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Le développement lexical chez l'enfant d'âge préscolaire: rôle des compétences phonologiques et prédiction des habiletés langagières

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Le développement lexical chez l'enfant d'âge préscolaire: rôle des compétences phonologiques et prédiction des habiletés langagières

GABRIEL MOUNIR, Daniela

Abstract

La nature des compétences qui sous-tendent l'apprentissage de mots nouveaux demeure controversée dans la littérature. Afin de cerner la nature de ces déterminants, nous avons mené une étude longitudinale avec des jeunes enfants depuis l'âge de 18 mois et jusqu'à l'âge de 3 ans et deux études transversales auprès d'enfants de 4-5 ans. Notre intérêt s'est centré sur les habiletés de traitement phonologique et les compétences mnésiques. Les résultats de ces recherches mettent en évidence le rôle essentiel joué par les compétences de traitement phonologique dans le développement lexical chez l'enfant francophone, et ceci à différents moments du développement. En outre, nos résultats soulignent l'intérêt particulier de l'évaluation du vocabulaire en compréhension en tant que prédicteur des compétences langagières ultérieures. Ces recherches ont également mis en évidence l'intérêt particulier de l'utilisation des mesures dynamiques du vocabulaire en complémentarité des mesures statiques afin de mieux appréhender le potentiel d'évolution de l'enfant.

GABRIEL MOUNIR, Daniela. Le développement lexical chez l'enfant d'âge préscolaire:

rôle des compétences phonologiques et prédiction des habiletés langagières. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2012, no. FPSE 506

URN : urn:nbn:ch:unige-230763

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:23076

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:23076

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Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education

Le développement lexical chez l’enfant d’âge préscolaire : rôle des compétences phonologiques et prédiction

des habiletés langagières

Thèse présentée

en vue de l’obtention du grade de Docteur en Psychologie par

Mme Daniela GABRIEL MOUNIR (Argentine / Genève)

Sous la direction du Professeur Pascal ZESIGER

Thèse N°506

Genève

Juin 2012

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Le développement lexical chez l’enfant d’âge préscolaire : rôle des compétences phonologiques et prédiction

des habiletés langagières

Thèse présentée

en vue de l’obtention du grade de Docteur en Psychologie par

Mme Daniela GABRIEL MOUNIR

Sous la direction du Professeur Pascal ZESIGER

Membres du jury :

Professeure Marie-Thérèse Le NORMAND, Université de Paris Descartes Professeure Marie-Anne SCHELSTRAETE, Université Catholique de Louvain Professeur Ulrich FRAUENFELDER, Université de Genève

Juin 2012

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A Camille, Sophie et Christian

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Je souhaite remercier tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce travail.

Mes remerciements vont d’abord aux enfants et aux familles qui se sont déplacés de nombreuses fois pour participer avec enthousiasme aux séances expérimentales. Votre bienveillance, votre assiduité, vos gentils encouragements ont fait de ce travail une bien moins lourde tâche. Je remercie également les enseignantes qui nous ont accueillies dans leurs classes. Merci de votre patience au cours des mois d’expérimentation ! Merci aux enfants qui ont participé à nos recherches avec parfois plus de bonne volonté que d’enthousiasme, merci d’avoir surmonté les craintes du micro et de nous avoir transmis tant de votre touchante naïveté.

Je remercie Pascal Zesiger, mon directeur de thèse, qui a supporté stoïquement mon harcèlement des derniers temps. Merci de tes commentaires, de tes conseils et de tes minutieuses relectures. Merci de m’avoir donné tant de liberté, et notamment dans mon choix d’approfondir en parallèle ma formation clinique pendant mes années de thèse.

Un grand merci à Marie-Thérèse Le Normand et à Ulrich Frauenfelder de leurs précieux commentaires et conseils, ainsi qu’à Marie-Anne Schelstraete d’avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse.

Je remercie aussi Rushen Shi qui a été d’une aide inestimable dans la préparation des protocoles concernant les paradigmes d’habituation. Merci de ton investissement et de tes conseils avisés !

Je remercie également Andres Posada d’avoir su montrer autant de bienveillance face à mon incompétence dans l’art de la programmation ! Merci aussi à Alexandre Bourquin et à Alain Perruchoud de leur aide inconditionnelle pour résoudre les problèmes techniques les plus inattendus et toujours urgents à résoudre du laboratoire !

Mes remerciements vont également à la Fondation Boninchi qui a généreusement financé le projet mené avec le Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, ainsi qu’à Marina Keller, au Dr.

François Hentsch et à toute l’équipe du Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent pour leur aimable collaboration.

Merci à mes collègues qui ont partagé avec moi les inévitables moments de stress, de doute, de découragement et aussi les fous-rire ! Merci à toi Lucie d’avoir travaillé avec moi toutes ces années, nous avons constitué une belle équipe de travail et bien plus. Merci des discussions critiques, de tes nombreuses relectures et corrections de mes productions en anglais, de ton soutien, de ton énergie et de ton amitié. Ton calme et ta générosité ont grandement contribué à la conclusion de ce travail et je t’en suis reconnaissante. Merci à vous Ingrid et Hélène d’avoir fait de nos midis des moments de partage sincères, merci de votre écoute et de vos encouragements. Merci Murielle de m’avoir initiée au badminton, cela s’est révélé être un excellent moyen de libérer les tensions et le début de beaucoup

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Jane, Tamara, Antonella, Natalia, Jean-Laurent et Sophie de votre soutien !

Merci à mes amies qui m’ont aidé à me changer les idées et à me divertir pour me rappeler qu'il y a une vie à côté de la thèse! Merci Lisa, Neide, Laure, Géraldine, Sandra et Melissa des moments partagés, des goûters au parc, des séances de sport, des verres à l’auberge, des week-ends de shopping, des séances cinéma, des sushis, des hamburgers au Calamar et bien d’autres choses que je dois oublier…

Gracias Cari por tu apoyo y por tu amistad sin limites ni fronteras, lograste siempre la tarea dificil de encontrar las palabras justas a transmitir en el momento justo. Muchas gracias !

Gracias también a mis padres y a mi hermana que, a pesar de la distancia, supieron hacerse presentes en el apoyo, la paciencia y el amor transmitido ! Gracias por todo !

Merci à mes filles, Camille et Sophie, qui ont supporté mes longues absences, ma mauvaise humeur de certains jours et mon manque de patience avec beaucoup d’aplomb ! Merci d’avoir été là, avec vos gestes tendres et votre amour qui m’ont aidé à relativiser bien de choses…

Merci à toi, Christian, d’avoir été une nounou parfaite pour nos filles, un cuisinier hors-pair, un relecteur infatigable et surtout un mari aimant ! Gracias por «tu mirada enamorada que me sigue dando alas » ! Je n’y serais jamais arrivée sans toi.

Merci à vous tous !

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Les modalités de l’acquisition lexicale au cours de la petite enfance ne sont pas encore entièrement élucidées et font l’objet d’un nombre croissant de recherches aux résultats très débattus. La nature des compétences qui sous-tendent l’apprentissage de mots nouveaux demeure controversée. Afin de cerner la nature de ces déterminants, nous avons mené une étude longitudinale avec des jeunes enfants depuis leurs 18 mois d’âge et jusqu’à l’âge de 3 ans et deux études transversales auprès d’enfants de 4-5 ans. Notre intérêt s’est centré surtout sur les habiletés de traitement phonologique et les compétences mnésiques. Les résultats issus de ces recherches mettent en évidence le rôle essentiel joué par les compétences de traitement phonologique dans le développement lexical chez l’enfant francophone, et ceci à différents moments du développement.

En outre, l’évaluation de ces différentes habiletés chez les enfants présentant un délai dans le développement de leur langage expressif et la possibilité d’y distinguer des caractéristiques nous permettant de prédire le développement du langage ultérieur ont été à l’origine de l’étude longitudinale que nous avons menée. La plupart des recherches dans la littérature se sont basées sur le langage expressif des enfants; cependant nos résultats soulignent l’intérêt particulier de l’évaluation du vocabulaire en compréhension en tant que prédicteur des compétences langagières ultérieures. Par ailleurs, cette recherche a également mis en évidence l’intérêt particulier de l’utilisation des mesures dynamiques du vocabulaire en complémentarité des mesures dites statiques afin de mieux appréhender le potentiel d’évolution de l’enfant.

Enfin, les recherches transversales menées chez l’enfant en début de scolarité ont permis une analyse plus fine des différents aspects des compétences mnésiques révélant spécifiquement l’importance du processus de répétition sub-vocale dans l’acquisition de mots. Ces résultats sont discutés à la lumière de plusieurs modèles développementaux permettant d’intégrer l’apport de ces différentes compétences dans le développement lexical des enfants.

Mots clés : compétences phonologiques, répétition sub-vocale, acquisition de mots, retard de langage, vocabulaire réceptif.

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The skills that determine lexical acquisition in children have interested many researchers; however the specific contribution of different factors is still discussed in literature. To better understand the nature of these skills, we led a longitudinal study with young children from 18 months of age up to the age of 3 years, and two transverse studies with 4-5-year-old children. Our interest centered especially on the abilities that are phonological processing and mnemonic skills. The results stemming from these studies bring to light the essential role played by phonological processing skills in the lexical development of a sample of French-speaking children.

Moreover, we wanted to estimate these different skills in children who were delayed in the development of their expressive language. The essential aim of the longitudinal study we led was to be able to distinguish the characteristics that would allow us to predict the development of their later language abilities. Most of the research in literature has been based on the expressive language of children with language delay; however our results underline the stronger role played by receptive vocabulary in predicting later linguistic skills. Moreover, our research also brought to light the using dynamic measures of vocabulary as a complementary means (of static measures) for assessing child’s language development.

Finally, the two transverse studies led with children who were beginning school, allowed us to pinpoint the specific role played by the sub-vocal rehearsal process on the acquisition of words. These results are discussed in the light of several developmental models integrating the contribution of these various skills into the lexical development of the children.

Keywords: phonological skills, sub-vocal rehearsal process, acquisition of words, language delay, receptive vocabulary.

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Table des matières

Remerciements ___________________________________________________________________________ 9 Résumé _________________________________________________________________________________ 11 Abstract _________________________________________________________________________________ 12 1. Introduction ___________________________________________________________________ 17 Précisions sur la terminologie utilisée _______________________________________________ 21

INTRODUCTION THEORIQUE__________________________________________________________15 2. Le développement lexical chez l’enfant _____________________________________________ 25 2.1. Le développement lexical chez l’enfant avant l’âge de 2 ans _____________________________ 25 2.1.1. La segmentation de la parole ________________________________________________ 25 2.1.2. La perception des sons de la langue ___________________________________________ 27 2.1.3. Les liens entre la perception et le développement lexical __________________________ 29 2.1.4. Les représentations phonologiques des mots ____________________________________ 31 2.1.5. Modèles de l’apprentissage lexical ____________________________________________ 35 2.1.5.1. L’acquisition de nouveaux mots __________________________________________________ 37 Fast-mapping vs slow-mapping _______________________________________________________ 38 Bootstrapping Syntaxique ___________________________________________________________ 40 2.1.6. Le retard de langage _______________________________________________________ 41

La perception de la parole chez les enfants présentant un Trouble Spécifique du Développement du Langage (TSDL) ____________________________________________________________________ 43 Les représentations phonologiques chez les enfants présentant un TSDL ______________________ 45 Troubles phonologiques chez les enfants avec un TSDL ____________________________________ 46 Apprentissage des mots chez les enfants avec un TSDL_____________________________________ 47 2.2 Le développement lexical chez l’enfant âgé de 4-5 ans __________________________________ 51 2.2.1. Modèles de la mémoire à court terme (MCT) ____________________________________ 52 Différences entre la mémoire de travail (MdT) et la mémoire à court terme (MCT) ______________ 53 2.2.2. Liens entre la MVCT et le développement lexical _________________________________ 55 2.2.3. Le développement phonologique et méta-phonologique __________________________ 59 2.2.4. Liens entre les compétences phonologiques et le développement lexical ______________ 60 2.2.5. Modèles intégratifs du développement du vocabulaire chez l’enfant âgé de 4 – 5 ans ___ 64 2.3 Synthèse et questions de recherche _________________________________________________ 69

PARTIE EXPERIMENTALE DU SUIVI LONGITUDINAL________________________________________57 3. Problématique, méthode, résultats et discussion du suivi longitudinal _____________________ 73 3.1. Objectifs et hypothèses générales __________________________________________________ 73 3.2. Méthode ______________________________________________________________________ 76

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3.2.2. Procédure ________________________________________________________________ 79 3.2.3. Caractéristiques des participants et tâches aux différents temps expérimentaux ________ 80 3.2.3.1. Participants au temps expérimental 1 (T1 = âge : 18 mois) _____________________________ 80 3.2.3.2. Outils utilisés au T1 ____________________________________________________________ 80 3.2.3.3. Participants au temps expérimental 2 (T2 = âge : 24 mois) _____________________________ 87 3.2.3.4. Outils utilisés au T2 ____________________________________________________________ 87 3.2.3.5. Participants au temps expérimental 3 (T3 = âge : 30 mois) _____________________________ 91 3.2.3.6. Outils utilisés au T3 ____________________________________________________________ 92 3.2.3.7. Participants au temps expérimental 4 (T4 = âge : 36 mois) _____________________________ 98 3.2.3.8. Outils utilisés au T4 ____________________________________________________________ 98 3.3. Résultats du suivi longitudinal ____________________________________________________ 106 3.3.1. Résultats au T1 ___________________________________________________________ 106

3.3.1.1. Analyses descriptives du T1 _____________________________________________________ 106 3.3.1.2. Corrélations au T1 ____________________________________________________________ 109 3.3.2. Résultats au T2 ___________________________________________________________ 110 3.3.2.1. Analyses descriptives du T2 _____________________________________________________ 110 3.3.2.2. Corrélations au T2 ____________________________________________________________ 115 3.3.3. Résultats au T3 ___________________________________________________________ 116

3.3.3.1. Analyses descriptives du T3 _____________________________________________________ 116 3.3.3.2. Corrélations au T3 ____________________________________________________________ 120 3.3.4. Résultats au T4 ___________________________________________________________ 122

3.3.4.1. Analyses descriptives du T4 _____________________________________________________ 122 3.3.4.2. Corrélations au T4 ____________________________________________________________ 124 3.3.5. Analyses à travers les différents temps expérimentaux ___________________________ 125

3.3.5.1. Corrélations à travers les différents temps expérimentaux ____________________________ 125 3.3.5.2. Régressions à travers les différents temps expérimentaux ____________________________ 128 Analyses de régression prédisant le vocabulaire au T1 ____________________________________ 129 Analyses de régression prédisant le vocabulaire au T2 ____________________________________ 130 Analyses de régression prédisant le vocabulaire au T3 ____________________________________ 133 Analyses de régression prédisant le vocabulaire au T4 ____________________________________ 136 3.3.5.3. Analyses de clusters___________________________________________________________ 139

Analyse de clusters en fonction des mesures réalisées au T1 _______________________________ 140 Analyse de clusters en fonction des mesures réalisées au T2 _______________________________ 143 Analyse de clusters en fonction des mesures réalisées au T3 _______________________________ 145 Analyse de clusters en fonction des mesures réalisées au T4 _______________________________ 148 3.4. Discussion étude longitudinale chez le jeune enfant ___________________________________ 152 Habiletés phonologiques et mnésiques et développement lexical ___________________________ 152 Mesures statiques que des mesures dynamiquesdu vocabulaire ____________________________ 156 Enfants au DT et enfants avec un RL, développement lexical et prédiction des habiletés langagières à l’âge 3 ans _______________________________________________________________________ 157 Conclusion _______________________________________________________________________ 163

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4. Problématique, méthode, résultats et discussion des deux recherches

transversales______________________________________________________________________167 The contribution of phonological skills and phonological short-term memory to lexical acquisition in

French-speaking 4- to 5-year-old children ___________________________________________ 168 ABSTRACT _______________________________________________________________________ 168 INTRODUCTION __________________________________________________________________ 169 Study 1 - Method _________________________________________________________________ 173 Study 1 - Results __________________________________________________________________ 177 Study 1 - Discussion _______________________________________________________________ 180 Study 2 - Method _________________________________________________________________ 182 Study 2 - Results __________________________________________________________________ 183 Study 2 - Discussion _______________________________________________________________ 185 GENERAL DISCUSSION _____________________________________________________________ 188

DISCUSSION GENERALE ET CONCLUSION_______________________________________________162 5. Discussion générale et conclusion __________________________________________________ 195 5.1. Les compétences de discrimination perceptive et la spécificité des représentations phonologiques

quel liens avec le vocabulaire ? ___________________________________________________ 198 5.2. Quelles prédictions pour les enfants présentant un retard de langage ? ___________________ 203 5.3. Facteurs déterminants du développement lexical chez l’enfant __________________________ 207 Habiletés de traitement phonologique et le développement lexical __________________________ 208 Habiletés mnésiques et développement lexical __________________________________________ 210 5.4. Mesures dynamiques et mesures statiques du vocabulaire _____________________________ 217 Limites de ce travail _______________________________________________________________ 221 5.5. Conclusion ___________________________________________________________________ 222 6. Références bibliographiques ______________________________________________________ 229 7. Annexes ______________________________________________________________________ 245 7.1. Liste des annexes ______________________________________________________________ 245

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1. Introduction

La constitution du lexique ou la mise en place du stock de mots de la langue est un des processus les plus fondamentaux marquant l’entrée dans le système linguistique. Le jeune enfant s’avère être un véritable expert dans l’acquisition de mots nouveaux. Il a même été suggéré que les enfants acquièrent environ 5 nouveaux mots par jour entre l’âge de 18 mois et celui de 6 ans (Carey, 1978) et qu’ils en comprennent 14'000 au moment d’entrer à l’école (Florin, 1999; Rondal, 1999). Cependant, les mécanismes mis en œuvre dans la façon dont les enfants construisent ce stock lexical à différents moments de leur développement demeure une question controversée dans la littérature. Les recherches conduites auprès des très jeunes enfants ont souligné l’importance des habiletés perceptives, mnésiques mais aussi cognitives et pragmatiques dans le développement lexical précoce1, ce qui a donné lieu à la proposition de plusieurs modèles développementaux. Notre intérêt a porté particulièrement sur les compétences mnésiques et de traitement phonologique dans l’acquisition lexicale. Les recherches menées auprès d’enfants en début de scolarité (à l’âge de 4-5 ans) ont, pour leur part, donné également naissance à plusieurs courants d’investigation postulant différents déterminants possibles de cette acquisition. Pour certains auteurs, la mémoire verbale à court terme (MVCT) jouerait un rôle crucial, alors que pour d’autres, ce seraient plutôt les capacités phonologiques et méta- phonologiques qui lui seraient essentielles.

Dans le but d’évaluer les déterminants du développement lexical chez des enfants francophones, nous avons mené deux études complémentaires : d’une part, nous avons conduit un suivi longitudinal évaluant ces déterminants chez le très jeune enfant entre les âges de 18 et 36 mois et, d’autre part, nous avons conduit deux recherches transversales chez des enfants en début de scolarité (âgés de 4-5 ans). La Figure 1 représente schématiquement ces recherches par rapport à l’âge des enfants concernés.

1 Selon Kail et Fayol (2000) le lexique précoce s’étend jusqu’à environ 36 mois d’âge. Nous avons ainsi pris le parti d’utiliser ce terme de « développement lexical précoce » selon ce même critère.

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Etude longitudinale Etudes transversales âge : 18 – 36 mois âge : 4 – 5 ans

Figure 1. Représentation schématique des études menées dans le cadre de ce travail On observe une très grande variabilité dans le développement lexical des enfants au cours de leur deuxième année de vie. Cette grande variabilité, observée particulièrement dans le développement du langage expressif des enfants autour de l’âge de 2 ans est en partie responsable de l’incertitude en ce qui concerne l’attitude à adopter en cas de retard de langage observé à ce jeune âge. Plusieurs données expérimentales ont suggéré l’idée d’un continuum entre le retard de langage expressif et des troubles de langage persistants, de sorte que la littérature récente a abandonné l’attitude du « wait and see » au profit d’une approche plus interventionniste auprès de ces enfants. Cependant, le moment auquel initier l’intervention et ses modalités restent encore difficiles à déterminer. Cette recherche s’est ainsi proposé l’objectif, peut-être ambitieux, d’identifier parmi les déterminants du développement lexical mentionnés ci- dessus certains marqueurs précoces qui permettraient de différencier les enfants présentant un retard de langage transitoire de ceux qui nécessiteront une intervention ciblée. Une recherche longitudinale a ainsi suivi une cohorte de cinquante enfants entre 18 mois et 36 mois d’âge. Nous avons étudié les déterminants du développement lexical du jeune enfant au moyen de mesures directes et indirectes (questionnaires parentaux).

En outre, grâce au suivi longitudinal, nous avons évalué le caractère prédictif des compétences précoces évaluées sur le vocabulaire réceptif et productif ultérieur ainsi que sur les compétences d’apprentissage de mots.

En outre, les deux recherches transversales menées auprès des enfants âgés de 4-5 ans nous ont permis d’évaluer le rôle joué par les habiletés phonologiques précoces, telle que la discrimination de sons de la langue, et tardives, comme la conscience phonologique, dans le développement lexical avant la confrontation à des apprentissages formels comme la lecture. L’évaluation de l’influence de différents aspects des compétences mnésiques a également motivée ces recherches.

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Cette thèse est organisée de la façon suivante : dans la première partie du chapitre 2 nous traiterons la question des compétences précoces qui, dans l’état actuel des connaissances sont postulées comme étant nécessaires au développement du vocabulaire chez le jeune enfant (section 2.1). Notre intérêt a porté sur trois aspects principaux : la segmentation de la parole, la discrimination perceptive des sons de la langue et la construction de représentations phonologiques des mots. Nous exposerons différents modèles qui ont tenté d’expliquer le développement lexical de façon large.

Cette section a également été consacrée à la description du retard de langage chez le jeune enfant.

Dans la seconde partie du chapitre 2 (section 2.2) nous présenterons les différents déterminants proposés dans la littérature pour expliquer le développement lexical chez l’enfant après l’acquisition du lexique précoce (4-5 ans). Notre intérêt s’est porté spécifiquement sur l’influence des habiletés de traitement phonologique et les compétences mnésiques qui, selon la littérature jouent un rôle essentiel dans le développement lexical.

Le chapitre 3 précise la problématique et pose les hypothèses de travail du suivi longitudinal. Il présente également les résultats de ce suivi ainsi qu’une brève discussion de ces résultats. Cette partie concerne exclusivement la méthodologie utilisée et les résultats recueillis au cours du suivi longitudinal. La méthodologie utilisée pour les deux recherches transversales effectuées avec les enfants âgés de 4-5 ans ainsi que les résultats de ces deux recherches sont résumés dans l’article rédigé en anglais qui constitue le chapitre 4.

Le chapitre 4 présente ainsi la méthodologie, les résultats et une brève discussion des deux recherches transversales menées auprès d’enfants en début de scolarité (à l’âge de 4 – 5 ans).

Le chapitre 5 et dernier apporte quelques éléments de discussion généraux intégrant les différentes données expérimentales recueillies tant dans le suivi longitudinal que dans les deux recherches transversales menées dans le cadre de cette thèse.

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Enfin, étant donné la diversité des termes utilisés dans la littérature (surtout en fonction des différentes disciplines) pour faire référence à l’acquisition de mots, nous fournissons ci-après quelques précisions sur la terminologie utilisée dans le cadre de ce travail.

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Précisions sur la terminologie utilisée

Selon le « Dictionnaire de linguistique et des Sciences du Langage » (Dubois et al., 1999), le mot lexique désigne « l’ensemble des unités formant le vocabulaire, la langue d’une communauté, d’une activité humaine, d’un locuteur, etc. » (p.282). Ainsi selon cette conception, le vocabulaire n’est qu’un échantillon du lexique du locuteur. Le lexique constitue une notion théorique « insaisissable » de façon opérationnelle; alors que le vocabulaire est l’ensemble de mots utilisés par une personne. Morton (1969) a été l’un des premiers à essayer de conceptualiser cette notion de lexique qu’il a appelée système de logogènes. Selon ce modèle, à chaque mot correspond un logogène qui réunit les informations sensorielles et cognitives associées à ce mot. Ainsi, conçu à l’origine pour rendre compte de la reconnaissance des mots, ce modèle se base sur la notion de seuil d’activation : l’individu cumule ces informations de façon à la fois passive (il accueille les informations sans activité de sa part) et interactive (les informations en provenance du stimulus ainsi que celles issues du système cognitif interagissent entre elles) jusqu’à ce que le seuil d’activation soit atteint et que le déclenchement du logogène puisse avoir lieu pour reconnaître le mot. Cette première version du modèle a subi des remaniements ultérieurs rendant compte notamment de la relative indépendance des modalités auditives et visuelles dans la reconnaissance de mots (Morton, (1979) ou encore de l’importance de souligner la structure sémantique et associative du système cognitif (Morton, (1982).

Le passage du vocabulaire au lexique pose encore le problème de l’évaluation de la

« double compétence lexicale ». En effet, tout locuteur possède un vocabulaire passif se référant aux mots qu’il comprend et un vocabulaire actif qui a trait aux mots activement employés. Dans le cadre de cette thèse, nous utiliserons les termes de vocabulaire réceptif et de vocabulaire productif respectivement en référence aux mots compris ou effectivement utilisés par l’enfant. Ainsi, lorsqu’on s’intéresse aux unités lexicales inscrites dans la mémoire de l’individu, on se trouve plus sur le plan de la psycholinguistique que de la linguistique proprement dite: l’attention est alors portée sur le « lexique mental ». Cette idée présuppose selon Le Ny (1979, p.1 cité par Marquer

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(2005)) qu’il existe dans la tête de tout locuteur « un ensemble d’entités cognitives dont chacune est constituée d’(au moins) un signifiant, d’(au moins) un signifié et (au surplus) de règles d’usage (par définition non sémantiques) que l’on peut qualifier de syntaxiques ». La construction du lexique mental, du stock de mots que l’enfant emmagasine en mémoire à long terme (MLT), consistera ainsi dans l’encodage et l’intégration des différentes informations composant ces entités cognitives (phonologique, sémantique, morphologique et syntaxique). On devrait ainsi se limiter à l’utilisation des termes tels que « vocabulaire de l’enfant » ou « apprentissage du vocabulaire », la notion linguistique du lexique n’étant pas opérationnalisable.

Cependant, dans l’usage de ces termes en psychologie, il en est fait référence comme des synonymes. Ainsi, lorsqu’on s’intéresse au développement lexical de l’enfant comme c’est le cas dans les recherches menées dans le cadre de ce travail, on parlera d’accroissement du vocabulaire ou d’accroissement du stock lexical ou encore de développement lexical de façon indifférenciée.

Un dernier éclaircissement nécessaire quant à la terminologie utilisée concerne l’évaluation effectuée de ce développement. Certains auteurs (Camilleri & Law, 2007;

Pena, Iglesias, & Lidz, 2001) font la différence entre les mesures dites « statiques » du vocabulaire et les mesures dites « dynamiques ». Nous nous pencherons sur la définition de ces termes dans le point 2.2.2. Cependant il est utile de souligner ici déjà que ces deux types de mesures ont été utilisés dans le cadre de cette thèse comme des quantificateurs du développement lexical. Les mesures statiques font référence au stock de mots déjà acquis par les enfants, que ce soit en compréhension ou en production ; alors que les mesures dynamiques se réfèrent au processus d’acquisition (d’apprentissage) de mots nouveaux.

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INTRODUCTION THEORIQUE

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2. Le développement lexical chez l’enfant

2.1. Le développement lexical chez l’enfant avant l’âge de 2 ans

Comment les enfants intègrent-ils dans leur lexique un mot auquel ils sont confrontés pour la première fois ? Cette question intéresse les chercheurs depuis des décennies et plusieurs modèles ont été proposés pour rendre compte de cette acquisition. Cependant avant de nous y consacrer, nous ferons ici un survol des compétences requises avant cette période d’acquisition des mots. Nous nous centrerons essentiellement sur deux pré-requis importants : la segmentation du flux de parole continu et la perception des sons de la langue.

2.1.1. La segmentation de la parole

L’identification de mots isolés dans le flux continu de la parole est une des premières tâches que l’enfant doit maîtriser dans l’acquisition de sa langue maternelle. Plusieurs indices ont été proposés pour tenter d’expliquer la mise en place de cette segmentation.

Nous en décrirons trois. Le premier de ces indices, du point de vue développemental semble être la prosodie. Morgan et Saffran (1995) ont montré avec le paradigme de conditionnement à l’orientation de la tête que les enfants de l’âge de 6 mois sont déjà sensibles aux propriétés rythmiques de l’input verbal. Ce résultat a permis aux auteurs de conclure à l’importance des indices prosodiques dans la segmentation de la parole.

D’autres auteurs (Mattys, Jusczyk, Luce, & Morgan, 1999) ont par la suite confirmé et étendu cette conclusion en suggérant que les indices prosodiques jouent un rôle même plus important que la régularité phonotactique dans la segmentation. Il a par ailleurs été démontré que la prosodie phrasale, indice faisant référence au rythme et à l’intonation de la phrase, permettrait aux petits anglophones âgés de 10 et 13 mois (Gout, Christophe, & Morgan, 2004) et aux petits francophones âgés de 16 mois (Millotte,

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2005; Millotte et al., 2010) d’inférer la position des frontières lexicales. Ceci nous apparaît d’autant plus important qu’il a été montré que les indices prosodiques tendent à être plus prononcés dans le langage qu’on adresse aux enfants (child directed speech) que dans celui qu’on adresse aux adultes (Kelly & Martin, 1994).

Le deuxième indice proposé dans la littérature pour expliquer le processus de segmentation est la régularité de la langue. Depuis la publication de Saffran, Aslin &

Newport (1996) traitant de la segmentation dans un échantillon de parole synthétique, il est difficile de parler de segmentation sans faire référence à l’apprentissage statistique (ou distributionnel) chez le jeune enfant. Le terme d’apprentissage statistique est défini comme le processus psychologique par lequel les probabilités de transition d’une syllabe à l’autre présentes dans la parole continue permettraient la segmentation de ce flux continu en mots distincts. Aslin et Newport (2009) proposent trois critères qui caractérisent ce processus. Le premier fait référence à la nécessité d'acquérir des informations structurées de l’environnement auditif au moyen de la sensibilité à la fréquence ou aux distributions de probabilité. Le deuxième critère consiste en ce que l’apprentissage statistique ne nécessite pas un feed-back spécifique, il se développe par simple exposition à une langue. Enfin le troisième et dernier critère réside, selon ces auteurs, en ce que cet apprentissage nécessite l’intervention active de la mémoire à court terme (MCT) et de la mémoire à long terme (MLT). Un des principaux questionnements concernant l’apprentissage statistique concerne le type d’unités de base sur lequel il agit. Saffran et al. (1996) ont suggéré la syllabe comme unité de base pour la segmentation initiale des mots. La question de savoir comment, à partir de cette segmentation, les enfants peuvent généraliser ces règles dans l’élaboration de mécanismes leur servant dans le développement de leur langue est fondamentale.

Endress, Scholl et Mehler (2005) ont montré que l’habituation à une série syllabique avec une répétition de la syllabe finale (ABCDEFF) pouvait être détectée et généralisée par la suite. Les participants pouvaient retrouver parmi d’autres la régularité à laquelle ils avaient été habitués (ABCDEFF vs ABCDEEF). D’après les auteurs, ces résultats peuvent avoir des implications linguistiques : la perception de cette unité infra-lexicale et la saillance de la position finale jouent un rôle important autant dans l’acquisition des mots (Saffran, Aslin, & Newport, 1996) que dans celle de la grammaire.

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Enfin, un troisième indice méritant d’être mentionné est celui de la coarticulation. La coarticulation fait référence à la variabilité présentée par les sons de la parole en fonction de leur entourage phonétique (Perkell & Klatt, 1986). Cette variabilité a été partiellement attribuée au chevauchement temporel des mouvements articulatoires dans la production de la parole (C. Fowler, 1980). Par exemple dans une syllabe CV, les gestes articulatoires qui sous-tendent la réalisation de la consonne initiale sont partiellement superposés à ceux nécessaires à l’articulation de la voyelle. Ainsi par exemple les caractéristiques acoustico-phonétiques du /s/ dans le mot « soupe » seront différentes du /s/ dans le mot « savon ». Johnson & Jusczyk (2001) ont montré que les petits anglophones, à 8 mois d’âge, étaient sensibles aux indices de coarticulation. Ils ont interprété ces résultats en tant que preuve que l’indice de coarticulation pouvait jouer un rôle important dans l’acquisition des frontières entre les mots - un rôle même plus important que les probabilités statistiques des régularités de la langue.

2.1.2. La perception des sons de la langue

Pour apprendre une langue, l’enfant doit pouvoir traiter ses contrastes phonémiques pertinents. De nombreux travaux montrent que dans les premiers mois de la vie, le bébé est capable de discriminer la plupart des sons des langues naturelles (Eimas, Siqueland, Jusczyk, & Vigorito, 1971; Lasky, Syrdal-Lasky, & Klein, 1975; Mattock & Burnham, 2006;

Streeter, 1976). Cependant, par la suite, il doit pouvoir extraire des régularités de sa langue maternelle de façon à en organiser les éléments phonémiques pertinents. Cette compétence de perception « universelle » diminue ainsi au cours de la première année de vie (Best & McRoberts, 2003; Kuhl et al., 2006; Werker & Tees, 1984) et selon certains auteurs, cette diminution est nécessaire au développement de sa langue maternelle (Kuhl et al., 2008; Kuhl, Conboy, Padden, Nelson, & Pruitt, 2005). Il est par conséquent important que l’enfant puisse extraire des régularités de sa langue maternelle de façon à développer une sensibilité spécifique à celle-ci en ignorant les distinctions phonétiques non-pertinentes pour la langue de son environnement.

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La question de savoir pourquoi ce changement dans les capacités perceptives du jeune enfant a lieu a intéressé beaucoup de chercheurs. Nous décrirons brièvement les deux modèles les plus influents ayant tenté d’expliquer ce changement : celui de l’assimilation perceptive (Perceptual Assimilation Model, PAM) (Best, 1994; Best & McRoberts, 2003) et celui appelé de l’aimant de la langue maternelle (Native Language Magnet Model, NLM) (Kuhl, 1993, 2004).

La prémisse de base du modèle d’assimilation perceptive (PAM) (Best, 1994; Best &

McRoberts, 2003) consiste en ce que les phonèmes qui ne sont pas pertinents pour la langue maternelle de l’individu seront « assimilés » aux phonèmes contrastifs les plus proches. Si le son entendu par l’individu est trop éloigné de n’importe quel phonème de sa langue environnementale, alors ce son ne sera pas associé à un élément phonologique mais plutôt considéré comme un son non associé à la parole. Pour le PAM, la similarité entre deux sons prend racine dans la dynamique articulatoire associée à l’exécution des gestes articulatoires propres à la réalisation de l’output verbal. Ce point de vue diffère ainsi d’une approche de la perception de la parole basée sur des caractéristiques acoustiques soi-disant neutres, telles que la saillance des propriétés psycho-acoustiques.

Le modèle dit de l’aimant de la langue maternelle (Native Language Magnet Model, NLM) (Kuhl, 1993, 2004) est quant à lui basé sur l’hypothèse que l’enfant présente une

« attraction » perceptive envers les sons de sa langue maternelle. Ce modèle est constitué de trois phases. Dans la première phase, l’enfant est capable de différencier la plupart des sons de la parole et cette capacité est la conséquence du traitement général des stimuli auditifs et n’est pas liée à un mécanisme spécifique associé au traitement de la parole (Kuhl, 1991). Dans la deuxième phase, la sensibilité de l’enfant aux propriétés distributionnelles de l’input linguistique dans lequel il est immergé sera mise à contribution dans la création des représentations des sons de sa langue. Dans cette seconde phase, l’expérience modulera la perception de l’enfant en diminuant la sensibilité aux variations se trouvant à l’intérieur des catégories phonémiques et en augmentant cette sensibilité entre ces catégories. Dans ce modèle, les représentations des sons souvent activés par l’expérience linguistique de l’enfant sont appelés

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« prototypiques » et joueraient un rôle d’ « aimant » par rapport aux autres membres de chaque catégorie, augmentant ainsi la similarité perceptive entre les membres d’une même catégorie phonémique. Enfin, dans la troisième phase du NLM, ce changement dans la perception, appelé l’effet d’ « aimant » perceptif faciliterait les habiletés perceptives liées à la langue maternelle et contribuerait à faire diminuer ces mêmes habiletés dans les langues étrangères.

2.1.3. Les liens entre la perception et le développement lexical

Des nombreux chercheurs se sont intéressés aux liens entre les habiletés perceptives et l’acquisition de mots. Certains d’entre eux ce sont centrés sur les différences perçues par les enfants dans un contexte non-référentiel et ont ensuite cherché les liens que ces habiletés entretenaient avec les compétences langagières (Kuhl, et al., 2005; Tsao, Liu, &

Kuhl, 2004). D’autres ont évalué les habiletés discriminatives directement dans un contexte référentiel, en utilisant des méthodes très variées (Bailey & Plunkett, 2002;

Ballem & Plunkett, 2005; Swingley & Aslin, 2000, 2002; Werker, Fennell, Corcoran, &

Stager, 2002). Etant donné que ces deux approches n’utilisent pas la même façon d’évaluer les compétences perceptives des enfants, nous décrirons d’abord les recherches qui ont mesuré les compétences perceptives dans un contexte non- référentiel, et ensuite celles qui ont mesuré ces compétences les associant à des objets.

Nous avons déjà mentionné dans la description du modèle NLM l’augmentation avec l’âge de la sensibilité de perception catégorielle des sons appartenant à la langue environnementale de l’individu et la diminution de cette même sensibilité pour les sons non-contrastifs. Kuhl et collaborateurs (2005) ont montré au moyen d’un paradigme de conditionnement à l’orientation de la tête, l’importance de cette diminution dans le développement langagier. En effet, ces auteurs ont mis en évidence que les enfants ayant une meilleure discrimination des sons de leur langue maternelle à l’âge de 7 mois sont ceux qui présentent de meilleures habiletés langagières, mesurées via un questionnaire de rapport parental, à respectivement 14, 18, 24 et 30 mois d’âge. A

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l’opposé, les enfants du même âge discriminant encore les sons non pertinents pour leur langue maternelle présentent de moins bonnes performances langagières ultérieurement. Une autre étude utilisant la même méthodologie (Tsao, et al., 2004) avait déjà mis en évidence ce pattern relationnel entre les habiletés perceptives précoces et le développement langagier subséquent. Ces auteurs ont avancé deux hypothèses rendant compte des liens observés entre la perception des sons de la parole et le développement langagier. La première hypothèse considère que si l’on admet l’existence d’une faculté langagière unique qui varie génétiquement dans la population, alors la perception phonémique serait liée au développement lexical et grammatical, parce qu’elles ne constitueraient qu’une seule et même habileté. La deuxième hypothèse, suggère que les habiletés perceptives et les compétences langagières seraient liées par un facteur médiateur, en l’espèce des compétences cognitives ou sensorielles plus générales. Effectivement, les compétences cognitives plus générales telles que l’attention pourraient, selon ces auteurs, jouer un rôle dans la performance mesurée avec des tâches complexes telles que le conditionnement à l’orientation de la tête. Quant aux habiletés sensorielles, les auteurs suggèrent qu’elles pourraient également permettre d’expliquer l’association observée entre la perception phonémique et le langage ultérieur. Certaines études ont en effet montré les liens que les habiletés sensorielles entretiennent avec le développement du langage en compréhension (Tallal, Miller, Bedi, Wang, & Nagarajan, 1996; Tallal, Stark, & Mellits, 1985). Par ailleurs, une étude rétrospective qui a évalué les capacités perceptives des syllabes chez des nouveau-nés au moyen de potentiels évoqués, (Molfese, 2000) a mis en évidence le pouvoir prédictif de ces compétences dans la classification des enfants dans des tâches langagières (haut niveau vs bas niveau) huit ans plus tard.

L’ensemble de ces travaux suggère donc l’existence d’une continuité entre les habiletés perceptives et le développement langagier. Comme nous l’avons déjà mentionné, d’autres auteurs ont proposé de s’intéresser à cette association en intégrant l’évaluation de ces compétences dans des tâches référentielles, faisant alors référence à la spécificité des représentations phonologiques que l’enfant construit.

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2.1.4. Les représentations phonologiques des mots

Des auteurs ont suggéré que, lorsque les enfants commencent à traiter les mots comme des entités chargées de signification, ils n’accordent pas beaucoup d’importance à des modifications minimes apportées à ces formes phonologiques (Halle & de Boysson- Bardies, 1996). Hallé et de Boysson-Bardies ont ainsi mis en évidence au moyen d’un paradigme de conditionnement à l’orientation de la tête que les enfants âgés de 11 mois sont insensibles à certains changements effectués sur les mots. Selon ces auteurs, les enfants de cet âge semblent ne pas remarquer des modifications effectuées sur les mots présentés, notamment en ce qui concerne le mode articulatoire et le voisement (p.ex. poupée /pupe/ devient /bupe/). Ces résultats iraient dans le sens d’une représentation holistique des mots chez les enfants de cet âge, qui deviendrait de plus en plus spécifiée avec l’accroissement du vocabulaire (Metsala & Walley, 1998). Metsala et Walley ont proposé un modèle appelé de restructuration lexicale selon lequel les représentations lexicales seraient très globales au début du développement langagier (en ce qui concerne l’information segmentale) et deviendraient de plus en plus spécifiées en fonction de l’augmentation de la taille du vocabulaire. Il serait cependant possible, comme il a été suggéré par Stager & Werker (1997) que les demandes de traitement associées à la tâche « cachent » la spécificité des représentations phonologiques disponibles. En effet, ces auteurs ont mis en évidence avec un paradigme d’habituation que les enfants âgés de 14 mois n’arrivent pas à percevoir la différence entre deux mots phonologiquement très proches (bih / dih) dans une tâche référentielle, alors que cette tâche est réussie par les enfants âgés de 8 mois. Stager &

Werker ont interprété ces résultats suggérant que les enfants âgés de 8 mois n’appréhendent pas la tâche proposée comme une tâche référentielle, mais plutôt comme une tâche de discrimination phonémique, contrairement aux enfants de l’âge de 14 mois. Associer des mots avec des objets est plus compliqué que de simplement faire la différence entre deux sons de la langue. Werker et Tees (1984) ont suggéré que ceci pourrait faire partie d’une « réorganisation fonctionnelle » : les enfants déplaceraient leur attention de la discrimination phonologique vers l’association « mot-objet » pendant cette phase d’acquisition lexicale. Werker & Fennell (2009) ont émis

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l’hypothèse d’une limitation dans les ressources suggérant que la représentation phonologique est toujours constante en ce qui concerne la quantité d’information phonologique, mais que des limites dans le traitement effectué interfèrent avec la capacité de l’enfant à distinguer correctement les détails phonémiques la composant.

Cette hypothèse de limitation dans les ressources à disposition irait dans le sens de ce que d’autres auteurs (Swingley & Aslin, 2000, 2002) ont mis en évidence, utilisant le paradigme du regard préférentiel, moins « exigeant » pour l’enfant. Ces auteurs ont montré que les enfants âgés de 14, 18 et 23 mois regardent plus longtemps les mots connus qui sont correctement prononcés que les mots qui contiennent une déformation phonologique. En outre, ces auteurs ont souligné que leurs résultats n’étaient pas liés à la taille du vocabulaire mesurée au moyen d’un rapport parental. Ils ont ainsi conclu que la spécificité phonologique dans la construction du lexique n’était pas due à un besoin de différenciation des mots phonologiquement proches, contrairement à ce que propose le modèle de Metsala et Walley (1998). Bailey & Plunkett (2002) ont confirmé ces résultats. Ils ont également utilisé le paradigme de regard préférentiel avec des enfants âgés de 18-24 mois et ont trouvé des résultats similaires à ceux obtenus par Swingley et Aslin. En effet, les enfants de cet âge semblent sensibles à des déformations phonologiques même minimes des mots présentés, regardant moins longtemps les images lorsque les mots correspondants sont tant soit peu modifiés. Zesiger et collaborateurs (in press) ont également mis en évidence avec ce même paradigme que les petits francophones possèdent dès l’âge de 12 mois des représentations phonologiques spécifiées des mots qui leur sont familiers.

Ballem et Plunkett (2005) ont aussi montré que ces résultats ne se limitent pas aux mots connus de l’enfant. Ces auteurs ont entraîné des enfants âgés de 14 mois avec des mots connus et des mots inconnus. Ils ont montré que les enfants sont à cet âge-là déjà capables de détecter des déformations dans la prononciation des mots, que ceux-ci soient connus ou pas de l’enfant avant l’expérience. Mais d’autres auteurs avant eux n’ont pas trouvé les mêmes résultats. Comme nous l’avons déjà évoqué, c’est le cas de Stager et Werker (1997). Il en est de même pour Werker, Fennell, Corcoran et Stager (2002) qui ont montré que les enfants âgés de 14 mois sont incapables d’associer deux

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mots phonologiquement proches à deux objets différents. Cette tâche est réussie sans difficulté par les enfants âgés de 20 mois; de leur côté les enfants âgés de 17 mois manifestent une performance intermédiaire. Les auteurs ont interprété ces résultats comme la preuve d’une évolution développementale. En effet, les enfants plus jeunes ne réussissent pas à faire la différence entre deux mots phonologiquement semblables dans une tâche d’apprentissage de mots, alors que leurs aînés ne présentent pas de difficulté dans cette différenciation. Cependant, nous avons vu que cette apparente contradiction pourrait s’expliquer par les demandes de la tâche expérimentale. Ainsi Ballem et Plunkett suggèrent-ils que les différences observées entre ces résultats et ceux obtenus par Werker et collaborateurs sont dues à des différences dans les exigences des tâches proposées. Le paradigme du regard préférentiel demanderait moins d’effort à l’enfant et permettrait selon ces auteurs, l’accès à des représentations phonologiques moins stables, contrairement au paradigme d’habituation. De sorte que ces résultats s’inscrivent dans une optique proposée également par d’autres auteurs (Floor & Akhtar, 2006; Houston-Price, Plunkett, & Harris, 2005; Tan & Schafer, 2005) suggérant que des très jeunes enfants (de l’âge de 18 mois) pourraient apprendre de nouveaux mots avec un nombre restreint de présentations et de façon très détaillée phonologiquement. Cet apprentissage serait selon certains auteurs (Tsao, et al., 2004; Werker & Yeung, 2005) en lien étroit avec la perception de sons de la parole.

Les études qui évaluent la spécificité des représentations phonologiques chez les enfants francophones sont moins nombreuses. Nazzi et collaborateurs (Havy & Nazzi, 2009;

Nazzi, 2005; Nazzi & Bertoncini, 2009; Nazzi & New, 2007) ont évalué les représentations phonologiques des enfants âgés de 20 mois avec une procédure de « dénomination catégorielle » dans laquelle on présente trois objets visuellement dissimilaires à l’enfant en attribuant la même étiquette verbale à deux d’entre eux ; l’expérimentateur prend ensuite un de ces deux objets et demande à l’enfant de lui fournir «celui qui va avec ».

Ces auteurs ont trouvé que, dans cette tâche où l’enfant doit apprendre de nouveaux mots, celui-ci est sensible à des modifications effectuées sur les consonnes mais pas sur les voyelles. Selon ces auteurs et suivant l’hypothèse proposée par Nespor, Peña et Mehler (2003), ces résultats mettent en évidence le rôle différent des consonnes et des voyelles dans le traitement de la parole et l’acquisition du langage. Les consonnes

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joueraient un rôle plus important au niveau lexical alors que les voyelles seraient plus importantes pour le décodage prosodique et les caractéristiques de la structure syntaxique.

Cette hypothèse n’est cependant pas confirmée par d’autres recherches expérimentales réalisées avec des enfants anglophones. Mani et Plunkett (Mani, Coleman, & Plunkett, 2008; Mani & Plunkett, 2007, 2008, 2010) ont démontré en utilisant le paradigme de regard préférentiel que les enfants âgés de 12, 18 et 24 mois sont sensibles aux déformations phonologiques appliquées aux consonnes et aux voyelles. Selon ces auteurs, ces résultats montrent, au contraire de ce que Nespor et collaborateurs avaient suggéré, que les voyelles joueraient également un rôle important dans l’accès aux représentations lexicales. La question de savoir si cette divergence dans les résultats est imputable à la méthode utilisée (dénomination catégorielle vs regard préférentiel) ou à la langue des petits participants (français vs anglais) a été évaluée au sein de notre Laboratoire. Zesiger et Johr (2011) ont ainsi mis en évidence en utilisant le paradigme de regard préférentiel, que les petits francophones âgés de 14 mois sont plus sensibles aux déformations effectuées sur les consonnes que sur les voyelles, attribuant ainsi la divergence des résultats mentionnée auparavant aux différences inter-langues dans la manière dont les enfants traitent les sons composant les mots. De sorte que dans la recherche que nous avons menée dans le cadre de cette thèse, nous avons proposé des modifications portant exclusivement sur les consonnes dans l’évaluation des représentations phonologiques.

Au-delà de la segmentation de la parole et de la discrimination perceptive des sons de la langue, pré-requis essentiels au développement du langage, plusieurs modèles ont tenté d’expliquer comment l’enfant associe des nouvelles formes phonologiques à leurs référents. Nous présenterons ci-dessous quelques-uns de ces modèles.

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2.1.5. Modèles de l’apprentissage lexical

Un célèbre exemple de l’évaluation de l’acquisition de nouveaux mots en contexte a été proposé par Quine il y a des nombreuses années (Quine, 1960). Quine a imaginé ce qui se passerait si, en voyage dans un pays dont on ne parle pas la langue, quelqu’un disait

« gavagai » en montrant un lapin du doigt. Cette situation ressemble de toute évidence au contexte dans lequel se trouve un enfant qui apprend à parler. Ainsi, dans cette situation, l’enfant est face à diverses possibilités auxquelles le mot pourrait faire référence : la forme de l’objet, sa couleur, sa taille, une action qu’il est en train de réaliser, etc. Cependant, il semblerait que l’enfant utilise un certain nombre de contraintes linguistiques pour réduire le nombre d’hypothèses pouvant lui permettre d’assigner un sens au mot en question (Markman, 1989). Trois contraintes ont été proposées par ce modèle s’efforçant d’expliquer l’acquisition du langage : celle qui considère l’objet pris dans sa totalité (dite du « whole object »), la contrainte taxinomique et celle de l’exclusion mutuelle. La première contrainte se fonde sur l’idée que, lorsque l’enfant est face à une nouvelle étiquette donnée à un objet inconnu jusque-là, afin de restreindre le nombre de significations possibles qui lui sont attribuées il ferait l’hypothèse qu’elle fait référence à l’objet dans sa totalité et non pas à l’une de ses caractéristiques ou à d’autres propriétés de l’objet (Hollich, Golinkoff, & Hirsh-Pasek, 2007; Markman, 1991). Une fois que l’enfant a décidé d’attribuer ce nouveau mot appris au nouvel objet présenté, il doit encore décider de l’étendue de cette utilisation. Dès lors, selon la deuxième contrainte, la contrainte taxinomique, lorsque l’enfant se trouve dans une situation d’apprentissage d’un mot nouveau, il préfèrerait étendre le sens du mot vers des noms qui font partie de la même catégorie sur-ordonnée (chien – loup), plutôt que de choisir les relations thématiques reliant ces deux objets (chien – os) (Markman & Hutchinson, 1984). Enfin, la troisième contrainte, celle de l’exclusivité mutuelle, aussi appelée la contrainte de contraste (Clark, 1990, 1993), envisage que chaque objet possède une seule étiquette pour le nommer. Cette contrainte s’appuie sur l’idée que l’enfant est motivé à rejeter un nouveau nom pour un objet qui en possède déjà un et d’éviter de la sorte les redondances dans le lexique. De sorte que face à un objet nouveau parmi plusieurs objets qui lui sont connus, l’enfant aura

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tendance à attribuer un nouveau nom donné expérimentalement au nouvel objet présenté. Deux explications de ce phénomène ont été fournies dans la littérature : la première suggère que l’enfant est naturellement motivé à attribuer des nouvelles étiquettes aux objets qu’il ne connaît pas encore (Golinkoff, Hirsh-Pasek, Bailey, &

Wenger, 1992). Selon cette explication, appelée N3C (pour Novel-Name-Nameless Category), le fait que l’enfant soit confronté à un objet pour lequel il n’a pas de nom suffit pour qu’il associe le nouveau nom avec le nouvel objet. La seconde explication met en avant la structure de l’argument logique appelé syllogisme disjonctif, plus connu sous le terme de « processus d’élimination » qui implique que lorsqu’on demande à un enfant de trouver un objet parmi d’autres qu’il connaît déjà, celui-ci procède par élimination pour attribuer le nouveau nom au nouvel objet (Halberda, 2003, 2006).

Cette seconde explication nous incite à introduire un autre modèle, celui adoptant le point de vue socio-pragmatique. En effet, selon ce modèle, lorsqu’un enfant entend un nouveau mot, il est surtout intéressé par ce que son interlocuteur a en tête (Akhtar &

Tomasello, 2000; L. Bloom, 1998; P. Bloom, 2000). Le modèle socio-pragmatique stipule ainsi qu’au moment où l’enfant commence à acquérir des mots, il est sensible aux états mentaux d’autrui. L’idée de base étant que le fait d’être sensible au contexte de communication, aux indices provenant du comportement du locuteur, ainsi qu’à l’état du locuteur, permet à l’enfant de réduire le nombre d’intentions référentielles possibles et ainsi de déterminer le sens possible d’un mot (Tomasello, 2001). Le processus d’élimination dont il était question juste avant peut être interprété selon le point de vue socio-pragmatique comme demandant à l’enfant de faire des inférences sur ce que son interlocuteur lui demande. Par exemple, si l’on demande à l’enfant de fournir un objet auquel on attribue un nom inconnu de l’enfant jusque-là tel que « dax », l’enfant peut déduire que cet objet doit être présent, sinon pourquoi le demanderions-nous? Selon Diesendruck et collaborateurs (Diesendruck, Markson, Akhtar, & Reudor, 2004) il est clair qu’à la fin de la deuxième année l’enfant déchiffre de façon active et spontanée les indices sur les intentions d’autrui et qu’il utilise ces indices afin de faire des inférences sur le sens des mots. Baldwin et Meyer ont fait une intéressante revue de littérature à ce propos (Baldwin & Meyer, 2007), montrant un nombre conséquent de recherches qui

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mettent en évidence comment à partir des deux ans, l’enfant se sert des intentions référentielles du locuteur pour attribuer des nouveaux noms à des nouveaux objets.

Cependant pour certains auteurs, interpréter les intentions référentielles du locuteur est insuffisant. L’enfant doit avoir certaines connaissances pour pouvoir faire des hypothèses sur le sens possible des nouveaux mots qu’il rencontre (Carey, 2001). Parmi ces connaissances figurent non seulement les distinctions entre objets et actions, êtres animés et inanimés mais aussi des catégories intra-domaines (p.ex. entre chiens et chats). Selon ce troisième modèle qui met en avant l’importance du développement conceptuel dans l’acquisition du langage, lorsque l’enfant est confronté à un nouveau mot qui est attribué à une nouvelle entité, il utilise ses connaissances pré-linguistiques pour décider d’abord de la catégorie conceptuelle dans laquelle cette entité doit être placée pour ensuite associer cette nouvelle étiquette à son référent. Ainsi, Soja, Carey &

Spelke (1991) ont montré que les enfants de deux ans font conceptuellement la différence entre les objets qu’on peut compter et ceux qu’on ne peut pas compter.

Selon les auteurs, cette connaissance guiderait l’acquisition de mots nouveaux. Un autre exemple est l’étude menée par Sorrentino montrant que les enfants âgés de 3 ans interprètent les noms propres comme faisant référence à une entité animée, alors que ce n’est pas le cas des entités inanimées (Sorrentino, 2001). Selon ce modèle, la construction du monde de l’enfant aurait une influence certaine sur les hypothèses que celui-ci fait quant au sens d’un mot nouveau. L’enfant relierait ses différents systèmes de connaissance: afin d’étendre ses connaissances dans un domaine particulier il convoquerait les connaissances qu’il possède dans d’autres domaines (Spelke, 1994).

Ceci a une fonction d’économie évidente et nous y reviendrons quand il sera question de parler de la mémoire.

2.1.5.1. L’acquisition de nouveaux mots

Nous avons décrit ci-dessus plusieurs modèles proposés pour rendre compte du processus complexe qu’est l’acquisition lexicale (cf. le modèle des contraintes

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linguistiques (Markman, 1989), le modèle socio-pragmatique (Akhtar & Tomasello, 2000) ou encore celui qui fait référence aux connaissances de l’enfant (Soja, Carey, & Spelke, 1991). Tous ces modèles constituent des explications plausibles de la façon d’acquérir des nouveaux mots. Nous développerons cependant ici deux autres aspects qui n’ont pas été évoqués auparavant et qui concernent plus directement le tout jeune enfant.

Nous traiterons d’une part de l’opposition entre l’appariement rapide et la consolidation d’un mot nouvellement rencontré ; et d’autre part même si cela concerne moins directement le sujet de cette thèse, du « bootstrapping » syntaxique.

Fast-mapping vs slow-mapping

Carey (1978) a évalué dans une étude pilote, l’apprentissage d’un mot unique chez des enfants âgés de 13 - 14 mois. Les résultats de cette recherche ont permis de suggérer l’existence de deux phases dans ce processus d’apprentissage. La première phase, appelée « fast-mapping » (FM), concerne l’association rapide que l’enfant fait entre la séquence des sons entendus composant un mot et son référent. Elle prend place très rapidement, après seulement une ou peu de présentations. Selon Carey et Bartlett (1978), le FM ne constitue qu’une petite partie de l’information plus large associée au processus d’apprentissage d’un mot, le premier échelon dans l’acquisition lexicale. La nouvelle représentation ainsi créée intègre l’information phonologique, sémantique et syntaxique du nouvel item lexical ainsi que l’information non-spécifiquement linguistique, tel que le contexte dans lequel ce nouvel item prend sens. La seconde phase, appelée « extended mapping » ou « slow-mapping » (SM) concerne l’ « extension » de cette association rapide entre un mot et son référent à des contextes variés. Elle suppose également la réorganisation du lexique existant de façon à pouvoir intégrer le nouveau mot dans le réseau sémantique déjà constitué. En d’autres termes, la phase de SM constituerait le point culminant du processus d’apprentissage d’un mot nouveau.

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