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Oncologie : Article pp.204-209 du Vol.7 n°4 (2013)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

La confusion mentale en cancérologie

Delirium in patients with cancer

I. Piollet

Reçu le 30 septembre 2013 ; accepté le 17 novembre 2013

© Springer-Verlag France 2013

Résumé La confusion mentale (CM) est la complication neuropsychique la plus fréquente survenant chez les patients atteints de cancer. Signe singulier, car parfois spectaculaire, de vulnérabilité, elle est souvent associée à un taux élevé de morbidité et de mortalité et provoque une détresse impor- tante chez les patients, leurs proches et les soignants. Pour réduire cet impact, il apparaît essentiel d’améliorer le dépis- tage et la précocité des démarches diagnostiques et thérapeu- tiques, la CM étant souvent sous-diagnostiquée et de ce fait traitée de façon inappropriée. Le traitement doit être étiolo- gique, symptomatique et environnemental, à adapter dans les phases palliatives.

Mots clésConfusion · Complication neuropsychique · Diagnostic précoce · Traitement étiologique · Traitement symptomatique et environnemental

Abstract Delirium is the most common neuropsychiatric complication seen in patients with cancer. Delirium is often a spectacular sign of vulnerability, although it is associated with significant morbidity and mortality as well as distress for patients, families and caregivers. Improved recognition and early treatment of delirium are key points in order to reduce its prevalence and negative outcomes, delirium being too often under-recognized and inappropriately treated.

Treatment is an association of pharmacological and non- pharmacological interventions, to be adapted in the palliative care setting.

KeywordsDelirium · Neuropsychiatric complication · Early diagnostic · Pharmacological treatment · Non- pharmacological treatment

La confusion mentale (CM) est la complication neuropsychi- que la plus fréquente observée chez des patients atteints de cancer, qui, de plus, augmente gravement leur vulnérabilité.

Elle est, en effet, associée à un taux de morbidité et de mor- talité élevé [15]. Elle est souvent sous-diagnostiquée, et quand elle l’est, ne fait pas toujours l’objet d’un traitement adapté, alors qu’elle provoque une détresse intense chez les patients, leurs proches et les soignants [5]. L’enjeu est d’au- tant plus important que ce syndrome peut être réversible s’il est traité conjointement de manière symptomatique et étiolo- gique. La CM doit faire l’objet d’un diagnostic précoce et le traitement doit être considéré comme une urgence, même s’il diffère dans ses objectifs et ses moyens en fonction de l’étape de la maladie. Depuis une dizaine d’années, un nom- bre croissant d’études a été consacré à ce sujet, permettant d’établir un certain nombre de recommandations de bonnes pratiques cliniques, allant du dépistage aux différentes interventions thérapeutiques [5]. En France, un référentiel portant sur ce thème a fait l’objet d’un travail de groupe, publié et diffusé conjointement sur les sites de la SFPO et de l’Afsos [24].

Définitions

La CM est un dysfonctionnement cérébral global, non spé- cifique, souvent transitoire et réversible, témoignant d’une souffrance cérébrale secondaire à des processus organiques (en langue anglaise, on utilise le terme de delirium). Il s’agit d’un syndrome affectant plusieurs fonctions neuropsychi- ques, d’où un polymorphisme clinique rendant difficile le diagnostic précoce et une évaluation fiable de l’intensité des troubles. Le début est souvent brutal ou rapidement pro- gressif et l’intensité des troubles très fluctuante et sensible aux conditions de l’environnement, en particulier la stimula- tion [4].

On doit être alerté chez un patient présentant depuis peu : une modification d’attitudes (arrachage de sondes, de perfu- sions…), un regard perplexe, hagard, perdu, un refus de soin, d’alimentation ou de boissons, des propos décousus,

I. Piollet (*)

Psychiatre, unité de psycho-oncologie, Institut Sainte-Catherine,

250, chemin de Baigne-Pieds CS 80005, F-84918 Avignon cedex 09, France e-mail : i.piollet@isc84.org DOI 10.1007/s11839-013-0440-4

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bizarres, inadaptés, voire incohérents, une inversion des rythmes veille–sommeil, une agitation nocturne, une agres- sivité, des cauchemars intenses, voire des hallucinations (même critiquées)… Tout cela met sur la piste d’un syn- drome confusionnel, dont le diagnostic reste à valider.

On peut décrire les principales catégories de symptômes selon les critères DSM-IV R du delirium ou de la CIM-10.

On observe ainsi [19] :

les troubles de la vigilance et de l’attention : il s’agit d’une obnubilation de la conscience c’est-à-dire une diminution de l’état de conscience de l’environnement, avec réduc- tion de la capacité à diriger, focaliser ou déplacer son attention ;

les troubles cognitifs : altération de la mémoire immédiate et des faits récents mais une certaine préservation de la mémoire des faits anciens ;

les troubles du comportement qui se manifestent selon trois formes cliniques : la forme agitée (agitation, agressi- vité) ; la forme ralentie (apathie, somnolence) ; la forme mixte (alternances parfois rapides et imprévisibles de la forme agitée à la forme ralentie) [21,26]. On repère sou- vent une augmentation du temps de réaction, une augmen- tation ou une diminution du flux verbal, une exagération de la réaction de sursaut ;

les troubles du sommeil : insomnie, voire perte totale du sommeil, inversion du cycle nycthéméral, aggravation nocturne des symptômes, cauchemars et onirisme pouvant persister au réveil sous forme d’hallucinations, d’illu- sions, de fausses reconnaissances, de délire volontiers à thème de persécution.

Données épidémiologiques

La fréquence de ce syndrome est sous-estimée dans la pra- tique quotidienne en cancérologie : en effet, on évalue à un à deux tiers les cas de CM sous-diagnostiquées, détectées tar- divement, voire non détectées [20]. Il concerne pourtant près de 80 % des patients en phase terminale de cancer, 8 à 40 % des patients hospitalisés en cancérologie [4] et 15 à 70 % des personnes âgées en postopératoire [8].

La forme ralentie est la plus fréquemment rencontrée en particulier dans le contexte de soins palliatifs, pouvant concerner 50 à 86 % des cas [19], la forme agitée ne repré- sentant qu’une minorité des formes cliniques (13 à 46 % en phase palliative) mais il s’agit paradoxalement de la forme la plus souvent diagnostiquée, car la plus bruyante.

Quand on envisage la dimension pronostique, on consi- dère que la CM est toujours un facteur pronostique de gravité et, dans un contexte de soins palliatifs, un facteur prédictif de décès [7]. Enfin, on sait que le devenir des formes somno- lentes (les moins diagnostiquées) est plus sévère que celui des formes agitées.

Prévention

La prévention de la CM passe avant tout par un bon repérage des facteurs de risque [18]. Ces facteurs sont listés dans le Tableau 1.

Un certain nombre d’actions préventives peuvent être mises enœuvre [12,17,25]. Il peut s’agir d’actions médica- les, comme l’incitation à la prudence dans les polymédica- tions, la surveillance des équilibres métaboliques ; mais aussi d’actions en soins infirmiers, telles que la mobilisation, l’hydratation, la transmission d’informations avec la famille notamment pour les patients maintenus à domicile [3]. La prévention passe aussi par la sollicitation des proches qui peuvent avoir un rôle important à jouer en termes de pré- sence, de stimulation ou sur la gestion du rythme de vie quo- tidienne. Cependant, l’évaluation de l’efficacité de ces actions préventives reste encore délicate [5].

Plusieurs essais de traitements médicamenteux préventifs ont été réalisés avec de petites doses d’halopéridol, d’olan- zapine, de rispéridone ou encore de mélatonine. Une revue Cochrane réalisée en 2007 révèle l’absence de résultat pro- bant, mais précisons que ces essais ne sont pas spécifiques à la cancérologie [5].

Dépistage

Les actions de dépistage permettent un diagnostic plus pré- coce et un moindre recours aux neuroleptiques [15]. Pour ce Tableau 1 Facteurs de susceptibilité ou de risque.

Facteurs démographiques Âge supérieur à 65 ans, sexe masculin

Facteurs médicaux Polymédications (corticoïdes, opioïdes, BZD), comorbidités sévères (HTA, diabète), évolutions métastatiques, douleur non contrôlée, déshydratation, période postopératoire Facteurs psychopathologiques

et émotionnels

ATCD de confusion mentale, troubles cognitifs préexistants, troubles psychopathologiques Émotions, conflits

Facteurs comportementaux et de mode de vie

ATCD daddictions, changement de lieux de soins, hospitalisation de longue durée, inactivité, immobilité

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faire, tous les soignants devraient être impliqués, en particu- lier ceux du domicile. Des évaluations plus spécifiques peu- vent être organisées par exemple dans le cadre de consulta- tions gériatriques ou en soins intensifs postopératoires. À défaut de cette systématisation, le dépistage doit au mini- mum concerner les populations à risque, à savoir les person- nes âgées, les patients en phase évoluée de leur maladie, les patients recevant des traitements confusogènes ou en situa- tion de sevrage.

L’échelle de dépistage du delirium (EDD), validation en français de la Nu-DESC, constitue un outil de dépistage inté- ressant et qui permet en outre d’évaluer l’intensité du trouble et ses fluctuations dans le temps [13]. Plusieurs autres échel- les de mesure de la CM ont été validées chez les patients atteints de cancer, dont la Confusion Assessment Method (CAM) [16]. Cette dernière, plutôt présentée comme une échelle diagnostique et bien que non encore validée en fran- çais, est largement utilisée en France par les gériatres.

Démarche diagnostique

La précocité du diagnostic est fondamentale, surtout dans les formes ralenties, plus difficiles à repérer ; et se justifie à plus d’un titre. Il s’agit d’une part de prendre en charge certaines causes aisément curables et qui relèvent d’une correction en urgence. Par ailleurs, le syndrome confusionnel peut engen- drer divers types de risque (fugue, chute, violence, suicide) et augmenter la prévalence et/ou l’intensité d’autres symp- tômes tels que la douleur [15], enfin il perturbe toutes les relations avec et autour du patient, susceptibles d’entraîner une souffrance intense du patient et de ses proches [4].

Le diagnostic précoce est difficile à poser, car il passe par la recherche de signes souvent discrets. Cela nécessite un interrogatoire précis (orientation temporospatiale, mémori- sation immédiate, difficultés d’attention…) et une attention portée aux changements de comportements récents, notam- ment à travers une modification du caractère, des troubles du comportement (agitation) ou encore des troubles du sommeil avec cauchemars. Cette précocité diagnostique exige égale- ment un partage des observations entre l’ensemble des pro- fessionnels concernés et les proches du patient, du fait de la variabilité importante des symptômes dans le temps. Le diagnostic et la prise en charge de la CM dépendent néces- sairement d’un travail interdisciplinaire [25].

Les difficultés diagnostiques sont d’autant plus grandes qu’il existe un certain nombre d’idées « reçues » sur la CM. Non, il ne s’agit pas d’un trouble psychiatrique, même si la CM est associée à une expérience de souffrance psycho- logique souvent intense pour le patient et les proches et si les symptômes sont influencés par le contexte émotionnel. Les symptômes de la confusion sont certes de nature psychia- trique et les traitements recommandés communs à ceux des

psychoses, mais pour autant, le déterminisme en est totale- ment différent. Non, il ne s’agit pas non plus d’un problème lié au vieillissement même si le grand âge et l’existence d’une démence représentent des facteurs de risque impor- tants. La CM survient brutalement, peut être réversible et n’est pas forcément associée à une détérioration organique cérébrale définitive. Non, il ne s’agit pas d’un problème qui concernerait exclusivement les médecins, même si la CM constitue de fait une urgence médicale nécessitant un diag- nostic et une thérapeutique rapides. Étant donné la variabilité des manifestations cliniques selon le moment et le contexte, le repérage et l’évaluation des symptômes doivent impliquer tous les soignants, surtout ceux de proximité !

Traitements

Il s’agit d’abord de répondre à une urgence médicale et soignante.

Objectifs thérapeutiques

Ils sont de plusieurs natures et doivent toujours être associés [15]. Ils diffèrent évidemment en fonction du stade de la maladie [11].

Ils sont d’une part d’ordre étiologique. Il ne faut pas oublier que des facteurs de causalité immédiatement cura- bles peuvent entraîner la réversibilité du trouble confusion- nel. La CM constitue une souffrance cérébrale organique, même si on ne parvient pas toujours à en connaître la cause, l’élimination formelle de toute étiologie organique étant impossible [14]. La recherche des causes somatiques cura- bles doit se faire de façon adaptée, en tenant compte de l’état du patient et du stade de la maladie, ce qui impose de savoir prioriser les bilans et les examens. Ils doivent être entrepris a minima lors des phases terminales de maladie [25] ou dans des contextes complexes de plurifactorialité : par exemple, chez un patient présentant une tumeur cérébrale, une infec- tion générale, un traitement morphinique et corticoïde, et un globe vésical, la recherche de causes supplémentaires peut être différée, en fonction de l’évolution clinique et de la faci- lité/faisabilité de la recherche étiologique. Il importe égale- ment de rechercher d’éventuels facteurs psychopatholo- giques aggravants (l’anxiété par exemple), à prendre en compte dans une optique de prise en charge globale.

Ils sont d’autre part d’ordre symptomatique et environne- mental. Leur but est de préserver au mieux la sécurité et le confort du patient, de la famille et des soignants, en dimi- nuant la souffrance pour tous. La volonté d’aller dans le sens d’un rétablissement des fonctions cognitives est un garant du maintien de la dignité du patient. Les objectifs de ces traite- ments consistent aussi à mieux prévenir un risque de mal- traitance, et l’on peut donner ici l’exemple de la contention

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physique inopinée. Rappelons les recommandations établies par l’HAS au sujet de cette question de la contention phy- sique, qui doit toujours constituer une prescription médicale et respecter des procédures précises que chaque établisse- ment a la charge d’établir. L’enjeu est aussi de préparer la

« sortie de crise » en réduisant le traumatisme lié à l’épisode confusionnel lui-même. Soulignons enfin l’impact intéres- sant de cette prise en charge globale sur les dépenses de santé, susceptible d’éviter des réhospitalisations ou d’en réduire la durée.

Traitement étiologique

Il doit être entrepris d’autant plus que la CM est aiguë et inattendue. Une cause qui peut être rapidement curable assure la réversibilité du syndrome confusionnel [20]. C’est le cas de 50 % des épisodes confusionnels survenant dans le cadre d’une maladie évoluée, comme le cancer [6]. Toute-

fois, dans 50 % des cas, on ne trouve pas d’étiologie uni- voque mais plutôt l’intrication de plusieurs causes. Le traite- ment étiologique ne dispense pas du traitement symptomatique et environnemental. On a déjà bien insisté sur le fait qu’en phase palliative, d’autres démarches de soins peuvent être entreprises.

Les principales étiologies à prendre en compte sont décri- tes dans le Tableau 2 et les examens complémentaires recommandés dans le Tableau 3. Ils sont à hiérarchiser selon la clinique et le pronostic vital.

Traitement symptomatique

Quelle que soit la forme clinique de la confusion (agitée, ralentie ou mixte), les préconisations sont les mêmes [1] :

en premier lieu, il est recommandé de « nettoyer la pan- carte », ce qui consiste à réévaluer si possible l’ensemble des prescriptions en tenant compte de la chronologie de Tableau 2 Principales étiologies.

Causes métaboliques et nutritionnelles Troubles hydroélectrolytiques (Na, Ca, Ph, Mg), troubles du métabolisme glucidique, insuffisances respiratoires, rénales, hépatiques, déficits vitaminiques (B1, B12), troubles endocriniens, syndromes carcinoïdes Tumeurs parenchymateuses ou méningées

Traitements médicamenteux symptomatiques Opioïdes, benzodiazépines, antidépresseurs, neuroleptiques, corticostéroïdes, anticholinergiques, antiépileptiques, antihistaminiques, antifungiques, quinolones

Traitements oncologiques Chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie : cyclosporine A, méthotrexate, aracytine, 5-fluoro-uracil, cisplatine, vincristine, procarbazine, L-asparaginase, agents alkylants, interférons, mitotane (vigilance de principe pour toute nouvelle substance)

Infections du système nerveux Abcès, méningites, encéphalites, méningo-encéphalites

Infections systémiques « Sepsis »

Pathologies vasculaires du système nerveux Hématomes intra-, sous- et extracérébraux, hémorragies sous-arachnoïdiennes, AVC ischémiques

Syndromes paranéoplasiques Épilepsie

Rétention urinaire, fécalome

Tableau 3 Examens complémentaires recommandés à hiérarchiser selon la clinique et le pronostic vital.

NF Plaquettes Bilan de coagulation : TQ, TCA

Paramètres infection/inflammation : PCR, procalcitonine, VS, lactates, hémocultures, CBU, radiographie thoracique

Dosages vitaminiques : B12, B1, acide folique

Gaz du sang : PO2, PCO2, PH Bilan endocrinien : cortisol, T4

Électrolytes : Na, K, Ca, Mg, PO4 Dosages médicamenteux : théophylline, digoxine, antiépileptiques

Glycémie IRM ou TDM

Bilan rénal : urée, créatinine EEG

Bilan hépatique : bilirubine, ALAT, ASAT, TP, protidémie, ammoniémie Ponction lombaire

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leur installation mais aussi des fonctions hépatiques et rénales. Rappelons qu’en l’absence d’insuffisance méta- bolique, un traitement psychotrope ou antalgique anté- rieurement bien toléré n’a pas de raison de devenir confu- sogène. Cette mise à plat des prescriptions peut exiger la diminution de la posologie ou la réalisation d’une rotation des opioïdes, la diminution de la posologie des antidé- presseurs et hypnotiques, ainsi que des corticoïdes ;

en parallèle, il est essentiel de surveiller hydratation et équilibre nutritionnel ;

enfin, un traitement médicamenteux est mis en route [15].

Des neuroleptiques doivent être prescrits en première intention. La bonne efficacité de l’halopéridol, principale- ment dans les formes agitées, ainsi que sur l’onirisme et les hallucinations, est largement reconnue [4], de même que celle de certains antipsychotiques atypiques (rispéri- done, olanzapine) [22]. Les benzodiazépines sont à éviter sauf dans certaines situations symptomatiques particu- lières, comme le delirium tremens, le sevrage aux benzo- diazépines et les situations de phase terminale de la mala- die [19].

Les modalités de prescription sont bien argumentées dans la littérature et ont fait l’objet de recommandations [2,5].

Lorsque la voie orale est possible, il est préconisé d’utili- ser l’halopéridol en soluté buvable ou en comprimé à la dose initiale de 0,5 à 2 mg en une à deux prises par jour. La dose est à moduler toutes les 12 heures en fonction de la clinique.

La posologie moyenne se situe entre 1 et 10 mg par jour. Si la voie orale est impossible, il est préconisé d’utiliser l’halo- péridol en solution injectable, par voie intramusculaire, à la dose d’une demie à une ampoule, à répéter si besoin toutes les heures jusqu’au contrôle de l’agitation, sans dépasser la dose quotidienne de 20 mg. La voie IVSE est possible si la dose reste inférieure à 2 mg/24 h. Au-delà, le patient doit être placé sous surveillance cardiologique intensive pour élimi- ner un TDR ou des torsades de pointes [23]. La voie sous- cutanée peut être utilisée dans un contexte palliatif (1–2 mg/

24 h) [19].

Lorsque les symptômes sont contrôlés, il y a lieu d’effec- tuer un relais per os avec décroissance rapide des doses puis arrêt, pour éviter de pérenniser ce traitement. Dans les autres situations, l’avis du psychiatre est recommandé pour l’utili- sation de neuroleptiques associés, tels les phénothiazines (10 à 50 mg/j), l’utilisation d’autres antipsychotiques, tels la ris- péridone (0,5 à 4 mg/j) ou l’olanzapine (2,5 à 10 mg/j), voire de méthylphénidate, dans certaines formes ralenties [9,10].

Ces préconisations thérapeutiques sont différentes en cas de predelirium ou de delirium tremens liés au sevrage alcoo- lique, qui relèvent de l’utilisation de benzodiazépines et d’une vitaminothérapie, les neuroleptiques n’étant utilisés qu’en cas d’hallucinations majeures et résistantes.

Une préconisation thérapeutique différente peut se justi- fier en soins palliatifs, dans les confusions dites terminales, pouvant relever d’une sédation à l’aide de benzodiazépines (midazolam : 0,5 à 2 mg/h) [25].

Traitement environnemental

Il est de l’ordre du nursing de l’éducation et de l’information, dans le but d’agir sur l’environnement du patient et de sou- tenir les proches [5,15].

Les grandes orientations sont principalement :

déviter la contention si possible, mais elle peut être nécessaire en cas de dangerosité. La contention doit tou- jours relever d’une prescription médicale ;

de donner des repères : éclairage suffisant, ambiance calme, noms des soignants, précision des lieux (les décrire, les nommer), temps (horloge, calendrier), rituels annoncés (repas, visite médicale), maintien des audiopro- thèses et lunettes, objets familiers, présence de la famille ;

de rassurer le patient et sa famille vis-à-vis de la peur de devenir « fou », ce qui suppose d’expliquer les troubles et de légitimer les comportements ;

de stimuler pendant la journée pour conforter le rythme nycthéméral.

Fin de la crise

La fin de l’épisode nécessite également une démarche de soin. La communication au décours de l’épisode de confu- sion est importante et doit être réalisée avec le patient mais aussi avec ses proches, le souvenir de l’épisode étant souvent traumatique pour tous [15]. On estime à 70 % les états confu- sionnels incomplètement résolus au moment de la sortie d’hospitalisation du malade lorsqu’il est âgé de plus de 65 ans !

Conclusion

La CM représente une complication majeure du cancer et de ses traitements, surtout chez les patients âgés et hospitalisés.

Une vigilance en termes de repérage chez les sujets à risque, une démarche diagnostique précoce et une prise en charge adaptée sont essentielles pour améliorer la qualité de vie des patients et minimiser son impact sur la morbidité. Les recommandations thérapeutiques sont plutôt bien définies à l’heure actuelle, surtout pour les traitements symptomatiques qui ont fait la preuve de leur efficacité. Il est en particulier recommandé d’utiliser les médicaments antipsychotiques pour contrôler les symptômes de la CM, le gold standard relevant toujours aujourd’hui du recours à petites doses d’halopéridol sur des périodes courtes. Les soins non

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pharmacologiques sont recommandés lorsqu’ils sont faisa- bles, même si leur efficacité est jusque-là moins argumentée dans la littérature. La survenue d’une CM confronte souvent à des problématiques complexes. En soins palliatifs, elle nécessite une intégration des recommandations de l’evidence based medicineà des réflexions éthiques.

Conflit d’intérêt :l’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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