FACULTE DE
MÉDECINE
ETDE PHARMACIE DE CORDEAUX
ANNÉE 1898-1899 N° 86
13E LA
Né à Chef-Doutonne (Deux-Sèvres), le 27 août 187-4
MM. MOUSSOUS, professeur... Pr(sident.
Examinateurs de laThèse: ^ ARNOZAN,professeur \ I RONDOT,agrégé /Juges.
LE DANTEC,agrégé )
Le Candidat repondra aux questions qui luiseront faites surles diverses parties
de l'Enseignementmédical.
BORDEAUX
G. G01N0UILII0U. IMPRIMEUR DE LA FACULTE DE
MÉDECINE
il, EU.M G0IRA U DE, il 1899
FACULTE DE MEDECINE ET
DEPHAlîMACIE DE BORDEAUX
M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES.. Doyen honoraire.
PROFESSEURS MM. MICE . . .
AZAM. . .
DUPUY.. . MOUSSOUS MM.
Professeurs honoraires.
Cliniqueinterne . . .
Cliniqueexterne. . .
Pathologieetthérapeu¬
tique générales. . .
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Médecinelégale .
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rurgicales desenfants .
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AGREGES EN EXERCICE:
section de médecine (PathologieinterneetMédecinelégale.) MM.CASSAET.
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MM. LE DANTEC.
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Pathologieexterne.
section de chirurgie et accouchements iMM.BINAUD.
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section des sciences anatomiques et physiologiques
IMM.PRINCETEAU. I Physiologie . . . MM.PAGHON-
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section des sciences physiques MM.SIGALAS. — Pharmacie . .
COURS COMPLÉMENTAIRES
Cliniquedesmaladiescutanéeset syphilitiques Clinique desmaladies des voies urinaires. . . Maladiesdularynx, des oreillesetdu nez
Maladiesmentales
Pathologie externe
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Physiologie Embryologie Pathologie oculaire
CONFÉRENCEd'hydrologie etminéralogie.
m. barthe.
mm.dubreu1lh.
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moure.
régis.,
denuge.
rondot.
chambrelent.
dupouy.
pachon.
cannieu.
lagrange.
carles.
Le Secrétaire de la Faculté; LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879^ la Faculté a arrêté que les opinionsémisés ■ = Thèsesqui luisont présentées doiventêtre considérées commepropresà leursaut >^ qu'elle n'entend leurdonnerni approbationniiinprobation.
, MON
PÈRE
-4 Mt MÈRE
faible gage de filiale tendresse
deetprofonde .
A. MES SŒURS - A
MON FRÈRE
A MES PARENTS ET
AMIS
, .
A MON PRÉSIDENT DE THÈSE
MONSIEUR LE
DOCTEUR MOUSSÔUS
PROFESSEUR DE CI/UNIQUE MEDICALE DES MALADIES DE L'ENFANCE
OFFICIER D'ACADÉMIE
;
Arrivéau terme de nos
études médicales classiques, il nous
est un devoir bien doux
à remplir
:celui de remercier les
maîtres qui, tant
à la Faculté
quedans les services des hôpi¬
taux, nous ont
inculqué les principes de la médecine et de la
chirurgie.
Que M. le professeur
Boursier,
enparticulier, reçoive ici
l'expression de notre
plus profonde reconnaissance; nous
n'oublieronsjamais la façon
dont il sut vis-à-vis de nous, pen¬
dant les quatre années
où
nous avonssuivi ses leçons, allier à
la science éclairée du maître une
bienveillance de tous les
instants.
M. leprofesseur Moussous,
après
nousavoir initié pendant
quelquesmois —hélas !
bien courts
— auxdélicatesses de la
médecine infantile,nous faitl'honneur
de vouloir bien accepter
laprésidence de ce modeste
travail
;qu'il soit assuré de notre
sincère gratitude.
Merci à tous nos maîtres des hôpitaux, à M.
le Dr Monod,
àMM. les professeurs Gassaët et
Picot, à M. le Dr Moure, sous
les auspices desquels nous avons
accompli notre stage hospi¬
talier. Nous avons eu labonne fortune de faire sous
la direc¬
tion de M. le professeur agrégé
Rivière
nosdébuts dans la
pratique obstétricale; qu'ilnous permette
de lui dire combien
nous avons su apprécier, outre son
admirable dévouement à
l'enseignementde sa profession, le
courant de franche cordia¬
lité qu'il avaitsu établir de maître à
élèves.
Que MM. les professeurs agrégés
Le Dantec et Pachon dai¬
gnent recevoir l'assurance de notre respectueux
souvenir, pour
la bienveillance qu'ils nous ont
plusieurs fois témoignée dans
lecoursde nos études.
INTRODUCTION
Enfaisantnotre thèse sur la possibilité d'une
réinoeulation
syphilitique, nous n'avons pas la prétentionde trancher la
questiond'une façon définitive; nous n'avons pas non
plus le
dessein d'analyser et d'exposer tous les cas
de réinfection
syphilitique que l'on peut relever dans la
littérature médicale.
Quoi qu'il en soit, nous en avons réuni
le plus
que nous pouvions. Nous avons puisé à toutes les sources, nousréser¬
vant bien entendu le droit de discuter toutes les observations
quenous citons.
Comme on le verra au cours de ce travail, notre thèse n'a
pourbut, somme toute, qued'être un exposé
très impartial du
sujet; malheureusement, comme nous le disions tout
à
l'heure, le sujet prête trop à controverse pourqu'on puisse
trancher la question.
En somme, après des périodes diverses, on
était arrivé à
admettre qu'un individu ayant contracté la
vérole
nepouvait-
pas être réinoculé..
On avait admis aussi qu'un sujet issu de
syphilitiques était
immunisécontre la diathèse; voilà les lois
générales qui
ontétéposées ily a déjà longtemps en principe.
Il faut reconnaître qu'il existe des exceptions
nombreuses
quebeaucoup d'auteurs ont signalées et qui ont
été le point de
départd'une série de travaux tendant à prouver lecontraire.
Comme toujours, les lois trop absolues sont
le point de
départde réactions violentes, etc'est ce qui est arrivé.
Nous
chercherons la vérité entre ces deux extrêmes.
— 10 —
Dans les maladies
infectieuses,
il en est certaines quioffrent cette particularité remarquable, qu'elles modifient l'or¬
ganisme d'une façon telle que cet organismeconstitue alors un
milieu dans lequel il est impossible de reproduire cette affec¬
tion; ceci est ce que l'on a défini d'un mot : l'immunité.
Débutant aussitôt que l'organisme est infecté entièrement,
elle dure aussi
longtemps
que persiste la maladie. Commele dit Hudelo, on n'a pas en même temps deux varioles, deux rougeoles, etc. L'immunité débute, comme nous venons de ledire, tantôt au moment où l'infection est réalisée, c'est-à-dire
au moment où éclosent les premiers symptômes, d'autres fois c'est dans la période prodromique, dont la durée est variable, qui s'écoule entre l'infection et l'apparition des premières manifestations.
Elle a ce caractère, dans le cas où les premières manifesta¬
tions peuvent s'inoculer à l'individu sain, d'empêcherla réino¬
culation de ces manifestations au porteur primitif. Dans d'au¬
tres cas, l'immunité subsiste, la maladie qui l'a créée ayant elle-même
disparu,
en apparencetout au moins.Cette immunité peut être définitive dans certains cas, bien entendu, témoin les oreillons ou la scarlatine. Dans d'autres cas, cette immunité disparaît avec le temps, et aubout d'un
délai plus ou moins long, suivant les infections, on peut réino¬
culer avec succès la même maladie. Ces faits sontbien connus, et il n'est pas de praticien qui n'ait observé de rougeole se
répétant chez le même individu.
En
résumé,
l'immunité est un état passager ou permanent qui empêche d'une façon absolue la maladie de se produiredeux fois surle même individu, tant que cet état d'immunité persiste.
Dans cet ordre
d'idées,
est-il possible d'avoir deux fois la syphilis?C'est une des questions qu'il importerait le plus de résou¬
dre d'une façon ou d'une autre, et cela d'une manière indis¬
cutable.
En somme, c'est la curabilité ou l'incurabilité de la
syphilis
— 11 —
qui est en
jeu; mais,
commele dit Paul de Molène (Ann.
dermat. etsyphil.) : «
Malheureusement, les avis sont partagés,
etsi la plupart des auteurs pensent que
la syphilis récidivée
ou double n'existe pas, d'autres, au
contraire,
etdes plus
autorisés, professent l'avoir
observée.
»Diday (Arch. méd., 1882), Neumann,
Rodet, Sturgis, Cas-
pari, Gabolodsky, ont
publié des observations tendant à
prou¬verla possibilité d'une réinfection
syphilitique.
D'après d'autres, au contraire,
l'apparition des accidents
générauxcréeraitune immunité qui
persisterait toute la vie.
Avant d'aller plus loin, nousferons remarquer que
lorsqu'il
s'agit d'immunité comme de réinfection, onne
doit
pasdéduire
ce qui se passera dans une maladie de ce qui se passe
dans
une autre; chaque infection a ses réactions propres
absolu¬
ment distinctes et caractéristiques. On peut joindre
à cela
que, bien souvent, suivant le terrain, ces manifestations et ces réactions elles-mêmes sontplus ou moins modifiées.
On ajoutera, en outre, que dans les infections,
quelles
qu'elles soient, l'incubation est courte; que non seulementl'incubation est rapide, mais encore l'évolution brève, que
la
syphilis, elle, possède une«incubation longue, uneévolution
dont la durée est indéfinie, ce qui a fait dire à
Fournier qu'on
pourrait définir la syphilis « un état de santé parfaite,
inter¬
rompu seulementpar des explosions d'accidents
de
temps en temps».C'est justement ces longues périodes de répit,
pendant
lesquellesaucune manifestation ne vient troubler la santé du malade, qui compliquent le problème de la réinfectionsyphi¬
litique.
Comment affirmer avec certitude qu'unindividu
n'était plus
en état d'infection syphilitique, lorsqu'on voit des
accidents
éclater trente ou quarante ans après la cessation
de
toutemanifestation spécifique ?
Quantà la question de savoir si la syphilis est une
maladie
inoculable, de lamentables et inombrables expériences ontprouvé son inoculabilité à l'individu sain. C'est surtout dans
— 12 —
la période qui s'étend de 1830 à 18(38 que ces expériences ont été faites.
Grâce à elles, on a pu facilement déterminer non seulement lapériode d'incubation de la vérole d'une façon certaine, mais
encore la date d'apparition générale des accidents secondaires et leur durée.
On faisait en même temps la réinoculation syphilitique aux
individus déjà contaminés. C'est à l'ensemble de ces pratiques qu'on a donné le nom de syphilisation.
Beck en
Norwège,
Osias Turenne en France et Spedino enItalie, ont cloué leurnom à la syphilisation.
DE LA
RÉINOCULATION SYPHILITIQUE
HISTORIQUE
L'histoire de la réinoculation syphilitique débute avec l'his¬
toire de la syphilis elle-même. Gommela diathèse elle-même,
elle est fort mal connue au début. Il était impossible à des
auteurs qui ne connaissaient même pas la syphilis de traiter
laquestion de la réinfection syphilitique.
Gomme beaucoup d'auteurs modernes encore, ils ont pris
pourdes réinoculations, ouplutôt desrécidives, des accidents
secondaires ou tertiaires dont Fournier et du Gastel ont fait justice dans ces derniers temps.
Sil'on joint à celaque l'on a longtemps confondu
l'accident
initial delàsyphilis avecle chancremou, on voit avec quelle
facilité les premiers syphiligraphes pouvaient
admettre la
récidive du mal napolitain ou du mal français suivant leur
nationalité.
On peut à la rigueur citer : Antoine Leocq, en 1540, qui,
dans son livreDe lue hispanica, croyaitqu'un individu
pouvait
avoir deux syphilis; Bartholomeo Maggi, qui, en
1550,
parta¬geait cette opinion. Brassavole poussait les choses
plus loin et
écrivait dans la même année qu'une première
syphilis
peut disposer àune seconde.Trajan Petronius admit, lui aussi, la réinfection syphilitique
et ajouta que le traitement à base de gaïac était particulière¬
ment efficace lors de la récidive et pouvait dans une certaine mesure la prévenir.
Yidius-Vidiusétaitpartisan, lui aussi, de la possibilitéd'une deuxième réinfection. Il ajoutait même que la seconde était moins graveque la première et se bornait en général à l'acci¬
dent primitif. Nous ne nous attarderons pas à discuter l'opi¬
nion de ces auteurs; nous ne l'avons citée que pour montrer que d'une façon générale la récidive de la syphilisa été admise d'une façon courante, a été
classique,
tant que la syphilis elle- même n'a pasété tirée du chaos des maladies générales etdes réinfections vénériennes.Hunter fut le premier à dégager Yunicité de la syphilis;
Ricord insista lui aussi sur cette unicité dans satraduction de Hunter.
En effet, dans une notede Ricord, ontrouve : «(L'expérience
a appris qu'un sujet déjà atteint de syphilis constitutionnelle
n'est plus apte à contracterune nouvelle infection générale. » Dans son Compendium de médecine, il ajoutait,revenant un peu sur ses idées primitives : « La loi d'unicité sur la diathèse est-elle absolue? Probablement non. La disposition acquise
peut s'atténuer et finir par s'éteindre. Dans le premiercas,
une première infection générale devenue possible produira
des accidents constitutionnels modifiés. » C'est là qu'il faut
chercher l'origine de tous ces fameux dérivés, que Ricord dénommait pittoresquementles syphiloïdes.
« Un malade, du reste, quia déjàeu un chancre induré n'en
a pas d'autres... Ilest probable que cette loi doit présenter
des
exceptions, quoique je n'en aie jamais vu. »Follin, en 1854, Puche, dans la même année, Delestre,
en 1860, se livrèrent à des études sérieuses sur la question.
En 1860, Horand et Diday firent les premières études appro¬
fondies sur le phénomène de la réinfection.
Dans un mémoire très important, publié dans les Archives générales de médecine et plus tard dans YHistoire naturellede
- 15 —
la syphilis, en
1862,
cedernier auteur présenta trente-deux
observations que l'onpouvait
considérer
commedes exemples
absolumentprobants de
réinfection syphilitique.
Ilavaitréparti ces cas de la
façon suivante
:1° Chancre et vérole pour effet de la
première contagion
;chancre seul pour effet de la
seconde
:dix-neuf
cas ;'2°Chancre et vérole pour effet de la
première contagion
;chancre etvérole atténuéspour effet de la
seconde
:dix
cas ;3°Chancre et vérole pour effet de la première
contagion
;chancreetvérole plus fortepour effet
de
laseconde
:trois
cas.Rollet, dans ses recherches cliniques
expérimentales
surla
syphilis, le chancre simple et la
blennorragie, dit
quel'im¬
munitén'a pas toujoursunedurée indéfinie,et si
elle
estjamais
générale et complète, c'est surtout à une époque peu
éloignée
de la maladie et avant que l'organisme ait eu
le
tempsde
seréinoculer.
Après ces auteurs, nous citerons encore les
recherches de
Hagenberger en 4863, Corten en 1865,Scarenzio
en1866,
Kobner en1872, Gascoyen en1875, Pelizzari en
1883.
Nous citerons encore les notes et les travaux de Vénot, de
Bordeaux (lettre à Diday, 1854), Melchior Robert.
Vidal de Cassis, dans son Traité des maladies vénériennes, prétendit que l'inoculation de la vérole «n'était
qu'une
hypothèse qui s'évanouissait ».Horand, en 1884, s'occupaencore de la question et,
suivant
en celaWallace et Bouley, inocula le produit de
sécrétion
de plaques muqueuses à un syphilitique parvenu à la
période
secondaire.
Depuis cette époque, des mémoires, assez peu
nombreux,
ont paru sur la question, et on peut dire que
depuis
unedizaine d'années il n'y a pas eu un véritable
travail d'en¬
semble faitsur ce sujet.
Nous citerons cependant, et en première ligne,
le travail
très consciencieux et très documenté de Hudelo, paru il y a
une dizaine d'années, surl'immunité syphilitique.
Deuxans plus tard, Journeault, dans sa thèse, fit à
Hudelo
— 16 —
le reproche d'avoir été partrop rigoriste et se montrapartisan
de là réinfection syphilitique. Il est inutile de dire qu'il n'ya
guère de comparaison possible entre ces deux travaux, etla thèse de Journeault nous semble un peu superficielle si on veut la comparer à l'œuvre de Hudelo.
Parmitouscesdocuments,il convientde citer àpart, comme
nous l'avons fait au début de cette étude, les recherches de A. Fournier sur le pseudo-chancre induré des syphilitiques.
(Archives générales de médecine, 4868.)
Dans ce travail, Fournier montra que ce quejusqu'alorson avait souvent pris pour des chancres indurés de récidive,
n'étaient que des manifestations dues à l'infection primitive
etqui se
développaient
ipsofacto en dehors de toute contagionnouvelle.
Depuisla publication de son mémoire, de nombreuxauteurs ont insisté sur les causes multiples d'erreur dans de sembla¬
bles cas; parmi ces auteurs, nous citerons: Thibierge, Lan- douzy, du Castel.
C'est ainsi que ce dernier auteur (Sem. méd., 1888), et quelques autres qui ne sont pas partisans de la réinfection,
ont signalé des cas dans lesquels, après un coïtcertainement suspect, des syphilitiques ont eu des accidents chancrifor-
mes. « En admettant, dit du Castel, qu'il s'agisse d'une infec¬
tion, on est tenté de croire qu'on est en face d'un complément d'infectionplutôtqued'uneréinfectionvéritable, d'uneseconde intoxication par un virus fort chez un intoxiqué la première
fois par un virus faible. Ce serait,comme dit Diday,unevérole
en deux livraisons complémentaires. »
Du reste, cet auteur est revenu plus tard sur sa première opinion,un peu trop absolue,etdansuneobservation quenous citerons dans le cours de cette thèse, il dit lui-même qu'en présence de certains faits on est réellement obligé d'admettre
la possibilitéd'une réinfection syphilitique. »
Danslemémoirede Diday,Lasch,tout enadmettantqu'avant l'apparition de la roséole il est possible d'inoenler au porteui
d'un chancre la sécrétion de ce chancre, dit que le plus sou
— 17 —
ventlaréinoculationnedétermine pas unedeuxième infection,
maisseraitune provocationaudéveloppement
de lésions
papu-leuses que Clerc
appela le chancroïde.
Demême,Zeissl aécrit: « L'inoculation de
virus syphilitique
à des sujets syphilitiques produit
parfois
unelésion qui est
lechancroïde de Clerc. Si l'on inocule cette lésion à un indi¬
vidusain, on obtient : ou rien, ou un ulcère
local vulgaire,
ouunchancre induré avec syphilis constitutionnelle (si
le liquide
inoculé contenait du virus syphilitique). »
Neumann rapporte des cas où le frottement
simple, l'irrita¬
tion de l'épiderme, produirait des indurations. « C'est
ainsi,
dit-il, que chez les syphilitiques une irritationquelconque
pourrait déterminerau pointtouchéune induration. »
Ce seraitmême, d'après l'auteur, un moyen
de reconnaître
lasyphilis latente.
A l'appui des opinions des différents auteurs que nous
venons de citer et des explications qu'ils donnent pour mon¬
trerla possibilité d'une réinfection qui aurait pour
base
uneerreurde diagnostic, nous pourrions ajouter tous
les
cas que Fournier a énumérés dans ses leçons sur le pseudo-chancre; du reste, il faut admettre, que d'une façon générale, tousles
accidents syphilitiques ontune tendance àl'induration, et quel
estlepraticienqui, en face d'une plaque muqueuse
isolée des
grandes lèvres chez une femme, ne s'est point trouvé embar¬
rassé pourétablir son diagnostic?
Ce point de diagnostic différentiel entre le chancre et le pseudo-chancre est entièrement traité par Fournier. Nous
n'insisterons pas, nous contentant simplement de noter que dans les cas de pseudo-chancres, l'adénite n'est pas le
plus
souvent indolore et que son évolution est d'ordinaire rapide.
En troisième lieu, le manque de roséole vient
confirmer
lediagnosticdu pseudo-chancre.
On pourra nous objecter qu'il existe des roséoles dites
de retour; mais, outre la rareté de cet accident, la roséole
de retour est un érvthème qui se manifestera le plus souvent
en même temps que le chancre, chose qu'on ne voit pas
2
— 18 -
d'une façon courante lorsqu'on a affaire à une roséole secondaire.
C'est ainsi que Ancelon a publié quatre cas de pseudo¬
chancre qui, à première vue, semblaient en imposer abso¬
lument pour des chancres indurés nets. Seul, le manque d'accidents secondaires consécutifs empêcha de porter le diagnostic de chancre infectant.
Il ressort de la longue série de faits que nous avons énu- mérés qu'il reste encore beaucoup de syphiligraphes, et non des moindres, qui ne sont pas convaincus dela réalité du fait de la réinfection.
Ce scepticisme s'explique par les conditions rigoureuseset multiples que réclame, pour être valable, une véritable réin¬
fection syphilitique.
Si l'on veut ajouter à cela que l'histoire de la première syphilis est souvent bien difficile à établir, que si l'on s'en rapporte à ce que dit le malade, on a de fortes chances de se
tromper, si c'est un autre médecin que l'expérimentateur qui
l'a observé. Il faut autant que possible que cet autre médecin
soit lui-même un syphiligraphe, car les sources d'erreursont nombreuses; mais, de plus, quand il faut examinerlarécidive
ou la soi-disant récidive de la syphilis, les difficultés sont alors plus grandes.
On peut observer chez un individu syphilitique déjà deux
sortes de lésions ou des lésions qui n'ont rien de commun
avec la diathèse, tel l'herpès génital, par exemple, et
qui
cependant peuvent en imposer absolument pour l'accident
initial de la syphilis, vu la facilité avec laquelle des
maladies
étrangères à la syphilis reproduisent l'induration syphilitiquesur unterrain syphilisé déjà.
En d'autre cas, le syphilome primitif sera simulé par une syphilide quelconque ulcéreuse secondaire, dont la base s'in-
durera et qui
s'accompagnera
d'adénite. Les accidents secon¬daires seront,dans ce cas, constitués, commedans lepremier,
par ce qu'on est convenu d'appeler la roséole tardive.
Comme oh le voit par ce très court exposé des causes
— 19 —
d'erreur que nous venons
d'énumérer, il n'est
pasétonnant
qu'il y ait eu autant
de
casde fausse syphilis récidivée qui
aientété publiés,
Nous aurons souvent l'occasion, au cours de ce travail,
de rappeler ces causes d'erreur au
sujet d'observations qui
n'étaient des observations de syphilis récidivéeque dans l'ima¬
gination de ceux qui les rapportaient,
qu'elle qu'ait
puêtre
leur bonne foi.
Nous ajoutons en dernier lieu que, depuis quelques années,
la question semble avoir été pour ainsi dire laissée systéma¬
tiquement de côté quant à la période primaire et
la période
secondaire.
Pour la période primaire, on en parle très peu; à peine
si
quelques rares auteurs français citent des cas de chancres serépétant à des époques où le malade était encore au cours de
lapériodeprimaire.
Quant à la réapparition de l'accident initial au cours de la période secondaire, personne n'en dit mot, et à juste raison,
carlaquestion nous semble absolumenttranchée.
Nous ne parlons pas, bien entendu, des travauxde certaines
Universités dont l'exotisme favorise les élucubrations souvent fantaisistes.
Gomme on le voit, jusqu'à notre époque la question de la
réinoculation a passé, en résumé, par trois phases.
Dans une première période, il a été admis d'une façon
courante que la syphilis récidivait. Avec Hunter, ce fait fut rejeté; avec Ricord-, Fournier et Diday, on a admis que dans
certains cas, très rares, il pouvait y avoir réinoculation du
virus syphilitique.
CHAPITRE PREMIER
Avant de commencer notre discussion sur la réinoculation
syphilitique, il faut que nous définissions exactement ce que
nous entendons par réinfection dans le cas présent.
Nous entendons par réinfection syphilitique la possibilité,
pour un même sujet, de contracter deux fois la syphilisau
cours de son existence, infections qui seraient caractérisées
toutes deux par : 1° un chancre accompagné d'induration, d'adénite indolente en chapelet, accidents survenantaprèsune contamination avec un sujet syphilitique, la contamination
datant d'une douzaine dejours au moins et d'une quarantaine
au plus ; ces accidents seraient suivis d'une éruption surle tégument, dans les cheveux, d'une poussée sur les muqueuses
six semaines après la manifestation primitive que nous avons décrite, et enfin ces mêmes accidents seraient influencés d'une façon rapide par le traitement mercuriel.
En un mot, que la première et la deuxième infection satis¬
fassent entièrement aux lois de Fournier qui actuellement
sont admises à peu prèspar tout le monde.
Au cours de ce travail, nous ne nous départirons pas
des
règles que nous venonsd'énumérer,
et tous les cas qui ne rempliraient pas les conditions des lois émises parFournier
seraient par nous impitoyablement rejetés.
Nous examinerons successivement les cas de réinfection syphilitique à la période primaire, à la période
secondaire,
ala période tertiaire, et dans lescas de syphilis
héréditaire-
Nous ajoutons que nous en avons
rencontré si souvent de si
franchement récusables, que nous les avons
rejetés
sansmême
vouloirles discuter.
Lasyphilis est-elle
réinoculable à la période primaire ?
Il y atrois points
à examiner dans cette question. Beaucoup
d'auteurs, laissant de côté la période
d'incubation du chancre,
n'entendent par période primaire que
l'accident primitif lui-
même etl'adénite caractéristique qui l'accompagne.
Pour nous, nousentendons par
période primaire la période
qui s'étend depuis le moment
où l'inoculation
aété faite jus¬
qu'à l'instant où apparaissentles
accidents secondaires
propre¬ment dits; par conséquent, nous allons
examiner si la syphilis
estréinoculablependant la période
d'incubation, pendant l'évo¬
lution du chancre, enfin, entroisième lieu, dans
la période qui
s'étend de la cicatrisation du chancre à la roséole. L'immunité
débute-t-elle avec l'incubation du chancre? En outre du peu
d'expériences que l'on trouve dans la littérature
médicale,
expériences parmi lesquelles nous citerons
celles de Gibert et
de Belhomme :
Gibert inocula le 28 février 1859 un sujet sain avec du
virus
de chancre syphilitique; cinq jours après, il
pratiqua
une nou¬velleinoculation, puis deux jours après une troisième.
Les deux premières inoculations furent positives;
la troi¬
sièmene réussit pas (Traité des maladies de la peau, tome
II,
page 483). Dans lamême année, Belhomme, le 9 mai,
inocula
de la même façon un individu sain. Le10 mai, il pratiqua une seconde inoculation, et le15 mai unetroisième.
Trente-cinq jours après lapremière inoculation
survinrent
des papules chancreusesau point delà première
inoculation
;lesdeuxautres n'évoluèrent pas.
Wallace, Lindvurm ont publié trois cas
opposés -.Wallace
inocula le 19 août1835, avec de la sérosité deplaquesmuqueu¬
ses, un individu indemne; douze jours après il
pratiqua
uneinoculation semblable : il se développa deux chancres
à six
jours d'intervalle l'un de l'autre. Le premier eut une
incuba¬
tion de vingt et un jours, l'autre de quinze jours. Lindvurm,
à
— 22 —
deux jours
d'intervalle,
pratiqua deuxinoculations;
le pre¬mier chancre eutune incubation de dix-neufjours, le second de vingt-quatre.
Puche, à vingt etun jours
d'intervalle,
fit deuxinoculations;
il vit apparaître deux chancres le même jourdont l'un eutune
incubation de dix-neufjours l'autre de dix-sept.
Didav, dans son Histoire naturelle de la syphilis, dit qu'un
individu sain que l'on vient
d'inoculer,
qui, classiquement,n'aura son chancre que dans une quinzaine de jours, sera
susceptible d'être réinoculé.
Mauriac, lui, est d'avis qu'avant l'apparition du chancre, jusqu'à environ le vingt-deuxième jour de l'inoculation, la réinoculation est encore possible.
A l'appui deces faits expérimentaux, nous citerons les cas
doubles ou triples des chancres indurés.
Maintenant,
il reste à examiner si le chancre est réellement réinoculable au porteur.Mauriac cite le cas d'un individu qui présenta, dix-sept jours après le coït, une érosion du prépuce, érosion qui s'indura.
Sept jours après, apparut un deuxième chancre dans la fossette gauche du frein.
Haslund, en 1887, cite le fait d'un individu qui eut un chancre le 30 mai 1884, puis deux autres six jours après, puis
un quatrième huitjours après. Le 11 juin, il était porteurde
onze chancres indurés.
Du Castel et Lasch citent des cas semblables. Pour que de
tels faits soientpossibles,il faut de touteévidence que l'immu¬
nité ne soit pas établie pendant l'incubation du premier
chancre.
Par l'ensemble des faits qui précèdent et que nousvenons
d'énumérer,
on voit que l'on peut conclure, sans être taxed'exagération,
que la syphilis peut être réinoculée lorsque lechancre induré primitif lui-même est encore à la
période
d'incubation.
La syphilis est-elle réinoculable lorsque le chancre indure
est constitué?
— 23 —
Ou bien, en d'autres termes,
l'infection est-elle complète à
ce moment-là?
Rollet,aprèsavoir cru
à la réinoculabilité du chancre (Gaz.,
Lyon, 1856),
publia
en1861
sesRecherches cliniques et expéri¬
mentales sur la syphilis, dans
lesquelles il déclara
que «le
chancre syphilitique le
plus récent n'est jamais inoculable au
porteur;il n'est
jamais à
aucuneépoque réinoculable. »
Il déclara, avec Laroyenne et
Basset,
quetous les chancres
qui avaient été
suivis de manifestations secondaires et qui
étaient réinoculés positivement,
étaient des chancres mixtes.
Diday n'admit pas ces résultats, et
déclara
quele chancre
induréest réinoculable au porteur. II joignait
à
sonmémoire
(Hist. nat. de la syph.) une
observation de Rodet et
une personnelle.Rollet, en 1865 (Traité des maladies
vénériennes), analysa
une quantité d'expériences faites un peu partout
et toutes plus
négatives les unes queles autres.
Hunter, qui ne connaissait pas le chancre
mixte, admettait
la réinoculation; Ricord, qui fit une
multitude de réinocula¬
tions, dit « quele chancre, inoculable à son
début,
nedevenait
irréinoculable qu'à la période de réparation ».
Contrairement
à cette opinion,
Égan,
quelques années plustard, n'était
pasparvenu à réinoculer un chancre du sein à lapersonne qui en étaitporteuse.
Avec Bassereau,le chancreinduré et le chancre mou
furent
définitivement séparés, confusion qui avait dû
créer
etqui
enfait avait créé une foule d'erreurs dans la série des faits que
nous venons de citer.
Clerc, Fournier, Puche, Poisson, Nadeaud des
Hets et
Ricord arrivèrent à cette conclusion: «Le chancre infectant,
à lapériode d'état, est d'une inoculation sinon
impossible, du
moins très difficile à obtenir au sujet quile porte. » Diday, Rollet,
Jullien,
Mauriac sont de cet avis.Une objection reste: nous voulons parler des chancres
qui
se succèdent à long intervalle, tel le cas
de Cullerier dans
lequel deux chancres se succèdent à vingt-cinq joursd'inter-
- 24 —
valle, celui de Diday à trois semaines, un autre, dû à Waller,
à quinze jours d'intervalle. Jullien en cite enfin un danslequel
un délai de trois semaines sépara les deuxaccidents.
Hasslund en cite cinq séparés par plus de quinze jours; de
même pour Lasch, Ulmann,
Ohmann-Dumesnil,
qui rappor¬tent des casabsolument analogues.
En 1883, Mauriac prétendit n'avoir eu que des insuccès, lui
aussi.
Dans l'autre camp, des expériences non moins concluantes et non moins nombreuses ont été citées : c'étaient Lee, Bi- denkap, Bœck, Melchior Robert, Kobner, Hjelt, Topelius, Faye.
Malheureusement tous ces cas, quoi qu'en aient dit les auteurs qui les rapportent, sontloin d'être typiques; aux lieux
d'inoculation,
il se développe de simples pustules qui appa¬raissent dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures qui
suivent l'expérimentation. Tantôt ce sont des chancres mous, tantôt de simples pustules. Bœck nota que l'inoculation est
toujours positive quand on panse le chancreavec de la charpie qui n'est pas souvent renouvelée, d'où abondance de sérosité, qui, comme le fait remarquer Bœck, est bien plus abondante
et plus purulente que lorsque le pansement est renouvelé fréquemment et est fait proprement.
En somme, ces faits démontrent que l'on n'a inoculé, somme
toute, que les
micro-organismes
de la suppuration vulgaire etnonla syphilis.
Les observations de Reger et de Melchior Robert, qui sem¬
blent les plus sérieuses, ne prouvent absolumentrien.
Sperinorapporte lefaitd'unenourriceporteused'un chancre
du mamelon qui avait été contaminée deux mois auparavant
par un nourrisson; deux jours après son entrée à l'hôpital,
on inocula la cuisse droite de la malade avec la sérosité du chancre induré; sept jours après seulement on observa deux papules, qui, précédées la veille d'une rougeur locale, se cou¬
vrirent sixjours après d'une croûte sous laquelle on constatait
une érosion superficielle.