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Oncologie : Article pp.66-67 du Vol.7 n°1 (2013)

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Academic year: 2022

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Psycho-Oncol. (2013) 7:66-67 DOI 10.1007/s11839-013-0410-x

LIVRES ET VIDÉOS / BOOKS AND VIDEOS

C’est un livre bien original qui commence avec une « maladie » étrange… Il s’agit de Plica Polonica, la maladie des pliques polonaises.

Qu’est-ce que les pliques ? Des cheveux enchevêtrés, tellement emmêlés qu’ils se confondent avec une masse organique à part, auto- nome, qui garnit le crâne. Le « toit du corps » est ainsi transformé en un couvre-chef étonnant, aujourd’hui communément appelé… dreadlocks. Mais pourquoi a-t-on donc pensé pendant des siècles qu’il s’agissait d’une maladie ?

Parce que la chevelure des plus pauvres était sale et rem- plie de poux ?

Parce que chez les « malades mentaux » et les « arrié- rés », on l’assimilait à l’un des symptômes de l’hystérie ? Il est passionnant que dans cette partie du livre, Gérard Tilles et Françoise Gründ aient organisé une discussion anthropologique autour du rejet des plus défavorisés et des simples d’esprit. Le rejet prenait la forme d’une maladie, et la plique devenait un modèle de l’humoralisme, cette croyance en la vertu bénéfique d’un ensemble de symp- tômes qui focalisait les difficultés d’un déviant. Même Balzac nous livre un passage extraordinaire de L’Envers de l’histoire contemporaine où les parents de Vanda (mani- festement hystérique par ses attaques de paralysie, son mutisme, puis sa surdité transitoires et ses aboiements de chien mélancolique) font appel à tous les charlatans pour la guérir de la plique polonaise. La plique est bien un mythe à l’époque : elle vient de l’Est, elle rappelle la misère et l’obscurantisme des peuples qui, à la faveur des conquêtes napoléoniennes, allaient « enfin » être acculturés. La pli- que est un indice de sauvagerie, à laquelle sont assimilés les parias de la société. Alors, aujourd’hui qu’en est-il des dreads ? Appel aux cultures ancestrales, communication plus ou moins naïve de valeurs de vérité, provocation vis-à- vis des « bien coiffés » conformistes, retour à la nature…

Cette première observation laisse la place à une autre étude des cheveux, révélatrice de la tentation hygié- niste qui consistait à qualifier de malades, ceux qui, par pauvreté, n’avaient pas les moyens de soigner leur cheve- lure. Mais ici, ce sont les enfants qui vont être victi- mes de l’opprobre général : il s’agit des petits teigneux.

Les années 1850 vont heureusement faire cesser les expé- rimentations hasardeuses de certains médecins et dévelop- per le remède des frères Mahon décrétés alors « guérisseurs des hôpitaux de Paris » (sic !).

Il est piquant de voir combien les médecins de l’épo- que furent mécontents de constater que le remède à ces champignons microscopiques avait été trouvé par des non- médecins. Mais fort heureusement, les découvertes pas- toriennes permirent aux enfants isolés, du fait de leur

« contagiosité », de faciliter leur traitement dans des servi- ces, comme ceux de l’hôpital Saint-Louis où la dermatolo- gie allait bientôt les soigner.

Mais encore fallait-il que ces hôpitaux soient moderni- sés. Ils ne le devinrent qu’à partir du xxe siècle !

La teigne, la pelade atteignent non seulement le cheveu, mais le visage, qui se sépare d’un couvre-chef personnali- sant. Ainsi, la chevelure est un véritable marqueur de l’iden- tité individuelle et sociale d’après les auteurs.

Dès la toute petite enfance surgit ce que les Russes et autres habitants des Balkans appellent « la nostalgie du velu », cette souffrance de ne pouvoir s’accrocher ou se blottir dans la toison maternelle ou paternelle, comme le font nos frères, les autres primates. La chevelure est non seulement un indicateur de l’âge, de la santé, mais aussi de la disponibilité sexuelle et encore de l’originalité. Ce « frag- ment corporel » est le seul que l’on puisse manipuler et même couper sans souffrir. Il est aussi un élément de beauté sur lequel on peut exercer sa fantaisie ou sa maîtrise, voire son art… Bien sûr, sur le plan social, le cheveu, le poil sont des indices d’événements tels que la puberté, le mariage, le deuil. Ces deux éléments pileux signent d’ailleurs toute leur ambivalence, puisque généralement, le cheveu provoque le désir, mais le poil entraîne le rejet…

Les cheveux

Signe et signifiant

Gérard Tilles, Françoise Gründ, Springer, 2013

© Springer-Verlag France 2013

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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Psycho-Oncol. (2013) 7:66-67 67

Un chapitre sur l’usage des perruques nous convainc de l’intérêt de sa lecture pour revenir au cancer et à l’effet le plus repoussant des chimiothérapies anticancéreuses : celui de l’alopécie.

Un glossaire permet de retrouver toutes les expressions de la langue française ayant trait au cheveu, on trouve même des recettes ancestrales pour maintenir ses cheveux en bonne santé. Les coiffures, les ustensiles, complètent ce manuel original par sa matière et par ses auteurs : un der- matologue et une ethnologue qui nous permettent, par leur

culture, un voyage dans l’espace et le temps, une réflexion approfondie sur la perte la plus importante du cancer, celle, même transitoire, de sa chevelure.

M.-F. Bacqué Rédactrice en chef de psycho-oncologie EA 3071, université de Strasbourg, Strasbourg, France Correspondance : mfbacque@club-internet.fr

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