FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DEPHARMACIE DE BORDEAUX
ANNEE 1901-1902 N' 72
CONTRIBUTION A L'ETUDE
d'une variété de
es sous-cu anes Mirai
LA PRÉSENCE DE COUPS ÉTRANGERS
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquementle 9 Avril
1902
PAR
Wladimir
ATHANASSOFF
Néle30 mars1872, à Toultcha(Roumanie).
Examinateurs de laThese
MM. LANELONGUE professeur ... Président.
BOURSIER professeur....J
PR1NCETEAU agrège > 'luges.
CABANNES agrégé )
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront
ïaites
surles
diverses parties de l'Enseignement
médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL
UASSIGNOL
91 — RIJK PORTE-D1JKAUX — 91
1902
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
MM. MIGÉ DUPUY MOUSSOUS.
Prio/esseurs 11o 11 o raives.
MM.
Clinique interne
MM.
( PICOT. Physique médicale.. . BERGONIÉ.
j PITRES. Chimie BLAREZ.
_.. .
, \ DEMONS. Histoire naturelle ... GUILLAUD.
Cliniqueexterne
j
LÀNELONGUE. Pharmacie FIGUIER.Pathologie et théra- Matière médicale.... nu NABIAS peutique générales. VERGELY. Médecine expérimen-
Thérapeutique ARNOZAN. taie FERRE.
Médecine opératoire. MASSE. Clinique oplitalmolo-
Clinique d'accouché- gique
ments LEFOUR. Cliniquedesmaladies
Anatomie pathologi- chirurgicales des en-
que COYNE. fants
Anatomie CANNIEU Clinique gynécologique Anatomie générale et Clinique médicale des histologie V1AULT. maladiesdesenfants Physiologie ... JOLYET. Chimiebiologique...
Hygiène LAYET. Physique pharmaceu-
Méilecine légale MORACIIE. tique SIGALAS.
ACi la 00 CJ 80 « 80 X B0 X B0 Et€1V10 :
section nu médecine (Pathologie interne etMédecine légale.) MM. SABRAZÈS. j MM. MONGOUR.
LE DANTEC. | CABAN NES.
HOBBS.
BADAL.
P1ECHAUD.
BOURSIER.
A. MOIJSSOUS DEN1GÈS.
section de chiuuugie et accouchements
Pathologieexterne
MM. VILLAR.
I CHAYANNAZ.
I BRAQUEHAYE BÉGOUIN.
Accouchements.\MM. FIEUX.
ANDEROD1AS.
Anatomie..
section dessciences anatomiquliset duysioi.ogiqu1cs
JMM. GENTES. | Physiologie MM. PACHON.
•••) CAYALIÉ. I Histoire naturelle BEILLE.
section des scienges physiques
Chimie MM. BENECH. | Pharmacie M. DUPOUY.
UdSXLmS 40 S* IlS»Si B0 SI B0 AT A I EtB0« :
Clinique des maladiescutanées etsyphilitiques MM. DUBREUILH.
Clinique desmaladies desvoies urinaires Maladies du larynx, desoreilles et du nez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologieexterne Accouchements Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologie etMinéralogie Pathologie exotique....
LeSecrétaire de la Faculté
POUSSON.
MOURE.
REGIS.
RONDOT.
DENUCcj.
F1EUX.
PACHON.
PR1NCETEAU LAGRANGE.
CARLES.
LE DANTEC.
LEM AIRE.
Pardélibération du 5 août 1s79, la Faculté aarrêté que les opinions émises dans les Thèsesqui luisont présentées doiventêtreconsidérées commepropres à leurs auteurs, 1111'm11h n'entend leurdonnerni approbation niimprobation.
A MA FAMILLE
A MES AMIS
A MONSIEUR LE DOCTEUR CABANNES
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX MÉDECIN DES HOPITAUX
MÉDECINOCULISTE
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR
LANELONGUE
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE A LA FACULTÉ
DE MÉDECINE DE BORDEAUX CHEVALIER. DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
AYANT-PROPOS
An moment de terminer nos études et ayant de quitter la
France qui nous fut si hospitalière, il est
bon de jeter
uncoup d'œil surle passé et de remercier tous ceux
qui
nousontprodigué leur savoiretleur
sympathie
etde leur exprimer
toute notre reconnaissance pour l'appui et la direction
qu'ils
nous ont donnés dans l'étude si difficile de la médecine.
Arrivé en 1894 àla Faculté de Médecine de Bordeaux, con¬
naissant relativement peu la langue française, nous avons
été
accueilli avec une bonté qui nous a profondément
touché
partous les maîtres de la Faculté de Médecine.
Mais il est un maître dont le souvenir nous sera particu¬
lièrement cher et auquel nous penserons toujours avec un
sincère plaisir lorsque, rentré dans notre pays, nous
tâche¬
rons de mettre à profit son enseignement clinique
si clair et
siparfait. Nousvoulons parler de
M. le Prof. Lanelongue, qui
a toujours permis aux étrangers désireux
de chercher à Bor¬
deaux les conseils de maîtres distingués de se
considérer
dans son service un peu comme chez eux. C'est
chez
vous,cher maître, que se retrouvaient avec le
plus de plaisir
nos compatriotes,toujours un peuinquiets
parailleurs; c'est chez
vous qu'ils ont puisé les meilleures
notions de
cequ'ils
con¬naissent; c'est à vous qu'ils doivent de
n'avoir
passenti
qu'ils étaient en pays étranger.
Nous avons cru devoir remercier tout d'abord M. le Prof.
Lanelongue, car c'est chez lui que nous avons
fait notre
apprentissage médical, et c'est
grâce
auxobservations puisées
dans son servicequenous pouvons
aujourd'hui présenter
une— 10 —
thèse inaugurale dont il nous fait l'honneur d'accepter lapré¬
sidence.
Nous ne devons pas oublier M. le Prof. Mùussous, dont
les leçons cliniques si intéressantes et si érudites nous ont permis de comprendre la pathologie complexe de l'enfance, lorsque dans son service il nous faisait examiner avec une
grande méthode scientifique les pauvres petits malades.
M. le Prof, agrégé Sabrazès nous a toujours reçu avec la plus grande bienveillance et nous n'avons malheureusement
pu profiter plus complètement de son laboratoire qu'il nous
avait aimablement offert; il nous a fourni une intéres¬
sante observation pour notre thèse; nous le remercions bien sincèrement,
Quantà M. le Prof, agrégé Cabannes, qui futpour nous un ami en même temps qu'un maître distingué, qu'il reçoive ici l'expression de notre gratitude.
Nous ne terminerons pas sans rappeler combien nous fut précieux le concours de M. le D1' de Boucaud, chef de clinique de M. le Prof. Lanelongue, ainsi que celui de son
interne, M. J. Duvergey, à qui nous devons les meilleurs
éléments de ce modeste travail.
Bordeaux, le9 avril 1902.
CHAPITRE PREMIER
INTRODUCTION ET DÉFINITION
C'est en 1812 que WilliamWood nommait tubercules sous- cutanés douloureux des tumeurs de nature variable qui se caractérisaient par unedouleur d'une intensité telle
qu'elle
en devient le caractère clinique dominant.Longtemps l'anatomie pathologique et,1a.
pathogénie de
cestumeurs ont été obscures, et l'examen histologique a révélé
tantôt la structure du sarcome, le faitest rare, tantôt celle du lipome, Rroca; du myxome, du
fibro-cliondrome, Bennet.
Gaeches, en 1876, a décrit des tumeurs glandulaires, des kystes sébacés, des adénomes. Enfin Trélat,
Monod, Beur-
nier ont fourni de nombreuses observations de tubercules
sous-cutanés douloureux qui n'étaient autres que des an¬
giomes.
De toutes ces variétés anatomiques, la plus fréquente paraît avoir été le fibrome, d'où
le
nomqui lui
aété donné,
nom impropre cependantpuisqu'il ne
convient qu'à
uneseule
variété.
En présence de ces divergences d'opinions nous
n'avons
point l'intention de fixer l'anatomiepathologique d'une affec¬
tion qui n'a de fixe que des caractères
cliniques, mais bien
d'étudier un certain nombre de cas où le syndrome, tuber¬
cule douloureux, était consécutif à l'introduction d'un corps
— 12 -
étranger dans le tissu cellulaire sous-cutané. Nous avons
eu l'occasion d'examiner nous-même quelques-unes de ces tumeurs, d'en pratiquer ou d'en faire pratiquer l'examen histologique, etc'est le résumédeces observations, avec quel¬
ques considérations critiques et quelques recherches histori¬
ques, que nous apportons ici.
Lorsqu'un corps étranger pénètre dans l'organisme, si ce corps étranger est septique, dit-on, il se produit un abcès;
s'il estaseptique, il s'enkyste et l'on ne s'en ressent plus.
Cetteconceptionnousparaîtunpeu tropsimpliste; sansdoute,
un volumineux corps étrangerchargé d'impuretés antérieures
déterminera autour de lui une collection purulente assez intense pour s'ouvrir à l'extérieur, mais combien de parcelles
de bois ou de métal pourront-elles s'introduire dans nos
tissus sans déterminer une réaction aussi violente.
Souvent les leucocytes sontvainqueurs, et après une lutte
acharnée dévorent les microorganismes apportésdans l'inté¬
rieur. Après cette réaction inflammatoire, les cellulesconjonc¬
tives du voisinage s'organisent, le tissu se tuméfie et se
présente comme une petite tumeur plus ou moins volumi¬
neuse, mais qui peut soit conserver quelques filets, quelques
terminaisons nerveuses, soit les comprimer, soit enfin réagir
sur le systèmenerveux central de telle façon que l'individu, impressionné fâcheusement, ressente de la douleur sans
cause matérielle. Dans ces différentes circonstances, seule l'ablation de la tumeur paraîtpouvoir guérir le sujet affecté.
Ce sont les observations de quelques-uns des cas les plus
variables de ces tumeurs que nous allons apporter ici.
Nous allons, avant d'aborder l'étude détaillée du tubercule sous-cutané douloureux dû à l'introduction d'un corps étran¬
ger, passer rapidement en revue l'opinion des différents
auteurs, et ils sont nombreux, qui ont étudié cette question.
Nous verrons à ce sujet les résultats divers de l'examen anatomique etles conclusions qui en ont été tirées.
Nous arriverons ensuite à l'étude clinique du syndrome,
pour entrer dans l'étude proprement dite de laquestion et
— 13 —
exposer, tant au point
de
vueclinique qu'anatomo-patholo-
gique et étiologique,
la variété de tumeur sous-douloureuse
que nous proposons
d'étudier.
Nous terminerons enfin par la recherche d'un traitement approprié.
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CHAPITRE II
HISTORIQUE
Rien avant William Wood un avait reconnu l'existence du tubercule sous-cutané douloureux; en 1561, Franco(*) raconte l'histoire d'une femme qui portait depuis dix ans une tu¬
meur grosse comme une noix au-devant du tibia. Cette tumeur était le siège de douleurs perpétuelles qui disparu¬
rent après l'opération, Francovenait de décrire et le symp¬
tôme principal et le seul traitement efficace. Cheselden(2)
connut l'existence deces petites tumeurs et en litdes noyaux cancéreux. Camper, en 17G0, les compare à des ganglions,
reconnaît la douleur comme principal caractère et en fait des
névromesdéveloppésà l'intérieurdes branchesnerveusespéri¬
phériques. Petit en 1799, et vingt-troisansaprès lui Chaussier
et Descot les considèrent également comme des ganglions
nerveux.
Mais c'est William Wood, en 1812, qui, avec une merveil¬
leuse sagacité, a décrit tous leurs caractères cliniques, et ne voulant en rien préjuger de leur structure anatomique leur a donné le nom, qui est resté depuis, de tubercule sous-cutané douloureux.
Retombant dans l'erreur de Cheselden, Dupuytren, après
des recherches attentives, quoi qu'il eût constaté leur tex-
(9 Franco, Traité des hernies(Lyon, 1561).
(2)Traité d'anatomie.
— 16 —
turegénéralement fibreuse, ne craignit pas
de
leuraccorder
un caractère exclusivement épithélial, malgré le petit nombre
d'observations qu'il avait entre les mains.
Crasgie, en 1848, et après lui Velpeau ne craignent pas d'en faire des névromes, et cependant ils ne trouvaient à
l'œilnuaucuneconnexionentrecestumeurs etles filetsnerveux
périphériques. Nélaton, avec plus
de
raison,semble-t-il,
etpour la même cause, leur dénia tout caractère nerveux;
il
serattacha aux idées de Dupuytren, et les crut susceptiblesdese
reproduire après ablation et de se comporter même
parfois
comme de véritables tumeurs malignes.
Les observations continuent avec les auteurs suivants qui,
tous, se basant surleurs propres observations et privés du
secours du microscope, en font tour à tour des fibromes,
des tumeurs malignes, des névromes, comme Houel en 1853.
L'examen microscopique vint ajouter à la précision des
recherches et multiplier le nombre des espèces anatomiques
reconnues, sans modifier en rien le traitement. Paget cons¬
tate, en effet, une grandevariété de ces tumeurs à l'examen microscopique, tantôt les coupes histologiques révèlent
des
fibromes, tantôt des kystes, tantôt enfinunestructure spéciale
nettement fibreuse et composée d'un blasteme nucléé; mais à
son avis, le typefibreux paraît le plus fréquent; seul rare¬
ment, c'est le type cartilagineux qui prédomine comme dans
l'observation de Muller ou YAtlas de Bennet. Quant au
symptôme douloureux, il l'explique en admettant
qu'elles
reçoivent quelques filets nerveux desbranches du voisinage, parfois aussi ce sont de véritables névromes. Même dans
cette hypothèse, l'explication du phénomène douleur n'est
pas excessivement aisée, car un travail sur les névromes
adressé à la Société de chirurgie en 1853 parle de tumeurs
nettementnerveuses et absolument indolentes.
La théorie névromatique est de nouveau combattue par Lebertqui, en 1857, écrivait : « Nous ne trouvons pas qu'on
ait des raisons suffisantes jusqu'ici pour admettre la nature névromatique de ces productions accidentelles, car à l'exa-
- 17 —
men microscopique on 11e trouve autre chose que les élé¬
ments fibreux entremêlés de noyaux et de corps fibroplasti-
ques rares, mais pas de fibres nerveuses. »
Autre opinion avec Lechat qui admet la nature soit névro- plastique soit glandulaire de ces tumeurs.
Sangalli
les prend pour des tumeurs fibreuses.En 1869, Broca est frappé, dans l'étude cle cestumeurs, de
la variété considérable de tissus qui rentrent dans leur cons¬
titution, et enfin conclut, fort justement d'ailleurs, que ces tubercules peuvent être de nature excessivement variable, et
que ce quiest irritable c'est le malade etnon pasla tumeur.
Voilà donc une nouvelle théorie mise en avant pour
l'explication du phénomène douleur. Ce n'est plus une irritation locale, mais l'état général qu'on met en cause.
L'ère des discussions aurait dû être close, chacun se trouvant satisfait par cette explication. Et, en effet, Virchow
deux ans plus tard déclare partager les idées de Broca, et après lui denombreux travaux se succèdent, venant apporter
chacunune nouvelle variété de tumeurs sous-cutanées avec un caractère fixe de douleur à la pression. Ce sont les com¬
munications de M. Monod à la Société de chirurgie avec deux
cas d'angiomes qui étaient le siège de vives
douleurs,
etde
M. Ghandeleux sur un fibro-myxome.
En présence d'affirmations aussi nettes, il est clair que
M. Hoggan devait exagérer lorsqu'il affirmait que ses
prédé¬
cesseurs étaient dans l'erreur et que, seules, les tumeurs glandulairesse trouvaient en cause.
Follin en fait des fibromes, Corn il et Ranvier des né-
vromes.
En 1874, Richard dans sa thèse conclut que le tubercule
sous-cutané douloureux n'est en contact avec aucun filet ner¬
veux.
Harel, en 1881, nie absolumentl'influence du
rhumatisme
sur le développement de ces tumeurs et commence
à attirer
l'attention sur le rôle quejoue le traumatisme dans
leur évo¬
lution.
A. 2
— 18 —
Enfin Malherbe, dans une communication au 5e Congrès
de chirurgie de 1886, rapporte l'observation de
cinq tuber¬
cules sous-cutanés douloureux qui étaient cinq myomes.
Bret, en 1880, trouve des myomes à fibres lisses, une tumeur due à l'hypertrophie d'un épithélium sudoripare,
enfin un angiome caverneuxtélangiectasique.
Roy (1892-93),dans une thèse inaugurale, montre que ces petits tubercules sont uniquement constitués
de tissus
fibreux, mais il insiste sur la dégénérescence possible du
centre de la tumeur.
Enfin Maille (Thèse de Bordeaux 1897-98) conclut qu'un
tissuquelconque peut être le substratum anatomique
de
cettetumeur.
Nous avons ainsi rapidement passé en revue la question historique du tubercule sous-cutané douloureux, si bien étu¬
diée il y aquelques années dansune thèse soutenue devantla
Faculté demédecine de Bordeaux (x) et à laquelle nous avons fait delarges emprunts pour cette partie historique. Nous
nous proposons d'ailleurs de revenir plus tard sur quelques points plus particuliers de cette question historique.
Nous allons dire quelques mots du tubercule sous-cutané
douloureux en général.
(i) Maille, Thèse de Bordeaux 1897-98.
CHAPITRE III
Le tubercule sous-cutané douloureux en général.
Etiologie.
Le tubercule sous-cutané douloureux apparaît à tous les âges, mais offre cependant un maximum à l'âge adulte, de
30 à 40 ans environ d'après Follin. Cette limite nous paraît
unpeu tropfaible, carles tubercules que nous avons exami¬
nés se rencontrent chez des individus de 42, 44. 58 ans;
c'est donc plutôt de 35 à 50 ans en moyenne que cette affec¬
tion paraîtle plus fréquente. Nous nevoulons pas dire parlà qu'on ne la rencontre pas à un âge plus ou moins avancé,
mais c'est une moyenne plus élevée toutefois que celle qu'as¬
signent généralement les auteurs. Ceux-ci ont invoqué égale¬
ment en faveur du développement du tubercule sous-cutané douloureuxle sexe : les femmes seraient plus fréquemment
atteintes queles hommes; nous croyons cette cause étiologi-
que bien peu importante.
Ajoutons encore l'influence de la ménopause, qui paraît
réveiller pas mal de diathèses et se trouve souvent invoquée
à l'originede beaucoup d'affections; les troubles menstruels et la grossesse sont signalés dans tous les classiques, sans toutefois que ceux-ci apportent des preuves bien nettes de
cette influence. Les climats froids et humides, les habitations malsaines ont été accusés par les premiers observateurs, et tout le monde connaît l'observation typique de Beclard père.
Certains états généraux diathésiques semblent spéciale¬
ment y prédisposer, et en particulier le rhumatisme, mais
— 20 -
surtoutle nervosisme; nous verrons, en effet, que les pré¬
dispositions nerveuses du sujet ont été surtout incriminées
pour expliquer la nature, le mode de production des dou¬
leurs dans le tubercule sous-cutané douloureux.
Il est enfin une autre cause signalée en passant par quel¬
ques observateurs et sur laquelle nous voulons nous appe¬
santir unpeu, nous voulons parler du traumatisme.
A peine signalé parReclus, Follin, etc., onle retrouve fré¬
quemment lorsqu'on le recherche attentivement; ainsi lïarei (Thèse de Paris 1881) donne trois observations de tubercules
sous-cutanés douloureux dont il a pratiqué l'examen micros¬
copique. et ces trois tumeurs qui, d'ailleurs, étaient trois
myomes, avaient nettement eu pour point de départ un trau¬
matisme. (Nous citerons plus loincettethèse.)
Dans ses Leçons orales, Dupuytren (') rapporte un cas déjà
cité par Hall qui ne laisseaucun doute sur l'origine traurna- tique du tubercule sous-cutané douloureux.
Vilmot en cite un à la suite d'une piqûre d'épingle. Nous
n'avons pas ici à multiplier les exemples qui démontrent
d'une manière absolue le rôle du traumatisme dans l'évolu¬
tion du tubercule sous-cutané douloureux, car nous allons toutà l'heure nous appesantirdavantage sur ce sujet.
Les régions ducorps les plus fréquemment atteintes sont
toutd'abord la face interne de lajambe, le mollet; parfoisla périphérie de la main, le cou-de-pied; plus rarement l'ab¬
domen, le bras, la face.
p) Dupuytren, Leçons orales de clinique, t. IV.
CHAPITRE IV
SYMPTOM ATOLOGIE
Généralement le malade atteint de tubercule sous-cutané douloureux vient se plaindre aumédecin parce que depuisun
temps plus ou moins long, il s'est aperçu qu'il est porteur
d'une petite tumeur superficielle et siège d'une douleur très
intense.
En l'examinant, on trouve dans la région indiquée une
petite nodosité du volume d'un pois à celui d'une noisette ; à
son niveau, la peau est soulevée, parfois un peu distendue,
mais non modifiée dans savascularisation ni dans sa colora¬
tion. A la palpation, on sent une petite masse, de conforma¬
tion régulière, de consistance uniforme, indépendante de la
peau et mobile sur les plans profonds. Cette petite tumeur
estgénéralement située dans une région où n'existent pas de ganglions lymphatiques, detelle sortequ'on nepeutlaprendre
pour un de ceux-ci augmenté de volume. La palpation déter¬
mine parfoisune douleur très vive, mais commecette douleur
constitue le caractère prédominant de l'affection il estutile de s'y arrêter.
Cettedouleur, extrêmement vive, survient parcrises lanci¬
nantes; tantôt elle a pour point de départ la tumeur sous- cutanée, de là elle remonte le long du membreen suivant le plus souvent un trajet nerveux. Elles'irradie par en bas vers l'extrémité terminale du nerf.
Parfois les phénomènes douloureux se terminent par une crise nerveuse, cegenre de terminaison est cependant assez
rare; le plussouventla douleur secalme au bout d'un temps
qui varie de quelques minutes à une ou plusieurs heures.
Dans l'intervalle des crises les sujets ressentent une douleur sourde, une certaine gêne auniveau de latumeur. La douleur peut être encore produitepar le contact d'un corps étranger,
un traumatisme même léger, parfois le frôlement du vête¬
ment; et l'appréhension continuelle où se trouve le malade de voir apparaître une nouvelle poussée douloureuse est pour
lui aussi pénible que la crise elle-même. Aussi l'état général
du malade ne tarde-t-il pas à s'en ressentir, tandis que les phénomènes locaux sont généralement minimes; à part la petite tumeur,01111e remarqueriend'anormal dansle segment
du membre atteint, la peau ne porte pas trace des troubles
trophiques ni inflammatoires, les muscles du voisinagen'ont
aucun phénomène atrophique, pas de troubles de la sensibi¬
lité, au contact, à la piqûre, à la chaleur; les réflexes ne sont nullement modifiés ni exagérés ni abolis à moins quele sujet
nesoit atteint d'une affection nerveuse indépendante de la
lésion locale et susceptible de déterminer ces différents trou¬
bles.
L'état général, avons-nousdit, se ressent rapidement de la présence douloureuse de la tumeur sous-cutanée. Le malade estvivement préoccupé de l'existence de cette tumeur, il la touche à tous propos, lamontre à des personnes desonentou¬
rage et finitpar présenter des troublesdeneurasthéniegraves, caractérisés par de la céphalée, céphalée particulière, « en casque» suivant l'expressiondu malade, d'uneintensité d'ail¬
leurs très variable, occupant le haut du front, les tempes, l'occiput etla nuque ; l'insomnie est également trèsfréquente, exagérérée à la suite d'une fatigue soit physique soit intellec¬
tuelle. Mais c'est principalementdu côté de l'étatcérébral que le malade est atteint; comme tous les neurasthéniques il est incapable de fixer son attention, malgré lui ilen revient tou¬
jours à penser à son affection, il devient aussi incapable de
se livrer d'une manière utile à ses occupations journalières,
ses affaires en souffrent parfois et il est en fin de compte obligé de quitter son travail.
— 23 —
Des accidents aussi graves ne se produisent par bonheur
que fort rarement, et les sujets
n'arrivent
pastoujours à pré¬
senter des troubles aussi avancés, mais ce qu'ils éprouvent
souvent c'est un état d'inquiétude, de préoccupation cons¬
tantes qui se reflète dans leur
physionomie, dans leurs
habitudes; le caractère se modifie, les unsdeviennent tristes,
recherchent la solitude et le silence ; d'autres, irascibles ; d'autres, d'une émotivité extraordinaire ; enfin surviennent égalementdes phénomènes
de dyspepsie gastro-intestinale
;l'anorexie à un degrévariable se trouvetrès souvent,la diges¬
tion estlente, s'accompagne de ballonnement du ventre; bref
ces maladesdeviennent des neurasthéniques avérés.
Chez d'autres, au contraire, cesontdes crisesnerveusesqui
surviennent etqui rendentl'existencepénibleau
malade,
cescrises sont précédées d'uneaura dont
le point de départ est la
tumeur en question. On trouvera plus
loin
uneintéressante
observation de crises nerveuses, chez un sujet atteint de
tubercule sous-cutanée à forme lipomateuse, qui nous a été communiquée par MM. les Prof, agrégés
Sabrazès et
Gabannes.
Sans doute tous les malades ne présentent pas d'accidents
aussi graves, mais tous souffrent
considérablement de leur
tumeur, toussont la proie de troubles nerveux, peu
intenses
au début, mais de plus en plus graves à mesure que
l'action
évolue. Les gens dont l'esprit
était le plus calme, le
cerveauleplus pondéré, deviennentnerveux,
irascibles, hypocondria¬
ques même, et viennent réclamer
du chirurgien
un repos physique et moral que ne leurdonnent
pasles hypnotiques
ou des analgésiques les plus puissants.
Aussi, devantlagravité de cesaccidents, s'est-on
demandé
depuis longtemps quelle était la naturede
cetteaffection et
quelle part prenait dans son développementl'état cérébral du
malade qui en était porteur, mais toujours le
traitement
estresté le même.
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CHAPITRE Y
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
Nous avons déjà exposé dans l'étude de
l'historique de
cette question lesdifférentes opinions qui ont ététour à tourémises
surla structuredes tubercules sous-cutanésdouloureux. Nous
avons vules différents auteursen faire desmyxomes, dessar¬
comes, des carcinomes: cependant même le plus
grand
nom¬bre des observateurs les rattachent aux fibromes et aux myornes.
Malherbe (1), en 1886, affirme nettement que ces
petites
tumeurs doivent être des myomes, et fournit l'examen
histo-
logique de celles qu'il avait purecueillir.
« Les opinions surla nature des tumeurs
dites tubercules
sous-cutanésdouloureux ont été très partagées parmi les
chi¬
rurgiens et les histologistes. On en estvenu
à considérer
ces petites productions comme pouvantappartenir histologique-
ment à n'importe quelle espèce de tumeur et, à
envisager les
phénomènes douloureuxqu'elles présententcomme
le résultat
de leur rapportavec les nerfs intrinsèquesou
extrinsèques. Or
nous avons pu recueillir cinq de ces tumeurs
si
rareset,
choseremarquable,toutesprésententunestructure
absolument
identique. La première et latroisièmequenous ayonsétudiées
furent recueillies en 1874. Après de longues hésitations, nous pûmes nous convaincre, en employant la
réaction de l'acide
(Û Malherbe, Congrès françaisde Chirurgie, 1886 (Séance du20 octobre,
p. 533).
— 26 —
azotique à 1/5 indiquée par Virchow, qu'il s'agissait d'un
myome à fibres lisses. Un second spécimen de tubercule sous-cutané douloureux recueilli quelques années après,
se montre identique au premier par sa structure. Bref en
l'espace de douze ans nous avons recueilli cinq tumeurs, cinq myomes : l'identité de la structure de ces néoplasmes
était complète. Un seul d'entre eux, le plus volumineux, attei¬
gnit à son centre un noyau calcifié résultant du reste, pure¬
ment et simplement, d'une infiltration calcaire du tissu musculaire lisse.
» Nos cinqtumeursétaientenveloppéesd'unecoque fibreuse
et n'étaient en rapport avec aucun filet nerveuxvisibleà l'œil
nu. »
Nous ne citerons pas les observations des autres auteurs à
ce sujet car chacun a trouvé une structure un peu différente,
et il est probable que chacun d'eux avait raison dans son cas
particulier. Pour nous, nous avons eu l'occasion de rencon¬
trer assez fréquemment des corps étrangers à l'intérieur des tubercules sous-cutanés douloureux, et M. le Prof. Lanelongue
a bien voulu attirer notre attention là-dessus; c'est surtout cette variété de tubercules sous-cutanés douloureux, dont l'existence est beaucoup plus fréquente qu'on ne le suppose généralement, que nous avons l'intention de mettre en
évidence.
CHAPITRE VI
Etude de la variété particulière due à la présence
de corps étrangers.
Déjà dans bon nombre d'observations avait été notée l'in¬
fluence du traumatisme sur le développement du tubercule
sous-cutané douloureux, c'était à la suite d'un clioc, d'un
frottement prolongé contre un corps dur, comme une bride de
sabot, qu'avait commencé à apparaître latumeurdouloureuse;
mais les auteurs qui avaient signalé ce fait n'avaient sans doute pas songé qu'il y eût un rapport plus direct entre les
deux faits et que le traumatismepouvait être capable d'intro¬
duire clans l'organisme l'épine autour de laquelle se
déve¬
loppe l'ali'ection.
Lepremier auteur que nous trouvons est Dupuytren
qui,
dans les Leçons orales, est le premier qui ait
signalé l'action
du traumatisme. Dans ses Leçons orales Dupuytren rapporte
un cas, déjà cité par Hall, qui ne laisse aucun
doute
sur l'origine traumatique du tubercule sous-cutanédouloureux.
Un cordonnier s'était piqué le doigt avec sonalêne, peuaprès
cet accident il ressentit une douleur vive, une petite tumeur
se développa d'une manière insensible à
l'endroit lésé, et
septans après il éprouvait des paroxysmes
de plus
enplus aigus.
On appliqua en vain des caustiques.
L'extirpation eut
unsuccès complet, le malade n'éprouva plus aucune
incommo¬
dité à la suite. Le tubercule étaitpetit, dur, d'une consistance cartilagineuse et contenu dans un
kyste.
Harel (Thèse de Paris 1881) cite
trois observations de
tubercules sous-cutanés douloureux où la structure histologi-
que révéla la présence de fibres musculaires : c'était donc des myomes. Mais lui-même insiste sur ce fait que bien des fois le tubercule sous-cutané douloureux apparaît à la suite d'un traumatisme.
Dans lapremière observation, une femme decinquanteans
reçut à l'âge de vingt-quatre ans un coup de sabot assez vio¬
lent au-dessus de la malléole externe de lajambegauche; elle
ressentit une douleur assez vive aussitôt après le coup, et quelque temps après elle s'aperçut de l'apparition d'une petite tumeurqui resta très petite jusqu'à il y a huit ans,
puis grossit sans interruption.
Dans le deuxième cas, il s'agitd'une femme de trente ans,
qui, à la suite d'une longue marche, remarqua uneécorchure
située un peu en arrière de la malléole externe du pied gau¬
che. Quelques jours après elle sentait à ce niveau un peu de fourmillement, l'écorchure guérit, mais il restait àcet endroit
unelégère induration, puis survint une petite tumeur exces¬
sivement irritable : myome
Ainsi dans deux observations Harel ne note point la pré¬
sence de corps étrangers, mais il insiste sur le traumatisme qui, d'après lui, aurait produit et développé la tumeur; il ajoute même, dans la troisième observation, que les événe¬
ments furent plus rapides et la tumeur apparut immédiate¬
ment après la cicatrisation de l'écorchure du pied; elle était située exactement au même endroit et devint douloureuse dès
l'apparition.
Harel conclut que : 1° Le myome est la forme la plus fré¬
quente; 2° subissant la dégénérescence calcaire; 3° dans la
plupart des cas où l'apparition de la tumeura été constatée par les malades, ceux-ci ont pu en désigner la cause, qui est généralement un coup, une chute, une blessure.
Mais si nous lisonsavecattention lesrelations destumeurs cutanées ou sous-cutanées, douloureuses ou non, nous trou¬
vons déjà signalée avant Dupuytren la présence de corps étrangersetdes.tumeurs. Dansson Traitédes tumeurs(1150),
- 29 -
M. Girard
(1)
disait : Les loupesprésentent de temps
en temps des phénomènes assezsinguliers. Quelques observa¬
teurs prétendent y avoir trouvé divers corps
étrangers qu'on
a mêmejugé être organisés, comme
des œufs de pigeons, des
animaux durcis, des châtaignes etd'autres corps
qui n'avaient
pas d'organisation, tels que
des balles, des clous, des aiguil¬
les. »
Il estévident que sous le nom de loupes
M. Girard
adécrit
à lafois des lipomes,des kystessébacés,
des kystes dennoïdes
même, mais également il avait entrevu,ou
du moins d'autres
auteurs avant lui avaient remarqué le développement
de
tumeurs de nature indéterminée, fibreuse probablement
autour de corps étrangers introduits sous
la
peau.Dans la littérature médicaleces faits semblent ne pasavoir
été observés depuis, et personne, nous
semble-t-il,
nes'est
préoccupé jusqu'à ce jour
de signaler l'existence de corps
étrangers dans les tubercules
sous-cutanés douloureux. Il ne
nous faut cependant pas oublier
l'observation de M. Lafa-
relle à la Société d'anatomie. de Bordeaux, le28janvier
1899.
Observation (Lafarelle)
Corps étranger enkysté sous la peau du front et
pris
pourun kyste sébacé.
J'ai l'honneur deprésenter à laSociété d'anatomieune
simple lamelle
de fer de 2à 3millimètres de diamètre, retirée du front d'un homme de
vingt-cinq ans, entré dansle servicede M. le
Prof. Démons.
Cethommeavait reçu ilyadeux, ans, dans larégion frontale droite,
un peu au-dessus de la queue du sourcil, un coup
de pied de cheval qui
fort heureusementn'avait fait quel'effleurer. Ilenétait résultéuneplaie
insignifiantecicatrisée au boutde quinze jours;
mais trois
ouquatre
mois après, en ce point précis avait apparu une
petite tuméfaction,
d'aborddelàgrosseurd'une lentille, puis d'un gros
pois. Depuis
un anlatumeureststationnaire.
(1)Girard, Lupiologieou Traitédes tumeurs, 1150.