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Oncologie : Article pp.30-34 du Vol.7 n°1 (2013)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

De la vulnérabilité psychique aux risques psychopathologiques dans l ’ « après-cancer »

From psychological vulnerability to psychopathological risks in the“post-cancer” period

O. Bézy

Reçu le 13 novembre 2012 ; accepté le 5 décembre 2012

© Springer-Verlag France 2013

RésuméIl n’est plus besoin de démontrer que la confronta- tion au cancer constitue un véritable traumatisme qui boule- verse l’existence et marque une rupture dans la vie de la personne. Les premiers états généraux des malades du can- cer organisés par la Ligue contre le cancer en 1998 en sont la preuve : véritable plaidoyer pour une réhumanisation des prises en charge en cancérologie et pour une généralisation de la présence des « Psy » dans les lieux de soins du cancer.

S’en inspirant, le premier Plan cancer allait bientôt transfor- mer ces revendications en exigences avec ses mesures phares que sont le dispositif d’annonce et les soins de support au sein desquels la psycho-oncologie trouve logiquement sa place. Il fallait reconnaître et prendre acte des effets psychi- ques suscités par la maladie cancer dont les représentations collectives forgent la singularité. Le cancer n’est pas une maladie ordinaire, mais l’archétype, en médecine, du fléau, calamité redoutable qui s’abat de façon incontrôlable. Grâce aux progrès des thérapeutiques, la rémission est devenue une réalité pour bien des patients en cancérologie. Cependant, la maladie et les traitements peuvent avoir laissé des traces, autant de séquelles physiques plus ou moins durables avec lesquelles la personne devra composer et qui ne sont pas sans conséquence sur le plan psychique. Sur le plan strictement psychique, la rémission, même si elle marque l’arrêt des thé- rapeutiques, suscite un sentiment accru de vulnérabilité, un véritable ébranlement identitaire. Au cours de cette période dite de rémission, dont le caractère provisoire n’est pas sans incidence subjective, ces sujets porteurs d’un traumatisme présentent des symptômes psychiques parfois invalidants qui les amènent à consulter les « Psy ». Dans ces consulta- tions, nous recevons des patients dont la figure habituelle n’est pas celle du syndrome de stress post-traumatique

(PTSD). Le succès médiatique de ce syndrome ne doit pas nous laisser penser qu’il épuiserait à lui seul la question des effets d’un traumatisme sur un sujet. La symptomatologie psychique observée est faite de manifestations anxieuses et dépressives provoquées par cet ébranlement identitaire. À l’évidence, on ne peut pas se contenter de parler decancer survivorsni de « Héros Ordinaires », quelle nouvelle identité ces sujets, diversement marqués par le cancer, peuvent-ils réussir à s’inventer : « ex-cancéreux », « cancéreux sans cancer », « victime du cancer » ?

Mots clésAprès-cancer · PTSD · Anxiété · Dépression · Syndrome de Damoclès

Abstract There is no need to demonstrate that the expe- rience of being confronted with cancer is really traumatic and is one which overturns the existence and shatters the life of the person involved. In 1998, the first general state- ment for cancer patients (Premiers États Généraux des Mala- des du Cancer) organised by the league against cancer are evidence of an appeal for the re-humanisation of oncology treatment and for a general presence of psychologists in pla- ces where cancer care is given. Inspired, the first Cancer Plan would soon transform these claims into requirements with its key measures being the way in which the announcement is made and the supportive care in which Psychological Onco- logy logically fits. It is necessary to recognise and acknow- ledge the psychological effects brought about by the disease, including the collective representations of feeling isolated.

Cancer is no ordinary disease, but the archetype, in medi- cine, a disaster, an unspoken curse that cannot be controlled.

Due to the progress made in treatments, remission has become a reality for many cancer patients. However, the disease and its treatments can also leave its mark; with phy- sical repercussions, which may or may not be long-lasting, that the person will have to come to terms with and which will not be without consequences on a psychological level.

On a strictly psychological basis, remission, even if it marks

O. Bézy (*)

Service de psychiatrie de l’adulte A et psychologie médicale, pôle de psychiatrie, groupe hospitalier Saint-Jacques, CHU de Clermont-Ferrand, BP 69,

F-63003 Clermont-Ferrand cedex, France e-mail : obezy@chu-clermontferrand.fr DOI 10.1007/s11839-013-0401-y

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the end of treatment, can lead to an increased feeling of vulnerability, a real identity crisis. During this so-called remission period, in which the temporary character is not without subjective effect, these trauma patients present with often debilitating psychological symptoms, which results in them turning to a psychologist. In these consultations, we see patients whose normal behaviour is not that of PTSD.

The media attention this syndrome has had must not lead us to believe that it only covers the question of the effects of trauma on a patient. The psychological symptoms obser- ved lead to episodes of anxiety and depression as the result of this identity crisis. It is clear that we cannot simply talk about“cancer survivors”or“ordinary heroes”, a new iden- tity for these patients, all touched by cancer in different ways. Perhaps they can reinvent themselves:“an ex-cancer patient”,“a cancer-free cancer patient”,“a cancer victim”? KeywordsPost-cancer · PTSD · Anxiety · Depression · Damocles syndrome

« Et puis il y a l’après-cancer… C’est le moment où j’ai appris un mot de la langue française jusqu’ici inconnu pour moi : rémission–atténuation ou disparitiontemporaired’une maladie. La lecture du dictionnaire me liquéfie. Comment vivre avec ça, ce temporaire, ce provisoire, cet éphémère ? Comment vivre avec les autres qui ne comprennent pas :

“n’y pense plus”,“tu es guérie maintenant”,“arrête”. Il faut que je gère cette nouvelle trouille qui va jusqu’à me tordre les tripes, parfois, sans prévenir. Aller aux examens tous les trois mois, puis six mois, et enfin tous les ans. Vivre avec cette fameuse épée de Damoclès. Mais j’en fais quoi moi de cette peur ? Elle m’encombre, m’empêche de vivre, de respirer ! Je sais qu’il faut lâcher prise, qu’il faut essayer, je dis bien essayer, de la ramener à quelque chose de suppor- table, d’acceptable, de gérable…tous les psys me l’ont dit, expliqué maintes fois. » [4]

L’extrait de ce blog, de même que les propos des patients que nous recevons dans nos consultations dans le cadre de notre pratique en psycho-oncologie, nous rend sensible que cette période dite de la rémission, dont le caractère provi- soire n’est pas sans incidence subjective, est marquée par le décalage radical entre le temps du sujet et le temps médi- cal. Comme le note Derzelle [5], c’est le moment où l’effet- cadre des traitements et du lien soutenu au corps médical s’arrête, le patient se trouve alors déboussolé, abandonné.

Le sentiment de contrôle procuré par les traitements s’inter- rompt, laissant souvent place à un vécu d’insécurité. En effet, dans son article, elle formule l’hypothèse que la rup- ture de l’illusion d’identité ouverte par le choc du diagnostic, comme fracture d’un rêve d’intégrité, trouve à se colmater le temps des traitements par une identité substitutive, pure identité de surface construite par emprunts au corps médical.

Le patient atteint de cancer serait soumis à un double fonc-

tionnement : d’un côté, l’émergence massive d’un imagi- naire envahissant, véritable raz-de-marée d’angoisse et par ailleurs une énorme exigence d’adaptation au monde exté- rieur, en particulier celui de l’espace, du temps et des actes du traitement. Elle indique que, pour certains patients, le seul recours possible est le refoulement massif de la part subjec- tive avec adaptation à la vie extérieure : néo-identité carac- térielle d’un patient cancéreux typique. « Ou la maladie ou le sujet ». C’est dans ce sens que l’on peut interpréter le titre de la bande dessinée autobiographique de Miriam Engelberg : Cancer made me a shallower person publiée en français sous le titreComment le cancer m’a fait aimer la télé et les mots croisés. Au temps de la pathologie de la rémission, on assiste à une seconde bascule identitaire qui est plus exacte- ment selon Derzelle [5] une chute de l’identité substitutive de surface avec reconfrontation au traumatisme. Le patient présente alors un sentiment de vulnérabilité à entendre, selon la proposition de Jean Bouisson, comme un ébranlement identitaire avec chute de l’estime de soi [2]. La probléma- tique de la rémission est bien une problématique identitaire comme l’illustrent les difficultés à nommer ce nouveau sujet : ex-cancéreux, cancéreux sans cancer [18] ? L’identité, dont un des paradoxes est bien cet impératif de permanence mal- gré le changement, doit donc, pour préserver sa permanence, impliquer une dimension intégrative garante de l’unité et de l’invariabilité [15]. Vaste chantier psychique pour le patient en rémission d’un cancer. Parcours dont on peut compren- dre, à partir de ces repères, qu’il puisse être parfois émaillé de complications psychiatriques.

Life after cancer is not all doom and gloom?

Cette psychopathologie de l’après-cancer reste à défricher et à préciser sur le plan épidémiologique. Dans leur article, qui pose les bases de la prise en charge psychosociale de l’après- cancer, Holland et Reznik soulignent qu’une question majeure reste sans réponse claire, celle du pourcentage des cancer survivorsprésentant une détresse psychique signifi- cative [9].

Bien sûr, on connaît le mouvement, très actif aux États- Unis, des cancer survivors qui, en particulier, célèbrent la vie lors de la journée annuelle et nationale qui leur est consa- crée. La campagne des « héros ordinaires », lancée en 2007 par l’Institut national du cancer (InCa) dans le but de changer l’image sociale du cancer, est directement inspirée de ce mouvement, mais elle ne semble pas avoir suscité la même dynamique. D’ailleurs, pour la littérature scientifique géné- rale, la majorité descancer survivorsà long terme (5 ans ou plus) présentent une qualité de vie comparable à des person- nes n’ayant pas eu de cancer. Et même, en lien avec l’expé- rience du cancer, de nombreuxcancer survivorsreconnais- sent mieux apprécier la vie, avoir amélioré les relations

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familiales et amicales, avoir trouvé un nouveau sens à la vie et avoir augmenté leur capacité d’adaptation au stress et aux épreuves de la vie [16]. Ce résultat discordant par rapport à ce que disent les blogs et les patients pousse à approfondir la question.

Life after cancer is not all doom and gloom[3], la vie après le cancer n’est pas aussi sombre qu’il y paraît nous assure l’équipe australienne qui a étudié l’anxiété et la dépression dans une population de cancer survivors à long terme. Il s’agissait de solliciter une population de cancer survivors diagnostiqués cinq à six ans plus tôt, âgés de 18 à 75 ans au moment du diagnostic et toujours en vie au moment de l’étude en 2002. Les niveaux d’anxiété et de dépression étaient mesu- rés à l’aide de l’Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS). La plupart descancer survivors dans cette étude présente des niveaux d’anxiété et de dépression comparable à la population générale. Neuf pour cent de la population étu- diée présentent un niveau d’anxiété cliniquement important, voire 12 % si on étend au niveau limite. Quatre pour cent présentent un niveau de dépression cliniquement important et 7 % si on étend au niveau limite. Toutefois, les auteurs signalent que la population étudiée n’est pas représenta- tive en termes d’âge (sous-représentation de la tranche 18– 39 ans, 9 % dans l’étude pour 13 % attendus) et en termes de type de cancer (surreprésentation des cancers du sein, 29 % dans l’étude contre 23 % attendus). Ils conviennent que les scores d’anxiété et de dépression obtenus dans l’étude sont donc sous-évalués, en particulier car il est bien connu que l’âge jeune est associé à un risque accru de problèmes psychosociaux.

On pourrait aussi s’interroger sur le mode de recrutement des patients et l’impact qu’il pourrait avoir dans cette sous- évaluation. En effet, il y avait 6 854 patients potentiellement éligibles sur le New South Wales Central Cancer Registry parmi lesquels 2 029 ont été sélectionnés par randomisation.

Au sein de cette population, 1 374 patients ont été identifiés éligibles et contactés par le New South Wales Central Cancer Registry afin qu’ils donnent leur autorisation pour être sollicités pour l’étude. Mille huit patients ayant accepté de participer ont reçu par courrier le dossier et 863 patients l’ont renvoyé complété. Les auteurs estiment à 63 % le taux de participation. On peut se demander si, parmi les personnes éligibles, mais refusant l’étude, et celles ayant accepté l’étude, mais qui n’ont finalement pas renvoyé le dossier complété, il n’y aurait pas une proportion importante de per- sonnes en difficulté sur le plan psychique et donc un biais de recrutement. De plus, on peut remarquer que dans cette étude, seulement 25 % des patients étudiés ont reçu un trai- tement par chimiothérapie. Or, on sait que ce traitement est associé à une représentation habituellement plus sévère de la maladie. Et l’on peut supposer que les conséquences psychiques de la maladie seront d’autant plus sévères que cette maladie est considérée par le patient comme grave.

Syndrome de Damoclès

Une étude [1] s’est intéressée à la façon dont lescancer sur- vivors adultes vont un an après le diagnostic de cancer.

68,1 % des patients sont préoccupés par un retour de la mala- die, 59,8 % ont peur de la récidive et 57,7 % expriment des craintes vis-à-vis de leur avenir. Les patients jeunes (18–54) présentent plus de difficultés que le groupe des plus de 55 ans. On note plus de problèmes dans l’après-cancer pour le cancer du poumon, suivi du cancer du sein, puis du cancer colorectal et du cancer de la prostate. Pour Kornblith [11], la peur de la récidive est très fréquente chez lescancer survi- vorsavec des taux de prévalence variant de 42 à 89 %. On parle de syndrome de Damoclès. Cicéron rapporte que Denys l’Ancien Tyran de Syracuse proposa à Damoclès qui le flattait quant à sa condition de prendre sa place pour une journée. Denys l’Ancien avait fait suspendre au-dessus de sa tête une épée seulement attachée par un crin de cheval pour montrer à Damoclès à quel point sa situation était fra- gile. La fable de Cicéron insiste sur la puissance et la richesse associées au risque d’une mort qui pourrait frapper à tout moment. Le syndrome de Damoclès en oncologie n’a gardé que le risque de mort lié à la perception de la possibi- lité de la rechute.

Il semble que l’épée de Damoclès reste suspendue au- dessus du patient jusqu’à la fin de sa vie. Une autre façon d’évoquer cette problématique est de se représenter le cancer non pas comme une maladie chronique, mais bien comme une condition chronique ainsi que le propose Ménoret [14] :

« Le cancer ça engage à vie. »

Syndrome de stress post-traumatique

Un certain nombre d’études ont été conduites en cancérolo- gie étudiant le PTSD. Smith et al. [17] ont effectué une revue de la littérature et retrouvent une prévalence du PTSD allant de 1,9 à 39 %. On retient que le pourcentage le plus faible correspond à des patients pris en charge pour un cancer du sein. Le pourcentage le plus élevé est retrouvé chez des mères d’enfants atteints de leucémie. Une telle variation de prévalence pousse les auteurs à s’interroger sur la question du traumatisme en cancérologie : certaines caractéristiques du stress lié à la confrontation au cancer leur semblent aty- piques. Ils soulignent les spécificités du cancer quant à sa durée, au risque de récidive, à la variabilité de la menace vitale et au fait que le cancer ne se réduit pas à un seul évé- nement. Holland et Reznik [9], quant à eux, retiennent une prévalence de 10 % pour le PTSD chez lescancer survivors.

On rappelle que la névrose traumatique est un concept proposé par Oppenheim en 1884 pour désigner des états survenant après des catastrophes ferroviaires. Freud [8], dans

« Au-delà du principe de plaisir », distingue Angoisse

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(état caractérisé par l’attente du danger même s’il est inconnu) — Peur (suppose un objet défini) — Effroi (l’accent est mis sur le facteur de surprise). Il indique que l’angoisse comporte quelque chose qui protège contre l’effroi et donc aussi contre la névrose d’effroi. Pour lui, le poids principal de la causation de la névrose semble incom- ber au facteur de surprise, à l’effroi. Effroi dont la condition est l’absence d’apprêtement par l’angoisse, apprêtement qui implique le surinvestissement des systèmes recevant en pre- mier le stimulus. Or, le Baromètre cancer 2010 [10] nous indique que, dans notre population, l’angoisse vis-à-vis du cancer existe dans la population générale, elle préexiste donc à la confrontation avec la maladie. L’étude des représenta- tions collectives du cancer montre que le cancer est la mala- die grave par excellence. En outre, presque tous les enquêtés (95 %) estiment que personne n’est à l’abri du cancer. Les deux tiers d’entre eux (66 %) jugent également que le cancer n’est pas une maladie comme les autres, cette opinion ayant progressé depuis 2005. Ce rappel théorique et ces données sur les représentations sociales du cancer nous éclairent quant à l’épidémiologie du PTSD en cancérologie. Sa faible prévalence dans ce contexte ne doit donc pas nous surprendre.

Troubles psychopathologiques

de l’après-cancer : méconnaissance ou déni ? Holland et Reznik [9] distinguent trois groupes decancer survivors, un premier constitué des patients présentant des séquelles physiques de la maladie, un deuxième avec des séquelles psychiatriques ou psychologiques et un troisième aux symptômes subsyndromiques. Pour étayer l’existence de ce deuxième groupe, les auteurs s’appuient sur des résultats d’études, en particulier :

les travaux de Lesko et al. [12] qui ont retrouvé un niveau de détresse psychologique en rapport avec un trouble psy- chiatrique chez 31 % des patients en bonne santé physique après traitement par greffe de moelle pour leucémie, cinq ans après la fin des traitements actifs ;

ceux de Kornblith [11] qui recensent des taux élevés (45 % à 65 %) de troubles anxieux et de dépression chez descancer survivorsaprès traitement pour des cancers du sein, des greffes de moelle, des cancers colorectaux, des cancers de la prostate et des cancers du poumon ;

létude de Fossa et al. [7] qui mesure avec l’HADS des scores d’anxiété plus élevés chez des survivors à long terme de cancer du testicule par rapport aux hommes de la population générale.

Concernant les patients du groupe deux, Holland et Rez- nik [9] soulignent que les personnes ayant peu de support social, des antécédents psychiatriques, un fonctionnement

psychosocial dégradé avant les traitements du cancer sont à haut risque de développer des troubles psychiatriques et de présenter une détresse psychique significative après les trai- tements du cancer. Ils militent en faveur d’un plan d’action pour que la dimension psychique soit prise en compte dans les programmes de surveillance descancer survivors.

En effet, un autre élément de la littérature doit retenir notre attention. Dans l’étude australienne [3], 50 % descan- cer survivorsà long terme qui présentent des niveaux impor- tants ou limites d’anxiété ou de dépression ont consulté leur médecin généraliste dans les six mois et moins de 10 % ont eu une prise en charge spécialisée. Ces données suggèrent que la surveillance du bien-être psychologique des cancer survivors n’est pas intégrée en routine dans leur prise en charge et qu’elle est donc très largement méconnue, non diagnostiquée et non prise en charge.

Pour Martin et al. [13], il existe des freins limitant le repé- rage des troubles psychopathologiques. Du côté du patient, on peut retenir :

un manque de conscience et de compréhension des symp- tômes dépressifs ;

des plaintes centrées sur les symptômes physiques ;

une réticence à admettre les symptômes psychiques (par crainte de la stigmatisation de la maladie mentale) ;

une réticence à parler au médecin de problèmes non médicaux.

Du côté du médecin, on retrouve :

un manque de connaissance sur la dépression ;

un manque d’expérience dans la prise en charge ;

une réticence à évaluer l’état émotionnel des patients ;

un temps trop limité.

Il apparaît d’une importance majeure de faire connaître la réalité de ces troubles aux cliniciens de l’après-cancer et de les alerter quant à leur dépistage. On peut ajouter que le dépistage et la prise en charge des troubles psychopathologiques de l’après-cancer sont d’autant plus importants que Di Matteo et al. [6] ont bien montré que la dépression est un facteur de risque majeur de non-adhésion au traitement médical. Les patients déprimés ont trois fois plus de risque d’être non observants par rapport à des patients non déprimés.

Conclusion

Grâce aux progrès des thérapeutiques, la rémission est deve- nue une réalité pour bien des patients en cancérologie. Un nouveau défi se pose aux cliniciens de l’après-cancer : repé- rer et prendre en charge les troubles psychopathologiques présentés par lescancer survivors. Même si leur épidémio- logie est encore mal connue, leur réalité est incontestable comme en attestent les témoignages personnels (blog,

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demandes de consultations psychiatriques) et des études récentes. Il semble que ces troubles soient trop souvent méconnus. Or, le poids et les conséquences de ces patholo- gies ne sont pas à négliger en termes de qualité de vie pour le patient et aussi d’observance des traitements et sans doute plus largement des prises en charge médicales.

Conflit d’intérêt :l’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Références

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