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Atteintes dans le cadre de la rétention

AU MÉPRIS DE CERTAINS DROITS FONDAMENTAUX

2.  Atteintes dans le cadre de la rétention

Prévueparl’articleL.551-1duCESEDA,larétentionadministrativedes étrangerssedistingueessentiellementdelapeineprivativedeliberté prise en matière pénale par sa finalité pragmatique plutôt que

ré-pressive.Lamesurederétentionviseeneffetseulementàpermettre auxautoritésdes’assurerdelaprésenced’unétrangernonautorisé àséjournersurleterritoireafindeprocédereffectivementàsonéloi-gnementforcé.

Aussi,développéeàl’originecommeunepratiquepolicièreenmarge dudroit,larétentionadministrativen’apastoujoursbénéficiédelaso-lideassiselégislativedontellejouitaujourd’hui.Aumilieudesannées 1970,ladécouverteducentred’Arenc,hangarsituédansl’enceinte duportdeMarseille,acontribuéàdévoilerlespratiquesderétention administrative au grand public. Il s’en est suivi un important effort pourdévelopperl’encadrementjuridiquedecespratiques,auniveau réglementaired’abord249 ,etlégislatifensuite,aveclesloisdes10 jan-vier1980et2 février 1981,puislaloi« Questiaux » du29 octobre 1981,quiposelesbasesdurégimeactueldelarétention.

Depuis2008,ladirective« retour »250doteégalementlapratiqued’une base légale européenne. Subordonnant le placement en rétention desétrangersàunprincipedesubsidiarité251,cettedirectiveillustre laprofondeambivalencedontsetrouventempreinteslesrèglesdé-veloppéesdepuis30anspourencadrerlapratiquedelarétention administrative.Enmêmetempsqu’ellestendentàlapérennisation et la systématisation d’une mesure privative de liberté dérogatoire au droit commun, elles participent, au même titre que les normes techniquesrelativesàl’aménagementdescentresderétentionadmi-nistrative,aurenforcementdesdroitsdelapersonneretenue.

Demoinsenmoinsremiseencausedanssonprincipe252,lapratique delarétentionadministrativesetrouveainsideplusenplusenca-dréeparledroit.Pourtant,endépitdecetencadrement,lesatteintes auxdroitsfondamentauxconstatées,qu’ellesconcernentledroitàla libertéetàlasûreté(a),l’intérêtsupérieurdel’enfant(b),ledroitàla protectiondelasanté(c),ledroitd’asile(d)ouencoreledroitdesvic-timesàlaréparationdeleurpréjudice (e),demeurentnombreuses.

a. Des atteintes au droit à la liberté et à la sûreté

Bénéficiant de protections fortes aux niveaux conventionnel253 et constitutionnel254 ,ledroitàlalibertéetàlasûretés’appliquepleine-mentàlaprivationdelibertéqueconstitueleplacementenrétention.

Ilenrésultequ’aucunplacementenrétentionnesauraits’affranchir desvoieslégalesmisesenplacepourencadrercettemesure.

Pourtant,dansladécisionno MDS-2013-218,leDéfenseurdesdroits s’estprononcésurlecasd’unétrangermaintenuenrétentionjusqu’à sareconduiteauxfrontièresendépitduprononcé,parlejugedes libertésetdeladétention(JLD),d’uneordonnancedefinrétention devenuedéfinitiveenl’absenced’appel. Ladécisiondemaintienen

rétentionavaitétépriseoralement,parunfonctionnairedeperma-nenceduservicedesétrangersd’unepréfecture,avecl’avaldeson supérieurhiérarchiquedirect,maissansquel’autoritépréfectorale depermanencen’ensoitavisée.Cemaintienétaitmotivé,selonces agents,parlefaitqueladécisionjudiciaireétaitprisehorscadrelégal, leJLDnepouvantseprononceravantl’écoulementd’undélaidecinq joursàcompterduplacementenrétention.

Danssadécisionno MDS-2013-218,leDéfenseurdesdroitsarappelé que la seule voie légitime de contestation de la décision judiciaire était l’appel, à défaut duquel la décision judiciaire était exécutoire.

En conséquence, le maintien du requérant en rétention constituait une privation arbitraire de liberté, en violation de l’article 66 de la Constitutiondu4octobre1958,susceptibleégalementdecaractéri- serunevoiedefait.Pourcetteraison,leDéfenseuravaitrecomman-dédefaireconnaîtresadécisionàtouteslespersonnesintervenues et/ouinforméesdeladécisiondemaintiendel’étrangerenrétention, dontlesautoritéspréfectorales,etderappelerauxfonctionnairesde policelesdispositionsducodededéontologiedelapolicenationale relativesauxordresmanifestementillégaux.Ilaégalementtransmis cettedécisionpourinformationauprésidentduTGIconcerné,ainsi qu’auprocureurdelaRépublique.LeDéfenseurn’apasencorereçu de réponse du ministre à cette décision et entend prochainement relancercedernieràcesujet.

b. Des atteintes à l’intérêt supérieur de l’enfant

Leplacementenrétentionestsusceptible,àplusieurségards,depor-teratteinteàl’intérêtsupérieurdel’enfanttelqueprotégéparl’article 3-1delaCDE,d’abord, lorsqu’ilconcernedesfamilles(i),etensuite lorsqu’ilconcernedesmineursisolés(ii).

Larétentiondesfamilles

Jusqu’àrécemment,laloidemeuraitsilencieusequantàlapossibi- litédeplacerdesmineursétrangersencentresderétention.Enre-vanche,unetellepratiquesemblaitadmiseauniveauréglementaire, lesarticlesR.553-1etR.553-3duCESEDAprévoyantdesdispositions spécifiquespourl’accueildesfamilles.

Dansunarrêtendatedu12juin2006,leConseild’Etataconfirmé laconformitédecesdispositionsàl’article3-1delaCDE,lequelpré-voitquel’intérêtdel’enfantdoitêtreuneconsidérationprimordiale danstouteprisededécisionleconcernant,etàl’article37delaCDE, quidisposeque« nul enfant ne peut être privé de liberté de façon illé-gale ou arbitraire. L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible ».Autermed’une

jurisprudenceconstante,laCourdecassationconsidère,parailleurs, queleseulfaitdeplacerenrétentionadministrativeunétrangeren situationirrégulièreaccompagnédesonenfantmineurneconstitue pas,ensoi,untraitementinhumainoudégradanttelqueprohibépar l’article 3delaCEDH255.

La Cour EDH a conclu au contraire, en 2012, que la France violait l’articlede3delaConventioninterdisantlestraitementsinhumains oudégradants.Toutefois,ellenes’estpasprononcéesurleprincipe mêmed’untelplacementmaissimplementsurlescirconstancesde l’espècepourestimerque«les conditions dans lesquelles les enfants ont été détenus, pendant quinze jours, dans un milieu d’adultes, confron-tés à une forte présence policière, sans activiconfron-tés destinées à les occuper, ajoutées à la détresse des parents, étaient manifestement inadaptées à leur âge».LaCourconcluaitégalementàuneviolationdel’article8 delaConventionEDH,considérantquel’intérêtsupérieurdel’enfant necommandepasseulementlapréservationdel’unitéfamilialemais aussilalimitationdeladétentiondesfamillesaccompagnéesd’en-fantsainsiqu’uneviolationdel’article5delaConventionrelatifau droitàlalibertéetàlasûreté256.

Afindemettrecespratiquesenconformitéaveccettejurisprudence, leministredel’Intérieuraprisunecirculaire257 prévoyantquelepla-cementdesfamillesencentresderétentionadministrativenedevrait désormais être envisagé qu’en dernier recours, lorsqu’une mesure d’assignationàrésidence,moinscoercitive,nepeutêtreordonnée, notammentdansl’hypothèseoùl’undesmembresdelafamilleserait l’auteurd’unetentativedefuiteoud’unrefusd’embarquement.

Endépitdecespréconisations,leDéfenseursetrouveencorerégu-lièrementsaisidecasdemineursplacésencentrederétentionavec leursparents.Depuislapublicationdelacirculairedu6juillet2012, ilapparaîtmêmequelenombred’enfantsplacésenrétentionaug-mentesensiblementchaqueannée.Ainsi,en2014,5692enfantsont étéenfermés,contre3608en2013,cequireprésenteunehausse considérablede57 %258.Leconstatdresséparlescinqassociations présentesencentresderétentionadministrativepourl’année2015 n’estpaspluspositif,celles-ciévoquant« un nombre qui a plus que doublé par rapport à l’année 2014 »259.

Parailleurs,leDéfenseurdesdroitssetrouveégalementsaisi,defa- çonplusponctuelle,desituationsd’enfantsplacésenlocalderéten-tionadministrative.Or,sil’utilisationdeceslocauxestcertesprévue parl’articleR.551-3duCESEDA260,lalégislationrelativeàceslocaux neprévoitenrevanchepas,contrairementàcellerelativeauxcentres de rétention administrative, la possibilité d’y accueillir des familles.

Ainsi,tandisquel’articleR.553-3duCESEDAprévoitque« Les centres

de rétention administrative susceptibles d’accueillir des familles disposent en outre de chambres spécialement équipées, et notamment de maté-riels de puériculture adaptés », l’articleR.553-6dumêmecode,quifixe lalistedeséquipementsnécessairesauseind’unlocalderétention administrative,préciseseulementquecesderniersdoiventdisposer dechambrescollectivesnonmixtes,accueillantaumaximumsixper-sonnes.Ceslocauxsontdonc,entoutétatdecause,incompatibles avec l’accueil des mineurs. Pourtant, en 2014, 676 enfants ont été placésdansdeslocauxderétentionadministrative261.Cespratiques sontd’autantplusinquiétantesqu’ellesmanquentdevisibilitéetque l’accèsaudroitdespersonnesplacéesenLRAsetrouveréduit,dufait delabrièvetédespassagesquiysonteffectués,d’unepart,etd’une moindreprésenceassociative,d’autrepart.

LeDéfenseurdesdroitsestimequelarétentionadministratived’en-fants– accompagnésounon –estcontraireàl’intérêtsupérieurde l’enfantainsiqu’auxarticles3,5et8delaCEDH.C’estpourquoiila recommandéàplusieursreprisesquesoitinterditleplacementdes mineursencentresoulocauxderétention,précisantquecetteinter-dictionnedevraitsouffrird’aucuneexception.Ilaparailleursdéposé devantlaCoureuropéennedesdroitsdel’Hommeunetierceinter-ventiondanslecadredelarequêteR.K. c. France,no  68264/14(déci-sionno MDE-2015-035).

LaloirelativeaudroitdesétrangersenFrancedu7mars2016262a entenduconsacrerauniveaulégislatifl’interdictiondeplacerenré-tentionlesparentsaccompagnésdemineurs.Toutefois,dansl’avis no 16-02auParlementdu15 janvier2016,leDéfenseurapointéles limites de ce qui pouvait apparaitre, à première vue, comme une avancée significative, remarquant que cette apparente avancée se trouvait en réalité battue en brèche du fait des nombreuses déro-gationsintroduitesparlelégislateuràcetteinterdictiondeprincipe.

Eneffet,danssarédactionissuedelaloidu7mars,l’articleL.551-1 duCESEDAautoriseleplacementenrétention,pourladuréelaplus brève possible, des étrangers accompagnés de mineurs dans cer-tainessituationslimitativementénumérées:

en cas de soustraction avérée aux obligations résultant d’une assignationàrésidence ;

encasdefuiteouderefusopposéàl’occasiondelamiseàexé-cutiondelamesured’éloignement ;

et si l’intérêt de l’enfant le commande, aux fins de limiter les transferts,pourlesseulesheuresprécédantimmédiatementle départprogrammé.

Les dérogations à l’interdiction de la présence de mineurs en CRA sontainsiprochesdecellesprévuesparlacirculairedu6juillet2012.

Or,cettecirculairen’empêchepasleplacementquasiquotidiende famillesenCRAouLRA.Enoutre,ladernièredérogationprévueparle nouveautextenefiguraitpasdanslacirculaire. Cettenouvelledéro-gation,quivientprobablementlégaliserunepratiqueadministrative déjàconstatéeparleDéfenseurdesdroitsautraversdesréclamations dontilestsaisi,àsavoirleplacement«éclair»desfamillesdansun hôtelavantledépart,comportelerisqued’unrecourssystématique auplacementenrétention.Parailleurs,leDéfenseurestimequefaire préciserdanslaloiquecesplacementsontlieu«enconsidération del’intérêtdumineur»s’avèrepourlemoinsparadoxaltantl’intérêt supérieurdel’enfantsetrouvefouléencasdeprivationdeliberté au sein des centres de rétention. Sous couvert de l’objectif affiché delimiterleplacementdesenfantsenrétention,lanouvelleloitend ainsienréalitéàlégaliserdespratiquescondamnablesauregarddes articles3,5et8delaCEDHet3-1dela CDE.

Le Défenseur des droits réitère ses recommandations tendant à ce que soit inscrite dans la loi l’interdiction de recourir à la ré-tention des mineurs, isolés ou non, et que cette prohibition, ne souffre d’aucune d’exception.

iii. La libération des mineurs isolés

Lescasdeplacementsenrétentiondejeunesàlaminoritécontes-téeontétéévoquésplushaut[voirPI-III-A-1-b].Or,outrelefaitque desévaluationstrophâtivesdelaminoritépeuventconduireaupla-cementenrétentiondemineursisolésenviolationdelaprotection absolue contre l’éloignement dont ils bénéficient, les modalités de libérationdesjeunesdontlaminoritéauraitfinalementétéreconnue parlapréfecture,lejugeadministratifoulejugedeslibertésetdela détention,peutsouleverdesquestionsauregarddel’article3-1dela CDEetdel’article375ducodecivil.

En effet, bien souvent, ces jeunes, reconnus mineurs alors qu’ils étaientplacésenCRAsontlibéréssansaucunepriseencharge,au-cune« informationpréoccupante »nisignalementn’étanttransmise auConseildépartementalouauparquet,indiquantlaprésenced’un mineurnonaccompagnéensortiederétentionpouvantseretrouver decefaitensituationd’erranceParailleurs,ladécisiondelibération, quandelleestnotifiée,nementionnepastoujourslemotifdelalibé-ration,sibienquelejeunereconnumineurlorsdesonplacementen rétentionnedispose,parlasuite,d’aucunetracedecettepremière reconnaissanceinformelledeminorité.

Le Défenseur des droits recommande :

que la libération d’un jeune isolé placé en CRA sur le motif qu’il aurait été reconnu mineur soit précédée, comme l’exige

la loi pour tout mineur en risque de danger, de la transmis-sion d’une « information préoccupante » au Conseil dépar-temental par les services préfectoraux et de l’information du mineur isolé sur ses droits et de son orientation vers les services compétents par les services policiers en charge du centre ;

si le jeune est libéré par le JLD ou le juge administratif, qu’une information soit délivrée au parquet sur le motif de sortie du mineur afin que soit organisée la prise en charge de ce der-nier par les services de Conseil départemental compétent ; qu’une décision mentionnant le motif de sa libération soit

systématiquement notifiée au jeune isolé placé en CRA et libéré au motif de sa minorité.

c. Des atteintes au droit à la protection de la santé

Aunombredespersonnesensituationd’extrêmevulnérabilité,l’on comptelesétrangersmaladesprivésdelibertéetdansl’attenteim-minente de l’exécution d’une mesure d’éloignement. Leur situation et leurs droits sont pourtant encadrés de manière lacunaire, voire inexistante.Eneffet,silaloiprévoitunegarantiecontrel’éloignement pourraisonmédicale,ellen’encadrequedemanièreéparsel’effecti-vitédecettegarantie[voirsupra,PI-III-A-1-a].Parailleurs,aucuntexte législatifouréglementaireneprévoitlessituationsd’incompatibilité de l’état de santé avec la privation de liberté (ii). En amont de ces incompatibilitésseposeunautreproblème,celuidudroitàunméde-cinencentrederétentionadministrative(i).

i. L’insuffisance du cadre normatif du droit au médecin en CRA Un accès effectif au médecin rendu difficile

L’articleL.551-2duCESEDAprévoitque« l’étranger est informé dans une langue qu’il comprend et dans les meilleurs délais qu’à compter de son arrivée au lieu de rétention, il peut demander l’assistance d’un inter-prète, d’un conseil ainsi que d’un médecin. »Ilprécisedoncdemanière très succincte que la personne retenue doit être informée qu’elle pourra,dèssonentréeauCRA,demanderuneassistancemédicale.

Cetextelégislatifrestetoutefoismuetsurlesconditionsd’exercicede cedroit.

Ilestalorsnécessairedeseréféreràlacirculaireinterministérielle n99-677du7 décembre 1999relativeaudispositifsanitairemisen placedanslesCRA.Celle-cidécritletempsdeprésencedesméde-cinsauseindesCRAenfonctiondeleurtailleetdeleurcapacitéde rétention. Elle prévoit également le statut des médecins exerçant enrétention,maisaussileursmissions :assurerlesactesmédicaux dediagnosticetdetraitement,lessoinsdepremièreintentionetla

continuitédessoinsjusqu’audépartdelapersonne.Ilssontégale-mentcompétentspourdélivrerunrapportmédicalsurlasituation duretenuquiinvoquesonétatdesantécontreunemesured’éloigne-mentduterritoirefrançaiseoul’impossibilitépourraisonsmédicales d’utiliserunmoyendetransporttelquel’avion.Lacirculaireprévoit enoutrequelesconsultationsmédicalespeuventavoirlieuàlade-mandesoitdelapersonneretenue,soitdupersonnelinfirmier,soit d’un autre membre du personnel du centre, mais avec l’accord du retenudanscettedernièrehypothèse.

Le caractère non systématique de l’information du droit à un médecin

LesfaitsportésàlaconnaissanceduDéfenseurattestentquecette informationn’estpasautomatiquementdonnéeauretenuàsonarri- véeenCRAetquecelui-cipeutignorerl’existencedecedroitpen-danttoutelapériodedelarétentionou,àtoutlemoins,jusqu’àce qu’ilrencontredesproblèmesdesantégraves.Or,ledroitdevoirun médecinpourunepersonneretenueestindépendantdufaitd’être malade.

Un recours à l’interprétariat insuffisant et inégalitaire

Lapossibilitéderecouriràuninterprèteestunélémentconstitutif dudroitaumédecin,lequelseraitdépourvudecontenueffectifsila personnenepouvaitcomprendreetsefairecomprendre.Or,silere-coursauxinterprètesestextrêmementvariabled’uncentreàl’autre, ilresteglobalementinsuffisant.L’argumentdonnéauDéfenseursur cepointestd’ordrebudgétaire,trèspeudecentrespouvantrecourir àdesinterprètesprofessionnels.

Les conséquences de l’absence d’unité médicale en centre de réten-tion administrative (UMCRA) sur le respect des droits des personnes retenues

Lacirculairedu7décembre1999disposequ’il« est de la responsa-bilité de l’Etat de mettre en place, au sein des centres de rétention, un dispositif sanitaire de nature à faire face à tout problème de santé(…).

L’importance des moyens en personnel de santé sera ajustée à la taille et à la fréquentation de chaque centre de rétention. (…) Les normes définies par la présente circulaire ont un caractère indicatif ».Ilestégalement prévuqu’ilpourrayêtredérogé« dans le sens de l’accroissement des moyens  ». Enfin, dans la description du dispositif selon la taille des centresderétention,lacirculaireprévoitlaprésenced’unmédecin, mêmepourlesCRAayantlaplusfaiblecapacité,soitmoinsdecin-quanteplaces.

C’est pourquoi il parait contestable que certains CRA, comme celui deGuadeloupeausujetduquelleDéfenseuraétésaisi,nedisposent pas de telle structure. Or, même avec une présence infirmière de quelquesheuresparjour,plusieursdifficultésdécoulentdel’absence devéritableunitémédicalesurplace.

L’accèsaumédecinestd’abordconcrètementplusdifficileetsouvent soumis,danslesfaits,enl’absencedupersonnelsoignant,àunepre-mièreévaluationparlepersonneladministratifduCRA.Or,ainsiqu’il aétévu,ledroitd’unretenuàvoirunmédecinestindépendantdu faitd’êtremaladeetdevraitneconnaîtreaucunfiltre,a fortioriparun personnelnonsoignant.

Parailleurs,lemédecinauquelleretenupourras’adresserserané-cessairement extérieur au centre de rétention, connaissant de ce fait moins bien les problèmes spécifiques à la privation de liberté, problèmespourtantsusceptiblesd’impacterlasantédesintéressés.

Iln’estparailleursprécisénullepartquelespersonnesretenueset orientéesverscetétablissementextérieursontsuiviesparlemême praticien,cequipermettraitd’établiruneformedesuivi.

L’absenced’UMCRAestenfinsusceptibledeporteratteinteaures-pectdelaconfidentialitédudossiermédicalquitransite,endehors destempsdeprésencedupersonnelinfirmier,ainsiparlespoliciers.

DansleCRAdeGuadeloupe,l’accèsaudossiermédicaletauxmédi-camentssemblaitenoutreêtreentravéaumotifqueleschambres sontcommunesetquelaconfidentialiténeseraitpasrespectée sices dossiersdevaientyrester.Parcourrierdu15 mars2016,leDéfenseur ainterrogélesministresdelaSantéetdel’Intérieursurlesconditions danslesquellesledroitàlaprotectiondelasantéétaitmisenœuvre dansceCRAenl’absenced’unitémédicale.

Lesretenussetrouvantdansunesituationparticulièredeprivationde liberté,uneattentionparticulièredoitêtreportéeauxconditionspsy-chologiqueset/oupsychiatriques.Lacirculairedu7 décembre1999en attesteenmentionnantque« la perspective d’une mesure d’éloignement constitue souvent pour eux [les retenus] un stress particulièrement intense qui peut être source de manifestations somatiques et psychiques et de situations conflictuelles ».Or,àaucunmomentiln’estprévuqueles médecinsenchargedesretenusauseindelacliniqueconvention- néesoientformésàcetypedeproblèmes,voiresimplementsensibi-lisésauxdifficultésquepeuventrencontrerlesretenus,commepar exemplelaconfidentialitédessoinsmalgrélesexigencesdesécurité.

Le Défenseur a eu connaissance de l’existence d’un groupe de tra-vail institué au début de l’année 2013, réunissant les ministères de l’Intérieur et de la Santé, visant à l’élaboration d’une nouvelle

instruction,enlieuetplacedelacirculairedu7décembre1999,te-nantcomptenonseulementdel’évolutiondesnormesjuridiqueset despratiquesprofessionnelles,maissurtoutdesmodalitésdeprise enchargedespathologieslourdesprésentéesparlespersonnespla- céesenrétentionquiconnaissentunefragilitéphysiquesetpsycho-logiqueplusimportante.

Comptetenudel’importancedudroitfondamentalencause,leDé-fenseurdesdroitsrecommandequelesgarantiesrelativesaudroità laprotectiondelasantédespersonnesprivéesdelibertésoientpré-vuesnonplusparcirculairemaisparunvéritabledispositifnormatif contraignantlégislatifetréglementaire.Lecadredelarefontedela circulairede1999actuellementmenéeparlesministèresdel’Inté- rieuretdelaSantéestàcetégarduneoccasiondeconsacrerlesprin-cipessuivants àunrangplusélevédanslahiérarchiedesnormes :

L’article L.551-2 du CESEDA doit être complété par une dispo-sition assurant l’effectivité du droit à voir un médecin ten-dant à la remise systématique, à l’arrivée en CRA de l’étran-ger, d’une information écrite disponible dans une langue qu’il comprend rappelant cette possibilité ;

Au vu des difficultés en termes de confidentialité des don-nées médicales et d’accès effectif au médecin que cette absence suscite, chaque centre de rétention administrative devrait être doté d’une unité médicale (UMCRA). A défaut, un médecin référent au sein de l’hôpital conventionné avec le centre devrait, après avoir reçu une formation adaptée, prendre spécifiquement en charge les retenus qui sont orien-tés dans la structure et les examiner au vu de leur situation particulière ;

L’ensemble des personnels soignants et des personnels des forces de police présents en CRA devraient recevoir une for-mation spécifique à la prise en charge de personnes privées de liberté et placées dans une situation imminente de retour forcé vers leur pays d’origine.

Enfin, pour rendre effectif ce droit constitutionnellement pro-tégé, le Défenseur recommande que les budgets alloués à l’inter-prétariat soient augmentés afin que chaque centre de rétention puisse recourir à un interprétariat professionnel, au moins par conversation téléphonique.

ii.  L’absence de cadre normatif régissant l’incompatibilité de l’état de santé avec la rétention

SilerespectdesdroitsconsacrésparlaConventionEDHimposel’in-terdictiondetraitementinhumainoudégradant,iln’existeendroit internefrançaisaucuneprocédurenitextespécifiquementpourles

personnesdontl’étatdesantéestincompatibleavecleurenferme-mentenrétentionalorsqu’ilenexisteenprison,vialaprocédurede suspensiondepeinepourraisonmédicale.Précisonsqu’ilnes’agit pasdepersonnesdontl’étatdesantéinterditleurretourdansleur paysd’originemaisdepersonnesqui,enraisondeleurétatdesanté, ne supportent pas l’enfermement: les personnes handicapées, les personnesayantbesoind’untraitementnepouvantpasêtrepres-critenrétention,lesfemmesenceintesoulespersonnesatteintesde troublespsychiques.

Or,silacirculaireprécitéedu7décembre1999metenavantlafra-gilitépsychologiquedespersonnesenferméesenrétentionetlerôle prépondérant du médecin de l’UMCRA, elle ne renseigne toutefois passurlaprocédureàsuivreencasd’incompatibilitédel’étatdesan-téd’unepersonneavecsonenfermementenrétention.

Certificats de compatibilité et d’incompatibilité

Enpratique,enraisondecevidejuridique,lesréponsesadministra-tives varient fortement d’un centre de rétention à l’autre. Certains médecinsdel’UMCRA,àleurinitiativeetdansleurrôledesoignant, peuvent établir des certificats médicaux d’incompatibilité de l’état desantédel’étrangeravecl’enfermementetce,danslerespectde l’article10ducodededéontologiemédicalereprisàl’articleR.4127-10ducodedelasantépublique :«Un médecin amené à examiner une personne privée de liberté ou à lui donner des soins ne peut, directement ou indirectement, serait-ce par sa seule présence, favoriser ou cautionner une atteinte à l’intégrité physique ou mentale de cette personne ou à sa dignité. » Ilesttoutefoisconstatéque,demanièregénérale,lamajo-ritédesmédecinsdel’UMCRAévitentdeseprononcersurcetaspect etnedélivrentquetrèsrarementdescertificatsmédicauxd’incompa-tibilitépermettantparfois,selonlespréfets,unesortieimmédiatede l’étrangerduCRA263.

Acetégard,desmédecinsdel’UMCRApréfèrentparfoissaisirlemé-decindel’ARS,alorsmêmequecelui-cin’estlégalementhabilitéqu’à seprononcersurlacompatibilitédel’étatdesantédel’étrangeravec unéloignementduterritoirefrançaisouaveclemodedetransport envisagéetnon,avecsonenfermement– lesdeuxsituationsnese recoupantpasforcément.Ilarriveégalementquelemédecindel’UM- CRAadressesonpatientàl’hôpitalpsychiatriquepourqu’ilsoitexa-minéparunspécialisteetc’estcedernierquirendra,lecaséchéant, uncertificatmédicald’incompatibilitéavecl’enfermement.

IlpeutenfinarriverquelesmédecinsdesUMCRAfassent,àlade-mandedesautorités– chefdeCRAoupréfectures –,surinjonction du juge des libertés et de la détention ou de leur propre chef, un certificatmédicaldecompatibilitéavecl’enfermementenrétention.

Unetellepratiqueparaittoutefoiscontraireàladéontologiemédi-cale.Auxtermesl’articleR.4127-105ducodedeSantépublique,le cumuldesfonctionsdemédecinexpertetdemédecintraitantpour unmêmemaladeesteneffetprohibé :« Nul ne peut être à la fois mé-decin expert et mémé-decin traitant d’un même malade. Un mémé-decin ne doit pas accepter une mission d’expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d’un de ses patients, d’un de ses proches, d’un de ses amis ou d’un groupement qui fait habituellement appel à ses services ».

Fortedecesconstats,laFédérationdesUMCRAestintervenuepour indiquer dans un avis très complet que les médecins exerçant en CRAdevaientserécuserparécritenvertudesarticlesR4127-105et R4127-106ducodedesantépublique264.

Lajurisprudencejudiciairenesembletoutefoispastoujoursfavorable àcesrécusationscarelleconsidèrequelacirconstanceselonlaquelle l’examendecompatibilitéesteffectuéparlesmédecinsUMCRA,sur injonctiondujuge,n’estpasdenatureàentraînerl’irrégularitédela procédure265 .Elleconsidèreeneffetquetoutmanquementàunedis-positionducodedelasantépubliqueetducodedeladéontologie médicalenepeutêtresanctionnéqueparlajuridictionordinaleet quecelui-ciestsanseffetsurlavaliditédelarétention266 .Cesinjonc-tionsparadoxalesfragilisentlapositionprotectricedesmédecinsdes UMCRAàl’égarddeleurspatientsretenus.

La mise à l’isolement pour raison sanitaire ou sécuritaire

Lespratiquesdelapoliceauxfrontières(PAF)etdesPréfecturessont également très variables d’un CRA à l’autre. Plusieurs associations dedéfensedesétrangersprésentesenCRAontrapportéauDéfen-seurquedanscertainscentresderétention,lesmédecinsdel’unité médicalerecevraientdespressionsdesautoritéspréfectoralesoude policepournepasdélivrerdecertificatsmédicauxd’incompatibilité avecl’enfermement,notammentàl’égarddespersonnesatteintesde troublespsychiques.

Adéfautdereconnaitrecetteincompatibilité,lapriseenchargede lapersonnemaladeadèslorstendanceàêtreenvisagéeàl’aunede considérations sécuritaires, la PAF plaçant parfois l’intéressé, de sa propreinitiative,encelluled’isolement,sansqu’unavismédicalne soitdonné.Or,lamiseàl’écartprévueparl’article 17durèglement intérieurdesCRAprévoitdeuxtypesdefondementàlamiseàl’écart des retenus: l’isolement décidé par le service médical pour raison sanitaire  (pour maladie contagieuse par exemple) et le placement àl’écartparlesservicesdepoliceenchargeducentrederétention pourmettreuntermeàdestroublesàlasécuritédesautresrete-nus.L’isolementd’unétrangermaladedestinéàgarantirlasécurité

etl’ordrepublicsenlieuetplacedesapriseenchargesanitaireestun détournementdeprocédure.

A la suite des constats et recommandations du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) au sujet de ces pratiques d’isolement,leministèredel’Intérieurapubliéunecirculairele14 juin 2010267 encadrantl’usagedecespratiques,etdistinguantbienlesmo- tifsduplacementàl’écart.Lorsqu’ils’agitd’unmotifsanitaire,lemé-decindel’UMCRAdoitintervenirenurgenceetdéciderdesmesures lesplusappropriées.Malgrécesprécisions,lesusagesdétournésdu placementàl’isolementpeuventencoreavoircours.

Cumul des régimes de la rétention

et de celle de l’hospitalisation sous contrainte

D’autres médecins de l’UMCRA peuvent souhaiter requérir un avis médical extérieur, notamment, celui d’un médecin du centre hos-pitalier avec lequel le centre de rétention a passé une convention.

Danscecas,l’extractiondel’étrangeretsonhospitalisationtempo-rairesontfaitesàlademandeetsouslaresponsabilitédumédecin UMCRA.Ilarrivecependantqu’unehospitalisationplusdurablesoit décidéeparlemédecindel’hôpital,àlasuited’uneconsultationde l’étrangeroud’uneinterventionenurgenceaucentrederétention.

Danscesdeuxhypothèses,lerégimejuridiqueapplicableàl’étranger hospitalisédanslecadred’unerétentionadministrative,n’estdéfini par aucun texte. Les pratiques sont ainsi très diverses au sein des CRAetlajurisprudence(destribunauxadministratifsoudujugedes libertés)n’estabsolumentpasarrêtée.Letransfertversl’hôpitalpeut avoirpourconséquencedemettreuntermeàlarétentionmaissans quecettedécisionn’aituncaractèreformeletsoitnotifiéeàl’inté- ressé.Cetransfertpeutaucontraireêtreconsidérécommen’inter-rompantpaslerégimederétentionetl’étranger,toujoursenregistré dansleregistreduCRA,setrouvealorssoumisàundoublerégime deprivationdeliberté.Or,ilest,toutaulongdesonhospitalisation, dansl’incapacitédefairevaloirlesdroitsetgarantiesattachésàla rétention :ilsetrouveenparticulierdansl’impossibilitéd’userdes recoursdontildisposepourcontesterlalégalitédesarétentionetde sonéloignement.

La sortie de rétention pour raison médicale.

Endernierlieu,ilconvientdes’interrogersurlesconditionsdansles-quellescesétrangerssortentdeCRA.Riennementionnequeceux-ci ontétélibérésenraisondel’incompatibilitédeleurétatdesantéavec larétention–lesintéressésl’ignorentparfois-alorsmêmequeces informationspourraientleurêtreutilesàlacontinuitédessoinsetà l’amorcedecertainesdémarchesenpréfectures.

Comptetenudel’importancedudroitfondamentalencause,leDé-fenseurdesdroitsrecommandequelesgarantiesrelativesaudroità laprotectiondelasantédespersonnesprivéesdelibertésoientpré-vuesnonplusparcirculairemaisparunvéritabledispositifnormatif contraignantlégislatifetréglementaire.Lecadredelarefontedela circulairede1999actuellementmenéeparlesministèresdel’Inté- rieuretdelaSantéestàcetégarduneoccasiondeconsacrerlesprin-cipessuivants àunrangplusélevédanslahiérarchiedesnormes :

Les médecins de l’UMCRA sont compétents pour rédiger, en leur qualité de soignant, des certificats médicaux d’incom-patibilité de l’état de santé de l’étranger avec la rétention, conformément à l’article R.4127-10 du code de la santé pu-blique et ce, en dehors de toute pression administrative.

Cette compétence n’appartient pas au médecin de l’ARS ; Les médecins de l’UMCRA ne devraient en revanche pas

pou-voir rédiger de certificats de compatibilité de l’état de santé de ceux-ci avec la rétention, pratique contraire à la déonto-logie médicale selon laquelle un médecin ne peut, à l’égard des mêmes personnes, exercer des missions de soins et des missions d’expertise (article R.4127-105 du code de santé publique). Si les autorités judiciaires ou administratives sou-haitent obtenir un tel avis, elles recourent à un médecin de santé publique ou expert, non soignant de l’intéressé. Dans l’attente, les médecins de l’UMCRA ont la capacité de se récu-ser en cas d’injonction d’examen médical par une autorité administrative ou judiciaire ;

– La mise à l’écart administrative pour des motifs d’ordre pu-blic prévue par l’article 17 du règlement intérieur des CRA, ne doit pas être une solution alternative à la rédaction d’un cer-tificat d’incompatibilité ni à celle de soins, notamment des personnes atteintes de troubles psychiatriques ;

La sortie de CRA de l’étranger malade dont l’état de santé a été jugé incompatible avec son enferment doit être assor-tie de garanassor-ties. A ce titre, l’intéressé doit se voir remettre l’ensemble de son dossier médical, dont le certificat médical de contre- indication avec la rétention ainsi qu’une décision écrite mentionnant les raisons de sa sortie de CRA. Il convien-drait également de lui délivrer une information écrite sur les possibilités et les modalités relatives au dépôt en préfecture d’une demande de titre de séjour pour soins ;

Concernant le régime juridique applicable aux personnes hospitalisées lors de leur rétention, il appartient au légis-lateur de clarifier ces situations portant une atteinte subs-tantielle à la liberté individuelle. Pour ce faire, le Défenseur estime que deux hypothèses devraient être distinguées :

les extractions pour simple consultation médicale pen-dant lesquelles l’étranger demeure sous la responsabi-lité du médecin UMCRA et peut, de ce fait, être considéré comme toujours soumis au régime de la rétention. Dans ce cadre, il est impératif de retenir l’effet suspensif de ces extractions, de sorte que les délais de recours ouverts à l’étranger pour contester toute décision relative à la ré-tention ou à l’éloignement soient préservés, conformé-ment eu droit au recours effectif prévu à l’article 13 de la Convention EDH ;

les hospitalisations plus durables, sous contrainte, déci-dées par le médecin de l’hôpital, qui doivent de fait mettre un terme immédiat à la rétention de l’étranger, celui-ci ne pouvant faire l’objet de deux régimes de privations de liberté cumulatifs.

d. Des atteintes au droit d’asile

Le droit conventionnellement et constitutionnellement protégé de toutétrangeràsolliciterl’asileenFrancenesauraitêtreentravépar leseulfaitquecederniersetrouveplacéenrétention.Ainsi,leCESE- DAprévoitqu’àsonarrivéeenrétention,l’étrangerreçoivenotifica-tiondesdroitsqu’ilestsusceptibled’exercerenmatièrededemande d’asile.Ildisposede5jourspourformulersademande268parécrit auprèsduresponsabledulocalouducentrequidoitlatransmettre sans délai à l’OFPRA. L’Office dispose alors de 96 heures pour sta-tuer269.

A l’occasion des débats sur le projet de loi relatif à la réforme du droitd’asileadoptéle29 juillet 2015270,leDéfenseurapointédans l’avisno 14-10du6novembre2014,lesdifficultésd’ordrematérielet juridiquerencontréesparlesétrangerssouhaitantdéposerunede-manded’asiledepuisuncentrederétention.Laloiportantréforme dudroitd’asileadoptéeenjuillet2015aintroduitcertainesaméliora-tions quin’ontcependantpasétémenéesàleurstermes.

En premier lieu, s’agissant du maintien en rétention, il n’est certes plus automatique mais doit désormais faire l’objet d’une décision écriteetmotivée,justifiéeparlefaitquelademanded’asileaurait pouruniquebutdefaireéchecàl’exécutiondelamesured’éloigne-ment271.Laformulationretenuenetirepastouteslesconséquences deladécisionrendueparleConseild’Etatle30juillet2014272.Eneffet, lahautejuridictionavaitinvitélespréfetsenvisageantl’opportunité du maintien en rétention du demandeur d’asile à, non seulement, tenir compte du caractère éventuellement dilatoire de la demande d’asilemais,également,àvérifier,auregardde« l’ensemble des

cir-constances pertinentes »,silemaintiendelamesurederétentionétait

« objectivement nécessaire (…)pour éviter que l’intéressé ne se soustrait définitivement à son retour ».Laloidu29juillet2015neprévoitpasun telencadrement.

S’agissant,ensecondlieu,dudélaiimpartiauretenupourdéposer unedemanded’asileenrétention,leDéfenseurdesdroitsavaitre-grettéquecelui-cisoitmaintenuàcinqjours.Unteldélaiapparait,en effet,excessivementcourt,notammentauregarddel’obligationde rédigerlademandeenfrançais273 etdesdifficultésd’accèsàl’inter-prétariatenrétention.

En dernier lieu, le Défenseur regrette que la transposition des exi- genceseuropéennesrelativesaucaractèresuspensifdurecoursde-vantlaCNDAnesoitréaliséequedemanièreformelle274.Enréalité, laloicréeunrecoursad hocpermettantseulementàl’étrangerayant demandél’asileenrétentiondesaisirleprésidentdutribunaladmi- nistratifafindesolliciterledroitdesemaintenirsurleterritoiredu-rantletempsnécessaireàcequelaCNDAstatuesursonrecours275. Ilestdoncpermisdedouterqu’uneprocédured’unetellecomplexité puisseêtreconcrètementréaliséedanslesconditionsderétention.

Le Défenseur des droits considère que les améliorations intro-duites par la loi du 29 juillet 2015 sont insuffisantes à garantir l’effectivité du droit d’asile en rétention car si l’objectif de la loi de répondre plus rapidement aux demandes d’asile est tout à fait légitime, il ne peut induire un traitement expéditif de ces demandes. Aussi, il réitère ses recommandations tendant à :

– l’inscription dans la loi de la portée de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 juillet 2014, aux termes duquel, même lorsque demande d’asile présente un caractère dilatoire, la mesure de rétention ne peut être maintenue qu’à la condition qu’elle

– l’inscription dans la loi de la portée de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 juillet 2014, aux termes duquel, même lorsque demande d’asile présente un caractère dilatoire, la mesure de rétention ne peut être maintenue qu’à la condition qu’elle