• Aucun résultat trouvé

PARTIE EXPERIMENTALE DU SUIVI LONGITUDINAL

3. Problématique, méthode, résultats et discussion du suivi longitudinal

3.1. Objectifs et hypothèses générales

3.2.3. Caractéristiques des participants et tâches aux différents temps expérimentaux

3.2.3.6. Outils utilisés au T3

Comme nous l’avons déjà mentionné, nous avons été contraints de modifier notre projet initial pour inclure de façon transversale des enfants consultant la Guidance Infantile pour un RL. Ces enfants ont été inclus dans ce seul temps expérimental. Nous avons ainsi fait un effort particulier lors du T3 pour créer des tâches expérimentales pouvant être utilisées tant chez les enfants tout-venants qu’avec des enfants présentant un RL (certains d’entre eux présentant des troubles développementaux associés).

Le T3 comportait une séance expérimentale d’une heure alternant tâches informatisées et jeux. L’objectif principal de ce troisième temps d’étude consistait à évaluer les habiletés langagières des enfants en compréhension et en production ainsi qu’à apprécier différentes compétences, notamment en ce qui concerne la MVCT et la spécificité des représentations phonologiques.

Tâche de répétition de mots et de non-mots (NWR3)

Cette tâche, comme nous l’avons relevé précédemment, permet de mesurer les compétences mnésiques des enfants dont on postule qu’elles jouent un rôle essentiel dans le développement du lexique. Une étude effectuée avec des enfants italophones a montré que les enfants chez lesquels a été diagnostiqué un RL à l’âge de 24 mois

93

présentent à l’âge de 4-5 ans des difficultés dans une tâche de répétition de non-mots (D'Odorico, Assanelli, Franco, & Jacob, 2007). Mais leurs compétences n’ont pas été évaluées au moment où le diagnostic de RL a été posé. C’est ce que nous avons testé au moyen de cette tâche. Dans le but d’augmenter nos chances de capter l’attention des enfants présentant des retards développementaux, nous avons modifié la tâche par rapport au T2 en proposant un jeu informatisé. L’enfant, assis à une table basse et face à un ordinateur portable DELL-Latitude D800, regarde des images racontant une petite histoire sur le programme PowerPoint. L’histoire est enregistrée par une voix de femme utilisant un style « child directed speech ». Au cours de cette histoire, l’enfant rencontre un personnage qui invite une série de copains à son anniversaire ; il passe de porte à porte en appelant ses invités et demande à l’enfant de répéter avec lui le nom des copains pour qu’ils apparaissent à l’écran. Les deux premiers personnages appelés sont des noms connus de l’enfant : un monosyllabique (chat) et un bisyllabique (bébé). Les noms des autres personnages sont des non-mots qui varient en longueur : 2 monosyllabiques, 2 bisyllabiques et 3 trisyllabiques (voir liste de stimuli en Annexe D).

Chaque fois que l’enfant répète le nom du personnage, ce dernier apparaît avec un renforcement sonore caractéristique de chacun d’entre eux. Les réponses de l’enfant sont enregistrées avec un enregistreur numérique Marantz PMD671 et cotées ensuite selon des critères semblables à ceux décrits pour la tâche NWR2. La seule différence que nous avons introduite est un score de 3 points si l’enfant produit le mot sans aucune déformation, les scores de 2, 1 et 0 points restant inchangés. Comme pour la tâche NWR2, 10 % des passations ont été cotées par un second juge (N=7). La corrélation inter-juge est de r=.776, p>.05. On obtient ainsi comme pour la tâche NWR2, un score représentant le nombre de syllabes correctement répétées et un score du nombre total de points obtenus.

Mesure directe de la compréhension CCT (computerized comprehension task)

Comme nous l’avons brièvement exposé lors de la présentation du rapport parental

94

utilisé ici pour mesurer le vocabulaire en compréhension des enfants (MCDI), des mesures plus directes existent. Ces mesures ont l’avantage d’évaluer le vocabulaire dans des contextes plus neutres que ne le font les questionnaires parentaux. En effet, lorsqu’un parent estime que son enfant comprend par exemple le mot «soupe », on peut se poser la question de savoir si cette compréhension est limitée au contexte de la cuisine et/ou de la salle à manger ou encore de la table sur laquelle on mange ou si, comme le voudraient les modèles classiques évaluant l’accès au sens des mots, cette compréhension est étendue aux situations dans lesquelles le contexte ne joue pas un rôle facilitateur (Snyder, Bates, & Bretherton, 1981). Ainsi, nous avons testé au moyen de cette tâche la compréhension de mots isolés en l’absence d’un contexte aidant l’enfant à trouver son signifié. En outre, la manipulation du type de distracteurs présentés avec le mot cible (phonologique vs sémantique) nous a également permis de tester la spécification des représentations phonologiques des mots connus ainsi que la spécificité des catégories sémantiques créées par l’enfant.

Pour des raisons d’ordre pratique, tous les enfants n’ont pas pu utiliser le même matériel : pour les enfants qui ont été évalués dans notre Laboratoire, nous avons utilisé un écran tactile, comme dans la méthode originale développée par Friend et Keplinger (2003), alors que les enfants évalués à la Guidance Infantile ont passé cette épreuve sur un ordinateur portable, utilisant simplement le pointage. Nous décrivons chacune de ces deux méthodes ci-dessous.

Dans notre Laboratoire, les enfants sont assis face à un écran tactile (ELO Inputech Intuitive 17’’, résolution 1280 x 1024) relié à un ordinateur installé dans une pièce adjacente. L’expérimentateur peut lancer chacun des items avec une souris sans fil depuis le Laboratoire. L’écran tactile permet d’enregistrer directement les réponses données par l’enfant. L’écran tactile étant très sensible au toucher des petits doigts des enfants, l’expérimentateur effectue parallèlement en ligne une cotation crayon-papier afin de s’assurer que les réponses enregistrées automatiquement reflètent les connaissances réelles des enfants (p.ex. dans le cas où un enfant toucherait l’image cible

« par hasard », l’expérimentateur peut corriger par la suite le fichier de résultats). Ce protocole expérimental utilise le logiciel Eprime 1.0 pour gérer la présentation des images et l’enregistrement des réponses de l’enfant. Cette tâche comporte 26 items

95

(voir Annexe E) pendant le déroulement desquels l’enfant regarde des images correspondant à 2 catégories morphosyntaxiques (noms et verbes). Lors de chaque essai l’enfant regarde trois images apparaissant simultanément à l’écran : l’image cible et deux distracteurs (un distracteur phonologique et un distracteur sémantique). La position de l’image cible est contrebalancée à travers les items (gauche, milieu, droite).

Au moment où les images apparaissent à l’écran, l’expérimentateur demande à l’enfant

« où est « mot cible » ?, montre « mot cible »» pour les noms ; et « qui est en train de

« mot cible » ?, montre « mot cible » » pour les verbes. Si l’enfant touche l’image cible, un renforcement sonore positif l’encourage à continuer ; en revanche s’il touche une autre image ou une autre partie de l’écran, un son neutre (toujours le même) est émis.

Trois scores sont ainsi obtenus : un score représentant le nombre total de réponses correctes, un score synthétisant le nombre d’erreurs phonologiques et un score regroupant le nombre d’erreurs sémantiques.

Les enfants qui consultent la Guidance Infantile pour un RL ont effectué exactement la même tâche à l’exception de l’utilisation de l’écran tactile. En effet, cet écran n’étant pas facilement transportable, un ordinateur portable l’a remplacé. Comme il n’était pas possible de procéder à l’enregistrement automatique des réponses de l’enfant, l’expérimentatrice notait en ligne les réponses fournies par l’enfant au moyen du pointage des images. Les mêmes trois scores mentionnés ci-dessus étaient ainsi obtenus.

Tâche d’apprentissage de nouveaux mots (ANM3)

Pendant ce temps expérimental, nous avons également testé le développement lexical de façon dynamique en proposant une nouvelle tâche d’apprentissage de mots. Comme nous l’avons déjà mentionné pour les autres tâches expérimentales utilisées pendant le T3, nous avons consenti un effort particulier pour trouver une procédure expérimentale susceptible d’être utilisée autant avec des enfants tout-venants qu’avec des enfants

96

présentant des retards développementaux. Ainsi avons-nous sélectionné une méthode qui a donné des résultats convaincants dans l’apprentissage de mots chez les enfants présentant des traits autistiques (Luyster & Lord, 2009). Dans cette tâche de FM, proposant la manipulation concrète d’objets, les auteurs ont montré que les enfants avec des traits autistiques étaient capables d’effectuer des associations mot-objet.

Nous avons de la sorte créé pour cette tâche des non-objets colorés et attirants en pâte FIMO (voir description effectuée pour la tâche NWR2). Une petite maison en plastique complétait le matériel expérimental (voir Figure 7). La procédure est la même que celle proposée par Luyster et Lord (2009): l’enfant est assis à une table basse à côté de l’expérimentatrice, la maison en plastique à sa portée. Un premier item d’essai est proposé à l’enfant au cours duquel l’expérimentatrice lui montre 2 objets nouveaux et un objet connu (un chien miniature de la collection Playmobil®). Elle laisse l’enfant observer les objets durant un moment et lui demande ensuite « Peux-tu mettre le chien dans la maison ? Seulement le chien ! ». Selon le critère utilisé par Luyster et Lord que nous avons adopté, cet item doit être réussi pour pouvoir continuer la tâche. Il montre que l’enfant a compris ce qu’on attend de lui et qu’il est capable d’appliquer la règle de ne choisir qu’un seul parmi les objets présents, celui qui lui est demandé. Lors des deux items expérimentaux qui suivent, on présente trois non-objets simultanément et on centre ensuite l’attention de l’enfant sur deux de ces objets consécutivement. On attribue une nouvelle étiquette verbale à l’un de ces deux objets en le nommant cinq fois dans des courtes phrases : « tu veux jouer avec le REUCHON ? il est beau le REUCHON, voudrais-tu prendre le REUCHON ? », etc. Pendant ce temps l’enfant peut manipuler l’objet et jouer avec sans le mettre dans la maison. L’expérimentatrice pose ensuite cet objet avec les deux autres de la série et prend le second objet auquel elle va intéresser l’enfant mais sans lui attribuer un nom et dit « il est joli ! Veux-tu jouer avec ? Que pourrions-nous faire avec ? », etc. L’enfant peut également manipuler cet objet et jouer avec sans le mettre dans la maison. Ce second objet rejoint ensuite la série de trois objets. Tous les objets se trouvent sur la table, à égale distance de l’enfant et à sa portée. Comme dans l’item d’essai, l’expérimentatrice demande alors à l’enfant « Peux-tu mettre le REUCHON dans la maison ? Seulement le REUCHON ! ». La procédure de cet item expérimental est répétée avec un second item. Les deux mots associés aux

non-97

objets ont été choisis de façon qu’ils respectent les contraintes phonotactiques du français. En outre, afin de tester la compétition phonologique dans le développement lexical (Swingley & Aslin, 2007), un des deux nouveaux mots proposés est proche phonologiquement d’un mot connu de l’enfant (JAPEAU – proche de chapeau) alors que l’autre n’a pas de voisin phonologique proche dans le lexique des enfants de cet âge (REUCHON). L’enfant obtient ainsi 1 point pour chacun des objets correctement placés dans la maison.

Figure 7. Photo représentant l’essai d’entraînement à la tâche ANM3

MacArthur Communicative Development Inventory (MCDI, adaptation française, Kern, 2003)

Comme pour les autres temps expérimentaux, nous avons également utilisé ici le rapport parental mesurant le vocabulaire en compréhension et en production. Nous avons utilisé la version 2 destinée aux enfants âgés de 16 à 30 mois et mettant l’accent sur les mots produits et la combinaison de mots. Nous avons cependant, comme pour le T2, rajouté une colonne supplémentaire au questionnaire afin d’obtenir également une mesure quantitative du nombre de mots compris par l’enfant (voir Annexe C).

98