FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
année 1896-1897 W« 99
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE CLINIQUE
DE LA
NÉCROSE SYPHILITIQUE
du Corps du Sphénoïde
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 31 Juillet 1897
Joseph-Marie
JAFFRÉDOU
Néà Saint-Renan(Finistère), le 26 novembre
1870.
!MM. PIÉCHAUD
LANELONGUEPOUSSONijlNAUDprofesseur....
professeuragrégéagrégé I Juges.Président.
Le Candidat répondra aux questions
qui lui seront faites
surles
diverses parties de l'Enseignement
médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU
MIDI
-PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91 1897
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS
MM. MICÉ ) „ , ,
AZAM \
"I'°fesseurs' honoraires.
MM.
m- • • , \
PICOT.
Clinique interne...s pjXRES
. . \ DEMONS.
Clinique externe
j
LANELONGUE.Pathologie interne...
DUPUY.
Pathologie et théra¬
peutique
générales.
Thérapeutique
Médecineopératoire.
Clinique
d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que
COY NE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie
VIAULT.
AGRÉGÉS EN
SKCTION DE MÉDECINE(PatholoCJ
MM. MESNARD. | CASSAET.
AUCHÉ.
YERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
MOUSSOUS.
Physiologie Hygiène Médecine légale Physique
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matièremédicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique desmaladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique
EXERCICE :
te interne et Médecine MM. SABRAZÈS.
LE DANTEC MM.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GU1LLAUD.
FIGUIER.
DE NABIAS.
FERRÉ.
vBADAL.
P1ECHAUD.
BOURSIER.
légale.)
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS
Accouchements.. iMM. RIVIERE.
CHAMBRELENT (MM. VILLAR.
Pathologie
externe] BINAUD. | *
| BRAQUEHAYE |
SECTIONDESSCIENCES ANATOMIQUliS ETPHYSIOLOGIQUES
JMM.
PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON.
I CANNIEU.
j
HistoirenaturelleBEILLE.
SECTIONDES SCIENCESPHYSIQUES
Pharmacie M. BARTHE.
Anatomie
Physique
MM. SIGALAS.
Chimie etToxicologie
DENIGÈS.
COURS COR PUF IIBOITAI RUS :
Cliniqueinterne
des enfants MM.
Clinique desmaladies
cutanées et syphilitiques
Clinique des maladies
des voies urinaires
Maladies dularynx,desoreilleset
du
nez MaladiesmentalesPathologie externe Accouchements Chimie
Le Secrétaire de laFaculté: LEMAIRE.
MOUSSOUS.
DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
DENUCE.
RIVIÈRE.
DENIGES
Pardélibération du 5 août 1879, la
Faculté
aarrêté
queles opinions émises dans les
Thesesquilui sont présentées
doivent être considérées comme propres à leurs auteurs, et
qu'ellen'entend leurdonner
ni approbation ni improbation.
A MONSIEUR LE DOCTEUR MOURE
CHARGÉ DU COURS DE LARYNGOLOGIE, D'OTOLOGIE ET DE RHINOLOGIE
A LA^FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
i
4 MONSIEUR LE DOCTEUR LE DANTEC
MÉDECIN DE lre CLASSE DE LA MARINE
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX PROFESSEUR A L'ÉCOLE DU SERVICE DE SANTÉ DE LA MARINE
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
AmonPrésident de Thèse
MONSIEUR LE
DOCTEUR T. PIÉCHAUD
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE
INFANTILE A LA FACULTÉ
DE MÉDECINE DE BORDEAUX CHIRURGIEN DES HOPITAUX
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
INTRODUCTION
Ce travail, que nous
soumettons à l'indulgence de nos
maîtres etdont l'idée nous a été
donnée
parM. le Dr Moure,
est une contribution à l'étude d'une
affection
rare,mais fort
intéressante pour le
médecin, tant à
causede sa symptoma-
tologie unpeu
spéciale
quedes graves conséquences qu'elle
peut
entraîner
: nousvoulons parler de la nécrose syphiliti¬
que
du
corpsdu sphénoïde. Le titre est assez explicite par
lui-même pour que nous
n'ayons
pasbesoin de délimiter
plus
nettement notre sujet.
Rassemblerles quelques
observations publiées sur cette
affection, y
joindre deux autres, inédites, dues à l'obligeance
de M. le Dr Moure, et,
à
proposde tous
cescas, esquisser
l'histoire clinique
de la maladie, tel est le modeste pro¬
gramme que nous nous
sommes efforcé de remplir.
Arrivéau terme de nos
études médicales,
noussommes
heureuxqu'un usage
traditionnel nous permette de remer¬
cier
publiquement
nosmaîtres de la Faculté et des Hôpitaux.
M. le D1' Moure, chargé du
Cours de laryngologie, d'otologie
et de rhinologie de
la Faculté,
aparticulièrement droit à
notre reconnaissance. Que ce
maître distingué, dont nous
avons pu
apprécier maintes fois l'amabilité, nous permette
de lui exprimer
ici toute notre gratitude.
Dans le cours de nos
études médicales, M. le professeur
agrégé Le
Dantec
nous atoujours témoigné beaucoup d'inté-
— 10 —
rôt. Aussi, avant de quitter la Faculté, est-ce pour nous un
plaisir
et le plusagréable
des devoirs d'exprimer notre res¬pectpour le maître et notre vive sympathie pour l'homme.
M. le professeur Piéchaud a bien voulu accepter la prési¬
dence de notrethèse, nous le remercions vivement de l'hon¬
neur qu'il nous fait. Le temps, trop court
à
notre gré, que nous avonspassé dans le service de ce savant maître, comp¬tera parmi nos meilleurs souvenirs d'études.
PLAN
Voicile plan que nous avons
suivi :
Introduction.
ChapitrePremier. —
Historique.
ChapitreII. —
Anatomie.
Chapitre III. —
Etiologie.
ChapitreIV. —
Symptomatologie et complications.
Chapitre V.—
Diagnostic différentiel, marche et pronostic.
Chapitre VI. —
Traitement.
Chapitre VII. —
Observations.
Conclusions.
IndexBibliographique.
"
.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Il existe dans la science un assez
grand nombre d'obser¬
vations d'ostéite
syphilitique
avecnécrose des os du crâne,
et, dans presque
toutes, c'est le frontal qui est atteint. Le
sphénoïde
necontribue que pour une faible part à l'histoire
de cette affection, puisque nous
n'avons pu retrouver dans
la littérature médicale que
5
casbien nets de nécrose spé¬
cifique
de cet
os.M. le D1' Moure, malgré le grand nombre de
malades
qu'il
aexaminés, tant à sa consultation gratuite de
Saint-Raphaël
quedans
saclientèle, n'en a observé que 2
cas.
Et
cependant le sphénoïde, de par sa situation, semblerait
devoir être, plusque
toute autre partie du crâne, atteint par
les lésionsspécifiques.
Chacun sait, en effet, combien les ac¬
cidents tertiaires
sont fréquents dans les fosses nasales :
« La
syphilis,
aécrit M. le professeur Fournier, se plaît dans
les fossesnasales ».
Chacun sait aussi que la diathèse s'atta¬
que
surtout
ausquelette du nez, et plus particulièrement à
la
portion
osseusede la cloison, constituée par le vomer et la
lame
perpendiculaire de l'etlimoïde. Or, ces deux os s'articu¬
lentavec le
sphénoïde. Il semblerait donc logique que la lé¬
sion nécrotique
gagnât presque fatalement, par propagation,
le corps
du sphénoïde. Les faits cliniques ne sont pas abso-
_ 14 —
lument à l'appui de cette assertion. La situation de
l'os,
caché au fond des arrière-fosses nasales, la difficulté de l'examen, l'absence, dans certainscas, de tout
symptôme de
foyercaractéristique
permettentde
penser quela constata¬
tion de la lésion n'a pas
été
faite dans bon nombre de cas.Quoi qu'il en soit, nous n'avons pu recueillir (jue 5 observations bien nettes de nécrose syphilitique du
sphé¬
noïde. Nous les publions
dans
notrethèse,
avec lesdeux
observations inédites de M. Moure. La
première
en date estcelle de M. Duplay, citée parM. le professeur Fournier et re¬
produite
dans les thèses de
M.Lancial (Paris, 1887-1888) et
M. Kaplan
(Paris 1891-1892). Viennent ensuite deux
casrela¬
tés dans une clinique de M. le professeur
Fournier
etpubliés
dans lesAnnales des maladies de l'oreille, du
larynx
etdes
organes connexes
(n° de
mars1881). En 1883, M. leD1' Baratoux
publie, dansla Revue mensuelle de laryngologie, d'otologie et
de
rhinologie,
unenouvelle observation citée
parM. Moure
dons son Manuel
pratique des maladies des fosses nasales.
Dans le Médical Record, du 15 avril 1893, nous avons trouvé
un autre cas deM. le DrBlair. d'Albany. Les 2 observations
de M. Moure portent
le total à
7.Nousciterons pour mémoire une
observation publiée
en 1873 par Erichsen dans un numérodu Médical Times and
Gaz., de Londres, et que nous n'avons pas pu nousprocurer.
Elle a pour titre : «
Necrosis of tlie body of the sphenoïd bone
—Removal of the whole body through the moutli — Reco-
verv ». Bien que l'origine
spécifique de la
nécrosenesoit
pas indiquée, nouscitons
cetteobservation où le malade
aguéri
après avoiréliminé le
corpsde
sonsphénoïde
enentier.
A la suite de nos observations, nous avons placé celle que M. P. Raymond a
publiée dans le Bulletin de la- Société anato- mique de Paris, de 1885. La nature syphilitique de la lésion
osseuse n'est pas
certaine, mais cette observation éclaire
bien la pathogénie des
troubles oculaires de l'affection qui
nousoccupe.
CHAPITRE II
ANATOMIE
Avantd'aborder lapartie
clinique de notre travail, nous rappellerons, aussi succinctement que possible, la situation
et les rapports
du
corpsdu sphénoïde.
Il forme avec l'ethmoïde ce que
M. le professeur Four-
nier aappelé
la portion naso-cranienne des fosses nasales,
par
opposition à la portion naso-faciale qui répond aux os
de la face. Il est creusé
de deux sinus, à grand axe antéro-
postérieur, accolés comme les deux canons d'un fusil. Ces
sinus, qui sont
tapissés à l'état frais par un prolongement
dela muqueuse
nasale, s'ouvrent dans le méat supérieur des
fosses nasales par
deux orifices
assezlarges.
Les rapports
du
corpsdu sphénoïde avec les organes
contenus dans la
boite crânienne sont très importants. Ses
rapports
avecles méninges sont étendus et compliqués.
Après
avoir tapissé toute la surface de l'os, la dure-mère se
dédouble pour
former, d'une part, une loge au corps pitui-
taire et, d'autre
part, la paroi du sinus caverneux. Ce sinus,
situésur la
partie latérale du corps de l'os, n'est, séparé des
cavités
sphénoïdales
quepar une mince lamelle de tissu
osseux;
aussi les lésions du sphénoïde peuvent-elles retentir
facilementsurce
sinus et
ydéterminer une thrombose grave,
ainsi quele prouvent les cas de Duplay et de James Russel publiés dans la thèse de M.
Kaplan.
Faisons
maintenantunecoupevertico-transversaledusinus
caverneux, passant parle milieu de la selle turcique. Dans le sinus, très voisin del'os, nous trouvons la carotide interne et le nerf moteur oculaireexterne; dans la paroi externe du sinus, et se superposant dans cet ordre, nous voyons le moteuroculairecommun,le pathétique, lenerfophtalmique: c'est-à-dire les nerfs qui tiennent sous leur dépendance la motricité et la sensibilité de l'œil, et dont les altérations se traduiront par des troubles fonctionnelsde l'œil. Rappelons
aussi que la veine ophtalmique, dont la thrombose a été observée dans descas de carie du sphénoïde, sejette dans le sinus caverneux, etpasse tout près de l'os dans la fente sphénoïdale, fente à travers laquelle passent également les nerfs dont nousavons parlé plus haut.
D'autres rapports importants sont encore à signaler. Les nerfs optiques, dont le chiasma repose dans la gouttière optique, en avant de la selle turcique, pénètrent dans l'orbite par le trou optique : c'est à ce niveau, d'après M. le Dr Ber¬
ger
(de Glatz),
qu'ilsseraient surtout lésés dans les affections sphénoïdales. Rappelonsen terminant que les origines des bandelettes olfactives sont voisines du sphénoïde, etque les collections purulentes provenant de cet os peuvent fuser facilement versl'orbite par la fente sphénoïdale et le trou optique.Il est facile de comprendre, à la lecture de cette simple énumération, combiendivers et nombreux peuvent être les symptômes et complicationsde la maladie qui nous occupe.
CHAPITRE III
ÉTIOLOGIE
Quelles sont les
conditions étiologiques qui ont présidé au
développementde la nécrose spécifique du corps du sphé¬
noïde chez nos malades ?
Il ressort denos observations que tous
étaient d'anciens
syphilitiques,sauf la malade de M. Moure chez laquelle la
diathèse ne remontait
qu'à trois
ans.Dans
un cas(Blair), la
syphilis
datait de douze
ans;dans
unautre (Baratoux) de
quinzeans.
Des deux sujets de M. le professeur Fournier,
l'un étaitun vieuxsyphilitique,
et l'autre,
unefemme, avait
déjà
été traitée, à plusieurs reprises, par Déminent syphili-
graphe, pour
des accidents secondaires bien nets. Un autre
malade deM. Moure
portait également des traces
nonéqui¬
voques
d'accidents tertiaires.
Chez touségalement,
il s'agit de syphilis acquise, ce qui
ne veut pas
dire
quel'hérédo-syphilis ne peut pas occasion¬
ner la nécrose dont nous
parlons. Autre constatation
:dans
tousles cas, soit ignorance,
soit insouciance, la diathèse a
été trèspeu
traitée. Chez
unseul des malades on signale des
habitudes d'intempérance.
Ce qui
ressort
encorede l'étude de tous les cas, c'est que
tous les sujets
étaient porteurs de lésions tertiaires graves
et étendues des fosses
nasales. Chez
presquetous, on
Jaf. »
— 18 —
constate d'énormes
destructions des différentes parties du
squelette
nasal. Les cornets moyens et inférieurs ont disparu,
lacloisonosseuse
(vomer,lame perpendiculaire de l'etlimoïde)
n'existe plus.
Chez
undes malades de M. Moure, les deux
sinus maxillaires
communiquent même
avecles fosses
nasales. Le nez ne forme
plus qu'une seule cavité. Dans trois,
cas, il ya
même
uneperforation assez grande à l'union du
voile du palais avec
la voûte palatine. M. Kaplan, dans sa
thèse, dit que «
les lésions nasales, quelle qu'en soit la
nature, sont une
condition nécessaire de l'inflammation des
sinus
sphénoïdaux
».Cette proposition est surtout vraie pour
la
syphilis. Dans l'immense majorité des cas, les lésions
tertiaires de la
syphilis nasale débutent par la cloison
osseuse. De
proche
enproche, elles envahissent les différen¬
tes parties
du squelette des fosses nasales, y produisant des
nécroses étendues. Le
sphénoïde, caché
aufond du nez, n'est
atteint que
tardivement, lorsque le vomer et la lame perpen¬
diculaire de l'etlimoïde ont
déjà disparu. C'est
cequi explique
ces vastes délabrements
observés chez
nosmalades.
Le sexene
paraît avoir
aucune,influence.
Tous nos malades sont des
adultes
:leur âge varie de 23 à
■43 ans. La malade deM. Moure
avait 23
ans,celle de M. Four-
nier30 ans etcelle de M.
Duplay 4-3
ans.Les autres malades
ont 30, 33, 35 ans.
Aucuneautre maladie
constitutionnelle n'est signalée chez
eux.
CHAPITRE IV
SYMPTOMATOLOGIE
« L'histoire clinique des
affections sphénoïdales, écrivait
Weichselbaum il y a
quelques années,
seraforcément très
courte, étant donnée
la nouveauté du sujet». Aujourd'hui, le
sujet
n'est plus neuf et la pathologie du sphénoïde com¬
mence à être mieux connue.
Nous décrirons deux formes
cliniques de la nécrose syphi¬
litique
du
corpsdu sphénoïde
:1° Une forme à évolution lente,
guérissant
presquetou¬
jours,
soit
parélimination spontanée du séquestre, soit par
un traitement
approprié. C'est la forme la plus habituelle :
nous l'appellerons
la forme nasale, car ses manifestations
sont surtout nasales ;
2° Une forme cérébrale plusgrave,
parfois mortelle, et qui
n'est, pour
ainsi dire, qu'une complication de la première.
FORME NASALE
Symptômes fonctionnels.
—Lorsque le malade vient trou¬
ver son médecin, ilse
plaint surtout d'une céphalée opiniâtre
qui
l'empêche de dormir. Le malade de l'Observation V se
plaint
d'une
«douleur atroce, lancinante, profonde, avec
sensation
extrêmement pénible de constriction à l'occiput.
»— 20 —
Il raconte aussi qu'il souffre dunezdepuis déjà
longtemps.
Il est toujours enrhumé, il parle du nez et il n'a plus d'odo¬
rat. Il éprouve
fréquemment
le besoin de se moucher, et il mouche des matières vertes, pyoïdes, sanieuses, séro-puru- lentes, souvent striées de sang. Depuisdéjà longtemps,
il aremarqué qu'il mouchait parfois de petitsfragments osseux,
quelquefois même un fragment volumineux, comme le malade de l'Observation IV. I! faut aussi noter,
d'après
M. Fournier, des épistaxis plus ou moins abondantes.
Ce qui désole surtout lemalade, ce qui ramène leplussou¬
vent chezson médecin, c'est la fétidité de son haleine, c'est l'ozène. C'est un symptôme important et qui avertit aussitôt le médecin qu'il a affaire à une lésion nasale assez grave.
Dans la forme nasale, ce symptôme est constant. L'ozène est excessif, épouvantable.Cequi le différenciede l'ozènevrai, de l'ozène de la rhinite
atropliique,
c'est qu'ilnedisparaît
pas par un lavage complet des fosses nasales(Moure).
Déplus, il pré¬sente cette odeur spéciale aux nécroses osseuses. Dans un cas de M. Fournier, l'ozène
n'apparut,
pour ainsi dire, que dans le dernier mois de la vie. Et pour expliquer cette absence de l'ozène, Déminentsyphiligraphe invoque
la situation reculée du sphénoïdequi ne se trouve pas dans lesens du courant d'air expiré.
Symptômes physiques.
— Jusqu'ici nous n'avons trouvé que des signes vagues, indécis,incapables
de nous éclairersurle siège exactde la lésion. L'examen des fosses nasales nous fournira des renseignements plus précis. Dans trois cas, la forme extérieure du nez est modifiée : le malade de l'Observation IV présente un aplatissement léger du nez, au niveau des os propres. Les deux malades de M. Moure ont le
nez en lorgnette, le « brevet de syphilis » de M. le professeur Fournier.
L'examen du nez se fera par la
rliinoscopie
antérieure et par larhinoscopie
postérieure, en relevant le voile du palais àl'aidedu releveurdeMoritz-Schmidt. On trouve alors, par— 21 —
la rhinoscopie
antérieure,
deslésions prononcées de l'inté¬
rieur du ne/. Dans l'Observation IV, on a
constaté la dispari¬
tion
complète
des cornetsinférieurs et moyens. La cloison
osseuse a disparu et
les fosses nasales
neforment plus
qu'une seule cavité, un
cloaque (Fournier) rempli de matiè¬
res noirâtres, d'odeur infecte.
Chez
undes malades de
M. Moure les deux sinus maxillaires
s'ouvraient dans les
fosses nasales par unelarge
perloration. Dans trois cas, il y
a communication des fosses nasales avec la
bouche
par uneperforation siégeant
auniveau de la jonction du palais mou
et dupalaisosseux. En un
mot, il
y adestruction presque
complète du
squelette intérieur des fosses nasales.
A cause
précisément de cette perte de substance, la rhinos¬
copie
antérieure permet d'apercevoir le sphénoïde assez faci¬
lement. M. Baratoux s'est ainsi
rendu compte de l'existence
du séquestre.
Introduisant
unstylet par la narine, il put
mobiliser ce séquestre et
s'assurer qu'il s'agissait d'un os
dénudé, dur,
sonnant
parla percussion à l'aide du stylet.
Parla rhinoscopie
postérieure,
pour peuqu'on l'ait quel¬
quefois pratiquée, il
seraencore plus facile de reconnaître la
dénudation de l'os etde
désigner à
coup surl'os atteint.
En faisant avec un stylet
(en usant bien entendu d'une
très grande
prudence) le cathétérisme des sinus sphénoï-
daux, il serait encore
possible de reconnaître la dénudation
et la mobilité de l'os.
FORME CÉRÉBRALE
Ici le tableau clinique
change,
ouplutôt
secomplique de symptômes indiquant que l'encéphale est enjeu. Allons-nous
rencontrercette
multiplicité de symptômes qui caractérise
habituellement les
phlegmasies cérébrales
ouméningées?
Allons-nousrencontrer une
évolution semblable à celle des
méningites
et des encéphalites vulgaires? Eh bien, non. Il
existesansdoute
quelques symptômes d'inflammation céré-
— 22 —
brale; maisco sont là des signes vagues, peuprécis, de mé¬
ningite ou
dïencéphalite
frustes. Ce qui domine surtout la scène, ce sont les troubles oculaires variés, troubles qui, réunis, imposent, pour ainsi dire, le diagnostic de la locali¬sation du mal. Si à cet ensemblesymptomatique sejoignent
les lésions nasales dont nous parlions tout à l'heure, le diag¬
nostic s'impose presque sans hésitation.
Parcourons donc nos observations et notons ce qu'elles
contiennent comme symptômes cérébraux. Dans tous les
cas, on observe de la céphalalgie. Mais cette
céphalée
n'a rien de net, de précis : c'est la céphalée vulgaire des syphili¬tiques, à
exaspération
nocturne, insupportable, car elle em¬pêche le malade de dormir. Les sujets de MM. Blair et Moure sont atteints de vertiges, avec titubation, de nausées et de vomissements.
MM. Duplay et Fournier signalent de l'hébétude, du chan¬
gement de caractère, de l'asthénie cérébrale : le malade est devenu triste, taciturne; il est moins apte à ses occupations ordinaires.Un fait sur
lequel
M. le professeur Fournier in¬siste, c'est l'absence de délire. Aucun de ces divers symp¬
tômes n'a de signification propre, et même l'ensembleen est insuffisantpour attester quoi que ce soit de
spécial.
Mais vient un moment où l'apparition de quelque signe
nouveauéclaire la situation : c'estun troublequelconque de l'appareil de la vision. Il suffit de serappeler les rapports du
corpsdu sphénoïde avec les nerfs et les vaisseaux de l'œil pourcomprendre qu'il doit en être ainsi et pour se rendre compte des troubles qui peuvent être observés. Le malade voit d'abord des brouillardsdevant ses yeux, des étincelles
(Duplay),
en même temps qu'il éprouve des douleurspéri
et intra-orbitaires
(Duplay),
des douleurs au fond de l'œil(Moure), exaspérées
par la pression du globule oculaire.Il a aussi remarqué que, depuis quelques jours, sa vue baisse peu à peu
(Moure),
et il arrive même à la cécité com¬plète
(Duplay,
P. Raymond). Cesontlà des faits quiindiquentquele nerfoptiqueest atteint. Névrite ou compression sim¬
ple ? Il est bien difficiledese prononcer
à
ce sujet.— 23 —
Voilà pourles
symptômes subjectifs. Si nous passons main¬
tenantà l'examen
de l'œil, nous trouverons d'autres phéno¬
mènes. MM. Moure,
Duplay, P. Raymond signalent du ptosis,
qui
augmente graduellement, pour disparaître ensuite, dans
quelques
cas.Ce ptosis passager indique bien une compres¬
sion dufilet moteur
du releveur de la paupière. Dans toutes
lesobservations
où les troubles oculaires ont été étudiés, on
note
également des troubles de la motililé de l'œil :« Les
mouvements du
globe oculaire sont limités », ou encore
« l'œil est immobile ».
Dans l'observation de M. P. Raymond,
onassiste pour
ainsi dire à la compression des nerfs moteurs
eten
particulier du moteur oculaire commun et du moteur
oculaireexterne; en
effet, les mouvements, d'abord limités,
et en
particulier les mouvements d'abduction, disparaissent
complètement. Dans ce cas, où il y a eu thrombose du sinus
caverneux,
c'est la troisième paire qui paraît atteinte la pre¬
mière, ce
qui s'explique parla situation même du nerf à
l'intérieur du
sinus. Mais un autre symptôme vient encore à
l'appui de la paralysie de la sixième paire; c'est la dilatation
(P.
Raymond), l'irrégularité (Duplay) de la pupille. Or, nous
savons que
le moteur commun innerve les fibres circulaires
de l'irisetquesa
paralysie entraîne la dilatation de la pupille,
par
prédominance d'action des fibres radiées, innervées,
elles, par
le sympathique. Le strabisme et la diplopie sont
également notés.
Dans les cas
de Duplay et de P. Raymond, on trouve de
l'exophtalmie, sans augmentation du globe de l'œil, et de
l'œdème
palpébral, phénomènes occasionnés, très probable¬
ment, par
des fusées purulentes dans l'orbite, provenant de
la
phlébite du sinus caverneux.
Dans un cas
de M. Moure, l'examen de l'œil, fait par
M. Lagrange
(de Bordeaux), révéla de la micropsie, mais
sanslésion
apparente du fond de l'œil. Dans un autre examen
pratiqué par M. Panas, on constata la dilatation des veines
du fond de
l'œil, l'atrophie de la papille et une thrombose de
la veine
ophtalmique.
Il faut enfin signaler des troubles de l'audition que l'on retrouve dans plusieurs observations. On a constaté des bourdonnements
(Blair),
des douleurs dansl'oreille,
de la surdité, l'écoulement de sang par l'oreille
(Duplay).
Dans un cas de M.
Moure,
la surdité était due à la compression de l'orificepharyngien
de latrompe
d'Eustachepar le séquestre tombé dans le
pharynx
nasal.De tous ces symptômes, aucun n'est, à la vérité, pathog- nomonique, maispar leur ensemble, sion y joint les lésions nasales, Tozène, l'absence de délire dans presque tous les cas, ils constituentun syndrome permettant d'affirmer s'il y anécrose syphilitique du sphénoïde.
CHAPITRE V
DIAGNOSTIC ET PRONOSTIC
Il estun certain
nombre d'affections des fosses nasales
qui
présentent une partie des symptômes de la nécrose
syphilitique du sphénoïde : telles sont, par exemple, la rhinite
atrophique,
improprement appelée ozène, l'empyème des
sinus
sphénoïdaux. les tumeurs malignes du corps du sphé¬
noïde et même
jusqu'à
uncertain point la tuberculose des
fossesnasales.
11 importe
donc de distinguer ces maladies l'une de l'autre.
L'ozènede la
rhinite atrophique diffère déjà de l'ozène de la
nécrose osseuseen ce que
la fétidité disparaît dans la rhi¬
nite des fosses
nasales,
cequi n'a pas lieu dans le cas de
nécrose, et
aussi
parl'odeur spéciale aux mortifications
osseuses.
Dans la rhinite,
les fosses nasales sont élargies par atro¬
phie des cornets et de la cloison et non par leur destruction,
comme dans la
syphilis nasale. D'ailleurs, l'exploration au
stylet ne
permettra pas d'y reconnaître un séquestre.
Dans
l'empyème des sinus sphénoïdaux, nous pouvons
avoir un tableau
symptoinatique se rapprochant de celui de
la nécrose; il ya
cependant des différences qui ne nous per¬
mettront pas de
les confondre. L'empyème de ces sinus est
souvent la
conséquence d'une maladie infectieuse grave,
comme
l'érysipèle,
la variole, la fièvretyphoïde,
etc. Elle est toujoursprécédée
d'un coryzaplus ou moins aigu; mais nous ne trouverons pas ici les vastes délabrements de la vérole.Deplus, dupus bienliés'écouleraquand le malade baissera la tête ou quand on fera le catliétérisme des sinus. La cépha¬
lée est habituellement limitée à un côté de la tête et se localise dans les régions orbitaire et temporale.
Le diagnostic d'avec les tumeurs malignes du corps du sphénoïde (sarcomeou
carcinome)
estbeaucoup
plus diffi¬cile, sinon même impossible. En effet, ici nous trouverons tous les phénomènes de compression que nous avons pu signaler dans la nécrose. Le sarcome peut évoluerlongtemps
sans produire aucun trouble du côté du cerveau. M. Berger, cité parM. Moure, attribue une importance assez grandeau rétrécissement temporal du champ visuel pour le diagnostic
des tumeurs du sphénoïde. Quoi qu'il en soit, les antécédents du malade, l'absence de destruction du squelette nasalpour¬
ront nous guider dans le diagnostic.
Parlerons-nous de la tuberculose nasale? Les lésions
osseuses de la tuberculose nasale sont trèsrares; la maladie
s'attaque
surtoutà la cloison cartilagineuse et pénètre très rarement dans la profondeur des fosses nasales. Il n'est cependant pas impossibleque le sphénoïde soit atteint de tuberculose, et l'observation de P. Raymond, que nouspublions, pourrait bien en êtreun exemple. Les antécédents
héréditaires et personnels du malade, l'existenceoul'absence d'une syphilis antérieure nous mettront sur la voie du diagnostic.
Nous termineronsce
chapitre
par quelques considérationssur la marche, le pronostic et la terminaison de la nécrose
spécifique
du sphénoïde. En combien de temps évolue-t-elle?Il nous est bien difficilede répondre à cette question, carles malades ne viennentguère consulter le médecin que lorsque
le séquestre est déjà constitué. C'est qu'en effet les lésions de la
syphilis
restentlongtemps
indolentes et ne deviennent douloureuses quelorsqu'elles
irritent un nerf, un organe— 27 —
sensible
quelconque. Néanmoins, elle paraît évoluer d'une
façon
lente jusqu'au jour où, le cerveau étant touché, elle
peut
occasionner la mort à bref délai, comme chez les mala¬
desde MM.
Fournier et Duplay.
Gomment se
termine cette affection et quel est le pronostic
qu'elle comporte? M. le professeur Fournier, se basant sur
les deux cas
qu'il avait observés et sur celui de M. Duplay,
tous les trois
rapidement suivis de mort, portait, en 1881, un
pronostic absolument grave, sinon toujours fatal. Nous ba¬
sant sur 4-
observations, sur 5 même en comptant celle
d'Erichsen,
où la guérison a été obtenue, ce qui fait une
proportion de 5 guérisons sur 8 cas, nous porterons un pro¬
nostic moins
sombre, mais réservé néanmoins; car, du fait
dela localisation
même dujmal, les plus redoutables com¬
plications sont à craindre, et cela quand on s'y attend le
moins.
CHAPITRE VI
TRAITEMENT
En face d'une nécrose
syphilitique
du corps du sphénoïde, quelle est la conduite à tenir?Le traitement doit s'adresser à la fois à l'état
général
et à l'état local.Dans toutes nos observations les malades sont affaiblis:
la première indication est donc de relever leurs forces par
un traitement tonique approprié, ainsi que l'a fait M. Moure poursa malade de l'Observation VI. Telle a été également la conduite de M. Blair.
A ce traitement
reconstituant,
faut-il joindre la médicationspécifique?
M. Blair fait remarquer, avec juste raison, que cettemédication,
faite d'unefaçon intensive,
fatigue beau¬coup le malade et va ainsi à rencontre de l'indication première. D'autre part, il est peu probable qu'elle hâte l'éli¬
mination du séquestre. M. Fournier a même écrit que, dans
cescas, « il n'yavait rien à espérer du traitement antisyphi¬
litique; quela véritable ressource contre des accidents de cegenre résidait dans le traitement préventif initial de la vérole ». Mais il est bon de faire remarquer que la médica¬
tion spécifique hâte le travail de réparation, qu'elle a l'avan¬
tage de calmer la céphalée atroce du malade, lui permettant ainsi de prendre quelque repos, témoin le maladede l'Obser-
vatioïl IV. D'ailleurs, M.
Blair et M. Moure en oiit retire cle
grands
avantages, particulièrement au point de vue de l'état
général du malade. Nous prescrirons donc la médication
bi-iodurée.
Le traitementlocal
comporte deux indications : 1° Il faut
faire
disparaître l'ozène épouvantable qui rend le malade
intolérable pour son
entourage; 2° il faut enlever le sé¬
questre.
Contre l'ozène,on a
employé les lavages avec des solutions
antiseptiques
et aromatisées. Le permanganate de potasse,
le sulfate de soude, l'eau
boriquée, etc., ont été tour à tour
employés mais
sanssuccès. M. Moure signale une légère
atténuationde
l'ozène chez
unede ses malades, après « des
injections
nasales et surtout de grands lavages faits par la
cavité
naso-pharyngienne
».M. Moure a inventé une canule,
percée
enpomme d'arrosoir, que l'on peut adapter sur un
injecteur
ordinaire et que le malade peut facilement intro¬
duire lui-même
derrière le voile du palais: il peut ainsi
prendre lui-même trois ou quatre douches rétro-nasales par-
jour
et atténuer l'horrible fétidité de son haleine. Mais l'ozène
ne
disparaît complètement qu'après l'élimination du sé¬
questre.
Par
quels
moyensarrivera-t-on à ce résultat? On en a pro¬
posé plusieurs. En premier lieu viennent les douches nasales
et rétro-nasales
dont
nousvenons de parler. Dans trois
observations,
le séquestre s'est détaché au cours de ces lava¬
ges.
Mais il faut, bien entendu, que l'os nécrosé soit très
mobileetsurle
point de
sedétacher.
Sil'on sentque
le séquestre, sans être mobile, ne tient plus
à Los sain que par un
point, nous conseillerions de le saisir,
par
derrière le voile du palais, à l'aide de la pince rétro-pha¬
ryngienne, de le détacher avec précaution, et de l'enlever soit
par
la bouche (Moure et Blair), soit par les narines, dans le
casoù le
séquestre serait petit et la perte de substance des
os des fosses
nasales considérable.
Lorsque
le séquestre est encore bien enclavé et qu'on ne
— 30 -
peut songer à le mobiliser, d'autres moyens peuvent être employés. Sclieltz, Sclmster, Zauval, cités par Blair, ontpro¬
posé de racler l'os avecla curette tranchante de Wolkmann.
Mackensie, Macdonald, Blair, etc., ont élevé la voix contre l'emploi de ceprocédé, à cause des dangers qu'il présentait
(perforation
crânienne,etc.),
même entre les mains d'un praticien exercé.D'autres opérateurs
n'ont
pas hésité à ouvrir les fosses nasales pouraller enlever des séquestres du sphénoïde. Nousne sommes pas partisan de cette intervention sanglante, pra¬
tiquée,
entr'autres, par M. Quénu. Nous donnons la préfé¬rence à un
procédé recommandé
parM.Moure, procédé rela¬tivementsimple, encorequ'il exige de l'adresse : c'est d'aller,
avecun litliotriteur urétral ordinaire, morceler le séquestre.
Les fragments serontensuite extraits par une douche rétro- nasale abondante.
CHAPITRE VII
OBSERVATIONS
Dans ce
chapitre
nouspublions les observations que nous
avons pu
recueillir.
Observation I
(Duplav, cité par
Lancial, lu Thèse de Kaplan, Paris 1891-1892.)
Thrombose du sinus caverneux.
La nommée
Adélaïde B..., âgée de quarante-trois ans, journalière,
entreà l'hôpital
le 20 mai, salle Sainte-Marthe, dans un état général
grave.
Peu de renseignements : trois mois avant, érysipèle de la face,
dontil ne resteaucune
trace. Depuis quinze jours seulement, elle souffre
del'affection
actuelle. Elle fut prise de douleurs très vives intra et
péri-orbitaires du côté droit. On ne peut attribuer sa maladie à aucune
causetraumatique ou
autre
connue.Les douleurs du début sont allées
en
augmentant et
sesont accompagnées de troubles visuels du côté droit,
tels que :
brouillards, perceptions d'étincelles, et cela pendant huit jours
environ; cen'est (pie
depuis
unesemaine que l'œil droit est devenu plus
gros, en
même temps il est survenu une cécité complète. Elle souffre de
lagorge
depuis quinze jours d'après elle et sa voix est nasonnée. Pas
d'engorgement
ganglionnaire,
aucune traced'affection cutanée spécifi¬
que. Sur huit enfants venus à terme, quatre
sont morts.
Etal actuel. —Larégion del'œil droit est
considérablement gonflée,
les paupières sontrouges,
œdématiées, recouvrant le globe oculaire. En
lesécartant, onconstate uneexophtalmie sans quele
globe de l'œil lui-
mêmeparaisse
augmenté
devolume. Il
estpresquecomplètemént immo¬
bile. Sa consistance est normale. Légère
déformation de la pupille,
chémosis considérable. Tuméfaction péri-orbitaire mollasse, surtout
accusée àlapartie supéro-interne et qui
paraît
secontinuer
avecla
branche montante du maxillaire. Voies
«lacrymales obstruées, sécheresse
des deux narines. Il est difficile de reconnaître, par suited'un enduit noirâtre, quelles sont exactement les
lésions dont
on soupçonnel'exis¬
tence surle voile du palais. L'oreille droite est
sourde
etlaisse échapper
du sangdepuis quinzejours.
Pouls 100,
peauchaude.
Diagnostic probable. —
Périostite syphilitique de la cavité orbi-
taire.
Traitement. — Gargarisme borax, glycérine;
bouillon, vin, potion
avecextrait quinquina.
Le 22 mai. Température, 40°2. Pouls, 100.
Examenophtalmoscopique. —
Dépoli de la cornée, pupille
un peu mobile, à contours légèrement irréguliers. Lefond de l'œil
nepeutêtre
exploré, il ya commeunvoile interposé (trouble du
corpsvitré). La
gorgeétantnettoyée, on constate une
large perte de substance
surle
voile du palais.
Le23. Température,39°. Pouls,
124. Même état local, état gastri¬
queet
pulmonaire.
Ondonne deux
verresd'eau de Sedlitz.
Le24. Température,39°1.
Vésicatoire.
Le 25. Exophtalmieainsi quele
chémosis diminués
;œil plus mobile.
Etat généralgrave, pas de
paralysie ni de
contracture.Le 26. Température, 40°2. Pouls,
136. Affaiblissement extrême, sub-
delirium lanuit; symptômes
pulmonaires. Mort à dix heures du soir.
Autopsie. — Œdème
considérable
etcongestion passive des deux
poumons qui sontnoirs et ne
crépitent plus
enarrière.
Rien despécial dans
les
autresviscères. Encéphale
:Après avoir
enlevéladure-mère, on trouve dela méningite suppuréeen
deux
points : 1° à la convexité, vers lapartie moyenne du lobefrontal
gauche. Le— 33 —
cerveau, ramolli superficiellementen ce
point,
estparsemé de petites
hémorragies punctiformes; 2° àla
base,auniveau de la protubérance
etdu bulbe;il s'écoule de tousces points une
certaine quantité de
pus.Phlébite suppurative dans un très
grand nombre de sinus, notamment
dans les sinus coronaire, caverneux etpétreux desdeux côtés.
Base du crâne : Lepérioste se détache très
facilement de la selle tur-
cique et de l'apophysebasilaire.Il
estépaissi,
rouge,et l'os, au-dessous
de lui, estévidemment atteint d'ostéite. Il est rouge,
pointillé, friable.
En faisant des coupesdu rocher du côté
droit,
onconstate
uneostéite
localiséesurtout auvoisinage du trou déchiré antérieur.
Cavitéorbitaire : Enenlevant la paroi supérieure de
l'orbite,
onne trouvede cecôtéaucunelésion osseuse. Il n'ya pasnon plus de phleg¬mon intéressant tout le tissu cellulaire de l'orbite; en disséquant letissu cellulaire, on trouvebien plusieurs collections purulentes en
forme de
fusées allongées entourantles vaisseaux, surtout
du côté interne du nerf
optique;
mais
àla partie antérieure de l'orbite le tissu cellulaire est
complètementsain.
Lenerfoptique ne
paraît
pasmalade, il
estencontact
presqueimmé¬
diat avecle pus.
L'œil neprésentepas
de lésion, humeur vitrée intacte, près de la
pa¬pillela
rétine présente
une oudeux taches blanchâtres.
Fosses nasales: Coryzachroniquenon
ulcéreux
àla partie antérieure
; lamuqueuseestépaissie
etun peu rouge.Plus
on serapproche des
par¬tiesprofondes
plus les lésions sont avancées.
Danslessinussphénoïdaux ilya une
véritable collection purulente.
Lamuqueuse y est
détruite
etl'os mis à
nu.C'est
en unpoint
corres¬pondant à
la face interne du crâne qu'on
atrouvé l'ostéite et la plus
grande
quantité de
pusdans les sinus de la dure-mère. On trouve des
lésionsanalogues dans
les cellules ethmoïdales jusqu'au voisinage de la
cavitéorbitairedroite; maiscelle-ci reste saine.
Observation II
(Publiéedans les
Annales des maladies de l'oreille, du larynx
etdes
organesconnexes, n°demars 1881,parM. le professeur Fournier.)
Une femmeâgée de trente ans,
déjà traitée
àplusieurs reprises
parnous pour
différents accidents de syphilis secondaire, vient
nousrétrou-
Jaf, 3
ver enoctobre dernier, se
plaignant simplement de ceci : maux de tête
habituels, qui ne
l'ont guère quittée, dit-elle, depuis un an; malaise
général; courbature, brisement, affaissement.
Notez
qu'elle
apuvenir à pied à l'hôpital et que jusqu'à ce jour,
elle a puvaquer
à
sesoccupations, c'est-à-dire travailler à son métier
de couturière.
Elle est admisele23octobre,
salle St-Thomas, n° 14. Pendant les cinq
premiers
jours,
onrelève chez cette malade, soigneusement observée, un
ensemble de symptômes se
résumant
enceci :
Fièvre notable, avecfrissonspassagers ;
état gastrique (inappétence,
langue
grisâtre, etc...); constipation opiniâtre; céphalalgie intense et
continue; pertedes
forces et accablement général, au point que la ma¬
lade
pouvait
àpeine
setenir debout et eût été incapable de marcher. Et
rien autre; rien de plus.
Si bien qu'en présence de tels symptômes,
vagues
d'essence et
nerépondant pas, même par leur réunion, à un
type
morbide bien défini, le diagnostic resta oscillant, indécis. C'est
ainsi qu'un
de
mescollègues, qui me remplaçait alors, songea d'abord à
un embarras gastrique
fébrile, puis à une fièvre typhoïde, et suspecta
plus
tard l'invasion d'une autre maladie ne se spécifiant pas encore par
quelque
signe formel.
Lesixièmejour, ce
signe attendu
serévéla enfin : ce fut une paraly¬
siedelasixième paire
droite. Le voile était levé sur la situation. C'était
le cerveau qui se
trouvait
en cause.Le traitement dès lors fut institué
ence sens.
C'estsur cesentrefaitesque
j'eus à examiner la malade. Les symp¬
tômes
qu'elle présentait alors et le caractère aigu de l'affection ne me
permirentpas
de supposer autre chose qu'une encéphalite, en dépit de
l'absence des autres
phénomènes, tels
quetroubles intellectuels, délire,
spasmes
musculaires, convulsions, embarras de la parole, etc.. etc.. qui
constituentle cortège
habituel d'une phlegmasie cérébrale.
Audelà, les choses
restèrent
enl'état, sans changement bien notable,
pendant
toute
unesemaine. Puis survint une hémiplégie gauche, avec
coma
progressif. Le lendemain, la paralysie sembla envahir le côté
droit. Ce mêmejour
la malade succomba. En somme, les symptômes
morbidesqui
déterminèrent la mort n'avaient pas duré plus de treize
jours.