FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE SCOLAIRE 1901-1902 N° 1.
EXTRACTION
PAR L'ÉLECTRO-AIMANT
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentée et soutenue publiquement le 15 novembre 1901
Georges-Louis-Justin-Williara YA RENNE
Né le 6 février 1878, â Paris (Seine)
ÉlèveduServicedesantéde laMarine
Ancien ExternedesHôpitauxde Bordeaux, Lauréat de la Facultéde Médecine (Prix delaFaculté 1900.Première mentionhonorable).
Examinateursde la thèse
MM. PIÈCEAUD, professeur,
BERGONIÉ, professeur, CHAVANNAZ, agrégé,
BÉGOUIN, agrégé,
Président.
Juges.
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront
faites
surles diverses
parties de l'enseignementmédical.
BORDEAUX
IMPBIMERIB DE Gr. DELMAS
10-12, rue Saint-Christoly, 10-12
-19CH
FACULTÉ DE MEDECINE ET 1)E PHARMACIE DE BORDEAUX
M.deNABIAS Doyen. M. PITRÈS... Doyen honoraire.
PROFESSEURS MM. MICE
DUPUY
MOUSSOUS. Professeursrhonoraires.
Clinique interne Clinique externe Pathologie et thérapeu¬
tique générales Thérapeutique Médecine opératoire Cliniqued'accouchements...
Anatomie pathologique..
Anatomie
Anatomiegénérale ethis¬
tologie Physiologie..
Hygaène
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
VERGELY.
ARNOZAN.
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Médecinelégale Physiquemédicale...
Chimie
Histoirenaturelle Pharmacie Matière médicale Médecine expérimentale.
Clinique ophtalmologique...
Cliniquedesmaladies chi¬
rurgicalesdes enfants.
Clinique gynécologique..
Clinique médicale des maladies des enfants..
Chimiebiologique Physique pharmaceutique
MM.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILLAUI).
FIGUIER.
deNABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
PIÉCHAUD.
BOURSIER.
MOUSSOUS.
DENIGÈS.
SIGALAS.
AGREGES EN EXERCICE :
section de médecine (PathologieinterneetMédecinelégale).
MM. SABRAZES.
LeDANTEC.
HOBjtsS.
MM.MONGOUR.
CABANNES.
section de chirurgieet daccouchements
( MM. CHAVANNAZ.
Pathologieexterne] BRAQUEHAYE.
B^GOUIN. Accouchements. MM. FIEUX.
ANDÉRODIAS.
section des sciences anatomiques et physiologiques
Anatomie 1 MM- RENTES.
Andt0mie
) CAVAL1É. Physiologie MM. PACHON.
Histoire naturelle BEILLE.
section des sciences physiques
Chimie M. BENECH. I Pharmacie M. DUPOUY.
COURS COMPLÉMENTAIRES
Clinique desmaladiescutanéesetsyphilitiques Cliniquedes maladies des voies urinaires Maladies dularynx, desoreilleset du nez
Maladies mentales
Pathologie interne Pathologieexterne Accouchements
....
Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologieetminéralogie Pathologie exotique
MM. DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
FIEUX.
PACHON.
PRINCETEAU.
LAGRANGE.
CARLES.
LE DANTEC.
Le Secrétaire de la Faculté:LEMAIRE.
Pardélibérationdu 5 août1879,la Faculté aarrêté quelesopinions émisesdans les thèsesqui lui
sont présentéesdoivent être considérées comme propres àleurs auteurs, et qu'elle n'entend leur donner niapprobation ni improbation.
A MONSIEUR LE DOCTEUR T.
PIÉCHAUD
Professeur de Clinique des Maladies chirurgicales des Enfants
Officier dm l'Instruction publique
Ce m'estlinebiendouceoccasion,moncher Maître, devousremercier publiquementdes
innombrables marques d'indulgence et de
sollicitude dontvousm'avezcomblé.
Jen'oublieraijamais labienveillanceque
vousm'aveztémoignéeetl'accueil sicordial quim'a toujoursété fait au sein devotre
famille. Varenne.
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A MONSIEUR LE
DOCTEUR A.-VV. DE ROALDÊS
Professeur d'Otologie, de Rhinologie et de Laryngologie
al'École deMédecine polyclinique deNew-Orléans (U. S. A.)
Chirurgienen chefde l'Hôpital spécialde New-Orléans Membre de l'American Laryngological Association, etc., etc.
Chevalier de la Légion d'honneur
Nous remercions ici, pour l'obligeance avec laquelle
ils
nous ont fourni des renseignements et des documentsutiles
àl'éla¬
boration de cette thèse :
M. le Docteur X.
DEBÉDAT,
Directeur du Service d'électro- thérapie etde radiographie àl'Hôpital des Enfants de Bordeaux.
M. E.-B. MEYROWITZ, ingénieur-opticien à
New-York
(U. S. A.).M. SOUEL,fabricantd'instruments et appareils de chirurgie,
à Lyon.
M. le Docteur JACQUET, pharmacien de première
classe,
à Lyon.Enfin, nous adressons l'expression de notre reconnaissance,
pour la gracieuseté avec
laquelle ils ont mis à notre disposition
leur talent de traducteur, à nos camarades MM. R. VOISIN,
lieutenant de vaisseau, chevalier de la Légion d'honneur, com¬
mandant le Gustave-Zéclé, et E. MIGNARD, premier Interne
de l'Hôpital municipal, à
Bordeaux.
G. Varenne..
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II!
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EXTRACTION
DES
Corps étrangers magnétiques des foies aériennes
PAR L'ÉLECTRO-AIMANT
CHAPITRE PREMIER
Considérations
générales.
Par leur disposition, leurs dimensions, leur structure et leurs rapports, les voies aériennes constituent un piège
continuelle¬
menttenduauxcorps étrangersintroduits dans la cavité buccale.
Ceux-ci, une fois engagés dans cette voie sans issue, de plus en
plus étroite et tortueuse, s'arrêtent à
des hauteurs variables,
se fixent ou restent mobiles, déterminant dans les deux cas la production de toute une sériede troubles fonctionnels,
souventfort graves, quelquefois
même mortels.
Pour éviterla production de ces troubles, il
faut évidemment
extraire le corps étranger : sublata causa, tollitur eff'ectus.
Durant les premiers jours qui suivent
l'ingestion du
corps étranger, on peut, à la rigueur,observer l'expectative armée.
Certains praticiens (ROE,
SWAIN, WARD, WOOLEN, etc.)
la préconisent même
quand le sujet est bien constitué et
ne— 14 —
présente pas de symptômes alarmants. Quelquefois, en effet, à la suite de brusques mouvements d'expiration, de quintes de
toux ou d'efforts faits pourvomir, le malade peut rejeterparles
voies naturelles le corpsétranger qui s'y étaitlogé. TILLAUX(1)
cite l'observation typique de BOURDILLAT, dans laquelle « un homme de 45 ans, en mangeant une cerise, sentit un léger picotement au niveau du larynx, et ce fut tout. A partir du lendemain, toux quinteuse et opiniâtre. Il maigrît et fut consi¬
déré comme phtisique.
» Trois mois après, dans une quinte d'une extrême violence,
il rendît le noyau par la bouche et guérît. » On voit par cet exemple qu'il est quelquefois possible, par l'expectative, d'épar¬
gner à un patient les risques d'une intervention chirurgicale.
Est-ce àdirequ'il faille toujours attendre ? Evidemment non.
Nous considérons au contraire la temporisation comme une ligne de conduitedangereuse, etnous nousrangeons entièrement
à l'opinion de M. le Professeur A. W. de ROALDÈS (de New- Orléans), qui, se basant sur les données de la statistique clinique, a démontré que l'intervention chirurgicale prompte
était supérieure à la politique d'expectative (2).
Certains corps étrangers dont la consistance et la forme sont
capables de produire, môme par un court séjour dans les voies aériennes, des désordres rapides et de graves lésions, ne doivent y être abandonnés sous aucun prétexte. Enfin, quelque
soit le corps étranger, l'évacuation spontanée est une rareté, et le moment arrive bientôt où il est indispensable d'agir, et d'agir rapidement. Il n'y a pas à essayer ici de provoquer l'expulsion
par les moyens dont dispose l'organe lui-même, comme cela peut être tenté pour des corps étrangers contenus dans des conduits musculaires capables de modifier leur calibre par leurs contractions, le tube digestif par exemple. Au niveau de l'arbre aérien, iln'y a presque rien à espérer de la faculté de défense propre à l'organe. Celui-ci, par ses réactions intempestives,
(1) TraitédeChirurgie clinique. Tome1, page 309.-
(2) A. W. deROALDÈS : Management of foreignhodies i.n the air passages, page17.
risquerait souvent plutôtd'augmenter la difficulté de l'extraction.
Le chirurgien devra donc, autant que possible, se frayer un chemin à la rencontre du corps étranger. S'il siège au niveau
de la portion supérieure du larynx, ilpourra encore être extrait
par les voies naturelles. S'il siège plus bas dans l'arbre respira¬
toire, les procédés d'extraction se compliquent singulièrement
comme nous le verronsplus loin. Quoi qu'ilensoit, «il faut, dit
TILLAUX (loc. cit.), explorer la trachée avec une pince, et
tenter l'extraction directe tout en sachant que ce procédé est
incertain et même périlleux ».
Procédé incertain, en effet, car, malgré les moyens dont le chirurgien disposeaujourd'huipouréclairer lescavitésnaturelles,
une pince poussée dans un conduit dont les parois irritées sont
enduites de mucosités etde sang ne présente que peu de chance
de bonne prise. D'autre part, de semblables manœuvres ne vont
pas sans exposer à de sérieux dangers. L'extrémité de l'instru¬
ment explorateur heurte parfois plus ou moins violemment les parois de la trachée, déjà mise en état de moindre résistance
parla présence du corps étranger. Et l'on conçoit sans peine
que, si le chirurgien se départissant de son calme et de sa
prudence, tente quelque recherche intempestive, il s'expose à produire au niveau des voies aériennes des désordres graves,
pouvant aller jusqu'à la perforation.
L'idéalserait évidemment de pouvoir extraireles corpsétran¬
gers des voies aériennes par un procédé exempt de violence et qui permette de réduire au minimum les chances de trauma¬
tiser le conduit laryngo-trachéo-bronchique. Cet idéal paraît
bien difficile à atteindre, étant donné que toute extraction implique une préhension préalable, et que la préhension est toujours plus ou moins violente, quelquefois malheureusement impossible. Mais il existe toute une série de corps étrangers qui peuvent bénéficier d'un autre mode d'extraction. Ce sont les fragments de métaux magnétiques, susceptibles d'être mobilisés
parl'influence des appareilsgénérateursd'attraction magnétique,
aimants et surtout électro-aimants. Or, il est à remarquer que
ces fragments de métaux magnétiques figurent fréquemment
2
— 16 —
dans la liste des corps étrangers des voies aériennes (aiguilles, boutons, clous, sifflets, etc.) (1). Nous avons donc lieu de penser que l'extraction des corps étrangers magnétiques des
voies aériennes par l'électro-aimantation constitue en l'espèce plus qu'un simple progrès, une véritable méthode de choix.
Malheureusement, il se présente quelquefois des cas où les procédés actuels sont insuffisants. Nous n'y vojmns qu'une
raison de plus pour espérer dans les perfectionnements à venir,
et nous tenons à honneur de faire constater que
l'École
de Bordeaux, en la personne de notre maître M. le ProfesseurPIECHAUD, a fait faireà cette intéressantequestion un progrès
sensible dans lavoie du perfectionnement.
(1) Traitédescorpsétrangersenchirurgie. — Voiesnaturelles, par le docteur Alf. POULET, 1879(p. 389).
CHAPITRE II
Historique.
—Recherches expérimentales.
L'extraction des corps étrangers* magnétiques des voies
aériennes parl'électro-aimantatiôn est de date récente.
En 1875, le professeur R.
VOLTOLINI
(de Breslau) aurait indiqué que l'on pourrait utiliser les propriétés de /'aimantpour extraire certains corps étrangers métalliques logés dans la
cavité laryngée. Mais ce n'était là qu'une simple hypothèse,
.une donnée formulée au cours d'une digression clinique, et qui,
à notre connaissance du moins, ne reçut jamais de son auteur
la sanction de la mise en pratique.
Il nous faut arriver à l'année 1900 pour trouver le point de départ des recherches entreprises sur
la
question qui nous occupe.En avril 1900, le professeur A. W. de
ROALDÈS
(de la Nou¬velle-Orléans), dans une communication
faite
àla
LouisianaState médicalSociety, surlafaçon detraiterlescorps étrangers
des voies aériennes, après avoir fortement préconisé une bron- choscopie à travers une incision de basse trachéotomie, remar¬
quait incidemment : « Quant aux corps
métalliques
qui sont magnétiques, je conseillerais l'essaide l'électro-aimant
Géantde HAAB, qui, dans certaines circonstances, pourrait être employé avecbeaucoup d'avantages, soitplacé devant la bouche,
soit devant l'ouverture trachéale, selon la situation du corps
étranger ».
Expériencesdu professeur deROALDÈS.
Dans une note manuscrite qu'il a eu l'amabilité de nous
adresser, M. le ProfesseurA. W. deROALDÈS s'exprime ainsi :
« Lapremière fois (1) queje pensai à employer cette méthode pourextraire les corpsétrangers magnétiquesdesvoies aériennes,
ce fut en voyant, il y a plusieurs années, un électro-aimant Géant de HAAB, qui venait d'être mis en service à la New- YorkEye and Ear Infirmary. Je fus tellement frappé par les
résultats pratiques obtenus par les oculistes avec cette disposi¬
tion spéciale dans l'extraction des fragments de fer ou d'acier
incorporés ou perdus dan£ l'œil, et de son adaptation possible
aumême usagepourles voiesaériennes, quejerésolus d'enrichir l'arsenal de notre hôpital de ce secours, et de l'expérimenter à
la première occasion. Ce désir fut accru par le souvenir de grandes difficultés que j'avais rencontrées en 1898, dans le cas
d'un enfant qui avait aspiré un bouton d'acier qui se logea au niveau de la première division de la bronche droite ou au-
dessous. Ici, il convient de dire quej'ai soigneusement cherché,
sans y réussir d'ailleurs, ainsi que d'autres, une indication
bibliographique portant sur ce sujet. Dans l'absence d'un cas
idoine où ce procédé put être appliqué sur le vivant, moins heureux que notre confrère français(2), j'ai dû me contenter de recherches expérimentales qui méritent cependant d'être prises
en considération. » Ces expériences, au nombre de 30 environ, furent faites sur des cadavres d'adultes avec l'assistance des Drs GORDON KING, HOMER, J. DUPUY, L. DE POORTER,
(1) Note ontheuse ofthe electro-magnet for the extractions of paramagnetic foreignboclies frorn the airpassages.
(2) Le Dr GAREL,médecin des hôpitauxde Lyon. Voir passim.
— 19 —
appartenant au Service
de
Santéde la
Bye, Bar,Nose and
Throat Hospital of New-Orléans. Des objets de fer ou d'acier,
de poids et de dimensions
différentes, tels
queles suivants
: 1° Un clou de charpentier (17 grains, longueur de1 pouce trois quarts),
2° Un écrou (24 grains, longueur = 3/4 de
pouce),
3° Un boutond'acier (15grains, diamètre— 5/8 de pouce),
4° Une épingle à
tête de
verre, 5° Uneplume,faisaient partie des corps étrangers
employés.
L'aimant employé était l'électro-aimant Géant,
tel qu'il est
figuré dans la plancheci-jointe, le dernier perfectionnement
de l'original de HAAB, et
beaucoup plus fort
quecelui de
HIRSCHBERG, JOHNSON ou autres, le courant étant l'Edison
110 volts. La zone d'attraction pour les corps étrangers men¬
tionnés plus haut était mesurée en
les plaçant dans
untube de
verre d'environ 1 pouce de diamètre, et
de 24 de long, dont
unemoitié était doublée de cuir à l'intérieur, l'autre moitié présen¬
tant une surface polie. Cette disposition
expérimentale fut
adoptée comme présentant unecertaine analogie
avecles voies
trachéo-bronchiques, la surfacede
verrepoli et celle de la
garniture de cuirréalisant différentes conditions de frottement.
Dans ces circonstances, le clou de charpentier fut attiré : à9 poucestrois quarts sur la
surface polie,
à 9 pouces surle cuir.
L'épingle à
tête
de verre :à 12 pouces et demi sur
le
verre, à 10 pouces et demi sur le cuir.Le bouton se mit en mouvement à8 pouces.
La clef et la vis à 7 pouceset demi, etc., etc.
Sans entrer dans les détails de ces nombreuses expériences,
détails qui seraient fatigants et
prêteraient
àconfusion, je les
— 20 —
diviserai simplement, pourplus de convenance, enquatreclasses différentes, et je me limiterai à la
description
de quelques-unsdes plus importants et à telles conclusions ou impressions per¬
sonnelles qui peuvent en être tirées.
Classe A. — Expériences, au nombre de 8, sur des objets placés dans les voies aériennes supérieures. Les différents corps étrangers furent placés successivement à des distances et dans des positions variables dans le nez, quelques-uns dans le naso-
pharynx, et tous, sauf 2, furent promptement extraits par
l'électro-aimant, placé en face des narines. Le résultat heureux dans cette région n'a qu'une importance minime en raison de l'accessibilitédes cavités nasalesavecdes instrumentsordinaires éclairés convenablement, et à cause de la facilité relative avec
laquelle le praticien agit en pareille circonstance. Des insuccès peuvent se produire lorsqu'on a affaire à des instruments pointus et effilés (épingles,
plumes),
qui, par la traction aveuglede l'aimant, sont susceptibles de s'implanter dans les tissus d'une cavité un tant soit peu irrégulière.
Spécialement, si l'on opère sur le vivant, doit-on se rappeler
que l'on peut rencontrer une résistance douloureuse des parties molles et un obstacle provenant de l'irritation et de la tuméfac¬
tion inflammatoires.
En pareil cas, l'usage préliminaire d'une application d'extrait fluide de capsules surrénales (1) ou de cocaïne ne doit pas être négligé.
ClasseB.—Expériences, aunombre de3, les corps étrangers
étant placés dans le larynx. Des corps étrangers, dans cette région, soit au-dessus, soit au-dessous des cordes vocales, résistèrent à l'attraction de l'aimant, dont la pointeétaitplacée
(1) Leprincipeactif de l'extraitfluidedecapsules surrénales, isolésousle nom
d'adrénaline par JOKICHI TAKAMINE (de New-York), estemployéenAmérique
comme hémostatique et décongestionnant, surtout dans la chirurgie des voies aériennes et particulièrement des fosses nasales. Voirà cesujet: Clinical expé¬
rience voith adrénaline, by EMIL MAYER, M. D. New-York City. From the PhiladelphiaMédical Journal(17avril 1901).
— 21 —
dans la bouche, àenviron 1 pouceet demi desdents. Le
tube du
plus fortcalibre de lafilière de LEFFERT
pourtubage du larynx,
dans le cas de sténose extrême chez les adultes, fut aussi placé
in situ. Un clou de charpentier, placé à l'extrémité
inférieure
de la lumière de cetube, ne futpas amené dans la
bouche
par l'aimant. Je dois reconnaître que ces expériences, à caused'une
disposition défectueuse, ont étéinfructueuses
parce quel'électro
de HAÀB, le seul que j'eusse à ma disposition à ce moment,
convient mieux pour l'œil et le nez que pour
le larynx et les
voies trachéo-bronchiques.
Classe C. — Expériences au nombre
de 15,
surdes
corps étrangers placés
dans la trachée et les bronches. Pour
ces expériences, on
fit
unetrachéotomie basse,
avecinci¬
sion d'un pouce de long. Les corps
étrangers (clous, boutons
d'acier, etc.) furent introduits successivement
à
traversla plaie,
à différentes distances, dans la trachée et les bronches. Ils
furent extraits aisément par l'aimant, placé au niveau
de la
plaie, et, dans un cas,éloigné d'elle de trois quarts de
pouce, agissant, par suite, sous unecertaine obliquité. On
remarquaque l'action était
légèrement ralentie
parla résistance des
tissus et le frottement, résultant de ce faitque les corps
avaient
à glisser le long de
la paroi antérieure des voies respiratoires.
On ne réussit pas lorsque le
clou
oule bouton
setrouvaient à
une profondeur
dépassant 5
pouces unquart, à partir de l'inci¬
sion trachéale (2 pouces
au-dessous de la bifurcation)
;cet
insuccès montre que la zone de
traction de l'aimant avait été
dépassée,
même quand
onla plaçait dans la lumière de la tra¬
chée. Un autre insuccès suivit une expérience faite avec un faisceau de fils de fer, dont une extrémité était en contact avec le corps étranger, et
l'autre étroitement appliquée contre l'ai¬
mant, au niveau de la plaie trachéale.
L'induction
nefut
passuffisante dansle faisceau pourextraire l'objet, qui
était distant
de 6 pouces. Pour
reprendre
cesobjets, le I)r GORDON KING
eut recours à la bronchoscopie au moyen
de l'œsophagoscope.
Leur extraction n'offrit aucune difficulté, en
employant
une lumière convenable et une pince spéciale.— 22 —
Classe D.—Expériencesfaitesavec
l'électro-aimant,
appliquéà l'extérieur :
« N° 1. — Le bouton ayant été placé dans une des bronches,
l'électro-aimant fut placé à l'extérieur contre le thorax, immédiatement au niveau du corps étranger. Ce dernier glissa le long de la paroi antérieure et fut amené jusqu'à
l'ouverture de la trachée, en promenant l'aimant sur la peau.
» N° 2. — Les résultats furent les mêmesavecunboutonplacé
dans l'espace sous-glottique, l'électro-aimant étantpromené lelong de la peaudu cou, depuisle larynx jusqu'à l'incision
trachéale.
» N° 3. — L'essai, fait pour chasser le bouton, depuis latra¬
chée jusqu'à la bouche à travers le larynx, en employant
l'électro-aimant à l'extérieur, ne fut pas suivi de succès.
On doit noter cependant que les conditions d'expérience,
dansce dernier cas, étaient auplus haut point défavorables,
parce que l'aimant était d'un maniementdifficile, qui empê¬
chait un contact étroit avec les parties du champ opéi^a-
toire.
» Les essais faits avec l'électro-aimant appliqué à l'extérieur, malgré cet insuccès partiel, sont cependant susceptibles
d'un brillant avenir. »
Ces expériences ne furent pas les dernières entreprisespar le professeur de ROALDÈS. Nous veimons plus loin (Chapitre III.)
que cet éminentpraticien a commencé des recherches nouvelles pour l'extraction des coiqxs étrangers magnétiques par les voies naturelles, recheixdies non encores terminées actuellement et
qui pixnnettent, néanmoins, de donnersatisfaction àleurauteur, dans un avenir très prochain.
Quoi qu'il en soit, ces remarquables recherches, exposées par leur auteur devant la Louisiana State Médical Society, en avril 1900, ne furent pas connues en Finance, et, comme nous le disait dernièrement M. de ROALDÈS lui-même, c'est sans avoir connaissance de cette communication que, le 19 juin 1900, M. le Dr GAREL, médecin des hôpitaux de Lyon, procéda, après
— 23 —
trachéotomie, sur un petit garçon de 20 mois, à l'extraction
d'un clou logé dans la bronche droite, au moyen d'un électro¬
aimant.
Cas duD' GAREL.
« La veille de l'opération, dit M. GAREL, je ne savais guère
comment je m'y prendrais pour descendre jusqu'au niveau du
corps étranger. Je pensais bien que la trachéotomie faciliterait
ma tâche, en me rapprochant du corps du délit, mais il me res¬
tait encore un certain espace à franchir pour prendre contact
avec la tète du clou. Je fis la revue de toutes les pinces que je possédais dans mon arsenal chirurgical (pinces à courbure fixe et pinces à courburemodifiable). Puis,je me rendis chezM. SOUEL,
fabricant d'instruments de chirurgie, pour faire main basse sur toutes les pinces dont la courbure me paraîtrait convenable.
» J'allais sortir, lorsque M. SOUEL me raconta qu'il avait fabriqué dernièrement, pour le Dr Louis DOR, un électro-aimant
pour l'extraction des pailles de fer dans l'œil. Il me dit que cet
électro était très puissant, et pourrait peut-être me rendre ser¬
vice. Mon ancien élève et ami, le Dr Louis DOR, voulut bien
avoir la complaisance de me prêter son appareil, et M. SOUEL l'apporta avec deux accumulateurs à la Maison de Santé, le jour
de l'opération.
» J'avoue queje ri attachais qu'une importance médiocre à l'efficacité de cet électro-aimant, et je comptais beaucoup plus
surcelle de mes pinces. » Comme on peut s'en rendre compte
par les quelques lignes qui précèdent, la tentative faite par
M. le Dr GAREL lui fut suggérée incidemment par M. SOUEL,
et n'était basée sur aucune expérience préalable. L'opération,
comme nous le verrons plus loin (Chapitre IV), réussit d'ailleurs parfaitement, et le clou, long de 53 millimètres,
fut
ainsi extraitde la bronche droite à la première tentative.
Cette brillante prouesse chirurgicale ne devait
du
reste pas rester stérile. Le 21 février 1901 entrait à l'Hôpital des Enfantsde Bordeaux, dans le service de clinique chirurgicale de M. le
— 24 —
Professeur
PIÉCHAUD,
un petit garçon âgé de 3 ans et demi, qui, le 18 janvier de la même année, avait, ens'amusant, avaléun clou de bourrelier longde 35 millimètres. Le clou, ainsi qu'il fut établi parla suite, était allé se loger dans la bronche gauche (voir passim. Obs. II. Chapitre IV). M.
PIÉCHAUD
parlant de cepetit maladeà M. le ProfesseurBERGONIE, avaitappris de ce dernier l'heureuse intervention pratiquée à Lyon
par M. GAREL au moyen de l'électro-aimant. L'idée lui vint naturellement de tenter l'emploi d'un procédé analogue. Mais,
pour nerien laisserau hasard dans uneaussigravecirconstance,
M. le Professeur PIÉCHAUD résolut de faire quelques expé¬
riences préparatoires sur le cadavre.
Expériencesdu professeurPIÉCHAUD.
Dans ce but, on prit le cadavre d'un enfant malheureusement
un peujeune (5 mois), et, après lui avoir réséqué en arrière les quatrième, cinquièmeetsixièmecôtesgauches, M. le DrGUYOT,
chef de Clinique chirurgicale infantile, put introduire dans la bronche gauche de l'enfant un clou proportionnellement compa¬
rable à.celui que portait le petit malade. Au moyend'une suture
au catgut, la bronche fut refermée, et le cadavre ainsi préparé
fut porté au laboratoire d'électricité de M. le Dr
DEBÉDAT,
chef du Service annexe
d'Électrothêrapie
et de Radiographie à l'Hôpital des Enfants. Avant de commencer quoi que ce soit onprit soin d'exécuter une radiographie qui montra que le clou occupait la même position que celui du petit malade. Puis M. PIÉCHAUD se miten devoir de faire une trachéotomie aussi basse que possible, en procédant lentement, plan par plan (trachéotomie à blanc). La trachée fut facilement ouverte et
ses deux bords furent fixés par deux pinces érignes permettant de les écarter avec la plus grande facilité.
A ce moment-là, M. DEBEDAT présenta à l'ouverture tra¬
chéale un électro-aimant puissant; mais, contrairement à ce
qui s'était produit dans le cas de M. GAREL, on ne vit pas le
— 25 —
clou bondir hors de la trachée et venir se fixer à l'instrument.
Plusieurs essais demeurant infructueux, M. PIECHAUD se décide alors à agir différemment. Sur ses conseils, M. G1JYOT
avait fait construire plusieurs tiges en fer doux de différents calibres, qui, rectilignes dans leurs plus grande longueur, se coudent à une distance variable d'une de leurs extrémités, formant ainsi un angle aussienrapport que possible avec l'angle
formé par la rencontre de la trachée et de la bronche gauche.
L'une de ces sondes est introduite dans la plaie trachéale et dirigéeversla bronche gauche,oùelle paraît pénétrer
facilement.
On a même, semble-t-il, la sensation nette du contact avec le
corps étranger. On approche alors de la tige l'électro-aimant
et l'on établit le courant; puis on retire doucement la tige,
l'électro-aimant accompagnant toujours jusqu'à ce que son extrémité recourbée apparaisse dans la plaie. Deux tentatives
successives sont faites sansrésultat. On prend alors 1111 cathéter analogue, mais d'un calibre plus considérable, que
l'on introduit
comme le premier. Puisen le retirant, aulieu de le
faire suivre
par l'électro-aimant, on laisse celui-ci au contact
de la plaie
trachéale, en faisant simplement glisser la tige de fer doux
le
long de l'extrémité du barreau aimanté. Cettefois, la
manœuvreréussit pleinement, et, dès la première
tentative, le clou est
extrait sans difficulté, la pointe en avant.
Une seconde expérience est faiteimmédiatement en
replaçant
le clou dans la bronche dans les mêmes conditions que la première fois, et, de nouveau, en
employant la même méthode,
il est extrait sans difficulté.
Se basant surle résultatirréprochable deces deuxexpériences,
M. le Professeur PIÉCHAUD considéra qu'il était en droit
d'attendre tout le succès désirable de sa nouvelle méthode. Il régla, conformément aux circonstances
particulières de l'inter¬
vention, le dispositif de l'appareil
instrumental nécessaire.
M. le Dr DEBEDAT, chef du Service annexe d'électricité, cons¬
truisit d'urgence, en quarante-huit
heures,
unélectro-aimant
spécial que nous décrirons plus loin, etl'opération pratiquée
invivo lesamedi 2 mars 1901 par M. le Professeur PIECH AUD
— 26 —
démontra brillamment le bien fondé de ses espérances. On voit par ce qui précède que l'extraction des corps étrangers magnétiques des voies aériennes par l'électro-aimant ne doit pas être considérée comme une intervention de hasard.
Les expériences de
ROALDÈS
et celles dePIÉCHAUD,
les remarquables succès opératoires de GAREL et de PIÉCHAUDont prouvé que, dans le cas particulier, l'électro-aimant est un
auxiliaire sur l'efficacité duquel on peut et on doit même abso¬
lument compter.
Nous allons essayer, dans le chapitre suivant, d'indiquer la technique opératoire de cette intervention spéciale. Nous y ferons la part large à la description des différents appareils électro-magnétiques. Nous n'avons pas en effet l'expérience
nécessaire pour imposer aupublic une préférence dans le choix d'un générateur magnétique, et nous croyons en outre devoir
mettre sous les yeux du lecteur tous les renseignements que
nous avons pu nous-mème recueillir sur cette question de pratique chirurgicale.
CHAPITRE III
Technique opératoire.
Disons tout d'abord qu'il ne faut pas temporiser. Nous avons
indiqué précédemmentcombien, en
l'espèce, la conduite d'expec¬
tative est inutile et même dangereuse. On est fixé sur la nature
du corps étranger. Il faut avant tout en
préciser la situation. On
s'assurera de sa présence dans les
voies aériennes
parla radios¬
copie. Au cas où l'on nedisposeraitpas
des appareils nécessaires
pour pratiquer l'examen
radioscopique, il
seratoujours possible
d'avoir quelques renseignements sur
la
natureet la situation
d'un corps étranger magnétique : 1° Par laboussole.
2° Par la balance d'inductionde HUGHES.
S'il est bien avéré que le sujet est porteur
d'un
corpsétranger
magnétique desvoies aériennes, onfera
non pas une,mais
aumoins deux radiographies (l'une de face et l'autre
de profil), de
façon à pouvoir repérer plusexactement la situation du
corps étranger dans l'arbre aérien.En outre des données acquises sur la
topographie du
corps étranger, on pourra égalementretirer de l'examen radiogra-
phique d'autres indications
des plus importantes. Tout d'abord,
— 28 —
on appréciera la forme et les dimensionsde l'objet. On pourra,
enoutre,en promenantunélectro-aimant surlaparoithoracique,
en suivant l'axe de l'arbre aérien dans le sens de l'expiration,
essayer de voir si le corps du délit est mobilisable. Enfin, étant donné que ces objets magnétiques sont souvent des clous, la radiographie montrera si le clou est placé, oui ou non, la tête
en bas, notion douée d'une certaine valeur. Car on comprend facilement que, si la tète du clou est dirigée vers la sortie, l'extraction en sera beaucoup plus facile que dans la position
inverse. Lorsqu'on aura obtenu tous les renseignements néces¬
saires, le moment de l'intervention sera venu. Abordons main¬
tenant l'étude de latechnique opératoire. Elle varie naturelle¬
ment selon la région de l'arbre aérien au niveau de laquelle se trouve le corpus delicti.
Larynx. — Au niveau du larynx, les corps étrangers sont relativement accessibles. Celane veut pas dire que leur extrac¬
tion soit facile; les expériences du professeur de ROALDÈS
sembleraient plutôt prouver le contraire. Mais cet auteur fait remarquer avec juste raison que l'appareil instrumental actuel est loin de posséder toute la perfection nécessaire, que l'ongle bucco-laryngien oppose à l'extraction une résistance très
sérieuse, et que, dans un avenir très prochain, on peut avoir l'espoir de surmonter les difficultés de cette intervention. Au reste, il seratoujours possible, en ayantrecours au dispositifde ROALDES-BUCHEL(voir plus loin), d'amenerle corpsétranger jusqu'au niveau des cordes vocales supérieures, d'où il sera relativement facile de l'enlever. Toutefois, il peut arriver que le corpus delicti soit enclavé dans la cavité laryngée. Immo¬
bilisé par une de ses aspérités, il refuse de s'élever sous
l'influence de l'attraction magnétique. En pareilcas, ilserajusti¬
ciable soit d'une laryngotomie, soit d'une trachéotomie supé¬
rieure.
Canal
trachéo-bronchique.
— En somme, la méthodeélectro-magnétique
ne présente pas de bien grands avantages— 29 —
sur lapréhension ordinaireau niveau du larynx. Il n'en est plus
de même quand il s'agit de corps étrangers magnétiques du
canal trachéo-broncliique. Ici, la région menacée est moins
facilement accessible ; son approche est même des plus difficiles
dans les voies aériennes inférieures, et, bien que MILTON ait pratiqué avec succès une bronchotomie dans un cas analogue, il
est probable que bien peu de chirurgiens seront tentés de suivre
son exemple. Toutefois, malgré la gravité de son rôle, l'instru¬
ment tranchant n'en est pas moins l'intermédiaire obligatoire,
en règle générale, entre l'électro-aimant et le corps étranger magnétique. Car, si l'on songe rarement à aller attaquer direc¬
tement les ramifications bronchiques, on se propose d'abord, en
pareil cas, de s'ouvrir une porte
d'entrée
auniveau du tube
trachéal, que le corps à atteindre soit dans la trachée elle-
même ou dans les voies respiratoires inférieures. Ici, se pose
une question fort importante. La trachéotomie
est-elle indispen¬
sable ? Il est évident qu'il serait préférable dans tous les cas de pouvoir aller à la recherche
du
corps étranger sans opération préalable. Outre les dangers qu'elle comportecomme toute autreintervention chirurgicale, la trachéotomie présente l'inconvé¬
nient d'augmenter les risques et périls consécutifs à l'extraction
du corps étranger. « La trachéotomie, en
effet, n'est
pas une opération que l'on puisseentreprendre
en toutesécurité, et les
cas sont nombreux dans lesquels le malade est mort pendant l'opération, et même dès le début de l'opération.
Il
estdonc de
notre devoir de chercher tous les moyens possibles pour éviter
la trachéotomie. » (GAREL, loco citato.) L'idéal serait
donc
de pouvoir extraire les corps
étrangers magnétiques de l'arbre
aérien parles voies
naturelles. Mais
si, enthéorie,
unsemblable
procédé est séduisant plus quetout
autre,il n'en est
pasmoins
vrai que, dans la pratique, sa
réalisation présente de sérieuses
difficultés.
Avanttout, il va falloir compteravecles réflexes intempestifs qui ne peuvent manquer
d'être réveillés
parl'introduction d'ins¬
truments divers parla voie