FACULTÉ HE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
A-OSTISTÉE 1B99-1900 No 82
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
BIS IMI1IS lï PROFONDS
DE LA PAUME DE LA MAIN
(ÉTUDE CLINIQUE)
présentée et soutenue publiquement le 16 Mai 1900
Pierre BROUSTET
Né àBlaignac(Gironde), le9 janvier 1875.
Examinateurs de la Thèse
MM. PIECHAUD, professeur... /'résidant.
BERGON1É, professeur...
VILLAR, agrégé ^ Ja/jes.
DUBREUILH, aj
: Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
-^*>4ATTAkATU--
BORDEAUX
MUHlMElllE Y. CA DO IIET
17 ul'e poquelin-mol1ère 17 (ancienne eue montmbjan)
1900
FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | M. TITRES Doyen honoraire.
PROFESSEURS
MM. MICÉ 1
DUPUY [ Professeurshonoraires.
MOUSSOUS )
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
FERRE.
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Cliniqueinterne Cliniqueexterne Pathologieetthérapeu¬
tiquegénérales VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
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Anatomie CANNIEU.
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section de médecine (Pathologie interneetMédecinelégale).
mm.
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Physique BERGONIE.
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Chimiebiologique DENIGES.
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section de chirurgie et accouchements
Pathologieexterne
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Accouchements mm.chambrelent,
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Anatomie.
section des sciences anatomiques et physioi.ogiques
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TAC H ON.
■'*
( N. Histoirenaturelle BEILLb.
section des sciences physiques
Physique MM. SIGALAS. | Pharmacie
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Clinique desmaladies des voies uriuaires
Maladies du larynx, desoreilles etdunez Maladiesmentales
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Physiologie Embryologie
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denuce.
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CHAMBRELFAT.
dupouy.
pachon.
N-
lagrange.
carles.
• lemaire.
t i 1 hèses l'ai-délibération du 5 août 1S79, la L'acuitéaarrêtéqueles opinionsémisesdans tes
lui sont présentées doivent être considéréescomme propres à leurs auteurs, et quelle
leurdonner ni approbation ni improbation.
à Monsieur le Docteur DUPRADA
Chevalier de la Légiond'honneur.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Docteur T. PIEGHAUD
Professeur declinique chirurgicaleinfantile, Chirurgien desHôpitaux,
Officierdel'Instruction publique.
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
DES
ElliS S0I1S-CUTAMS ïï PROFONDS
DE LA PAUME DE LA MAIN
(ÉTUDE CLINIQUE)
INTRODUCTION
Au mois de décembre 1899 se présentaità la
consultation de
M. le professeur Piéchaud à lHôpital des enfants, un garçon âgé de douze ans présentant, à la face
palmaire de la main
droite, une tumeur de nature assez difficile à définir. Le diag¬
nostic, indécis d'abord, confirmé depuis, fut
celui d'angiome
caverneux circonscrit.
Intéressé par l'observation de cet enfant,
recueillie
parM. le
Dr Guyot, nous avons résolu de la prendre pour
sujet de notre
travail inaugural.
Mais fallait-il nous borner à exposer en
détail l'histoire du
malade et tirer des faits observés des conclusions qui auraient
eu pourseul mérite d'être la reproduction
fidèle des leçons de
— 14 —
notre maître?Nous nel'avonspas pensé. D'un autrecôté, notre
peud'expérience et notre pauvreté en
observations inédites
surles angiomes sous-cutanésde la
main,
ne nouspermettaient
pasde faire untravail original. Nous avons donc résolu
de recher¬
cher les observationsdéjà publiéessurce sujet, de
les
compareràlanôtre, de grouper les faits et les
opinions
etd'exposer les
conclusions que nos recherchesnous auront
inspirées.
Le seul mérite de notre thèse, si elle peut en avoir un, sera
donc de résumernos connaissances sur le sujet.
Dans ce travail, nous laisserons de côté les taches vascu- laires, naevi et angiomes cutanés, qui ne
présenteraient qu'un
intérêt relatif. Nous ne nous occuperons que des
angiomes
sous-cutanés circonscrits : simples et caverneux.
Les angiomes caverneux sont de
beaucoup les plus impor¬
tants, parce qu'ils sont par
excellence les angiomes des
mem¬bres. Mais l'angiome simple peut se rencontrer
aussi et il
nousa paru bon de ne pas séparer son
étude de celle des tumeurs
caverneuses, d'autant que ces deux variétés ont une
symptoma-
tologie, une marche et un pronostic trèsdifférents.
Nous passerons rapidement sur
l'anatomie pathologique des
angiomes, bien connue aujourd'hui grâce aux travaux
récents
de MM. Cornil et Ranvier et surtout à la thèse de M. Charles Monod, pour insister plus
particulièrement
surla symptoma-
tologie, le diagnostic etle traitement.
Nous avons conçu le plan général de ce
travail de la façon
suivante :
Dans un premier chapitre, nous
ferons l'historique de la
question.
Le deuxième chapitre contiendra les
observations
quenous
avons recueillies.
Le troisième sera consacré à l'anatomie pathologique,
la
pathogénie, la marche et
l'étiologie.
Le quatrième traiterade la
symptomatologie
etdu diagnostic.
Dans le cinquième nous discuterons les diverses
méthodes de
traitement.
Nous terminerons ce travail par l'exposé de nos
conclusions.
— 15 —
Mais avantdel'entreprendre, qu'il nous soit permis de remer¬
cier ceux quinous ont aidé à l'élaborer, et d'offrir ànos maîtres
des hôpitauxun hommage de respectueusereconnaissance.
MM. les D's Dudon et Verdalle ont été nos premiers maîtres.
Qu'ils croient tous les deuxà notrebien sincère affection etnous
permettent une fois de plus de leur exprimer notre profonde
reconnaissance.
Nous n'oublieronsjamais les savantes leçons de M. leprofes¬
seurs Picot, et nous regretteronstoujours que de malheureuses
circonstancesne nous aient pas permis de terminer notre année d'externat dans sonservice.
M. le Dr Dubourg a droit plus que tout autre à notre recon¬
naissance. En même temps que son élève, nous avonsété son malade et l'un et l'autre disent merci du fond du cœur et au
maître et auchirurgien.
Nous ne saurions oublier non plus les excellents conseils, les
soins affectueux que nous ontprodigués M. le professeur agrégé
Gassaët etM. le D1' Debcdat, qu'ils croient bien à notre affec¬
tueux dévouement.
M. le D1' Rousseau Saint-Philippe nous a toujours fait l'hon¬
neurde nous considérer comme un ami en même temps que commeun élève. Le souvenir de son bienveillant accueil et de
sesattachantes causeriesresteraundes meilleurs de nosannées de séjour à Bordeaux.
Merciégalement à M. le D1' Guyot de son aide précieuse et de
sesconseils pour l'élaboration de notre thèse. Si ce travail pré¬
sente quelque intérêt, ce sera surtout grâce à lui.
M. le professeur Piéchaud nous fait le très grand honneur
daccepter la présidence denotre thèse. Nous le prions d'accep¬
ter1
hommage
denotre vive reconnaissance.CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Les tumeurs vasculaires en général ont été bien souvent
décrites et ont fait le sujet de bien des travaux originaux.
Nous
ne reprendrons pas ici leur histoire
déjà
trèsvieille. Disons
seu¬lement que leur étude
anatomo-pathologique
a étémagistrale¬
mentfaite et d'unefaçonquiparait êtredéfinitive par
M. Charles
Monocl dans sa thèse inaugurale (1873).
Quant aux angiomes de la main en particulier on ne
trouve
à ce sujet aucun travail spécial. Les seuls documents
qu'on
puisse réunir sont des
observations isolées et quelques leçons
cliniques. Les deux plus vieilles observations
détaillées que
nous connaissions sont celles d'Esmarch et de Cruveilher.
11
nous a paru bon de les reproduire
intégralement dans notre
thèse à titre de documents d'abord et ensuite
parcequ'elles
nous paraissent fort instructives au point de vuede la marche des
angiomes sous-cutanés et qu'elles nous montrent
bien la néces¬
sité du traitement précoce de ces tumeurs.
Nousreproduisons également des
observations de Hildebrand
(1890), J. Audryet Ch. Audry
(1892), Polaillon (1890).
Enfin deux cliniques, l'une de M. le professeur
Duplay à 1 Hô¬
pitalSaint-Antoine (1875),
l'autre
deTrélat (1877), fort instruc¬
tives à des points de vue divers, nous ont
fourni de nombreux
matériaux. Signalons enfin la thèse de M. Mathez
(1894).
Nous ne fournissons nous-même qu'une observation
inédite.
* L'affection dont il s'agit est donc relativement rare.
Il est bon
cependant, d'être prévenu de son existence
quand
on setrouve
en présence d'un diagnostic difficile, d'autant
plus
que cedia¬
gnostic est souvent fortdélicat.
CHAPITRE II
OBSERVATIONS
Observation I
Dueàl'obligeance deM. le professeur Piéciiaud.
Angiomecaverneuxsous-cutané circonscrit de lapaumedela main.
E. L..., 12 ans, vient à la consultation de M. le Dr Piéciiaud le
27décembre 1899 pour une tuméfaction de la face palmaire de la
main droites'accompagnant de quelques phénomènes douloureux et
surtout de gène fonctionnelle trèsmarquée L'enfanta d'abord été gênépour écrire. Actuellement il sefatigue vite et aubout de quel¬
quesminutes laplume lui tombe des mains.
Antécédentshéréditaires. — Nuls du côté du père et de la mèrequi jouissent d'une excellente santé. A un frère jumeau très bien por¬
tant. L'enfant est né àterme,sans aucune malformation.
Antécédentspersonnels. — Aucune affection à signaler. Nourri au seinjusqu'àhuit mois. A commencé à mangerà dix mois. Tète d'ap¬
parencerachitique.
Histoire de lamaladie.— Le début remonte à huit ou dix mois.
L'enfantaccusait alors une gènefonctionnelle assez marquée. L'en¬
fant refusait d'aller à l'école prétextantune très grande difficultéà
écrire.On le punissait alors,caron ne trouvait rien àl'examen desa maindroite.
11 yaun mois, il vint àla consultation, maisl'examen de l'organe
nefournitrien qui pût expliquerles symptômes douloureux.
Examen.— Depuisun mois la gênefonctionnelle s'estaccentuée.
Lenfantne peutplus écrire qu'avec de très grandesdifficultés.
Broustet 2
- '18 -
On remarque aujourd'hui une saillie
arrondie siégeant
un peu endedans de l'éminence lliénar avec laquelle elle se confond.
Son bord interne et inférieur est limitépar le pli marquantl'op¬
position du pouce et de l'index. Le
bord supérieur remonte à deux
traversde doigtau-dessousdu poignet. Les limites de
la
tumeursont
indécises; elles seconfondent insensiblement avec
les parties voisi¬
nes.Cependantonpeutassigner à la
tuméfaction les dimensions sui¬
vantes :
Diamètre vertical incliné en dehors .... 3 cent. 1/2
Diamètre transverse 2 cent.
La peau qui larecouvre est
souple
etmobile. Elle présente en un
point une très légère coloration
bleuâtre
; on remarqueaussi par un
examen minutieux un fin lacisveineux.
Lorsqu'on exerce autour du
poignet
unepression circulaire, la
tumeur s'accroît. La fluctuation estperceptible.
Lorsqu'on exerce une pression un peu
prolongée
surla tumeur
elle-même, sa réduction est complète. Au contraire,
quand la
pres¬sion cesse, ellereprend son volume ordinaire.
Si l'enfant fléchit fortement ses doigts, l'ensemble de la paume se
tend etla tumeurdisparaît sans qu'on puisse distinguer
de prolon¬
gements d'un côté ou de l'autre.
On neremarque au niveau dela tumeur ni
expansion, ni bruit de
souffle. A peine peut-on indiquer une légère
douleur à la pression.
Pression. Dynamomètre. — Lapression est
très sensiblement di¬
minuée ducôté malade. Cependant tousles mouvements
de flexion
sont conservés.
Le diagnosticest réservé.
Examen du 8 mars 1900. — La tumeur semble avoir
légèrement
augmenté devolume. La gène
fonctionnelle s'est également un peu
accentuée. L'enfant ne peut plus tenir uneplume.
Uneponction exploratrice est
faite
àla seringue de Pravaz. Elle
donne issue à un liquide rouge, vif, aéré, qui paraît être
du sang
pur.
Examendu 2 avril. — Mêmessignesqueprécédemment.
M. le pro¬
fesseur Piéchaudprocède lui-même àune nouvelle
ponction explo-
— 19 —
ratrice. La seringue de Pravaz s'emplit àmoitié par aspiration d'un liquideanalogueàceluiquiaétéretiré lapremière fois.Le jour même
l'examen de ce sangpratiqué par M. le professeur agrégé Sabrazès,
démontre que nous sommesbien en présence de sang pur.
Lediagnostic d'angiome caverneux qu'on avait émis toutd'abord
mais avecrestrictions estconfirmé.
M. le professeur Piéchaud décide de traiter la tumeur parl'élec- trolyse.
Traitement. — L'électrolyse monopolaire est pratiquée le 1er mai
1900 par M. le docteur Debédat. Après anesthésie au chloroforme, l'aiguille estenfoncée dansla tumeur et maintenue pendant sept ou huit minutes.
Pendant l'opération ilse forme, au niveau du fin lacis veineux su¬
perficiel,une tache bleuâtre qui semble produite par la dilatation de
cesvaisseaux superficiels.
Le 3mai, l'enfant va très bien, on renouvelle un bandage com- pressif au-dessus de la tumeur dont les limites semblent déjàres¬
treintes.
Observation II
POLAILLON
Angiomecaverneuxde lapaumedelamain. Extirpation. Guérison.
SophieB..., âgée de 24 ans, profession de domestique, s'aperçut
il yasix mois de la présenced'une petite tumeurauniveaude l'émi-
nence thénar gauche. Ace moment, elle avait soulevé de lourds pa¬
niersetdes fardeaux, ce quiprovoquaprobablementl'accroissement
de latumeur invisiblejusqu'alors.
Lasanté de la malade a toujours été excellente. Aucunantécédent
morbide danssafamille.
Depuis six mois, la tumeura grossipeu àpeujusqu'à atteindre le
volume d'une noix. Elle n'a jamais été douloureuse et neproduit
fine de la gêne dans les fonctions de la main.
Elle estsituée à la facepalmaire du premier espace interosseux,
Un peuau-dessous de l'éminence thénar.Elleestmollasse,fluctuante,
— 20 -
légèrement,réductible. La peau est
mobile
surelle et sans change¬
ment de coloration.
Lacontraction musculaire ne lamodifiepas. En la saisissant entre
lesdoigts, on peutla faire glisser un peu sur
les tissus profonds où
elleparaît attachéepardesadhérences
lâches. Aucune douleur à la
pression, aucune douleur spontanée, aucune
transparence.
Le diagnostic resta indécis entreun kyste
paratendineux à contenu
gélatiniforme, unlipome etun angiome.
Comme l'opération devait
être à peu prèsla même dans les trois cas,
il
meparut inutile de
faire une ponction exploratricepour dissipermes
doutes.
Aprèsavoir endormi lamalade par
le chloroforme et appliqué la
bande d'Esmarch, je fais une incision, qui met ànu
la
tumeur.Celle-
ci a une teinte bleuâtre. Elle est nettement délimitée et
enveloppée
d'un tissucellulaire qui adhère peu aux partiesvoisines.
Il est donc
facile de l'énucléer presque sans le secours du
bistouri. La bande
desserrée, immédiatement laplaie se met àsaigner en nappe,
mais
il n'est besoin d'arrêter le sang par aucune ligature. Suture avec
crinsde Florence, pansement de Lister.
Lessuites de cettepetite opérationfurent très simples. Lorsque
le
premier pansementfutfait,deux jours après
l'opération, la plaie était
remplie par uncaillot volumineux, qui fut
expulsé
parexpression.
La coupe de la petite tumeur montrait un tissu
formé de cloisons
circonvenantdes aréoles pleinesde sang, tissu tout à fait
semblable
au tissucaverneux delaverge.Ils'agissait
évidemmentd'un angiome
appartenant àlavariété des tumeurs
érectiles veineuses.
Observation III
Esmarch
Tumeurs multiples de la main et du membre supérieur
gauche.
—Ablations successives.Guérison.
Femme de 29 ans, qui àl'âge de G ans avait vu se
développer une
tumeur grosse comme unetêted'épingle à
la face antérieure et supé¬
rieure de la main gauche. Peu àpeu d'autres tumeurs
apparurent
dans levoisinagedelà première, surles doigts et sur
le dos de la.
main. Al'époque de la puberté,cestumeurs prirent unaccroissement plusrapide; l'une d'elles s'ulcéra etdonna lieu à des hémorrhagies
assez abondantes. Un médecin lia la base de cette tumeur qui tomba
au bout de huit jours en laissantune plaie qui se cicatrisa prompte-
ment. Plusieurs tumeurs furent ainsi enlevées successivement. Vers
l'âgede 19 ans, de nouvelles productions de même naturese formè¬
rent nonseulement à lamain, mais encore au coude et àl'épaule.
Lorsque cette malade fut soumiseàmes soins, elle était dans l'état
suivant : 54 tumeurs existaient sur le membre supérieur, et sur ce nombre, 40siégeaient àla main. Leur volume variaitdepuis lagros¬
seurd'un pois jusqu'à celle d'un œuf de pigeon. Sur quelques-unes,
lapeau était amincie et d'une couleur violette. Ces tumeurs étaient
molles comme des lipomes ou dures comme des fibromes; les unes étaient mobiles; les autres adhérentes; elles ne produisaient ni pulsations, ni bruit de souffle.Onpouvait reconnaître quela plupart
étaient en relation avec les veines. En les comprimant, elles se réduisaientun peu, et les troncsveineux superficiels du voisinage se gonflaient. Lorsque la compression était longtemps continuée, quel¬
ques-unes devenaient tout à fait flasques; elles revenaient à leur
volumeprimitifdès quela compression cessait. Si on appliquaitune
ligature autourdu bras, les tumeursaugmentaientconsidérablement
de volume et de nouvelles tumeurs très petites apparaissaientsurle trajet desveines gonflées. Aux époques menstruelles toutesces pro¬
ductions morbides subissaient un accroissement notable. Lamalade ressentait des fourmillements dans la main et ne pouvait plus tra¬
vailler.
Parcinq opérations successives, les tumeurs furentdisséquées et enlevées. Deux mois après la dernière opération, iln'y avait pas eu de récidive, la main était sillonnée de cicatrices nombreuses, mais elle était cependant apte à faire quelques mouvements et à rendre
des servicesà la malade.
La coupe des tumeurs enlevées présentait un aspect tout à fait analogue à celui des corps caverneux de la verge. Dans certains points, les vacuoles du tissu érectile contenaient des phlébolithes
dont le volume était variabledepuiscelui d'un grain d'avoine jusqu'à
celui d'un pois.
— 22 —
Ces tumeurs étaient nettement circonscrites et
paraissaient déve¬
loppées surla paroi des
veines.
Observation IV
Cruveilïier
Maladies desveines.Tumeursérectilesoccupantlamain etl'avant-bras.
Tumeurs sanguines se présentant sous
l'aspect de petites masses
sphéroïdales bosselées,bleuâtres, de volumes divers, recouvertes
par une peau amincie,
mais saine et mobile. Pour quelques-unes
seulement, lapeau participaità l'altération, et
alors la tumeur était
bosselée àlamanière d'un fruit de mûrier dont
elle avait d'ailleurs
lacouleur.
Siège. —Ces tumeurs
occupaient
nonseulement le tissu cellulaire
etla peau, mais encore la
couche superficielle et l'épaisseur des mus¬
cles; on envoyait aussi le long des
tendons, des nerfs et
surle pé¬
rioste contre lequel elles étaient appliquées.
Naturedeces tumeurs. — Isolées de la peau qui
glissait
surelles
avecfacilité par l'intermédiaire d'une
synoviale, à l'exception toute¬
fois des points oùla peau avait été
envahie,
cestumeurs
seprésen¬
taientsous la forme depetites agglomérations
bosselées, tuberculeu¬
ses, à lamanière d'une framboise ou
d'une mûre. Elles étaient libres
et commejetées auhasard au milieu du
tissu cellulaire.
Ces agglomérations ne sont pas
des varices ordinaires, mais cons¬
tituentun véritable tissu érectileaccidentel, caverneuxou
spongieux
qui seprésente sous des états
divers, pouvant être considérés comme
les degrésde la même altération.
ObservationV
J. Audry etCh. Audry
Angiome caverneuxprofondde latotalité dumembre
supérieur gauche.
Amputation.
Femme de 23 ans. Al'âge de 4 ans et demi, le bras
gauche était
déjà plusvolumineux que le
droit, mais à partir de 12
ou13 ans, le
— 23 -
membre a sans cesse et progressivement augmenté de volume. En
février1889, elle a commencé à tousser et deux mois après survint
une hémoptysie.
Lamain estdéformée avec des godets sur sa facedorsale épaissie,
lesdoigts fléchis dans la paume. La deuxième phalange du petit doigtprésente une augmentation plus grande que toutes les autres.
Lesmouvements sont trèslimités, anesthésie peu marquée. OEdème
mou recouvert d'un épiderme durci donnantla sensation dudurillon.
Ulcération fongueuse versla deuxième phalange du petit doigt.Poils
surla main.Ongles altérés,recourbés,allongésetirréguliers. L'avant-
bras est en flexion légère sur le bras très augmenté de volume et
peut à peine être soulevé par la malade. Pas d'anesthésie. Quelques
douleurs sur trajets fixes, plus vives au momentdes règles.
Les téguments ne sedéplacent pas surles tissussous-jacents.Peau lisse, sillonnéepar cordons nombreux,rosés par places. L'examen
des vaisseaux ne révèle rien d'anormal. Sueurs très abondantes au niveau du bras malade qui va en diminuant du coude vers l'épaule.
Circulationveineuse trèsdéveloppée.
L'amputation au tiers supérieur de l'humérus est faite par Pol-
loson.
L'autopsie du membre amputé montre le tissu cellulaire très
adhérent envahi parle tissu angiomateux, surtout le long du terri¬
toire des veines radiales et céphaliques, cubitales et basilique.
Artère etveine humérales normales. Nerf médian au niveau dupli
du coude est remplacé par un tissu vasculaire aréolaire qui s'est
substituéà lui. Muscles dégénérés. Artère etveines radiales norma¬
les. Nerf radial envahi par le tissu angiomateux ainsi que le nerf
médian qui se perd sans pouvoir être disséqué jusqu'au niveau de
la partie majeure de l'avant-bras. Tous les tissus de la main sont
envahis par la dégénérescence graisseuse. Le périoste est envahi
avechyperostosessur l'humérus. Le squelette de la main présente
des altérations profondes. Os du carpe irréguliers, gros, friables.
Lesépiphysesdesmétacarpienssonttrès augmentées. Les phalanges
des quatrième et cinquième doigts sont augmentées dans toutes leurs dimensions.
A l'examen histologique, le tissu angiomateux est formé par
l'agglomération d'un grand nombre de lacunes.
Beaucoup
sonttapisséesde cellules endothéliales. Elles semblent dues à une
dilata¬
tion énorme des capillaires.
Observation YI
Hildèbrand
Angiome caverneux multiple du membre supérieur gauche. — Désar¬
ticulation du pouce. — Ablations des tumeurs secondaires.— Guéri-
son.
Une fille de 21 ans avait vu à l'âge de 3 ans se développersurle
thénar de sa main gauche une petite tumeur bleuâtre qui augmenta progressivement devolume, en même temps que
de petites tumeurs
analoguesnaissaient sur l'avant-bras, le bras,
l'épaule jusqu'au
cou.Quand elle entra àlaPolyclinique de Gottinguen, toutle pouceet
le
thénarsemblaienttransformésenune tumeurvolumineusecomposée
elle-même de mamelons bleu foncé; sa consistance était ferme,
fibroïde, manifestement éreclile. Les tumeurs secondaires
dissémi¬
nées surle membre et du volume d'un œuf à un noyau de cerise
siégeaient dans le tissu cellulaire sous-cutané;
elles étaient égale¬
ment bleuâtres par transparence, mobiles sur les parties
profondes
et sansadhérence à la peau. La tumeur principale ayant
envahi les
muscles du thénar, il fallut désarticuler le pouce, maisles tumeurs
secondairespurent être enlevées par de simples incisions
cutanées.
Pas d'hémorrhagie; guérison rapide.
L'examen histologique de ces tumeurs montra qu'il
s'agissait
d'angiomes caverneux purs; elles étaient formées
d'une capsule
conjonctiveconstituée aux dépens du tissu
cellulaire périphérique,
de laparoi interne de laquelle naissaient des
cloisons interceptant
entr'elles un réseau de mailles remplies de sang, de caillotset
de
phlébolithes.
Observation VII
DuPLAY
Angiomesimplesous-cutané circonscrit de la face postérieure de la
maindroite. Ablation. Guérison.
Jeune homme présentant àla face dorsale de la main droiteune tumeur intéressante.
Terrassier, âgé de 22 ans. Fait remontera quatre ansle début de
latumeur qui asuccédé à un violent traumatisme. Dans une lutte,il reçut uncoup de crosse de fusil qui semble avoir produit seulement
une petite plaie contuse, car il n'existeau point lésé aucune trace de fracture. Trois semainesaprès, guérison complète. Lesujetreprend
son métier de terrassier. Il avaitalorssur la facedorsale du deuxième métacarpien droit où nous observons la tumeuractuelle, une petite
tumeur duvolume d'une noisette. Comme cette région est chez les
terrassiers le siège de frottements continuels, nous avons demandé
au malade si antérieurement au traumatisme il n'existait pasquel¬
que petite grosseur. Ses réponses ont toujours été négatives. Avant
le coup decrosseiln'y avait rien. Depuis lors, levolume de latumeur
s'est accru lentement, sans douleur, et le malade nous fournit de pluscerenseignement que, sous l'influence de lafatigue et du froid,
la tumeur augmente et prend une teinte violacée. Il raconte même qu'ilya unmois latumeur a laissé sourdrequelquesgouttesdesang.
Examen actuel. — Tumeurplacée surlaface dorsale dudeuxième métacarpien droit, du volume d'un gros œuf de pigeon, de forme ellipsoïde, à grand axe vertical, d'une longueur de 5 cent.; le petit
axeest horizontal et mesure 4 cent.
Lacolorationde latumeur n'est pasuniforme. Asapartiemoyenne
on voitune tache violacée analogue à un naevus. Elle est formée de
deux parties séparées par un petit intervalle de peau saine. Le
malade affirme que cette tache n'existait pas avant le traumatisme
dont il aétévictime. Dans le restede son étendue, la coloration de la
peauestnormale; mais elle laisse voir par transparence une teinte légèrementbleuâtre. Elle est, du reste, parfaitement saine et glisse
surlatumeur,saufaupointoù existe la tache vasculaire; àceniveau
— 26 -
la peau estadhérente. La tumeur estmobile sur les parties profon¬
des. Sa consistance est singulière et difficile à exprimer. Elle n'est point résistante commeles fibromes; elle n'estpas résistante comme les kystes à paroi un peu épaisse, pas fluctuante. La consistanceest mollasse, maisnon pasuniforme. Acôté de points mouset presque fluctuants, il en estd'autresqui sont plus résistants. Si on fait saillir
la tumeursousla peau en la comprimantà sa base, on voitse dessi¬
nerles lobules à sa surface. Il se produit là, àla consistanceprès,ce
qu'on observe dans un lipome.
En comprimant circulairementl'avant-bras de manière à gêner la
circulation en retour, le volume et la tension de la tumeur augmen¬
tent d'une façon appréciable.
Après un diagnosticdifférentiel très étendu, M.Duplay classecelte
tumeur dans les angiomessimples sous-cutanés circonscrits.
L'ablation est décidée et faite. Cicatrisation lente, mais sans acci¬
dentet complète. Pasd'hémorrhagie.
Deux caractères spéciaux sont reconnus au microscope : A. Dilatation des vaisseaux des glandes sudoripares.
B. Envahissement de la peau.
Cette observation diffère des précédentes à certains points
de
vue. Il nous a paru intéressant de la citer cependant, car
l'étio-
logie de la tumeur est intéressante.ANATOMIE PATHOLOGIQUE. PATHOGÉME. MARCHE. ÉTIOLOGIE
I. Anatomie pathologique.
Nous n'insisterons que très peu sur l'anatomie
pathologique
des angiomes. Nous laisserons de côté surtout les
discussions
cpii ont été ouvertes sur leur classification générale et nous dirons, avec MM. Gornil et Ranvier, que :« L'angiome est une tumeur constituée par des vaisseaux
de
nouvelle formation ». Cette définition permetd'écarter
d'emblée
(1e cette catégorie les anévrysmes, les tumeurs variqueuses et l'anévrysme cirsoïde.
Laissant de côté les angiomes cutanés, nous ne nous occupe¬
ronsque des angiomes sous-cutanéset nous admettrons encore,
avecMM. Cornil et Ranvier, qu'ils sont de deux sortes :
A. Simples, si les vaisseaux de nouvelle formation
qui les
constituent sontde structure normale.
B. Caverneux, si le sang circule dans un système
lacunaire
analogue aux corps caverneux des organes
érectiles.
1° Angiomes sous cutanés simples. — Dans cette
première
variété, les parois vasculaires persistent sansmodifications
notables. Les capillaires sont seulement dilatés.
Les
tumeursde cette nature sont très rares. Elles ont été étudiées dans la thèse de M. Monod, qui en donna une
minutieuse description.
La peau qui les recouvre n'ofire, pendant longtemps, aucune altération ni de coloration, ni de consistance. La tumeur est molle,élastique, ne diminue guère àla pression àson
niveau,
etdonne quelquefois la sensation de fausse fluctuation.
Ces caractères sont ceux de l'angiome simple
circonscrit. Si
la tumeur devient diffuse, elle perd tous ses
caractères de
tumeur, empiète sur
les systèmes veineux et artériel et peu
être assimilée aux anévrysmes cirsoïdes.
Nous n'en parlerons
donc pas ici.
2° Angiomes caverneux. —
Les angiomes caverneux sont-ils
primitifs?
La plupart des auteurs
nel'admettent pas. Us déri¬
veraient des angiomes simples par
la modification progressive
des parois
vasculaires. Dans l'angiome simple, on observe une
multiplication
des capillaires. Ces vaisseaux se dilatent peu à
peu, leurs
parois arrivent
aucontact, il s'établit des communi¬
cations entre les parois de
plusieurs capillaires accolés et on
assiste à la formation d'un tissu
analogue
àcelui des
corpscaverneux de la verge dans lequel
le
sangcircule
aumilieu
d'un système
lacunaire. Cette transformation est bien exacte, et
M. Monod signale dans sathèse un cas
où il
a pula constater à
l'examenhistologique.
L'angiome caverneux
ainsi établi est
unangiome circonscrit.
Mais lorsqu'il devient
ditfus, il envahit
assezrapidement les
parties
voisines et
nous verronsqu'il peut occuper un segment
de membre et même unmembre tout entier.
Au point de vue
de l'évolution des angiomes, il est un point
important
qu'il serait intéressant d'éclaircir. L'observation a
démontré que certains
angiomes
caverneuxsont d'une bénignité
presque
absolue,
grâceà la lenteur de leur évolution, tandis
que d'autres
présentent
unvéritable danger par leur marche
rapidement
envahissante.
Les uns restentcantonnés dansle tissu
cellulaire sous-cutané,
ce sont les angiomes lipogènes
de Wirchow; les autres se pro¬
pagent le long
des vaisseaux et envahissent des segments très
considérables. Wirchow les désigne sous le nom
d'angiomes
phlébogènes.
L'examen histologique
explique-t-il
cesdénominations?
C'est là un pointqui,à notre
connaissance, n'a
pasété éclairw
dans ces dernières années. D'ailleurs, il est presque
impossible
en clinique de distinguer ces
deux variétés. Nous n'insisterons
pas plus longtemps.
- 29 -
Aujourd'hui il est généralement
admis
que tousles angiomes
sont d'emblée des dilatations capillaires. La différence de leur coloration, qui étaitune
conclusion naturelle de la théorie de
Broca, tient à d'autres causes.
Backael prétend qu'elle est due
simplement à la plus ou
moins grande épaisseur de la
peauau-dessus de la tumeur. Cette opinion est peut-être exagérée,
mais on peut expliquer le phénomène par
la facilité plus
oumoins grande de la circulation au niveau
de 1a.
tumeur.Nous
verronsplus loin qu'au point de vue
de l'évolution les deux
variétés ont des caractères bien différents.
II. Evolution. — Transformations.
Lamarche des angiomes sous-cutanés de la
main
est essen¬tiellement variable. Ils restent parfois presque
indéfiniment
stationnaires; mais le plus souvent leur
évolution est constante.
Leur volume s'accroît lentement, presque insensiblement.
Au
début, il n'existe que de la gêne des mouvementsde flexion,
gêne que rien n'explique. Puis on constate une
légère tuméfac¬
tion qui grossitde plus en plus, s'accuse
dans les téguments et
rend presqueimpossibles les fonctions
de l'organe.
Notre observation I en est un exemple.
L'enfant dont il est question s'était présenté à
l'hôpital
aumois de novembre prétendant déjà depuis sept ou
huit mois
netenir sa plume àl'école qu'avec difficulté. L'examen
pratiqué
àcemoment là ne donna aucun résultat, et c'est seulement au mois de décembrequ'on put constater la présence
de la tumeur.
Celle-ci a depuis assez sensiblement augmenté
jusqu'au jour où
le traitement électrique a été
appliqué. L'observation II (Po-
1ailIon) est absolument analogue.
Les observations suivantesnous montrentquel estle sort
des
angiomes livrés à eux-mêmes. Par leur accroissement incessant fui n'est entravé par aucune
intervention, ils envahissent tout
unterritoire vasculaire (Obs. III, obs. IV). Et
les vaisseaux
nesont pas les seuls éléments atteints. Les tumeurs s'accroissent
de tous côtés. Sous-cutanées primitivement