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PARTIE EXPERIMENTALE DU SUIVI LONGITUDINAL

3. Problématique, méthode, résultats et discussion du suivi longitudinal

3.3. Résultats du suivi longitudinal

3.3.5. Analyses à travers les différents temps expérimentaux

3.3.5.3. Analyses de clusters

Nous avons également effectué une analyse de clusters qui permet de classer les performances des enfants en créant des groupes en fonction d’un certain nombre de variables d’intérêt. L'objectif est d'obtenir des groupes les plus contrastés possibles.

Pour cette analyse, nous avons utilisé la méthode Ward qui permet de différencier les

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groupes en minimisant la variance intra-groupe. Quatre analyses ont été ainsi effectuées : une première analyse qui regroupe (ou différencie) les enfants en fonction de cinq variables correspondant à des tâches expérimentales effectuées à leurs 18 mois d’âge (T1); une deuxième analyse qui prend en compte cinq variables correspondant à des mesures effectuées à l’âge de 24 mois (T2) ; une troisième analyse qui prend en considération six variables issues des mesures expérimentales effectuées à l’âge de 30 mois (T3) et enfin, une quatrième analyse a été effectuée en fonction de sept variables issues des performances obtenues à des tâches expérimentales réalisées à l’âge de 36 mois (T4). Nous avons utilisé le critère proposé par Mojena (1977) pour décider du nombre de clusters dont la constitution permet de différencier effectivement les sujets.

Selon ce critère, deux clusters ont été trouvés au T1, au T2, au T3 et au T4 comme étant significatifs.

Analyse de clusters en fonction des mesures réalisées au T1

Pour l’analyse de clusters effectuée en rapport à certaines compétences observées à 18 mois, nous avons pris en compte cinq variables : la discrimination phonologique et la discrimination phono-acoustique obtenues à la tâche VHP19, le nombre de mots compris et produits obtenus au moyen d’un rapport parental et l’habileté d’apprentissage de mots mesurée au moyen d’une tâche utilisant le regard préférentiel (ANM1). Comme nous l’avons expliqué plus haut, en utilisant la méthode Ward et le critère d’arrêt pour la partition de Mojena (1977), nous obtenons deux clusters. Les analyses descriptives de ces cinq variables en fonction des clusters (1 vs 2) sont présentées dans le Tableau 23.

On observe que les enfants regroupés dans le cluster 1 obtiennent une moyenne plus élevée que ceux qui sont regroupés dans le cluster 2 en ce qui concerne l’indice de discrimination phonologique et l’indice de discrimination phono-acoustique, ainsi que pour le nombre de mots compris à l’âge de 18 mois.

9 Voir point 3.2.3.2 pour une description des tâches utilisées au T1

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Variables CLUSTER 1 CLUSTER 2

N Moyenne Ecart type N Moyenne Ecart type

Discrimination phonologique

12 8.2583 3.29254 15 .4000 1.88755

Discrimination phono-acoustique

12 7.3833 3.42606 15 -2.7667 4.14361

Mots produits 11 17.82 9.579 15 27.20 27.389

Mots compris 11 227.55 64.612 15 151.07 82.466

Apprentissage PIBA 12 11.2917 12.99031 15 5.3000 14.33502

Tableau 23. Analyses descriptives des cinq variables calculées à 18 mois (T1) définissant les deux clusters obtenus à cet âge

Une analyse de variance multivariée (MANOVA) de ces données a également été effectuée pour déterminer lesquelles de ces variables sont significativement différentes au sein des deux clusters. Utilisant le cluster en tant que facteur inter-sujets dans la MANOVA, on observe une différence significative globale entre le cluster 1 et le cluster 2, F(5,20)=23.246, p<.001. Des différences significatives en fonction du cluster sont observées spécifiquement pour la variable de discrimination phonologique, F(1,24)=100.625, p<.001, pour la variable de discrimination phono-acoustique, F(1,24)=53.633, p<.001, et pour le nombre de mots compris par les enfants de cet âge, F(1,24)=6.505, p<.02. Les résultats concernant le nombre de mots produits ainsi que ceux qui sont relatifs à l’apprentissage d’un nouveau mot, ne sont pas significatifs : les enfants des deux groupes (cluster 1 vs cluster 2) ne se différencient pas sur ces variables.

Ces données sont illustrées dans la Figure 12.

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Figure 12. Représentation des résultats obtenus à la tâche de discrimination phonologique (VHP1) et du nombre de mots compris par les enfants à 18 mois en fonction des clusters estimés en fonction de cinq variables mesurées au T1.

Soulignons cependant qu’en sélectionnant les enfants en fonction des variables mentionnés ci-dessus, le logiciel a exclu 16 enfants âgés de 18 mois qui n’ont pu être associés à aucun de ces deux clusters.

Nous avons également effectué une MANOVA prenant en compte les mesures effectuées au T4, soit 18 mois plus tard, pour évaluer si ces clusters permettaient toujours de différencier les enfants. Les résultats montrent que la seule variable significative est le score obtenu à l’âge de 36 mois à la tâche d’identification syllabique.

Les enfants ayant été regroupés à l’âge de 18 mois dans le cluster 1 obtiennent une moyenne significativement supérieur à cette tâche à 36 mois que ceux qui ont été

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regroupés dans le cluster 2 au même âge, F(1,21)=6.796, p<.02. Cependant aucune des autres variables mesurées au T4 n’est significative : les enfants regroupés au T1 en deux clusters différents ne peuvent plus être différenciés en ce qui concerne leur niveau de vocabulaire ni pour leurs compétences de discrimination auditivo-phonétique ou de répétition de non-mots.

Analyse de clusters en fonction des mesures réalisées au T2

Nous avons également effectué une analyse de clusters considérant des variables issues des mesures réalisées à l’âge de 24 mois (T2). Pour cette analyse, nous avons pris en compte le vocabulaire réceptif et productif des enfants estimé au moyen d’un rapport parental (MCDI), le score obtenu à une tâche de répétition de mots et de non-mots (NWR2) et les deux indices de sensibilité à la déformation phonologique (sur les mots familiers et sur les mots nouveaux) calculés à partir d’une tâche utilisant le regard préférentiel (ANM2)10. Les analyses descriptives de ces tâches en fonction des deux clusters obtenus sont présentées dans le Tableau 24.

Les enfants regroupés dans le cluster 2 obtiennent une moyenne plus élevée que ceux regroupés dans le cluster 1 pour le nombre de mots compris et produits à cet âge, ainsi que sur le score obtenu à la tâche NWR2.

10 Voir le point 3.2.3.4 pour une description des tâches utilisées au T2

144 différence significative est spécifiquement observée entre le cluster 1 et le cluster 2 pour le nombre de mots produits, F(1,19)=23.535, p<.001, pour le nombre de mots compris, F(1,19)=33.014, p<.001, et pour le score obtenu à la tâche de répétition de mots et de non-mots à cet âge, F(1,19)=5.717, p<.03. Les deux indices de sensibilité à la déformation phonologique (pour les mots familiers et nouveaux) ne différencient pas les enfants des deux clusters de façon significative. La Figure 13 représente ces données de façon graphique.

Nous avons effectué ici également une MANOVA prenant en compte les variables mesurées au T4 (VD), soit 12 mois après la distinction de ces deux clusters, pour évaluer l’aspect prédictif de cette partition. Deux variables montrent des différences significatives entre les deux clusters, ce sont la sensibilité phonologique, mesurée au moyen d’une tâche d’identification syllabique, et le nombre de mots produits estimé au moyen d’un rapport parental (DLPF). Les enfants regroupés à l’âge de 24 mois dans le cluster 2 présentent toujours une année plus tard un meilleur vocabulaire en production, F(1,17)=19.636, p<.001, de même que de meilleures compétences de sensibilité phonologique, F(1,17)=6.151, p<.03, que les enfants regroupés au même âge dans le cluster 1.

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Figure 13. Représentation des résultats obtenus à la tâche de répétition de mots et non-mots (NWR2) et du vocabulaire réceptif pour les enfants de 24 mois en fonction des clusters trouvées au T2.

Analyse de clusters en fonction des mesures réalisées au T3

Nous avons aussi réalisé une analyse de clusters considérant des variables issues des mesures réalisées à l’âge de 30 mois (T3). Pour cette analyse, nous avons pris en compte le vocabulaire réceptif et productif des enfants estimé au moyen d’un rapport parental (MCDI), le score obtenu à une tâche de répétition de mots et de non-mots (NWR3) et le score obtenu au test informatisé de vocabulaire en compréhension (CCT)11 ainsi que

11Voir le point 3.2.3.6 pour une description des tâches utilisées au T3

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deux indices associés à cette tâche : le nombre d’erreurs phonologiques et le nombre d’erreurs sémantiques. Comme pour les analyses effectuées aux autres temps expérimentaux, deux clusters ont été obtenus en fonction de ces variables. Les analyses descriptives de ces tâches en fonction de ces deux clusters sont présentées dans le Tableau 25.

Les enfants regroupés dans le cluster 2 obtiennent une moyenne plus élevée que ceux regroupés dans le cluster 1 pour le nombre de mots compris et produits à cet âge, ainsi que sur le score obtenu à la tâche NWR3 et pour le score obtenu à la CCT.

Contrairement à ce qui était attendu, ces enfants obtiennent également un nombre plus élevé d’erreurs phonologiques et sémantiques à cette tâche.

Variables Cluster 1 Cluster 2

Tableau 25. Analyses descriptives des six variables calculées à 30 mois (T3) définissant les deux clusters obtenus à cet âge (CCT), F(1,33)=57.355, p<.001, et pour les nombre d’erreurs phonologiques, F(1,33)=14.494, p<.001, et sémantiques, F(1,33)=51.717, p<.001, observées à cette tâche. La Figure 14 donne une représentation graphique de ces données sur les deux variables qui se sont révélées significatives à l’analyse de variance.

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Figure 14. Représentation des résultats obtenus à la tâche informatisée de vocabulaire en compréhension (CCT) et du nombre de mots produits obtenus avec un rapport parental (MCDI) pour les enfants de l’âge de 30 mois en fonction des clusters trouvées au T3.

Nous avons effectué ici également une MANOVA prenant en compte les variables mesurées au T4, soit 6 mois après la distinction de ces deux clusters, pour évaluer l’aspect prédictif de cette division. Trois variables montrent des différences significatives entre les deux clusters, ce sont le nombre de mots produits estimé au moyen d’un rapport parental (DLPF), le score obtenu à un test standardisé de vocabulaire en compréhension (EVIP) et le score obtenu à la tâche de répétition de mots et de non-mots (NWR4). Les enfants regroupés à l’âge de 30 mois dans le cluster 2 présentent six mois plus tard un meilleur vocabulaire en production, F(1,29)=4.251, p<.05, de

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meilleures compétences de répétition, F(1,29)=9.978, p<.01, et un score supérieur à l’EVIP, F(1,29)=8.456, p<.01, que les enfants regroupés au même âge dans le cluster 1.

Analyse de clusters en fonction des mesures réalisées au T4

En suivant la même procédure, nous avons effectué une analyse de clusters en fonction de sept variables issues des mesures récoltées au T4 (âge : 36 mois). Les variables prises en compte étaient le score obtenu à une tâche de gnosies auditivo-phonétiques12, le score obtenu à une tâche de répétitions de mots et non-mots, le nombre de lexicalisations effectuées à cette tâche de répétition, le score obtenu à une tâche d’apprentissage de mots, le résultat obtenu à un test de vocabulaire en compréhension et le nombre de mots produits estimé au moyen d’un rapport parental. Les analyses descriptives de ces sept variables sont présentées dans le Tableau 26 en fonction des clusters obtenus (1 vs 2). Les enfants regroupés dans le cluster 2 obtiennent une moyenne plus élevée pour toutes les variables considérées, à l’exception du nombre de lexicalisations effectuées à la tâche de répétition de mots et non-mots (NWR4).

Rappelons cependant que cette mesure doit être comprise dans un sens inversé : meilleures sont les performances de l’enfant, moindre sera le nombre de lexicalisations effectuées.

12 Voir le point 3.2.3.8 pour une description des tâches utilisées au T4

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Variables Cluster 1 Cluster 2

N Moyenne Ecart type N Moyenne Ecart type

Gnosies auditivo-phonétiques 10 3.20 1.476 32 4.97 .897

NWR4 10 33.80 7.239 32 44.91 7.630

Lexicalisations NWR4 10 2.80 1.229 32 2.37 1.737

Sensibilité phonologique 10 2.50 1.354 32 3.69 1.447

ANM4 10 1.50 1.179 32 2.16 1.051

EVIP (Voc Compréhension) 10 16.00 6.749 32 31.09 9.121

DLPF (Voc Production) 10 623.30 230.357 32 963.38 174.572

Tableau 26. Analyses descriptives des sept variables calculées à 36 mois (T4) définissant les deux clusters obtenus à cet âge

Comme pour les autres temps expérimentaux, une analyse de variance multivariée (MANOVA) a été effectuée pour déterminer lesquelles de ces variables sont discriminatives au sein des deux clusters. Un effet significatif général du cluster est observé, F(6,35)=14.977, p<.001. Utilisant le cluster en tant que facteur inter-sujets dans la MANOVA, on observe une différence significative entre le cluster 1 et le cluster 2 pour les variables suivantes : les gnosies auditivo-phonétiques, F(1,40)=23.393, p<.001, le score à la tâche de répétition de mots et non-mots, F(1,40)=16.514, p<.001, le score à la tâche de sensibilité phonologique, F(1,40)=5.281, p<.03, le score à l’EVIP, F(1,40)=23.231, p<.001, et enfin, le nombre de mots produits récoltés au moyen du DLPF, F(1,40)=24.781, p<.001. Les résultats concernant le nombre de lexicalisations effectuées à la tâche NWR4 ainsi que ceux qui sont relatifs à l’apprentissage de nouveaux mots, ne sont pas significatifs. Une représentation graphique de ces données en fonction de deux de ces variables ayant été estimées significatives dans la différenciation des clusters est présentée dans la Figure 15.

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Figure 15. Représentation des résultats obtenus à la tâche de répétition de mots et non-mots (NWR4) et du score à l’EVIP pour les enfants de 36 mois en fonction des clusters trouvées au T4.

Nous avons également effectué une MANOVA prenant en compte les mesures effectuées au T1, soit 18 mois plus tôt, pour évaluer si ces clusters permettaient de différencier les enfants d’une façon différente que celle proposée par les clusters calculés au T1. Nous avons procédé ici en sens inverse à celui que nous avons présenté auparavant (voir point 3.3.5.3. : analyse de clusters en fonction des mesures réalisées au T1). Cette analyse rétrospective montre que les enfants regroupés dans les clusters 1 et 2 se différencient en ce qui concerne le nombre de mots compris à l’âge de 18 mois, F(1,22)=4.867, p<.05. L’indice de discrimination phono-acoustique montre un effet tendanciel, F(1,22)=3.601, p=.071. Aucune des autres variables considérées à l’âge de 18 mois ne présente un effet significatif.

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Enfin, de la même façon que celle qui est décrite ci-dessus, nous avons réalisé une MANOVA évaluant rétrospectivement les variables considérées au T2. Cette analyse avait pour but d’estimer si les clusters trouvés au T4 pouvaient également différencier les enfants une année plus tôt (T2). Trois variables obtiennent des résultats significatifs à cette analyse suggérant que les enfants peuvent être différenciés sur ces dimensions, soit le nombre de mots compris, F(1,9)=7.333, p<.03, et produits, F(1,9)=5.940, p<.05, et le score obtenu à la tâche de répétition de mots et de non-mots à l’âge de 24 mois (NWR2), F(1,9)=9.484, p<.02.

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