FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNEE 1901-1902 N° 13
CONTRIBUTION
AL'ÉTUDE
rs
THESE POUR LE DOCTORAT EN MÉDE
présentée et soutenue publiquement
le 20 Novembre 1901
PAR
Jean DE C!OL Y
Né à Sourzac (Dordogne), le 26 Octobre 1874.
Examinateurs de la Thèse :
MM. MASSE professeur.... Président COYNE professeur....\
CHAVANNAZ agrégé
j ^9
esMOURE chargédecours)
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront r'aites sur les
diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PA.UL GA.SSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 9i 1901
Faculté de Médecine et_d^Pliarmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire
i»itoiissmn*
MM. MIGE DUPUY MOUSSOUS.
Professeurs honoraires.
MM.
„.. . . . \ PICOT. Physique médicale Cliniqueinterne , P1TRES.
ChfmiHe
. , \ DEMONS. Histoire naturelle Clinique externe
j
LANELONGUE. Pharmacie Pathologie et théra- Matière médicale.peutique générales. VERGELY.
Médecine expérimen-
Thérapeutique ARNOZAN. taie
FERRE.
Médecine opératoire. MASSE. Clinique ophtalmolo-
Clinique d'accouché- gique BADAL.
ments LEFOUR. Clinique desmaladies
Anatomie pathologi- chirurgicales dos en-
que COYNE. fants
P1ÉCHAUD
Anatomie CANN1EU Clinique gynécologique BOURSIER.
Anatomie générale et Cliniquemédicale des
histologie V1AULT. maladies des enfants A.
MOUSSOUS
Physiologie JOLYET. Chimie biologique...
DENIGÈS.
Hygiène LAYET. Physiquepharmaceu-
Médecine légale MORACHE. tique
SIGALAS.
AGIIÉGKS BO!%' iaEll€I€E :
section demédecine(Pathologie interneet Médecinelégale.)
MM. SABRAZÈS. | MM. MONGOUR.
LE DANTEC. | CABANNES.
HOBBS.
MM.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GU1LLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS
section de chirurgie et accouchements
Accouchements.1MM. FIEUX.
) ANDERODIAS.
Anatomie
(MM.CHAYANNAZ.
Pathologie
externe]
BRAQUEHAYE f BÉGOUIN.section des sciencesanat'omiqi'es et physiologiques
JMM. GENTES. |
Physiologie MM. PACHON
"
t CAYALIÉ. | Histoirenaturelle
BEILLE.
section des sciences physiques
Chimie MM. BENECH. | Pharmacie M.
DUPOUY.
COU II* rOUI'lIllIAlillt IS :
Clinique des maladies cutanées et syphilitiques MM.
DUBREU1LH.
Clinique des maladies des voies urinaires
Maladies dularynx, desoreilles etdunez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Physiologie Embryologie Ophtalmologie
HydrologieetMinéralogie Pathologie exotique
Le Secrétaire de la Faculté:
POUSSON.
MOURE.
REGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
FIEUX.
PACHON.
PRINCETEAU LAGRANGE.
CARLES.
LE DANTEC.
LEMA1RE.
Par délibération du 5 août 1879, laFaculté aarrêté que les opinions émisesdans les
Thèsesqui luisontprésentées doivent êtreconsidérées comme propres à leursauteurs, qu'elle n'entendleurdonner niapprobation niimprobation.
A MON PERE ET A MA MERE
A MES
ERÈRES
A MON ONCLE
IJABBÉ
LAURIÈRE
■:
m
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I I
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A mon Président de Thèse
MONSIEUR
LE DOCTEUR MASSE
PROFESSEUR DE MÉDECINE OPÉRATOIRE A LA
FACULTÉ DE MÉDECINE
DE BORDEAUX
OFFICIER DE i/lNSTRUCTION PUBLIQUE
AVANT-PROPOS
Arrivé au terme de nos études, cen'est pas sans un
vif
regret que nous quittonsles maîtres qui
nousont initié
aux difficultés de la médecine. Nous voulonsprofiter
del'occa¬
sion qui nousest
offerte
parnotre modeste travail inaugural
pour remercier tous ceux
qui, de près
oude loin,
nousont
aidé de leurs conseils. Que tous soient assurés
de notre
reconnaissance.
Le choix du sujet de notre
thèse
nous aété inspiré
parM. le DrMoure. Qu'il nous soit
permis de lui exprimer ici
toute notre gratitude et
de lui adresser
nosplus sincères
remerciements.
Que M. le Dr
Brindel, aide de clinique, soit assuré de notre
reconnaissance pournous
avoir guidé de
sesconseils dans
le coursde notre travail.
Nous remercions également M.
le Prof. Masse du très
grand honneur
qu'il
nousfait
envoulant bien accepter la
présidence de notre
thèse.
'
,
jg
■
- * • •• . .....
c
I
ÉTIOLOGIE
Nous comprendrons sous
le
nomde
corpsétrangers tous
les corps solides
qu'on peut rencontrer dans les fosses nasa¬
les et leurs annexes. Ils sont de nature
excessivement varia¬
ble et appartiennent
les
uns aurègne animal, les autres, de
beaucoup les
plus fréquents, soit
aurègne végétal, soit au
règne
minéral.
Les êtres vivants les plus
fréquemment observés dans les
cavités dunez sontdes larvesd'insectes
diptères appartenant
à l'ordre des Muscidées. Trois
espèces sont bien
connuesenEurope. Ce sont
la Sarcophaga, la Calliphora vomitoria et
la Lucilia hominivora. C'estvers
l'époque de la ponte, durant
les mois chauds de juillet et
de septembre,
quel'on rencon¬
trele plus de cas
de
ce genre.Ces insectes ont l'habitude de
déposer leurs œufs
surles
viandes en
putréfaction, où les larves qui en résultent trou¬
vent la nourriture nécessaire à leur
développement.
C'est probablement par erreur que
la mouche à larves,
attirée par l'odeur
fétide d'un coryza ozénateux, vient
déposer ses
œufs à l'entrée des narines, de sorte qu'ils sont
aspirés à
l'intérieur des fosses nasales. Les larves aux¬
quelles ils donnent
naissance se développent avec une rapi¬
dité extraordinaire. Les casde cegenre
sont exceptionnels
dans nos climats, c'est à peine
si durant le siècle qui vient
de s'écouleron peut en
citer quelques exemples.
Pétrequin,
lors d'un
voyage enItalie, en observa un cas à
l'hôpital
deSienne. C'était une femme qui, à la suite d'un
gonflement douloureux de la joue droite, d'un peu de fièvre etdedélire, rendit par le nez plusieurs petits vers blanes.
On prescrivit des remèdes
antihelmintiques
à l'intérieur eten inhalations. Au bout de huitjours, cette femme expulsa
58 larves, qui furent reconnues pour appartenir à la Lucilia hominivora.
Moquin-Tandon rapporte deux cas, dont l'un fut observé par d'Astros, en Provence. Il s'agit d'une femme qui, s'étant endormie dans un champ, ressentit bientôt après une légère douleur au niveau des sinus frontaux, accompagnée d'une sensation de fourmillement à la racine du nez Elle eut une
épistaxis grave, à la suite de laquelle elle expulsa 113 larves.
Un cas récent a été publié par Kierchmon. Une jeune pay¬
sanne russe, âgée de trente ans, est prise subitement d'une épistaxis qui dura trois jours. Le sang coulait par la narine gauche, la droite était fortement gonflée. On arrêta l'hémor¬
ragie à l'aide d'injections de perchlorure de fer, et ce traite¬
ment fut suivi de l'expulsion de 79 larves de l'Œstrus ovis, taon des moutons, longues de 2 centimètres et large de 3 millimètres.
Si l'on ne connaît que quelques cas isolés en Europe, cette affection est assez commune dans certains pays chauds,
sous les tropiques, Guyane
française,
Pérou, Mexique, Indes anglaises. Les accidents qu'elle provoque sont surtout dus à la Lucilia hominivora et à la Sarcophila Wohlfarti; les larves de l'Œstrus ovis ont été rencontrées un grand nom¬bre de fois. A Cayenne, Goquerel, médecin de la marine; à la Havane, Fratzius, médecin allemand; au Mexique, Gonzalès,
et dans l'Inde les médecins anglais se sont occupés de cette question eten ont rapporté des exemples aussi nombreux qu'intéressants. Les moyens usités par ces médecins pour
se débarrasser deceslarves ont consisté soit en instillations dejus de citron, en infusions de jus de tabac, insufflations de calomel, soit en vomitifs, poudres sternutatoires, etc. Au¬
jourd'hui on utilise les vapeurs de chloroforme, ou, si cela
ne suffît pas, une irrigation avec de l'eau chloroformée ou du sublimé au 1/2900.
La présence dans les
fosses nasales d'animaux tels
quele
scolopendre, lemille-pattes, le perce-oreille, la
sangsue,le
lombric doit être considérée comme d'une excessive rareté, et encore certains cas doivent-ils être regardés comme suspects.
Les corps étrangers
inanimés, qu'ils soient organiques
ou inorganiques, sontceux quel'on rencontre ordinairement et
qui feront
l'objet de cette étude.
Les corps organiques que nous aurons
l'occasion d'ob¬
server le plus souvent, sont
les.
morceauxde bois, les pois,
les haricots, les fèves, les noyaux
de fruits, les
morceauxde liège, etc. Ce sont
des
corpshygrométriques, aussi s'im¬
bibent-ils facilement des divers produits
de sécrétion de la
-muqueuse de
Schneider, et acquièrent-ils
en peude temps un
volume parfois
double de celui qu'ils présentaient au mo¬
mentde leur introduction. Pourêtre
complet dans l'énumé-
ration des corpsétrangers
organiques des fosses nasales, il
faut
signaler la présence des dents, qui a été observée plu¬
sieurs fois. Dans sa relation d'un cas
de dent surnumé¬
raire, Daaë dit un mot
de la façon dont on peut s'expliquer
une pareille
éventualité
: oubien le germe de la dent effec¬
tue autour de lui-même une rotation
de 180 degrés, de telle
sorte que la racine se
trouve dirigée en bas tandis que la
couronne est amenéedans
la direction inverse, et
parsuite pénètre
dansle
nez ;la dent ainsi retournée manque dans
la rangée des dents : ou
bien
ungerme dentaire, avant que
la fissure du palais
soit fermée, pénètre de l'alvéole dans la
fosse nasale; la tissure
du palais
sefermant ensuite, le
germe
dentaire
setrouve dans le nez et s'y développe d'une
manière indépendante.
Un
germede ce genre est toujours
surnuméraire. Dans le cas
rapporté
parGriffin (Med.
Record, 13 mars
1886), le malade présentait en même temps
une division
complète de la voûte palatine et du voile du
palais. La
dent n'amenait aucun trouble et ne fut pas enle¬
vée. Dansle cas de
Schœtz, présenté à la Société de laryngo-
logie de
Berlin le 2 février 1894 et signalé dans la Revue de
- 14 —
laryngologie, otologie et rhinologie du 15
marsde la même
année, la dent qui fut extraite s'étaitdéveloppée sur le plan¬
cher intérieur du nez. Il s'agissait d'une dent surnuméraire,
carla denture était complètement intacte. Quelques mois plus tard,M. le Dr A.
Brindel fait
unecommunication à la
Sociétéd'otologie et de rhinologie de Bordeaux sur un cas de ce genre, mais présentant des particularités
curieuses
qui n'avaient pas encore été signalées. La présencede
cettedentavait donné lieu à des troubles réflexes, dont il sera
question à propos du
diagnostic. D'autres
cas sansintérêt
ont également été publiés à diverses reprises dans ces
der¬
nières années. La variété des corps minéraux que
des
enfants ou des adultes ont fait pénétrer dans leur nez
n'a
d'égale que le nombre desobjets qu'ils
peuventyintroduire.
Citonsen passantles
billes, les perles, les cailloux, les bou¬
tons de bottine, les boutons de chemise, les fragments de plume, etc. Ce
sont les
cashabituels. En dehors de cela,
des exemples curieux
de
corpsétrangers ont été signalés
parles auteurs ;
tel cet éclat d'obus qui séjourna dix-sept
ans dans les fosses nasales d'un individu ; citons le cas dans lequel une
balle de mousquet demeura vingt-cinq
ans dans lenez d'un malade sans qu'onpût
endécouvrir l'exis¬
tence. Legouest put
extraire du
nezd'un malade
unfrag¬
ment de crayon
de charpentier long de 7 centimètres, et qui
y avait
séjourné dix-huit mois. Des
morceauxde couteau,
de baïonnette, des éclats
de boulet sont
venus seloger dans
le nez
après avoir traversé la
peau.Ces corps étrangers
peuvent,
eneffet, pénétrer
pardes
voies différentes, et leur mode
d'introduction varie suivant
les cas ; l'entrée
peut
sefaire soit
parla narine, mode le
plus fréquent,
soit
parles choanes, soit
par unorifice trau-
matique. La
plupart de
ces corpspénètrent
parles narines
;il s'agit presque
toujours alors d'enfants qui,
enjouant, ont
introduit dans leur nez
(généralement dans la narine droite,
mieux à
portée
deleur main droite) les objets les plus
variés (boutons,
perles, cailloux, pois, haricots, etc). C'est
par
conséquent dans le jeune âge que cette affection s'ob¬
serve le plus
souvent. Chez l'adulte, ce mode de pénétration
est rare, et
parmi les
corpsétrangers ainsi introduits, on
peut noter
les tampons de ouate ou de gaze que la négligence
d'un opérateur a
oubliés dans le nez.
Les orifices postérieurs ou
choanes peuvent également
servirde porte
d'entrée
parunmécanisme que l'on conçoit
bien; c'est
ainsi
que «lorsqu'on avale de travers » des par¬
celles alimentaires, des noyaux,
des pépins peuvent être projetés
arétro dans les fosses nasales. L'effort produit par
l'orificeglottique pour
les empêcher de tomber dans les voies
aériennes, les rejette en
haut dans la partie postérieure des
fosses nasales, jusque
dans les cornets et les méats. La
paralysie du voile du palais favorise cet accident, et celui-ci
reste inconnujusqu'au
moment où le corps étranger mani¬
feste sa présence par
des symptômes révélateurs.
Enfin, biendes cas
ont été signalés où un traumatisme
était l'origine
de la présence du corps étranger dans les
fosses nasales. Legouest,
Larrey, Lemaistre en ont rapporté
des exemples
remarquables.
II
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
PATHOGÉNIE
On a rencontré les corps étrangers
des fosses nasales
presque partout,aussi
bien à la voûte qu'à la base, mais ils
siègent de préférence surle
plancher des fosses nasales, dans
le méat inférieur. Desprez n'admet pas que
le mode de péné¬
tration puisse avoir de
l'influence
surle lieu occupé
parles
corps étrangers.
Cependant la plupart de
ceuxqui provien¬
nent de vomissements ou d'un faux pas dans l'acte de la déglutition, occupent
de préférence la partie postéro-supé-
rieure. C'est là que le noyau
de la malade de Tillaux était
situé, c'est encore là que les anneaux
de Lowndès et d'Hick-
man étaient enclavés. Evidemment une inspiration
brusque
oudesmanœuvresinconsidéréespeuventrepousser un corps jusqu'à la partie
postéro-supérieure,
auniveau du cornet
supérieur. Mais ces cas
sont
peucommuns, et d'une façon
générale on peut
dire
queles
corpsétrangers siègent à la
partieantérieureou
postérieure du plancher. S'ils sont intro¬
duits parles
orifices antérieurs ils glissent en général sur
le plancher,
dans le méat inférieur, et finissent s'ils ne sent
enlevés par se
loger dans les replis du méat inférieur ; par
les orifices
postérieurs, ils arrivent généralement plus haut
et se dirigent vers
le méat
moyen.D'ailleurs, il faut
aussi dans l'estimation du siège tenir
comptedu
volume du
corpsétranger et de sa forme. Il en
est en effet qui ne
peuvent
sefixer en certains points qu'en
produisant
des délabrements, des perforations et des lésions
des os. Ceux
qui,
commeles noyaux, sont réguliers, peuvent
D. 2
jouir d'une mobilité relative, mais peu à peu ils s'immobili¬
sent, et s'ilsséjournent trop longtemps
dans le
nez, ilssubis¬
sent des modifications dont il sera parlé à propos de la pathogénie des rhinolithes.
Les corps inanimés, réguliers ou non, ne sontjamais très
volumineux. L'exiguïté des orifices et des cavités explique
cette particularité. Cependant ils peuvent être
allongés,
etl'on en a trouvé qui avaient 5 ou 6 centimètres de longueur, tel que morceauxde crayons, morceauxde bois.
Presque tous ces corps peuvent être classés sous deux types de forme différente : l'un qui serait représenté par tousles noyaux,pois, cailloux à forme
irrégulièrement
arron¬die; l'autre affectant plutôt une forme cylindriqueou pris¬
matique, à grand axe beaucoup plus long que l'autre. Ces considérations ont une réelle importance parce qu'elles peu¬
vent mettre immédiatement sur la voie de l'affection etsur le moyen thérapeutique qu'il convient d'appliquer. Le type arrondi renferme à lui seul presquetous lescorps réguliers,
comme les grains et les noyaux de fruits, les grains de cha¬
pelet, etc. Il faut excepter cependant les cailloux,qui pré¬
sentent parfois des aspérités. Les fragments de bois, plus ou moins irréguliers et pointus sont presque toujours plus dangereux que les autres.
Parmi les
propriétés
qui intéressent le chirurgien, on doit signaler encore la composition et la consistance des corps étrangers. Ils se divisent à ce point de vue enorganiques et inorganiques, altérables etinaltérables.
Ceux qui sont durscomme les billes, les boutons de porcelaine ne changent pas de forme dans la cavité, tandisque ceuxqui sontorganiques
comme les pois, les haricots, les
fèves
s'imbibent des humi¬dités naturelles de la muqueuse et segonflent. Les condi¬
tions dans lesquelles ils se trouvent sont très favorables à l'imbibition ; elles peuvent même amener la germination, ainsi qu'ona pu en citer des exemples plusoumoins authen¬
tiques. Ainsi Renard, chirurgien de Bordeaux, assisté de plusieurs de ses confrères, croyant extraire un polype du
- 19 —
nez d'un enfant de trois ans, n'en retira qu'un pois qui avait poussé des racines au nombre de dix oudouze, etdont l'une
avait 3 pouces 4 lignes de longueur. La même confu¬
sion fut faite dans le cas rapporté par Boyer,
à
propos d'un haricot qui poussa dix à douze racines, lui donnant l'aspect d'un véritable polype.Lescorps métalliques eux-mêmes,parleur
séjour
dansles
fosses nasales, subissent une altération lente qui les rouille quand ils sonten fer, les recouvred'une couche
superficielle
de sulfure quand ils sont en plomb, comme les
balles.
Mais les phénomènes produits
à
la surfacede
ceuxqui
séjournent longtemps sans provoquerde
gravesaccidents
sontencore plus intéressants. Par leur
origine, ils
seratta¬
chent étroitement à la genèse des
calculs
detoutes les cavi¬
tés, aux dépens de produits de
sécrétions altérées. D'ailleurs
il y a plus d'une analogie entre
les
corpsétrangers des fosses
nasales etceux du vagin et de la vessie. De
même qu'il existe
des calculs
spontanés
dela vessie, de même aussi
on a signalé la présencedecalculs dans le
nez.Dans
cesderniers
cas il est impossible d'invoquer comme noyau
de la rhino-
lithe un corps étranger
introduit préalablement, c'est
pour cela qu'on donneà
cescalculs le
nomde rhinolithes primi¬
tives par opposition aux
rhinolithes secondaires. Celles-ci,de beaucoup
les plus fréquentes,sont dues à l'irritation de la
membrane de Schneider. Cette muqueuse
sécrète plus abon¬
damment, les exsudats
subisseht
unealtération dans leur
constitution chimique, les
éléments salins augmentent dans
des proportions
notables et ils viennent
sedéposer
en cou¬ches concentriques autour
du
corpsétranger. Le
mucusnasal ne donne pas à lui
seul naissance à
cesconcrétions
calcaires, les larmes contribuent pour une
large part à leur
formation : le méat inférieur se trouvant le plus souvent
obstrué par le corpsvenu
de l'extérieur, le liquide lacrymal
ne peut s'écoulerau
dehors, et les sels qu'il contient doivent
nécessairementsedéposer.
Ruysch a
rapporté le fait d'un grain de succin d'un assez
— 20 —
grosvolume qui séjourna pendant neuf ans dans les fosses nasales d'une petite fille; pendant tout le temps, elle souffrit
beaucoup
jusqu'à ce qu'en éternuant elle rendît le corps étranger entouré d'une matière pierreuse et plâtreuse. C'est sous_cetaspect que ces calculs à noyaux se présentent le plus souvent, mais avec quelques variétés qui tiennent, soit à la nature, soit aux modificationsde la sécrétion. Quelque¬fois, en effet, les concrétions sont plus foncées, grisâtres et brunâtres, et offrent quelques analogies avec les calculs
muraux. La forme des rhinolithes est presque toujours sphé- rique ou cubique; leur volume varie depuis celui d'un pois
jusqu'à
celui d'un œuf de pigeon, comme dans lecas de Bartholin. Sous le rapport de la consistance, cescalculs pré¬sentent deux types différents; les uns sont très com¬
pacts et très durs, tandisque d'autres sont si friables que la pression des pinces ou du stylet en séparent les fragments grenus. Quantà leur composition, elle est à peu
près
la même que celle des autres concrétions calculeuses,etd'après
les analyses de Bouchardat, les phosphates et carbonates de chaux et de magnésie, les chlorures alcalins formeraient la plus grande partie de ces rhinolithes.
Les rhinolithes primitives,dont quelques cas ont été signa¬
lés (Monnié), auraient comme noyau, qu'il soit visible ou
résorbé, un caillot sanguin, un détritus caséeux, un peloton
de mucus; d'aprèscertains auteurs, il y aurait même des
causes prédisposantes: diathèse goutteuse
(de
Grœffe), étroi- tessecongénitaleou acquise du méat inférieur(Demarquay),
les diverses rliinites atrophiqueet
hypertrophique.
Au contact de ces corps étrangers, la muqueuse pituitaire s'enflamment, les fosses nasales se déforment. On remarque deux sortes de lésions :
Les lésions d'inflammation chronique sontles plus impor¬
tantes. La muqueuse est rouge, tuméfiée, boursouflée, par¬
fois au point de recouvrir le corps
étranger.
Elle est saignante, fongueuse et ulcérée par places. Elle devientfréquemment
le siège d'une suppuration fétide, qui expose— 21 —
à confondre la maladie avec une tumeur maligne, comme cela est arrivé dansle cas de Jacquemart, ou avec
Pozène,
comme dans l'observation citée par Hays.
Ces ulcérations
sontparfois si profondes que les os
sous-jacents
setrouvent
mis à nuet peuvent même se
nécroser partiellement. Les
déformations du cornet ou de la cloison accompagnent par¬
fois le développement
des rhinolithes volumineuses. Dans le
cas deGozzolino, lecorps étranger
occupait les deux fosses
nasales après avoir
refoulé puis perforé la cloison.
we.
, .
III
SYMPTOMES
Si Ton parcourt
la série aussi nombreuse que variée des
observations relatéesà propos
des
corpsétrangers des fosses
nasales, on est
frappé
de cefait
queles malades se présen¬
tent rarement au momentde
l'accident
oudans les premiers
jours qui
suivent. Cela tient à ce que les symptômes du début
sonttrès peu
accusés,
oumême passent inaperçus. Lorsque
le corps étranger
est introduit dans le nez par un effort de
vomissement
(pépins de fruits, noyaux de cerise, pilules,
etc.), le
malade
avite oublié la sensation de gêne, les quel¬
ques
chatouillements, les éternuements que la pénétration
de ce corpslui aura
causés.
Ce corps
a-t-il pénétré chez un enfant à la faveur d'une
paralysie
du voile du palais consécutive à une diphtérie, on
conçoit que
les signes de début fassent défaut. D'un autre
côté,l'enfant qui
s'est introduit volontairement, au milieu
de ses jeux, dans une
narine un objet quelconque, aura ten¬
dance â cacher cetincident par
crainte d'être grondé.
Ainsi donc les
symptômes fonctionnels du début n'existent
pas ou
sont insignifiants dans un certain nombre de cas.
Quand on
les rencontre, ils revêtent presque tous les
mêmes caractères : c'est
le plus souvent une sensation de
gêne, de
chatouillement accompagné d'obstruction de la
fosse nasale qui
détermine quelques mouvements exagé¬
rés d'inspiration
et d'expiration, parfois même des éter¬
nuements.
Ces
symptômes de début cessent au bout de quelque
temps; le
malade s'accoutume à la présence du corps étran-
— 24 —
ger,qui vient se cacherparfois sous un cornet. Cette
période
de latence absolue est de durée fort variable : très courte, si le corps étranger est susceptible de se gonfler sous l'in¬
fluence de
l'humidité,
fort longue au contraire si le corpsenquestion est petit, peu mobile, s'il s'incruste de sels cal¬
caires. Nous n'avons pas oublié les exemples remarquables decorps
étrangers
ayant séjourné fortlongtemps
dans les fossesnasalessans amenerdetroubles, publiésparLegouest, Hickman, Verneuil,Tillaux et bien d'autres.Ce n'est donc qu'au bout d'un temps plus ou moins long qu'apparaissent lessignes fonctionnels les plus importants.
Ils reconnaissent pour causes les modifications survenues dans le nez au contact du corps étranger, ou bien consis¬
tent en troubles sensitifs et réflexes concomitants.
Parmi eux, un desplus importants, et parfois le seul, est la modification que subit la sécrétion nasale. Ce quila carac¬
tériseau point de vue du diagnostic, c'est son unilatéralité et son siège du même côtéque le corps du délit. La sécrétion devient plus abondante que de coutume, et force le malade àse moucher
fréquemment;
ses caractères changent: de muqueuse limpide, elle devient muco-purulente, sanieuse.L'écoulement du pus produit des excoriations de la peau du pourtour de l'orifice antérieur des cavités nasales; il devient fréquemment l'originede lésions eczémateuses de la lèvre supérieure correspondante.Hach fait même remarquerqu'un
érysipèle
de la face vient compliquer assez souvent les affec¬tions inflammatoires des cavités nasales.
Il n'est pas rare devoir survenir à ce momentdesépistaxis généralement légères et peu abondantes. On voit alors le malade moucher de gros bouchons muqueux et purulents, de couleur verdâtre; parfois même, à la suited'efforts, il ya issu par l'orificedelà narine atteinte«de grumeaux caséeux, analogues à du fromage blanc grenu, mais d'un gris sale, et répandant une odeur forte, nauséabonde, bien différente cependant de celle des croûtes des sujets atteints de coryza
atrophique
»(Moure).
D'après certaines observations, au— 25 —
contraire, publiées par Noquet, Moldenhauer, Mackensie, l'odeur fétide accompagnant ces sécrétions serait difficile à distinguer cliniquementde l'odeur produite par les croûtes delà rhinite atrophique ou ozène vrai. Hays rapporte à ce sujet l'observation d'une dame de vingt-cinq ans que des soins multiples n'avaient pu guérir d'un ozène dont elle était affligée depuis l'âge de cinq ans. Un jour, elle rendit
une perle de verre après des efforts d'éternuement, et à partir de cette époque, uneguérison spontanéefut la suitede l'expulsionducorps étranger. Il esta noter que ce sont làdes observations isolées, etdans les divers cas que nous avons eus sousles yeux il ne nous a pas été donné de remarquer cette odeur caractéristique. Ellen'existe donc pas dans tous les cas, mais onla constatesurtout quand il y a formation de coryza caséeux.
Le signe qui attire ensuite l'attention du malade, qu'on ait affaire à un corps organique quigonfle (pois,
haricot),
à une rhinolithe en voie d'accroissement,ou bien auxlésions con¬comitantes de la muqueuse, est l'obstruction plus ou moins complète d'une fosse nasale. La gêne de la respiration, d'abordlégère, s'accentue peu à peu, l'obstruction d'incom¬
plète devient complète, etil est impossible au patient d'ins¬
pirer ou
d'expirer
par la narine correspondante. Ledegré
d'obstruction peut subir des variations
momentanées;
aux lésions permanentes s'ajoutenten effet, pour augmentercette obstruction chronique, les poussées congestives de la muqueuse pituitaire, laréplétion
des fossesnasales
parles
croûtes et les produits
d'exsudation. Ces produits sont
ren¬dus sous forme de grumeaux épais, qui, momentanément, désobstruent la fosse nasale. Ce signe est des plus précieux
au point devue dudiagnostic, et un
de
ceuxquiamènent le
plus souventle sujet qui en est porteurauprès du médecin.
Parfois, c'est la douleur qui
constitue le symptôme capital
et qui détermine le malade
à venir
seconsulter. Il est des
cas où elle manque
totalement. Sa présence
semanifeste
par des caractères variables:
tantôt localisée dans la fosse
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nasale, ce qui est rare, elle sièged'habitude dans la région des sinus, ou bien revêt la forme de migraine, de névralgie
faciale. Dans l'observation d'Axmann, à propos d'une rhino- lithe, c'était une hémicranie
périodique
qui se termina lors de l'évacuation spontanéedu calcul; dans lecasdeVerneuil, c'étaient des accès de névralgie faciale revenant deux ou trois fois par mois; dans celui de Ruault, la douleur affec¬tait le type de la névralgie cervico-occipitale. Ces douleurs névralgiques sontpar conséquent irrégulières, intermitten¬
tes, tenaces. Elles n'affectent jamais le nerf maxillaire infé¬
rieur; en revanche, le domaine du facial et du maxillaire
supérieur est souvent atteint. Cela s'explique par ce fait que les cornets du nez reçoivent leur innervation des filets
nerveux venus du ganglion de Meckelou sphéno-palatin; ils portent le nom de nerfs palatins. Or, le ganglion a trois racines, comme l'a démontré Longet : la racine sensitive qui le fait communiquer avec le maxillaire supérieur, la racine motricequi l'anastomose avec le facial, et la racine sympathiqueémanant du plexus sympathique qui entoure la carotide interne dans le sinus caverneux.
Les altérations de la muqueuse amènent une diminution de
l'odorat;
un cas d'anosmie complète a même été observé. Cependant cesigne étant unilatéral, comme les pré¬cédents, les malades n'en sont pas incommodés et ne s'en aperçoivent habituellement pas.
Du côté de l'appareil auditif, des troubles divers ont été observés dans un grand nombre de cas; tantôt c'était une obstruction de la trompe d'Eustache avec bourdonnements plus ou moins pénibles (Ruault, Noquet); tantôt de l'otite catarrhale ou une diminution de l'ouïe, parfois même une surdité complète, comme en font foi des observations de Gruber, de Deschamps, de Rohrer.
Il a été signalé du côté des yeux divers troubles, tels que : occlusion
palpébrale,
douleur des paupières, névralgie sus- orbitaire, et si lecorps étranger se trouve en avant il peuten résulter de la compression et de l'obstruction du canal
nasal, etpar
suite
del'épiphôra secondaire (Noquet, Garel) et
de la dacryocystite.
Les troubles réflexes sontde diverse nature. Ilssiègent, en raisonde l'innervation de la muqueuse des cornets, sur
le
trijumeau et lefacial.
Ce sonttout d'abord des troubles
vaso- moteurs se rapportant au nerfmaxillaire supérieur, à la
brancheophtalmique, au
facial; Smiegelow
apublié l'obser¬
vation d'un malade qui présenta
pendant cinq
ans unesuda¬
tion abondantede la moitié gauche de la face; ces
accidents
disparurentspontanément quatre
ansavant l'ablation du
corps étranger, et
l'auteur
pensaqu'on devait rattacher
cefaità l'atrophie et à
la destruction
parle calcul des termi¬
naisons nerveuses d'où partait
l'excitation. Ce fait vient
d'ailleurs à l'appui de
l'opinion de Hack, qui
pense queplus
le corps étranger est
volumineux, et plus
parconséquent il
comprime leséléments
nerveuxde la
muqueuse,moins
on ade chance d'observer des
phénomènes réflexes,
parce que les terminaisons nerveusessont détruites. D'autresréflexes,
assez singuliers et
très pénibles
pourle patient, ont été éga¬
lement
remarqués. Czarda rapporte
uneobservation dans
laquelle un
individu, porteur d'un calcul dans la narine
droite, éprouvait,
chaque fois qu'il
secouchait du côté où
siégeait la
rhinolithe,
unesensation de chatouillement, avec
excitation notable, agitation,
anxiété, palpitations, etc.,
enun mot tous les
symptômes observés dans la neurasthénie.
A propos
de
cesréflexes à distance, il est intéressant de rap¬
porter
l'observation du docteur A. Brindel, au sujet d'une
dent
implantée à l'entrée de la fosse nasale droite. La malade
du docteur Brindel vient à la
consultation,
seplaignant
d'accès de toux et de spasmes
laryngés qui surviennent à
des intervalles irréguliers.
Elle
en aparfois trois
ouquatre
dans la même
journée, d'autres fois
aucun.Deux fois ces
spasmes ont
déterminé
unesyncope. Le larynx et le pharynx
ne présentent
rien. La
causede ces troubles est rattachée à
la présence,
à l'entrée de la fosse nasale droite, d'un corps
blancarrondi,ayant
la forme d'une dent et donnant au stylet
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la sensation d'un os. C'est, en effet, une dent implantée sur le plancherde la fosse nasale,
émergeant
d'un 1/2 centimètre au-dessus de la muqueuse. La mâchoire supérieure bien conformée ne possède plus, depuis l'âge de vingt-huitans,ni incisives, nicanines, ni petites molaires du côté droit; mais la malade affirme avoir eu une dentition normale et des dents bien placées, se cariant de bonne heure. A partir du jour où sa dent surnuméraire lui a été enlevée, les suffoca¬tions ont
disparu;
et au bout de quelque temps, il ne reste plus rien des troubles réflexes signalés.Il existeégalement une variété de céphalalgie dite réflexe
s'accompagnant
parfois de vertiges, de vomissements, d'éternuements et d'accès de toux. Lapathogéniede ces diffé¬rents réflexes a soulevé bien des discussions. On paraît accepter aujourd'hui l'opinion d'Heymann, qui considérait
comme cause de ces réflexes « une sorte de chatouillement produitpar un contact anormal exercé sur la muqueuse»; or, de toutes les maladies des fosses nasales, il n'est pas d'affection qui excite
davantage
la muqueuse par son contact anormal comme la présence d'un corps étranger.Signes physiques.
— Comme onle verra en parcourant les observations qui ont été publiées, les signes physiques con¬sistant en déformations sont très rarement notés. Les observations de
Clay,
deCreswel-Baber,deMorell-Mackensie,
qui décrivent une déviation du nez ou une déviation de la cloison, sont rares. Le palper de la narine obstruéepar com¬
paraison avec l'autre pourra donner une sensation de résis¬
tance; la souplesse des tissus peut disparaître. L'épiphora, le timbre nasonné de la voix, avec ce caractère spécial que lui donnelenezbourré de mucosités,commeClaudesl'a signalé, s'observent très rarement.
Lessignes
physiques
les plus importants sont donnés par larhinoscopie.
Celle-ci, pour être complète, devra se faire par l'orifice antérieur de la narine et parlenaso-pharynx.
Ilsera bon de la faire précéder d'un lavage antiseptique des fosses nasales, dans le but de les débarrasser des croûtes et
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des mucositésqui s'y trouvent. Ce lavage devra être fait avec
beaucoup de douceur et de légèreté pour éviter le saigne¬
ment. La muqueuse apparaît alors rouge, boursouflée, recouverte d'excroissance papillomateuse ou d'un enduit caséeux plus ou moins abondant. Les cornets sont parfois déviés ou même atrophiés par refoulement.
Dans la grande majorité descas, lecorps étrangersetrouve
sur le plancher des fosses nasales, dans le méat inférieur.
Si l'introduction est de date récente on observe peu dephéno¬
mènes du côté de la muqueuse de Schneider,et l'examenrhi- noscopique permettra de faire le diagnostic sans difficultés.
Dans le cas où le corpsétranger aséjourné uncertain temps, l'examen seul au spéculum peut ne pas donner de résultats à cause soit de l'enroulement du cornet inférieur, soit de l'inflammation de la muqueuse et des sécrétions abondantes qui en découlent.
La couleur blanchâtreou brunâtre du corps étranger se trouve masquée par l'hypertrophiede lamuqueuse, qui vient lui constituer comme une enveloppe, ou bien ses anfractuo- sités retiennent les débris caséeux qui contribuent à dissi¬
muler le corps du délit. Les badigeonnages préalables à la cocaïne à 100/0rendront lesplusgrands services. La cocaïne
en effet a pourbut d'amener la contraction des vaisseauxqui forment le tissu érectile des fosses nasales ; sous son influence on voit la muqueuse turgescente s'affaisser en même tempsque seproduit
l'anesthésie de la
région. Lors¬que la muqueuse est
enflammée, l'action de la
cocaïne sur la contractilité des vaisseaux est de beaucoup diminuée, aussi M. le Dr Moure utilise-t-il depuis quelque temps avec grand succès le chlorhydrated'adrénaline (*)
en solution de1 p. 1000à 1 p.
10.000.
Sousl'influence de cette dernière
on voit immédiatement la muqueuse blanchir et se rétracter fortement. La cocaïne, employéeaprès l'adrénaline
voit son action anesthésiante favoriséeparcelle-ci.(0 L'adrénaline est l'alcaloïde oule principeactifdela capsule surrénale
dont ellea été isolée en 1900parle docteur Iokichi Takamine.
— 30 —
Quelquefois, la rhinoscopie antérieure seule est impuis¬
sante à faire lediagnostic, etl'emploi du stylet s'impose. On enroule à l'extrémité de ce stylet des boulettes de coton per¬
mettant d'enlever le pus ou les grumeaux caséeuxqui recou¬
vrent le corps étranger et qui empêchent de le distinguer
avec netteté. Le stylet donne des renseignements assez im¬
portants lorsqu'il s'agit d'un corps dur, ayant la consistance d'une pierre ou d'un os ; dans ce cas, l'instrument donneun son sec et mat. Cesigne, quand on lerencontre, est celui qui fixe le mieux l'observateursur la nature de l'affection qui se
présente à lui.
Il permet en outre de se rendre compte de sa friabilité, de
sa mobilité, de ses dimensions et même de son existence.
Dans unbon nombre d'observations, l'exploration au styleta donné la sensation d'un osdénudé,d'un séquestre, mais plus moins mobile, et ce caractère de la mobilité sera un grand signe différentiel,comme nous le verrons audiagnostic, avec les exostoses et notamment les exostoses syphilitiques.
Quand il s'agit de rhinolithes, il est important de reconnaî¬
tre leur forme et leur prolongement, en vue du procédé à
choisir pour
l'extraction;
ce point de diagnostic présente de grandes difficultés.L'examen antérieur est-il négatif ou insuffisant, il est bon d'avoir recours à la rhinoscopie postérieure. Elle démon¬
trera les altérations de la muqueuseà ce niveau et la pré¬
sence d'un corps étranger situé à lapartiepostérieure et dans le méat moyen: c'est grâce à ce procédé qu'Hickman put dé¬
couvrir l'anneau d'acier situé dans l'arrière-cavité des fosses nasales chez cette jeune fille dont il rapporte l'observation.
Le toucher digital
rhino-pharyngien
sera d'ungrandsecours dans certains cas.Les signes généraux sont peu accusés, la maladie reste purement locale; cependant la
gêne
de la respiration,l'abon¬dance de la sécrétion ichoreuse peuvent nuire à la santé, et dans pas mal d'observations il est dit que les enfants qui
étaientporteurs de corps étrangers dans le nez sont restés petits et chétifs.
(Duplay).
IV
DIAGNOSTIC
Les erreurs commises pardes chirurgiens de grand renom à proposdes corps étrangers ayant
séjourné très longtemps
dans le nez ou s'étant transformés en rhinolithes prouvent quedans certains cas
le diagnostic
présentedes difficultés
sérieuses: témoinlecasdeVerneuilquipritpour unenévral¬
gie d'abord, puis pour une
nécrose des
osdu
nez, unvolu¬
mineux calcul des fosses nasales, ou bien celui de Tillaux
danslequel cechirurgien
confondit
un noyaude cerise
cou¬vert de concrétions calcaires avec une nécrose du bord pos¬
térieur du cornetavec séquestre
adhérent.
Les signes des corps étrangers ne
présentent rien de
spécial, et la plupartdes
affections des fosses nasales don¬
nent lieu aux mêmes symptômes. Les
écoulements, l'oblité¬
ration plus ou moins
complète d'une narine, l'enchifrè-
nement, la voie nasonnée,
l'anosmie n'ont rien de caracté¬
ristique.
Un seul fait, avons-nous dit plus haut, a une
importance
capitale, et suffitsouvent à lui seul
pourpermettre de porter
lediagnostic: c'est
l'unilatéralité de la lésion. La présence
dece signe devra
tenir l'esprit
enéveil
surla possibilité
d'un corps étranger;
il
seratoujours nécessaire néanmoins
de pratiquer l'examen
rhinoscopique. En présence de muco¬
sités épaisses,
agglomérées et donnant
unécoulement, il
faudra se méfier et se garder de porter
immédiatement le
diagnostic de coryzacaséeux. Il arrivé fréquemment
que cecoryza a pour
origine
un corpsétranger. Zapparoli cite
l'observation d'une fillette de neuf ans,
qui souffrait d'une
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obstruction presquecomplète de la fosse nasale gauche et d'une abondante sécrétion fétide du même côté. Enlevée à l'anse froide, cette masse caséeuse qui obstruait la narine présentait à son centre un bouton de bottine. Le docteur Molinié rapporteune observation analogue: la quantité de matière caséeuse accumulée dans la fosse nasale dépassait
la grosseur d'une châtaigne et répandait une extrême féti¬
dité. Un bouton de bottine fut également trouvé au milieu de cette masse.
Duplay considérait le coryza caséeux comme une entité morbide. Potiqueta démontré que le plus souvent il ne cor¬
respond pas à une espèce morbide définie, et que l'on doit rattacher les manifestations souslesquelles il se produit à des causes diverses. L'une des plus fréquentes serait la pré¬
sence des corps étrangers.
M. le Dr Beausoleil pense également que le coryza caséeux peutêtre considéré avec raison comme un symptôme des corps étrangers du nez et non comme une maladie bien déterminée. L'inflammation produite par le contact irritant d'un corps étranger peut provoquer un boursouflement de la muqueuseet une sécrétion abondante du mucus qui,
retenu dans les fosses nasales, se décompose et produit des matières caséeuses grâce à la présence de microorganismes particuliers. Quelle que soit l'altération de la muqueuse, ces accumulations de matières caséeuses sont toujours restées unilatérales, etpar conséquent sous l'influence d'une cause irritantequi le plus souvent est un corps étranger.
La fétidité dela sécrétion pourrait fairesonger unmoment à de l'ozène, mais la rhinite atrophique a une odeur diffé¬
rente, estbilatérale, etne s'accompagne pas de cet écoule¬
ment muco-purulentet sanieux qu'on a l'habitude d'obser¬
ver par suite de la présence d'un corps étranger après un long séjour. Dans le premier cas,les fosses nasalessont sim¬
plement dilatées et recouvertes de croûtes verdâtres.
L'hypertrophie de la muqueuse sera différenciée par l'exa¬
men au stylet, qui montrera la mollesse de la tuméfaction.