlanécessité,d’unepart,deluttercontrelesfraude etparlefait,d’autrepart,quelesdonnéesdontdisposentlesMARS sur l’état sanitaire des pays de renvoi ne sont pas toujours à jour.

Parcourrierdu11 février2016,leConseildel’ordredesmédecinsa faitpartauDéfenseurdesdroitsdesesinquiétudesrelativesàces contre-enquêtesadministrativesdontilavaitégalementétéinformé.

Ensecondlieu,lesecretmédicalpeutêtrelevéaucoursdelaphase contentieuse. Alors que la multiplication des refus d’admission au séjourrendusaprèsavisfavorabledesMARSaugmentelescontes- tationscontentieusesdevantlestribunauxadministratifs,ilsemble-rait, auvudesélémentsd’informationportésàlaconnaissancedu Défenseur par les membres du groupe de travail «  malades étran-gers »,quecerisquecontentieuxsembleêtreassuméparcertaines préfectures.Selonlestermesmêmesdumédecinconseilduminis-tèredel’Intérieur,rapportésdansundocumentdesuiviutilisépar laPréfecturedesPyrénées-Orientales,unetellecontestationpeuten effetpermettre« de connaître par le biais des certificats médicaux pré-sentés la pathologie »del’intéressé,cedernierétantparfoiscontraint, poursedéfendrefaceàuneadministrationquichercheàvérifieren lieuetplacedumédecinl’existenced’untraitementappropriédansle paysd’origine,deleverlui-mêmelesecretmédicalsursapathologie.

Lesdifficultésliéesàl’investissementparlespréfecturesdelaphase médicaledelademanded’admissionauséjourpoursoinsfonten-coreàcejourl’objetd’uneinstructionapprofondieparlesservices duDéfenseur,lequelaural’occasionderendrepubliqueslesconclu-sions du groupe de travail. Elles sont parallèlement soulignées par plusieursacteurs.En2013,lesyndicatdesmédecinsinspecteursde santé publique (SMISP), représentant la très grande majorité des MARS,dénonçaitlefaitquelespréfetsrefusentl’admissionauséjour aprèsunavisfavorabledumédecindel’ARS126.Enoctobre 2014,le magistratFrançoisBEROUJONrelevaitquantàluiquelesdécisions derefusdeséjouraprèsavisfavorableduMARS,encoreinexistantes

en2011,surprenaientetrendaienttrèscomplexelaconciliationentre larecherchedelapreuveetlapréservationdusecretmédical127,peu compatible avec la volonté du législateur qui, en 1998 comme en 2011,n’ajamaiscessédeconsidérerqueseullemédecinétaitcom-pétentpourdéterminersil’étatdesantédel’intéressénécessitaitune priseenchargeetsicelle-ciexistaitounondanslepaysd’origine.Le sensdecettevolontéavaitd’ailleursétéprécisédanslesconclusions duRapporteurpublic,M.MattiasGuyomar,lorsqu’ilrappelaitquele préfet,encasdedoutesurl’avisduMARS,pouvaittoujourssolliciter unautreavis128.

Entransférantauxmédecinsdel’OfficeFrançaisdel’Immigrationet del’Intégration(OFII)– placéssouslatutelleduministèredel’Inté-rieur –lacompétenceauparavantdévolueauxMARS– placéssousla tutelleduministèredelaSanté –deseprononcersurlevoletmédical delaprocédurededemandedetitrepourraisonmédicale,laloidu 7mars2016relativeaudroitdesétrangersconsacrelatendanceà faireprimerdesconsidérationsliéesàlamaitrisedel’immigrationsur cellesliéesàlaprotectiondelasanté(avisduDéfenseurdesdroits nos 15-17,15-20et16-02précitéssurleprojetdeloi).LeHautComité de la Santé Publique constatait déjà en 1993 qu’il était totalement inappropriéquedesmissionsmédicalesrelevantduministèredela Santésoientconfiéesàuneautreadministration130.

Avant de conclure, il convient d’ajouter que la prééminence de la police des étrangers sur le droit fondamental à la protection de la santéetledroitàlavie,adesconséquencesnonplusseulementsur laphaseadministrativedelaprocédured’admissionauséjourmais aussisursadimensionmédicale.Dès2007,lesmédecinsinspecteurs desantépublique(MISP)ontfaitconnaitrepubliquementlespres-sionsqu’ilsrecevaientlorsqueleurtauxd’avisfavorablesaumaintien desétrangerssurleterritoireétaitjugétropélevé.En2008,unepéti-tionavaitmêmeétésignéeaprèsquedeuxmédecinsontétémisen causepouraideauséjourirrégulierdanslecadredeleursfonctions, sansqu’aucunechargenesoitfinalementretenuecontreeux.

Près de 10  ans plus tard, la reprise en main de ces questions par le ministère de l’Intérieur, concomitamment au désengagement du ministèredelaSanté,conduitàcequelesdirectivesdecedernier nesoientplusrespectées.Citonsparexemplel’instructiondu11 no-vembre  2011131 par laquelle le ministère de la Santé adresse aux médecinsdesARSdesrecommandationsspécifiquesàl’égarddecer-tainespathologies.Cespréconisationssontnotammenttrèsclaires s’agissantdespersonnesinfectéesparleVIH,l’annexe 2del’instruc-tionprécisantque« dans l’ensemble des pays en voie de développement, l’accès nécessaire à la surveillance médicale et aux soins n’est toujours

pas garanti »pourcesdernières.Or,plusieursassociations,parmiles-quelles l’ODSE et AIDES, ont appelé l’attention du Défenseur sur le faitque,depuis2014,l’admissionauséjouraétérefuséeàaumoins 20 personnesporteusesduVIHsurlabased’avisdéfavorablesdes MARS.LaministredelaSanté,interpelléeparl’ODSE,desparlemen-tairesetleCOREVIH,adécidédediffuserdenouveaudesconsignes auxARS,enfaisanttoutefoislechoixdenepasdemanderauxméde-cinsderevenirsurlesavisdéfavorablesdéjàrendus.

Le Défenseur des droits :

déplore la persistance de pratiques illégales, non isolées, dans l’accès aux titres de séjour pour soins, d’autant plus condamnables que le droit fondamental qui est en jeu est celui à la protection de la santé ;

constate et regrette la prééminence de la préoccupation liée à la lutte contre la fraude dans le discours des représentants du ministère de l’Intérieur et de l’OFII, auditionnés dans le cadre du groupe de travail « malades étrangers », cette fo-calisation étant de nature à imprégner l’état d’esprit dans lequel les services des préfectures instruisent les dossiers.

S’agissant de la phase administrative des demandes de titres de séjour pour soins, le Défenseur des droits recommande au mi-nistre de l’Intérieur :

– d’initier, à l’instar de ce qui est prévu pour les détenus dans les établissements pénitentiaires, la conclusion de conven-tions entre les préfectures et les hôpitaux ou cliniques dans lesquels peuvent être hospitalisés les étrangers désireux d’accéder au droit au séjour, notamment pour raisons médi-cales ;

– de demander aux préfets de rappeler une nouvelle fois à leurs services qu’ils ne peuvent refuser l’enregistrement d’une demande au motif que la présence de l’étranger en France serait inférieure à 12 mois et d’envisager la possibi-lité d’engager, le cas échéant, une procédure disciplinaire à l’encontre des agents qui persisteraient à ne pas suivre ces instructions ;

de rendre publique la circulaire du 21 janvier 2014 fixant une liste unique de pièces exigibles pour enregistrer et instruire une telle demande et, qu’en tout état de cause, il soit rap-pelé que la présentation du passeport n’est pas un préalable à l’enregistrement des dossiers.

Le Défenseur des droits rappelle qu’en tant que décisions admi-nistratives illégales, ces pratiques sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’Etat.

S’agissant de la phase médicale des demandes de titres de séjour pour soins, le Défenseur des droits préconise que :

le ministère de la Santé réitère ses instructions du 11  no-vembre 2011 concernant l’absence de traitement contre le VIH dans l’ensemble des pays en voie de développement.

Ces instructions devraient être adressées tant aux médecins de l’ARS qu’aux médecins de l’OFII qui prendront prochaine-ment en charge l’évaluation médicale des étrangers ;

en dehors des considérations d’ordre public, l’avis des méde-cins des ARS (ou du médecin chef du service médical de la Préfecture de Police de Paris) lie le préfet dans sa décision d’admission au séjour lorsque ces avis sont favorables au maintien de la personne malade sur le territoire français au regard de sa pathologie et de son impossible prise en charge dans son pays d’origine. En aucun cas, il n’appartient aux ser-vices préfectoraux de se substituer aux médecins pour pro-céder à cette évaluation médicale. En cas d’avis défavorable des MARS, le préfet doit en revanche garder toute latitude pour admettre au séjour l’intéressé, conformément au pou-voir discrétionnaire dont il dispose, et notamment si un droit fondamental est en cause (intérêt supérieur de l’enfant, droit de mener une vie familiale normale).

b.  Les refus illégaux de droits pris en considération de l’état de santé

Lesétrangersmaladesadmisauséjourpourraisonmédicalepeuvent rencontrerdesdifficultéslorsqu’ilssollicitentuntitredeséjourplus pérenne,telquelacartederésident.

LeDéfenseurdesdroitsaétésaisiàplusieursreprisesderefusoraux opposés par les services de la Préfecture de Police de Paris à une telledemande,auxmotifsquelesétrangersadmisauséjourpourdes raisons de santé n’auraient pas vocation, par principe, à séjourner durablementenFranceetnepourraientdoncpasbénéficierdecarte derésident.

Or,l’articleL.314-8duCESEDAseborneàindiquerqueladélivrance d’unecartederésidentestnotammentsoumise– pourlesétrangers quinepeuventenbénéficierdepleindroit –àuneconditiond’an-térioritéderésidenceenFrancede5anssouscouvertd’unecarte

« vieprivéeetfamiliale »,sansfaireaucunedistinctionselonlemotif pourlequelunetellecarteauraitétédélivrée(enfantsouconjointsde Français,raisonsmédicales,liensaveclaFrance,etc.).

Unetellepratiqueestdoncillégale.Ellerevêtenoutreuncaractère

discriminatoirecontraireauxarticles14et8delaCEDHdanslame-sureoù,ensefondantsur l’objetduséjourdel’intéresséet,partant, son état de santé, elle exclut systématiquement du bénéfice de la cartederésidentlesétrangersadmisauséjourpoursoins.

Saisisderéclamationsindividuelles,leDéfenseurdesdroitsadéci-déàdeuxreprisesdeprésenterdesobservationsdevantleTribunal administratifdeParis,lequelachaquefoisfaitdroitauxdemandes d’annulation présentées et enjoint au Préfet de Police de délivrer auxrequérantsunecartederésident(décisionsno MLD-2012-77et nMLD-2014-100)132.LejugeaeneffetretenuquelePréfetdePolice avaitcommisuneerreurdedroit« en refusant de délivrer (…)le titre de résident (…)au seul motif qu’il avait été admis au séjour en raison de son état de santé ».Aussi,mêmes’iln’apasretenudefaçonexplicitela méconnaissancedesstipulationsdel’article14combinéavec8dela ConventionEDH,lejugeadministratifatoutefoisclairementindiqué quel’objetduséjour,enl’espècel’étatdesanté,nepouvaitconstituer unmotiflégitimepourétablirunetelledifférencedetraitement.

Conscient que ces pratiques ne sont pas isolées, le Défenseur des droits, demande au ministre de l’Intérieur de rappeler aux services en charge de l’admission des étrangers en France les termes des deux jugements rendus par le tribunal administra-tif de Paris afin de mettre un terme aux refus discriminatoires de cartes de résident opposés aux étrangers résident en France depuis plus de 5 ans sous couvert de cartes « vie privée et fami-liale » délivrées pour raisons de santé.

c.  Le statut fragile des parents étrangers d’enfants malades Danssonpremieravissurleprojetdeloirelatifaudroitdesétrangers (avisn15-17),leDéfenseurdesdroitsavaitdéploréqueletextereste muetsurleséjourdesparentsétrangersd’enfantsmalades,dontle statutmériteraitpourtantd’êtreréformé.Sideuxaméliorationsim-portantesontfinalementétéadoptéesparleParlement,leDéfenseur desdroits,ainsiqu’ill’aprécisédanssesdeuxautresavis(nos 15-20et 16-02),estimenéanmoinsqueledispositifdevraitêtreenrichi.

Jusqu’àl’entréeenvigueurdelaloidu7mars2016relativeaudroit des étrangers, l’article L.311-12 du CESEDA prévoyait qu’une auto-risation provisoire de séjour (APS) pouvait être délivrée à l’un des parents étrangers d’un enfant dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale telle que son défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, et sous réserve de l’absenced’untraitementappropriédanslepaysd’origine.Enprin-cipe, cette APS n’autorise pas son titulaire à travailler. Des déroga-tionsexistentsurprésentationd’uncontratdetravailmaisdansles faits,raressontlesemployeursenclinsàproposeruntelcontratau

vudelanatureprécaired’undocumentdeséjourquimentionneex-pressémentnepasautoriseràtravailler.

Surceplan,lanouvelleloirelativeaudroitdesétrangersaméliorele dispositifenétendantlebénéficedecetteAPSauxdeuxparentseten l’accompagnantsystématiquementd’uneautorisationdetravail.Tou-tefois,leprincipalproblèmesoulevé,etdontleDéfenseursetrouve régulièrementsaisi,demeure,àsavoirquelesdispositionsenvigueur placentlesparentsétrangersd’enfantsmaladesdansl’impossibilité d’accéderàuntitredeséjourstableetpérenne.Eneffet,ceux-làse voient délivrer des APS renouvelées pendant plusieurs années. Or, unteldocumentneconfèrepasunvéritabledroitàséjournermais seulementuneautorisationdeséjourner,cequiadesincidencessur ledroitdemeneruneviefamilialenormaleconsacréàl’article8de la Convention EDH, et peut induire des conditions d’existence peu compatiblesavecl’intérêtsupérieurdel’enfantconsacréàl’article3-1 delaConventionsurlesdroitsdel’enfant :absencederessources suffisantes pour subvenir dignement aux besoins de l’enfant alors mêmequeceux-cipeuvents’avérerparticulièrementimportantsau regarddesonétatdesanté ;démarchesrépétitivesenpréfecture ; coupuredesprestationsfamilialessilesAPSontuneduréedemoins de6 mois.

Danscecadre,leDéfenseuraprésentédesobservationsdevantla Couradministratived’appeldeParis(décisionno  MLD-2015-220),la-quellea,pararrêtdu8 décembre 2015133,annuléladécisionportant refusdedélivreruntitredeséjourd’unanauparentétrangerd’un enfantmalade.Considérantqueladélivranced’autorisationsprovi-soiresdeséjourpendantplusdetroisans,notammentencequ’elle faitobstacleàl’obtentiond’unlogementstableetd’unemploi,portait atteinteaudroitdemeneruneviefamilialenormale,lejugeaenjoint aupréfetdedélivrerletitredeséjourd’uneduréed’uneannée.

Fort de cette analyse confortée par une jurisprudence solide134, le Défenseur des droits réitère ses recommandations tendant à réformer l’article L.311-12 du CESEDA afin de prévoir la délivrance automatique d’une carte de séjour temporaire «  vie privée et familiale » sur le fondement du 7o de l’article L.313-11 lorsqu’il s’avère, après le premier renouvellement de l’autorisation provi-soire de séjour, que l’état de santé de l’enfant nécessite des soins de longue durée en France.