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Oncologie : Article pp.228-234 du Vol.7 n°4 (2013)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Vulnérabilité psychique liée au deuil dans la prévention, le dépistage et les soins du cancer

Psychological vulnerability to cancer in bereavement and grief

M.-F. Bacqué

Reçu le 13 octobre 2013 ; accepté le 15 novembre 2013

© Springer-Verlag France 2013

RésuméLes conséquences d’un deuil sont encore assez mal connues. Pourtant, les résultats internationaux des études épidémiologiques convergent. La perte d’un conjoint, d’un enfant dans sa première année, augmente la morbimortalité des survivants. La mortalité peut doubler chez le veuf, tandis que chez les parents, ce risque perdure en s’amenuisant pen- dant deux à trois dizaines d’années. Contrairement à de nombreuses fausses croyances, ce n’est donc pas le risque de cancer qui augmente après un deuil, mais celui lié aux affections cardiovasculaires. Le chagrin du deuil présente de nombreuses manifestations communes avec la dépression.

Cependant, le deuil ne peut être assimilé à un épisode dépressif majeur. Le travail du deuil est un processus psy- chodynamique qui varie selon les personnes et les pertes.

Les sentiments malheureux alternent en effet avec les sou- venirs heureux, il n’y a pas de dévalorisation, ni d’autoac- cusations disproportionnées, pas d’idées suicidaires, même si la mort peut sembler désirable pour rejoindre l’être aimé.

Ainsi, la souffrance du deuil normal s’allège progressive- ment tandis que le deuil compliqué aboutit souvent à la dépression majeure qui risque de devenir chronique sans traitement. Le lien entre deuil et cancer réside donc dans une expérience de souffrance qui entraîne différentes réac- tions rapportées à partir de la clinique de l’auteur : minora- tion des prémisses du cancer empêchant le dépistage, accep- tation du cancer comme la rançon de la culpabilité, deuil interminable pour préserver le mort « incorporé » et absence d’intérêt pour les soins du cancer. Pour limiter les consé- quences de la vulnérabilité psychologique liée au deuil dans le cancer, il semble adéquat de : 1) former soignants et médecins aux effets psychiques et somatiques du deuil, ainsi qu’à la distinction entre deuil normal et deuil compliqué ; 2) systématiser un questionnement sur les évé- nements de vie difficiles des patients lorsqu’ils suivent un

traitement en oncologie, afin d’adapter la prise en charge du cancer ; 3) proposer, en oncologie, un soutien psycholo- gique mais aussi social afin de limiter la médicalisation du deuil. Bien connaître les psychotropes et l’articulation psy- chothérapie/médicaments en cas de complications du deuil.

Mots clésDeuil · Cancer · Dépression · Complications du deuil · Antidépresseurs · Psychotropes · Morbimortalité du deuil du conjoint ou du deuil d’un enfant

Abstract Bereavement consequences are not well enough recognized, although international epidemiological studies results are convergent. Loss of a spouse or a child in its first year increases morbimortality in the survivor. Mortality may double in the widower whereas this sustained risk diminishes within two or three decades. Opposite to wrong beliefs, it is not the risk of cancer that increases after a loss but the risk of cardio-vascular diseases rate. Grief has many common manifestations with depression. But grief is not a major depressive disorder. Working through bereavement is a psychodynamic process that changes with persons and losses. In grief, sad feelings alternate with happy memories.

There is neither devalorization nor out-of-proportion self- accusations, and no suicidal ideation, even if death seems desirable to find back the loved one. Finally, suffering alle- viates progressively whereas complicated bereavement often becomes a major depressive disorder that may be pro- longed without treatment. The link between bereavement and cancer remains in suffering experiences that the author will bring from her clinical practice: minimizing first symp- toms of cancer, accepting cancer but as the price to pay for guilt, prolonging grief to keep the dead inside and lack of interest for the actual disease. To set a limit to the psycho- logical vulnerability linked to bereavement in cancer, it seems adequate: 1) to train caregivers and physicians to the psychosomatic consequences of bereavement and to the distinction between uncomplicated and complicated grief; 2) to interview the patient about personal important

M.-F. Bacqué (*)

EA 3071, université de Strasbourg, F-67400 Strasbourg, France e-mail : mfbacque@club-internet.fr

DOI 10.1007/s11839-013-0441-3

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life events prior to cancer and adjustment to cancer treat- ments; 3) to propose a psychological support as well as a social support to avoid the medicalization of bereavement;

4) to better know how to manage psychotropic drugs and the articulation between psychotherapy and drugs in case of bereavement complications.

KeywordsBereavement · Grief · Cancer · Depression · Complicated bereavement · Psychotropic drugs · Morbimortality of child or spouse bereavement

Introduction

L’explosion des maladies chroniques relevée par l’Organisa- tion mondiale de la santé (OMS) dès 2011, et en particulier des cancers qui sont à l’origine de 30 % de la mortalité en France, conduit à rechercher de toutes parts les facteurs sus- ceptibles d’améliorer leur prévention [3]. Si les causes envi- ronnementales sont maintenant en passe d’être reconnues, elles ne surpassent pas encore, du moins chez les malades, les questionnements sur les étiologies individuelles : géné- tique ou transmission familiale, mode de vie ou événements stressants.

Le deuil a longtemps constitué l’une de ces attributions causales du cancer. Les patients repèrent en effet bien plus facilement les conséquences de la perte d’un proche plutôt que les effets invisibles, à court terme, de l’exposition aux perturbateurs endocriniens et autres oncogènes.

La vulnérabilité au cancer est donc de plusieurs ordres, environnemental, psychologique et comportemental, géné- tique. Mais la plupart du temps, la multiplication et plus, l’invasion pathogène des cellules cancéreuses, croise tous ces facteurs. Parmi les hypothèses psychologiques en faveur du cancer, on identifie aujourd’hui les difficultés à compren- dre et à accepter de communiquer sur ces maladies, le déni d’une symptomatologie évocatrice de cancer, la dépression, qui constituerait, dans l’absence de réaction face au cancer ou dans le délai à signaler un symptôme, un équivalent sui- cidaire inconscient et même conscient [8,30].

Nous nous centrerons sur la vulnérabilité psychique des patients atteints de cancer. Plus spécifiquement, nous recher- cherons comment un deuil accroît cette vulnérabilité psy- chique dans la prévention, le dépistage et les traitements d’un cancer.

Le deuil augmente la morbimortalité cardiovasculaire mais pas par cancer

Depuis les années 1970 [16,24,26,28,29], les études épidé- miologiques internationales et nationales [32] montrent que la perte d’un proche, et surtout la perte du conjoint, aug-

mente les morbidité et mortalité des hommes et, dans une moindre mesure, celles des femmes. Cependant, cette mor- bimortalité (qui va jusqu’à doubler le taux de mortalité des veufs pendant la première année du deuil) correspond sur- tout à un accroissement de l’incidence des maladies cardio- vasculaires [25]. Si certaines études prospectives, comme celle de la Japan Collaborative Cohort Study [15] portant sur 110 000 Japonais suivis pendant dix ans, affirment que le taux de cancers augmente chez les veufs et les veuves, comparativement à une population qui n’aurait pas perdu son conjoint, l’accroissement du nombre de cancers supplé- mentaires n’est pas significatif après un deuil. Par ailleurs, célibataires et divorcés appariés présentent aussi une morta- lité augmentée par rapport à ceux qui sont mariés, l’effet protecteur de la conjugalité étant maintenant largement connu de tous les pays.

La perte d’un enfant produit, elle aussi, des effets à très long terme [21,33]. Dans une étude effectuée au Royaume- Uni de 1971 à 2006, le taux de mortalité des parents est multiplié par 2 et celui des mères par 4. Cette augmentation, bien que s’affaiblissant avec les années, perdure jusqu’à 30 ans après la perte, lorsque l’enfant est mort pendant sa première année [14].

L’augmentation des cardiopathies liées au deuil doit être mentionnée aux oncologues. En effet, non seulement ils doi- vent être beaucoup plus vigilants sur le plan cardiaque avec leurs patients en deuil, mais de plus, ils doivent prendre en compte ce risque supplémentaire dans les choix thérapeu- tiques de substances comportant un risque cardiaque.

Enfin, malgré des données bien établies en faveur d’une élévation significative des affections cardiovasculaires et en défaveur d’un lien significatif avec le cancer, de nombreux patients atteints de cancer n’hésitent toujours pas à voir, dans un deuil antérieur, une raison d’avoir développé leur cancer.

Nous tenterons de comprendre cliniquement pourquoi la quête de sens habituelle lors de tout événement grave établit une telle causalité.

Deuil et dépression

Être en deuil de son conjoint ou de son enfant augmente donc les risques de développer une maladie cardiovasculaire ou de mourir brutalement d’un accident cardiovasculaire.

Mais les risques en termes de santé psychique sont égale- ment augmentés. Le risque de dépression s’accroît en tout premier lieu, l’anxiété chronique en deuxième, enfin tous les comportements délétères consécutifs au manque de l’être aimé : alcoolisme, tabagisme, passage à l’acte suicidaire ou syndrome de glissement [4].

La distinction entre chagrin normal lié à la perte et un véritable état dépressif reste difficile à établir, surtout quand un critère de temporalité transculturel (durée du temps de

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détresse consécutif à la perte) est invoqué dans l’objectif de donner des critères universels de « trouble » ou de « maladie » (dans les Diagnostic and Statistical Manual of Mental Dis- orders [DSM] ou la Classification internationale des mala- dies [CIM]).

L’insertion dans une ethnie et une culture données, la ritualisation du deuil et sa socialisation constituent des aides de tout temps reconnues pour écouter et soutenir les endeuil- lés. Ces soutiens se sont avérés être « adaptés » depuis bien longtemps dans toutes les sociétés humaines [5]. Mais le monde « moderne » occidental, en se fondant sur l’indivi- dualisme, a vu le « deuil social » reculer depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le soutien social « naturel », aujourd’hui très limité, conduit les plaintes des endeuillés vers le médecin [7]. Et ce qui, autrefois, était adressé aux religieux et aux commu- nautés croyantes est, de nos jours, exprimé sous forme d’une symptomatologie somatique ou même psychiatrique. Les médecins généralistes, dont la formation en psychologie est succincte (une dizaine d’heures de psychopathologie dans tout le cursus), ont toutefois tendance à traiter le chagrin comme une maladie organique. Même si leur première appro- che consiste à utiliser leur connaissance personnelle et fami- liale du deuil, l’absence de temps pour des consultations lon- gues et répétées les entraîne souvent vers une prescription de psychotropes qui « soulage » rapidement [23,31,35]. Psycho- logues, psychanalystes et associations de soutien sont cepen- dant depuis plus de 30 ans sollicités par ces nouveaux

« patients » ou « usagers » pour parler de leur deuil.

Les endeuillés ne peuvent pas être considérés comme des « déprimés » courants

Si la détresse de la perte est bien réelle pendant les premiers mois du deuil, elle s’estompe progressivement pour réappa- raître régulièrement lors des dates anniversaires ou d’événe- ments de vie graves externes ou internes. En acceptant un soutien, un endeuillé, qui dans un premier temps pourrait développer une tendance à la solitude et à l’hostilité, sera progressivement entouré et amené à poursuivre ses activités.

Ainsi, il retrouvera un intérêt à prendre soin de lui et à se soumettre à des examens de santé réguliers. Le lien avec le médecin de famille est de toute première importance dans ce cas, à condition que celui-ci ait été formé à la question du deuil (voir à ce sujet les propositions de Jennifer Kreger, family physician[médecin généraliste] californienne, qui a mis au point une information et une prise en charge particu- lière de ses patients en deuil [20]).

Le problème de la « perte de chance », évidente en cas de dépression, doit aussi être posé en cas de deuil concomitant avec la découverte d’un cancer. Mais cet aspect éthique fondamental ne peut conduire à une action systématique

qui serait, de toute façon, rejetée par l’endeuillé. D’une part, la médication antidépressive n’est pas sans effets secondai- res, mais elle entraîne d’autre part une médicalisation du deuil et de la prise en charge. L’invitation à rencontrer un psychiatre pour cette prescription et pour l’étude de sa compatibilité avec les traitements anticancéreux peut se solder par un refus, quand le soutien social du deuil et le soutien psychologique, voire psychothérapique pourraient contribuer à une amélioration. Cependant, nous n’ignorons pas, comme le soulignait déjà l’Afssaps en 2006, que si 3,5 % de la population française déclaraient prendre des antidépresseurs en 1996, c’était, dans la plupart des cas, de façon relativement inadéquate [1]. Les médecins sous- estiment en effet les troubles dépressifs, et près de 50 % des déprimés n’ont pas accès aux soins. Quant à ceux qui ont recours à un antidépresseur, seuls 50 % d’entre eux ont effectivement un trouble correspondant aux indications thé- rapeutiques. Au total, en 2006, moins de 10 % des patients déprimés recevaient un traitement adéquat. Mais de quelle (s) dépression(s) parlons-nous ?

Le chagrin du deuil peut-il être comparé à un état dépressif ?

Le deuil, en tant que perte, peut être considéré comme un événement stressant majeur à l’origine d’un chagrin pro- fond en général « normal » [9,25]. Ce chagrin ou « grief » en anglais est douloureux et parfois spectaculaire. Si l’on compare l’expérience subjective de ce chagrin avec celui d’autres pertes non mortelles, il est décrit comme étant beau- coup plus intense que la souffrance dépressive. L’endeuillé n’est évidemment pas un déprimé courant. Il est triste parce qu’il a perdu irréversiblement un être cher. Mais si la situa- tion lui semble exceptionnelle, la perte d’un proche fait par- tie des chagrins « naturels » de la vie. Le soutien social, jusque dans les années 1950, trouvait une relative efficacité pour « contenir et adapter » l’endeuillé. Aujourd’hui, avec un soutien social très diminué, la souffrance du deuil est considérée subjectivement comme beaucoup plus forte que celle d’un épisode majeur dépressif. Si le deuil survient parallèlement au cancer, l’urgence à traiter la maladie peut conduire à discuter l’indication d’une accélération du retour à la normale de l’endeuillé. Cependant, toute prise en charge médicale devra s’adjoindre un soutien psychologique et social.

Comment repérer les complications du deuil ?

Dans le deuil normal, naturel ou « non compliqué »,uncom- plicated, comme aime à l’appeler Zisook et Shuchter [36] qui estiment impossible la détermination de ce qu’est un deuil

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normal, le processus du travail du deuil se met en place quel- ques heures à quelques jours après les funérailles. Les funé- railles permettent en effet la reconnaissance sociale de la perte et marquent l’appréhension de la réalité de la mort par l’en- deuillé. La perte est à la fois reconnue par la société, mais de plus le mort est « encadré » par des traditions culturelles, il

« n’erre » plus dans un « no man’s land psychique » ; de même que le corps matériel trouve une place (que ce soit avec l’inhumation ou la crémation), l’âme (ou le support spirituel de l’attachement et de la relation) a aussi une destination.

Le travail du deuil, largement décrit depuis le début du

XXesiècle par les psychanalystes, peut être assimilé au travail du rêve freudien. Il s’agit en effet d’une alternance entre le désir et la défense : d’un côté le désir de retrouver le défunt, désir qui berce l’endeuillé dans les souvenirs et la nostalgie du passé, et parfois dans les illusions ou les hallucinations ; de l’autre la détresse de constater l’absence et le manque vital de l’être aimé. Le deuil est donc unprocessus psycho- dynamiquequi varie selon les personnes, mais qui présente toujours des fluctuations entre des rappels émotionnels tris- tes et d’autres plus gais, témoignant d’une relation complexe avec le défunt. Si l’endeuillé reste généralement enclin au regret, voire au désespoir d’avoir perdu la personne la plus chère de son existence, il lui reste les souvenirs des moments heureux qui contrebalancent l’assombrissement global de l’existence [6].

Même si l’endeuillé voudrait « rejoindre » son défunt ail- leurs ou dans la mort, il n’émet pas de véritables souhaits de mort, et donc, malgré les mots, il ne s’agit pas d’une idéation suicidaire.

Dans la dépression pathologique du deuil, c’est-à-dire dans le deuil compliqué dont la prévalence est évaluée selon les études françaises entre 15 et 20 % de l’ensemble des deuils, toutes les manifestations sont constamment invalidan- tes : la personne souhaite disparaître, elle s’accuse de tous les maux, y compris de l’origine de la mort, elle se dévalorise et s’estime indigne de continuer à vivre alors que l’être cher l’a quittée, elle peut aussi en vouloir au défunt de l’avoir aban- donnée et justifie ainsi de sa propre dévalorisation. La culpa- bilité et l’autodépréciation sont, dans le deuil compliqué, sans commune mesure avec la réalité. Leur intensité peut même être délirante, et a minima disproportionnée.

Outre ces symptômes marqués dans le discours dépressif, le ralentissement psychomoteur profond et l’incapacité pro- longée signent l’état dépressif majeur, entraînant alors la question du traitement.

Faut-il traiter les complications du deuil ?

Cette question est largement débattue en France pour de nombreuses raisons : les racines judéo-chrétiennes d’une population encore récemment pratiquante qui poussent à

vivre la souffrance plutôt qu’à l’éradiquer, la lutte contre la médicalisation de la vie, la mise en place d’un récent soutien social, l’absence de traitements intégrés (les psychothérapies sont rarement remboursées par la Sécurité sociale, alors que le traitement des dépressions devrait passer par la psychiatrie et la psychothérapie).

Le débat a pris une ampleur singulière quand s’est posée la question d’introduire les critères du deuil dans le DSM-5 [11,34]. Alors que les éditions antérieures (jusqu’au DSM- IV-TR) excluaient le deuil du diagnostic d’épisode dépressif majeur, le DSM-5 fait entrer la prolongation de certains signes du deuil dans ce « trouble » [2]. Ainsi, la tristesse profonde, l’expérience du manque, l’insomnie majeure, les pleurs, l’incapacité à se concentrer, la fatigue, le manque d’appétit qui se poursuivraient plus de deux semaines après la mort d’un être cher peuvent être diagnostiqués comme issus d’une dépression plus que comme une réaction de deuil normal.

Jusqu’à présent, on considérait que la survenue isolée d’événements de vie, tels que le deuil, le divorce ou le chô- mage ne constituait pas, à elle seule, une indication à un traitement antidépresseur.

Le changement du DSM montre sans doute l’évolution culturelle des États-Unis à l’égard de la souffrance psycho- logique, mais aussi dans un monde économique globalisé où il ne fait pas bon s’arrêter de travailler sans couverture sociale, enfin, où les grandes entreprises du médicament veulent préserver leur monopole financier. Nous soulignons par ailleurs que la globalisation économique du monde ne peut être généralisée à la culture qui demeure singulière dans les pays d’Europe, même si l’impérialisme américain vou- drait induire le contraire.

Cependant, toute maladie somatique peut être associée à des troubles dépressifs. Or, la dépression augmente la mor- bidité et la mortalité somatique. Face à ce pronostic assom- bri, traiter la dépression des patients consiste non seulement en une prise en compte du fardeau de la maladie, mais per- met, de plus, de ne pas le doubler d’un état psychique dou- loureux. De 25 à 45 % des patients atteints de cancer présen- tent des épisodes dépressifs variables en fonction du type de cancer, il semble juste de favoriser leur qualité de vie et de leur donner toutes les chances d’accéder aux soins.

Pourtant, face aux résultats controversés des antidépres- seurs [17,19], face aux effets secondaires relativement lourds pour un malade qui doit affronter une menace de mort, une entrée dans la maladie chronique ou des traitements difficiles, la question doit être posée d’un traitement par la parole (sou- tien, psychothérapie) et/ou d’un traitement médicamenteux [18]. L’article de Kirsch et al. montrait en effet en 2008, sur une méta-analyse regroupant 47 essais cliniques sur les inhi- biteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS ou SSRIs), comme la sertraline (Zoloft®), la paroxétine (Dero- xat®), le citalopram (Seropram®), l’escitalopram (Seroplex®),

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une quasi-absence de différence entre ces antidépresseurs et un placebo. La relation entre la sévérité initiale de la dépres- sion et l’efficacité des antidépresseurs était plus attribuable à la décroissance de la réponse au placebo qu’à l’augmentation de la réponse au traitement. Les déprimés sévères, légèrement améliorés par les ISRS, avaient un score à l’HRSD (Hamilton Rating Scale for Depression) de 28 et plus, ce qui correspond aux scores de dépression les plus élevés [13].

Or, une approche psychothérapique pourrait être propo- sée systématiquement, si des psychologues travaillaient plus régulièrement dans les services d’oncologie ; cependant, res- tons conscients qu’un soutien psychothérapique ne peut répondre qu’à une demande du malade…

Quand le cancer croise le deuil

Dans les cas de détresse intense et prolongée comme dans l’état de deuil compliqué (ou complications du deuil), on observe des difficultés psychologiques entravant potentielle- ment la prévention, le dépistage, l’acceptation de la maladie, la mise en route et la poursuite des traitements, enfin, la gué- rison. Les complications du deuil se traduisent par un état de tristesse prolongée et de nombreuses autres manifestations, par ailleurs, les cas de deuil psychiatrique sont bien connus, il s’agit de la décompensation d’un état psychotique ou névrotique, jusqu’à présent jamais relevé et apparaissant brutalement dans les suites de la perte.

Si une étude française [22] portant sur une population de 14 203 personnes étudiée entre 1994 et 2009 n’a, à son tour, révélé aucune corrélation significative entre un épisode dépressif et la survenue d’une tumeur maligne (15 années de suivi), les auteurs font l’hypothèse que la dépression aug- mente le retard au diagnostic du fait de la tendance à négliger sa santé et du risque de ne signaler que trop tardivement une aggravation. Le cancer renforce en revanche la dépression des patients déjà diagnostiqués, d’autant que le discours médical, soignant et familial, pousse les patients à masquer leurs affects tristes pour adopter une attitude de « combat », déniant, par là même, les besoins de traitement de leur état psychique.

Nous proposons ici une analyse qualitative basée sur la clinique des endeuillés, des particularités du deuil à l’origine de risques d’aggravation spécifiques du cancer.

Deuil et mise à distance des symptômes annonciateurs d

un cancer

Ces cas semblent les plus fréquents et sans doute à l’origine de la malheureuse « étiologie psychique » du cancer. Dans l’observation de délais prolongés (parfois plus d’une année) entre la perception d’un symptôme et son signalement au médecin, le deuil joue un rôle non négligeable. Ainsi, le

deuil aigu [27], par la difficulté à accepter la disparition de l’être cher, plonge le sujet dans la perplexité, l’obnubilation à comprendre « pourquoi ? ». Les effets de sidération ou d’état de choc sont variables, mais durent d’autant plus longtemps que la perte est brutale, inopinée, injuste.

Le deuil produit aussi un bouleversement matériel. Les femmes dépendantes économiquement se voient dans l’obli- gation subite de trouver de nouvelles ressources, les hommes sont incapables de faire face aux nécessités vitales de l’exis- tence. Même si des aménagements pallient rapidement ces manques ou si les générations les plus jeunes sont moins fixées sur des rôles sociaux stéréotypés, le bouleversement de la perte du conjoint ou de l’un des parents d’une famille nucléaire a des effets considérables sur l’économie du groupe qui repousse les questions de santé au dernier rang des pré- occupations. Les conséquences physiques du deuil peuvent par ailleurs être acceptées au titre des effets normaux du cha- grin. Or, l’amaigrissement et l’affaiblissement sont aussi des signes d’un cancer débutant. Enfin, le cancer du pancréas est bien connu pour ses effets dépressogènes. Cet état dépressif pourrait être mis sur le compte du chagrin lié à la perte, alors qu’il est parfois le signe précurseur le plus « fort » de ce cancer.

Le cancer comme « prix à payer »

La culpabilité liée à la mort d’un proche et son corolaire, la

« punition » par le cancer et le désir profond de rejoindre le défunt (dans la mort) sont le plus en cause dans l’absence d’énergie pour se soigner. La tristesse et le ralentissement psychomoteur conduisent à limiter les démarches pour ren- contrer médecins et équipes soignantes. Enfin, l’absence d’intérêt pour le monde, qui, pour citer Freud, « paraît vide sans le défunt », explique un manque d’investissement du milieu hospitalier qui renforce le caractère déroutant du besoin de solitude du malade dans l’institution, mais aussi l’ambiance négative renvoyée par celle-ci.

Le deuil interminable, témoin de « la survivance » de la relation

Freud avait développé des observations mettant en exergue le choix difficile de patients en deuil face à l’envie de quitter le défunt afin de se projeter vers le futur et le désir de rester avec lui dans une relation morbide tournée vers le passé.

« Sur chacun des souvenirs et des situations d’attente pris un à un, qui montrent que la libido est rattachée à l’objet perdu, la réalité apporte son verdict, à savoir que l’objet n’existe plus, et le moi, en quelque sorte placé devant la question de savoir s’il veut partager ce destin, se laisse déter- miner, par la somme des satisfactions narcissiques, à être en

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vie, à dénouer sa liaison avec l’objet anéanti. » [12, p. 274].

Après une période où l’accent a beaucoup été mis dans la société française sur « le travail de deuil », nombreux sont ceux qui se sont révoltés envers cette forme d’obligation psychologique à métaboliser la relation au défunt [10]. Il n’est donc pas rare d’entendre l’ambivalence de ces endeuil- lés : « Je viens vous voir parce que je souffre, mais attention, je ne veux pas le (la) quitter trop vite ! ». La centration sur le travail du deuil limite ici toute autre forme d’intérêt, le thé- rapeute, tout comme les groupes d’endeuillés permettent souvent un retour vers la réalité qui limite l’enkystement du deuil et favorise le soin de soi.

Les questions autour de la mort qui empêchent d

envisager toute action thérapeutique

L’idée d’un traitement du deuil venant de l’extérieur (que ce soit un médicament ou une psychothérapie) est perçue comme une ingérence par de nombreux endeuillés. Le patient a besoin de faire le tour complet de ses souvenirs, d’en « profiter ». Ce qui permet d’ailleurs de bien différen- cier le deuil normal du deuil post-traumatique. Dans le deuil post-traumatique, le sujet qui a perdu un proche brutalement supporte très mal les souvenirs du décès, généralisés à ceux du mort.

Dans le deuil non compliqué, les souvenirs sont, au contraire, recherchés. L’effacement des souvenirs est d’ailleurs vécu comme un véritable cauchemar. « Je ne me souviens plus de son sourire ! Je n’arrive plus à retrou- ver l’image de son sourire ! », dit cette mère écrasée de douleurs. Le travail psychothérapique qui lui permet peu à peu de procéder au rappel de la relation chaotique avec son fils la réconforte, alors qu’elle avait dit d’emblée qu’elle venait faire une « autopsie psychologique » du sui- cide de son fils. Le deuil après suicide peut d’emblée s’avérer « compliqué » en raison de son origine ambiguë : secrets de famille, harcèlement, répétition générationnelle (maladie bipolaire).

Rapidité de déclaration du cancer après une perte et report du travail du deuil

Parmi les observations fréquentes d’intrication deuil et can- cer se trouvent celles des personnes âgées qui perdent leur conjoint et se voient parallèlement atteintes d’un cancer.

Rosella, âgée de 65 ans, vient de terminer ses traitements pour un cancer du sein. Au lieu de « se réjouir » dit-elle, elle se met à boire de façon inhabituelle. Des pleurs l’enva- hissent, elle se sent très fragile, manque rompre avec son fils et sa belle-fille pourtant enceinte. Elle vient consulter

« pour ses deuils ». En effet, c’est une accumulation de

pertes qui a précédé son hospitalisation, jusqu’à la mort de son mari, environ deux mois avant la consultation qui va diagnostiquer son cancer du sein. Rosella est en plein deuil.

Le cancer a en effet véritablement occupé ses pensées après l’enterrement de son mari. Mais l’effet dépressogène a ici été provoqué par le manque…des soins du service hospi- talier. Rosella se plaint de ne plus voir « ses » infirmières, même « les rayons » ont été appréciés en raison des visites quotidiennes aux soignants. La prise en charge hospitalière a totalement évité à Rosella l’impression de solitude défini- tive qui suit souvent la perte du conjoint. Ici, l’état psy- chique lié au cancer n’a pas été repoussé ou aggravé par le deuil, c’est le processus du deuil qui a été différé par le cancer. Quelques séances permettront à cette patiente de vivre son deuil normalement. Elle s’inscrira dans un réseau de bénévoles hospitaliers pendant une année, puis abandon- nera les bénéfices secondaires de la fréquentation de l’hôpi- tal (où était mort son mari) pour se consacrer à la biblio- thèque de son village.

Conclusion

La vulnérabilité psychique liée au deuil ne peut donc pas être confondue avec celle qui survient lors d’un autre état dépres- sif. En effet, dans le deuil, le déclencheur de l’état émotion- nel lié à la perte est clairement identifié, le soutien social est plus direct et moins tabou que pour la dépression, enfin, l’approche thérapeutique est d’un autre ordre (les médica- ments ne sont pas prescrits en première intention).

L’ensemble des travaux sur le deuil depuis les années 1970 permet de conclure que la morbimortalité liée au deuil est véritablement cardiovasculaire et non cancérogène. En revanche, les conséquences émotionnelles du chagrin (sidé- ration, refus de la mort) augmentent les délais de consulta- tion. Enfin, une confusion potentielle des signes du deuil avec ceux d’un état de santé défaillant accompagnant un cancer peut empêcher le dépistage d’une tumeur.

Face à cette vulnérabilité psychologique du patient en deuil, nous proposons de :

former soignants et médecins aux conséquences du deuil sur le sujet et son groupe familial ;

systématiser le questionnement portant sur les événe- ments difficiles de la vie lors de la première rencontre médicale en oncologie ;

proposer un soutien spécifique basé sur une attention par- ticulière (visite du psychologue de l’institution), mais éga- lement de rencontrer les associations locales de soutien des endeuillés afin de limiter la médicalisation du deuil.

La connaissance de la morbimortalité liée à la perte d’un être cher, la psychopathologie du deuil, la distinction entre dépression et réactions spécifiques à la perte d’un proche et

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aux effets potentiels du soutien social, psychologique et des psychotropes, semblent représenter la voie qui limitera au mieux la perte de chance globale des endeuillés face au cancer.

Conflit d’intérêt :l’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Références

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Références

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