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Oncologie : Article pp.210-216 du Vol.7 n°4 (2013)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Une consultation mémoire en cancérologie : entre plainte et trouble …

A memory consultation in oncology: between complaint and disorder…

I. Léger · L. de Batz · S. Dauchy

Reçu le 11 octobre 2013 ; accepté le 13 novembre 2013

© Springer-Verlag France 2013

Résumé La littérature rapporte la survenue de troubles cognitifs chez 15 à 50 % de l’ensemble des patients traités pour un cancer, mais aussi l’existence de plaintes cognitives subjectives chez 70 % d’entre eux, souvent dissociées de ces troubles objectifs. La neurotoxicité des traitements, l’effet du cancer lui-même et l’impact de l’annonce de la maladie sont identifiés aujourd’hui comme les potentiels responsables de ces troubles cognitifs. D’autres facteurs comme la détresse émotionnelle apparaissent plus impliqués dans la survenue des plaintes, qui sont associées en règle générale à une moins bonne qualité de vie des patients. C’est dans ce contexte que depuis quatre ans, la consultation mémoire de Gustave- Roussy propose aux patients présentant des plaintes cogniti- ves un bilan étiologique et thérapeutique. L’originalité de cette consultation réside dans sa capacité à aborder, dans un même temps d’examen, les aspects neuropsychologiques, psychologiques et sociaux, pour des patients qui en dehors de ce ciblage neuropsychologique précis n’auraient proba- blement pas sollicité l’unité de psycho-oncologie. L’évalua- tion présentée ci-après rapporte l’étude descriptive de dos- siers des patients (n= 108) reçus en consultation mémoire au cours d’une année civile complète. Soixante-quinze pour cent des patients sont rencontrés dans l’après-traitement.

Pour 66 % d’entre eux, il n’existe pas de corrélation entre la plainte cognitive et leur performance aux tests de mémoire et d’attention. Le principal corrélat de la plainte mnésique exprimée est la présence d’un trouble émotionnel (présent chez 72 % de ces patients). Au-delà d’une évaluation quan- tifiée des troubles cognitifs chez ces patients, la consultation

mémoire remplit un rôle diagnostique pour des troubles émotionnels non identifiés au préalable par d’autres vec- teurs. Elle nous paraît aujourd’hui un complément indispen- sable de la prise en charge globale des patients atteints de cancer.

Mots clésPlaintes cognitives · Cognition · Chimiothérapie · Vulnérabilité · Brouillard cognitif · Détresse émotionnelle Abstract Previous studies have reported the presence of cognitive troubles in 15–50% of cancer patients, as well as the existence of subjective cognitive complaints (70% of these patients), often dissociated from these objective trou- bles. Treatments’neurotoxicity, the effect of the cancer itself as well as the impact of disease diagnosis’ disclosure are all nowadays identified as potential factors responsible for these cognitive troubles. Other factors such as emotional distress could play a major role in the expression of these complaints, generally associated with a decreased quality of life for the patients. In this context, for the last four years, the Gustave Roussy’s memory consultation is proposing an etiological and therapeutic evaluation for patients presenting cognitive complaint. The originality of this consultation resides in its capacity to encompass neuropsychological, psychological and social aspects in a single examination program, for patients that would likely not have requested any help from the psycho-oncological unit otherwise. The evaluation presented here reports the descriptive study of the patients (N = 108) received in memory consultation during a complete calendar year. 75% of the patients were examined after completion of treatments. For 66% of the patients, there is no correlation between cognitive complaint and performance in memory or attention tests. The main correlate of the expressed cognitive complaint is the pre- sence of an emotional disorder (72% of these patients).

Beyond providing for these patients a quantitative evalua- tion of their cognitive disorders, the memory consultation turns out to be a valuable diagnostic tool for emotional disorders triggered by the shock of being affected by a serious disease, and often not identified beforehand by other

I. Léger (*) · S. Dauchy (*)

Gustave Roussy, 114, rue Édouard-Vaillant, F-94805 Villejuif cedex, France

e-mail : isabelle.leger@gustaveroussy.fr, sarah.dauchy@gustaveroussy.fr L. de Batz (*)

Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis,

Institut d’Enseignement à Distance, L3 de Psychologie, F-93200 Saint-Denis, France

e-mail : laurence.debatz@yahoo.fr DOI 10.1007/s11839-013-0439-x

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vectors. It appears today as an essential complement to the global care of patients with cancer.

KeywordsCognitive problems · Cognition · Chemotherapy

· Vulnerability · Chemofog · Emotional distress

L’amélioration globale de l’espérance de vie des patients trai- tés pour un cancer est le résultat à la fois d’une augmentation globale du niveau de qualité des prises en charge thérapeu- tiques et d’une meilleure gestion des effets secondaires des traitements du cancer (toxicité hématologique, digestive) [12]. Cette optimisation des soins contribue à l’amélioration de la qualité de vie des patients pendant et après leur traite- ment du cancer. Or, certains symptômes encore sous-estimés en termes d’impact négatif sur la qualité de vie des patients sont à considérer [2]. Parmi ces derniers, les plaintes cogniti- ves apparaissent fréquentes et parfois intenses [19].

La plainte cognitive, considérée par les neurologues et les gériatres comme une diminution possible des capacités intel- lectuelles dans la vie quotidienne, est banale à tout âge. Elle revêt une importance particulière chez le sujet âgé du fait de la crainte qu’elle ne révèle une maladie démentielle débu- tante [6]. Dans la littérature oncologique, cette plainte cogni- tive est qualifiée de chemobrain, cette appellation mettant l’accent sur un lien potentiel avec les traitements du cancer [8,14,18,20]. D’autres études font l’hypothèse d’un lien entre les difficultés cognitives et le cancer lui-même, ou encore l’effet de l’annonce du diagnostic de ce cancer. Le terme decancerbrain, également retrouvé dans la littérature, traduit le caractère multifactoriel de ces troubles [4,11].

Les études menées depuis une quinzaine d’années sur les processus cognitifs des patients atteints de cancer s’accordent à reconnaître l’absence de corrélation entre intensité de ces plaintes cognitives et résultats cognitifs recueillis au moyen de tests standardisés. Les perturbations cognitives décrites sont subtiles et sélectives, car centrées sur la mémoire épiso- dique, la mémoire de travail, les fonctions exécutives et la vitesse de traitement [16,17]. À ce jour, il y a une absence de consensus quant à l’incidence des troubles selon la dose de chimiothérapie [3]. La durée des troubles est transitoire et peut s’étendre de six mois jusqu’à dix ans après le traitement [5,17].

En revanche, une forte corrélation entre l’intensité de la plainte cognitive et l’intensité de la détresse psycholo- gique des patients est relevée de façon quasi systématique [13]. Les principaux corrélats de la plainte mnésique sont ainsi des facteurs psychoaffectifs : scores aux échelles de dépression, d’anxiété, de bien-être [1,7,9,15], traits de per- sonnalité [10], sensation d’isolement [7], défaut de support social et façon dont le sujet appréhende ses difficultés (style de coping) [15]. Par ailleurs, ce ressenti subjectif de désor- dre cognitif est associé à une moindre qualité de vie des patients [2].

Le lien entre le traitement des cancers et les plaintes cognitives des patients est donc complexe et doit renvoyer à une évaluation globale intégrant la prise en compte de la détresse psychologique, fréquemment associée à la maladie grave, et dont les effets peuvent perdurer au-delà de la durée des traitements. L’humanisation de la prise en charge, l’amé- lioration de la qualité des soins et la lutte contre les inégalités de santé sont des objectifs importants du Plan cancer 2009– 2013[12]. C’est dans ce contexte que s’est créée à Gustave- Roussy, important centre de lutte contre le cancer d’Île- de-France, la consultation mémoire, qui propose aux patients présentant une plainte cognitive une évaluation psycholo- gique et neuropsychologique.

Description de la consultation mémoire de Gustave-Roussy

L’objectif principal de cette consultation est d’accueillir une plainte cognitive subjective persistante, de l’évaluer, l’iden- tifier dans son étiologie possible et enfin de la prendre en charge d’un point de vue cognitif et psychologique. La consultation est accessible à tous les patients adultes même ceux ayant été traités pour tumeurs cérébrales mais se trou- vant en situation de rémission ou en pause thérapeutique au moment de la consultation mémoire. Seuls les patients pré- sentant des métastases cérébrales sont exclus du dispositif.

La consultation mémoire doit permettre d’associer éva- luation neuropsychologique et évaluation émotionnelle. À Gustave-Roussy, elle est assurée par une psychologue clini- cienne par ailleurs spécialisée en neuropsychologie. La réu- nion de capacités d’évaluation de la souffrance psychique et de l’état cognitif des patients nous apparaît représenter un facteur essentiel de réussite du déroulement de la consultation.

Le recrutement des patients est assuré par une communi- cation large à destination d’une part des patients, sous forme de plaquettes d’informations, et d’autre part du personnel soignant, en sensibilisant médecins et infirmières cadres par des réunions d’informations afin de faciliter l’orientation des patients présentant une plainte cognitive exprimée ou des troubles cognitifs repérés.

L’évaluation cognitive se déroule sur 1 h 30 à 2 h en quatre temps, avec en premier lieu un entretien clinique semi-structuré permettant une première évaluation clinique de l’intensité de la plainte cognitive et de l’état émotionnel du patient. Dans un deuxième temps, une évaluation cogni- tive quantifiée et normée doit aboutir à la description fine des troubles cognitifs. On explore de préférence les fonc- tions cognitives décrites dans la littérature comme plus fré- quemment fragilisées ou perturbées : vitesse de traitement, mémoire épisodique, fluences, fonctions attentionnelles [19]. Les tests cognitifs proposés sont résumés dans le Tableau 1. Au regard des recommandations internationales,

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les résultats sont considérés comme pathologiques lorsque deux scores ou plus sont inférieurs à 1,5 écart-type en des- sous de la moyenne du groupe témoin ou un score est infé- rieur ou égal à 2 écarts-types en dessous de la moyenne du groupe témoin [19].

À l’issue de cette évaluation, un profil cognitif est extrait et permet dans la plupart des cas d’avancer une hypothèse étiologique de la plainte cognitive exprimée. Enfin, la consultation se termine par une synthèse et un rendu au patient de ses résultats aux tests, avec une proposition de prise en charge si nécessaire. Celle-ci peut faire appel à dif- férentes orientations : soutien psychologique ou orientation vers un médecin pour prescription d’un psychotrope en cas de troubles émotionnels, orientation vers un neurologue ou

un service de gériatrie en cas de tests cognitifs patholo- giques, réorientation vers l’équipe oncologique en cas de syndrome confusionnel et, dans la quasi-totalité des cas, exercices cognitifs.

Des exercices cognitifs (Tableau 2) sont en effet proposés en fin de consultation et s’adressent à la plupart des profils cognitifs, que les résultats soient pathologiques, normaux ou subnormaux. Ils ont pour but d’apporter une amorce de réponse rapide à ces troubles qui sont toujours ressentis d’un point de vue subjectif et sont invalidants au quotidien, entraînant souvent une souffrance psychologique impor- tante. Il s’agit essentiellement de techniques de compensa- tion permettant aux patients de suppléer par de nouvelles aptitudes les fonctions affaiblies.

Tableau 1 Tests cognitifs recommandés par lInternational Cognition and Cancer Taskforce (2011).

Évaluation globale MoCA(Montréal Cognitive Assessment ;

Nasreddine, 2005)

Mémoire Mémoire verbale RL/RI 16(Grober & Buschke, 1987)

Histoire logique(BEM144)

Empan endroitmémoire des chiffres de la batterie dévaluation de lefficience intellectuelle de Wechsler (WAIS IV, 2011)

Mémoire visuelle Figure deRey (Rey, 1960)

Mémoire de travail Séquences lettre et chiffrede la batterie dévaluation de lefficience intellectuelle de Wechsler (WAIS IV, 2011)

Empan enversmémoire des chiffres de la batterie dévaluation de lefficience intellectuelle de Wechsler (WAIS IV, 2011)

Attention Attention soutenue D2(Brickenkamp, 1988)

PASAT(Paced Auditory Serial Addition Test ; Naëgele & Mazza, 2003)

Attention sélective D2(Brickenkamp, 1988)

Barrage de Zazzo(Zazzo, 1972)

Fonctions exécutives Flexibilité mentale TMT B(Trail Making Test ; Reitan, 1958)

Fluences verbales(Cardebat et al., 1990)

Planification Figure de Rey(1960)

Processus stratégiques de recherche en mémoire Fluences verbales(Cardebat et al., 1990) Inhibition verbale et sensibilité à l : interférence Stroop (planche C)(Stroop, 1935) Conceptualisation verbale/évocation lexicale/

programmation gestuelle/résistance à linterférence/

inhibition comportementale

BREF(Batterie rapide dévaluation frontale ; Dubois, Slachevsky, Litvan, Pillon, 2000)

Vitesse de traitement TMT A(Trail Making Test ; Reitan, 1958)

D2(Brickenkamp, 1988)

Fonctionnement global Évocation lexicale Fluences verbales(Cardebat et al., 1990)

Praxies constructives Figure de Rey(Rey, 1960)

Capacités visuospatiales/dénomination/

apprentissage/attention/langage/abstraction/

orientation

Dénomination de la BEC-96(Signoret, 1989)

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Évaluation de la consultation mémoire Échantillon et méthode

Il s’agit d’une étude descriptive. L’évaluation porte sur tous les dossiers de patients d’une année civile complète (2012).

Pour chaque patient ont été recueillies les données sociodé- mographiques, les données médicales, les conclusions de l’entretien psychologique semi-structuré, les conclusions de l’évaluation des performances cognitives et la prise en charge proposée. Tous les patients adultes peuvent être reçus en consultation mémoire et à n’importe quel moment du trai- tement oncologique.

Sur l’année 2012, 108 patients ont été reçus par une psy- chologue, spécialisée en neuropsychologie, dédiée à 25 % d’ETP à la consultation mémoire. L’âge moyen de ces

patients est de 62 ans, avec une majorité de femmes (70 %) et un niveau d’éducation supérieur (baccalauréat ou plus) pour 60 % d’entre eux.

Soixante-quatorze pour cent des patients reçus sont en cours de traitement d’un premier cancer. Le délai entre le diagnostic et la consultation mémoire est inférieur à un an pour 15 % des patients, d’un an pour 31 % d’entre eux, de deux ans pour 12 %, de trois ans pour 12 % et au-delà de trois ans pour 30 % des patients.

Résultats

Soixante-quinze pour cent des patients expriment une plainte cognitive et la plupart d’entre eux consultent à leur propre demande. Vingt-cinq pour cent des patients ne présentent pas de plainte cognitive et ont été en général adressés par des médecins (93 %).

Les résultats des évaluations cognitives montrent qu’au sein de cette population, seule une minorité présente des troubles avérés (34 %). Les autres ont des résultats nor- maux (9 %) ou subnormaux (57 %), c’est-à-dire en dessous de la moyenne d’un groupe témoin mais non pathologique (Fig. 1). Parmi les patients présentant des résultats subnor- maux, les principales perturbations rencontrées sont celles liées à des troubles de récupération spontanée sans trouble de l’apprentissage, à une sensibilité aux interférences, à des fragilités en mémoire de travail ou enfin à une tendance au ralentissement global. Ces perturbations correspondent aux perturbations généralement décrites dans la littérature pour des populations similaires [20] (Fig. 2).

Enfin, l’évaluation psychologique clinique retrouve des troubles émotionnels chez une forte majorité de patients (69 %), dont 51 % présentent une symptomatologie anxio- dépressive, 36 % une symptomatologie anxieuse seule et 13 % une symptomatologie dépressive seule.

Nous avons comparé les résultats de l’évaluation des trou- bles cognitifs et de l’état psychologique selon l’existence d’une plainte cognitive. Il apparaît que :

les patients qui expriment une plainte cognitive, le plus souvent venus spontanément en consultation mémoire, présentent paradoxalement en majorité (81 %) un bilan cognitif normal ou subnormal. Par ailleurs, 72 % d’entre eux ont au moins une symptomatologie anxieuse ou dépressive. Vingt-deux pour cent d’entre eux sont déjà suivis par un psychologue ou un psychiatre ;

à linverse, les troubles cognitifs des patients sans plainte, venus en consultation mémoire sur injonction médicale, sont en grande majorité (85 %) objectivés par l’évalua- tion. Ils sont généralement associés à une pathologie cérébrale ou peuvent aussi être liés à une suspicion de démence ou à un syndrome confusionnel. Du point de vue émotionnel, on retrouve chez 59 % de ces patients Tableau 2 Quelques exemples « dastuces cognitives simples »

Éviter deffectuer trop de tâches en même temps (multitâches)

Prendre le temps pour prendre connaissance dune information à retenir

Lorsque vous laissez votre voiture dans un parking dun centre commercial, prenez 10 secondes pour trouver un point de repère qui vous servira de guide pour retrouver votre voiture

Créer des liens entre un savoir déjà acquis et une information nouvelle à apprendre

Votre nouvelle collègue sappelle Véronique tout comme votre amie denfance

Organiser linformation à retenir pour augmenter les chances de la retrouver au moment du rappel Pour retenir votre liste de courses, il vaut mieux regrouper les articles selon les catégories

Répéter une information nouvelle à plusieurs reprises et à des intervalles de temps de plus en plus longs Pour apprendre un nouveau code ou un nouveau nom propre.

Notez-le puis essayer de le recomposer immédiatement dans votre mémoire et vérifiez votre réponse. Refaites cet exercice quelques secondes plus tard, quelques minutes plus tard et ainsi de suite

Associer et relier des images entre elles Favoriser des habitudes

Associer la prise de médicaments à une activité que vous faites tous les jours, à la même heure ou presque (se laver les dents)

Et enfin, les plus classiques : les aide-mémoire

Agenda de taille moyenne, consulté matin et soir, rangé toujours au même endroit

Ardoise placée dans un endroit stratégique : cuisine, téléphone

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l’existence d’au moins un symptôme anxieux ou dépres- sif. Ces derniers sont le plus souvent déjà pris en charge et traités, puisque 70 % de ces patients étaient déjà sous trai- tement psychotrope.

Prises en charge proposées à l’issue de la consultation mémoire

En fonction de l’intensité des troubles cognitifs révélés lors de la consultation mémoire, mais en fonction aussi du degré de détresse émotionnelle constaté chez les patients, diffé- rents types de prise en charge sont proposés. Dans une

optique de raisonnement centré sur le parcours du patient, nous les présentons selon le mode d’entrée à la consultation mémoire, c’est-à-dire en fonction de la présence ou de l’ab- sence d’une plainte cognitive.

Patients avec une plainte cognitive

•Plainte cognitive associée à un bilan cognitif normal ou subnormal (81 %)

Une grande majorité des patients se plaignant de troubles cognitifs présentent paradoxalement un bilan cognitif normal Fig. 1 Résultats des tests cognitifs sur la totalité des patients reçus en consultation mémoire

Fig. 2 Principales perturbations rencontrées parmi les patients présentant des résultats subnormaux

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ou subnormal. L’origine de leur plainte subjective est bien plus probablement à relier à leur état émotionnel perturbé à la suite de leur maladie cancéreuse. C’est pour traiter cette dimension émotionnelle que 39 % de ces patients sont orien- tés vers un psychiatre et 76 % se font proposer un accompa- gnement psychologique.

Toutefois pour apporter une réponse rapide à leur sensa- tion subjective de perturbation cognitive, une majorité de ces patients (82 %) reçoivent une suggestion d’exercices cogni- tifs, techniques de compensation ou aide au rappel. Les patients à qui nous ne proposons pas ces astuces sont les patients les plus déprimés pour qui l’urgence relève plus d’une prise en charge de la symptomatologie dépressive que d’une stimulation cognitive.

•Plainte cognitive associée à un bilan cognitif pathologique (16 %)

Au sein de cette population de patients présentant une plainte cognitive, 16 % ont un bilan cognitif pathologique.

Trente-huit pour cent de ces patients sont orientés en géria- trie pour une extension de bilan devant une suspicion de syndrome démentiel, 15 % sont à nouveau testés dans les six mois qui suivent parce qu’ils étaient très fatigués au moment du bilan initial, étaient sous l’action d’un traitement ou encore présentaient un état émotionnel perturbé. De plus, 46 % d’entre eux se voient proposer des exercices cogni- tifs, 54 % une proposition de suivi psychologique et 38 % une orientation vers un médecin pour prescription de psychotropes.

Quelques bilans (3 %) sont ininterprétables pour diverses raisons. Il peut s’agir d’un état de somnolence faisant suite à des troubles du sommeil ou à la prise de traitement à effet psychotrope. L’interprétation des bilans peut aussi être ren- due difficile par un état d’agitation lié à un traitement, à des douleurs ou à un état anxieux. Pour tous ces patients, un nouveau test est proposé à six mois ainsi qu’un accompagne- ment psychologique.

Patients sans plainte cognitive

•Pas de plainte et bilan cognitif normal ou subnormal (15 %)

Parmi ces 15 % de patients, un sur deux sera à nouveau testé à six mois, car les résultats sont à la limite des seuils patho- logiques, et un sur quatre bénéficiera d’une proposition d’exercices cognitifs. Pour le quart restant, les difficultés cognitives repérées par l’entourage ne sont pas objectivées par les tests et ne relèvent d’aucune prise en charge.

•Pas de plainte cognitive, mais bilan cognitif pathologique (85 %)

Chez 45 % de ces patients, une suspicion de démence a été envisagée avec dans 92 % des cas une demande d’extension de bilan en gériatrie. Sept pour cent des patients sans plainte cognitive ont des troubles cognitifs associés aux conséquen- ces d’une pathologie cérébrale. Pour ceux-là, il sera proposé des prises en charge de type : séances d’orthophonie, séances de relaxation et prise en charge psychologique.

Dans les situations de diagnostic de syndrome confusion- nel (33 %), réalisé avec l’équipe médicale, un nouveau test est systématiquement effectué sous sept jours et une orien- tation vers un psychiatre proposée compte tenu des troubles du comportement souvent associés à l’état confusionnel (78 %).

Conclusion

Le travail décrit dans cet article rapporte l’activité de consul- tation mémoire réalisée au sein de Gustave-Roussy au cours d’une année complète auprès d’une population de patients traités pour une pathologie cancéreuse. La majorité des patients qui ont bénéficié de cette consultation l’ont deman- dée eux-mêmes en raison d’un sentiment subjectif de dimi- nution cognitive. De façon conforme à ce qui a été évoqué dans la littérature [17], cette évaluation montre que la grande majorité d’entre eux ne souffre pas de troubles cognitifs avé- rés. À l’inverse, plus des deux tiers des patients souffrent de troubles émotionnels dont la plupart n’avaient encore fait l’objet d’aucun dépistage et d’aucune prise en charge. Ces résultats démontrent l’intérêt de ce dispositif transversal qui remplit non seulement un rôle d’identification et de mesure quantitative des troubles cognitifs des patients cancéreux mais qui permet aussi de diagnostiquer leurs souffrances psychologiques bien souvent masquées et qui rejaillissent dans leur vie quotidienne sous forme de difficultés cogniti- ves subjectives. Grâce aux différentes formes de prises en charge qui en découlent, ces consultations mémoire contri- buent à améliorer la qualité de vie pendant et après le cancer.

Perspectives

Les résultats décrits ci-dessus nous encouragent à maintenir cette offre de soin ciblée qu’est la consultation mémoire.

Le dispositif actuel sera prochainement associé à une éva- luation sociale systématique, afin de repérer une vulnérabi- lité sociale favorisant les troubles cognitifs ou risquant de majorer leurs conséquences. L’isolement [7] et le défaut de soutien social peuvent en effet favoriser l’expression de plaintes cognitives subjectives. Par ailleurs, l’impact social

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potentiel tant des plaintes cognitives (notamment du fait de la perte de confiance en soi) que des troubles cognitifs est important, en particulier en ce qui concerne le retour à l’emploi. Cette évaluation, éventuellement suivie d’une consultation avec un assistant social, permettra de compléter la prise en charge proposée.

Enfin, chaque nouvelle évaluation cognitive sera prochai- nement complétée par une évaluation téléphonique à dis- tance (à six mois et à un an). L’objectif est d’identifier la persistance ou non dans le temps de la plainte cognitive sub- jective, d’évaluer l’utilisation et la perception des exercices cognitifs dans la vie quotidienne et enfin de savoir si les conseils d’orientation médicale et de suivi psychologique ont été suivis.

Conflit d’intérêt : Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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