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Oncologie : Article pp.130-136 du Vol.7 n°2 (2013)

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SYNTHÈSE /REVIEW ARTICLE

Communication entre soignant et soigné : historique, définitions et mesures

Communication between patients and healthcare providers: history, definitions and measurement

J.G. Trudel · N. Leduc · S. Dumont

Reçu le 22 février 2012 ; accepté le 15 avril 2013

© Springer-Verlag France 2013

RésuméCet article retrace l’historique d’un concept primor- dial dans les soins en oncologie, la communication entre soi- gnant et soigné. Premièrement, un historique du concept de communication en oncologie est décrit. Deuxièmement, les caractéristiques reliées à ce concept, ainsi que les différentes approches pour évaluer la communication entre soignant et soigné sont présentées. L’article démontre qu’une relation de type paternaliste entre soignant et soigné est de moins en moins populaire auprès des patients et qu’une approche cen- trée sur le patient est une approche à privilégier par les pro- fessionnels de la santé en oncologie avec leurs patients.

L’article indique également que les approches observation- nelles et perceptuelles ne répondent pas aux mêmes finalités, car elles évaluent différentes perspectives de communication entre les patients et les professionnels de la santé.

Mots clésCommunication entre soignant et soigné · Historique · Approches de communication · Oncologie

AbstractThis article traces the history of a key concept in cancer care, communication between patients and healthcare providers. First, a history of the concept of communication in oncology is described. Second, the definitions related to

this concept and the different approaches to assess commu- nication between patients and healthcare providers are pre- sented. The article demonstrates that a paternalistic relations- hip between patients and healthcare providers is becoming less popular among patients and a patient-centered approach is an approach to be privileged by the healthcare providers in oncology with their patients. The article also indicates that the observational and perceptual approaches to communica- tion do not have the same goals. They evaluate different per- spectives of communication between patients and healthcare providers.

KeywordsCommunication between patients and healthcare providers · History · Communication approaches ·

Oncology

Introduction

La communication entre patients et professionnels de la santé est considérée comme un des aspects les plus impor- tants des soins apportés aux patients [29,44]. Une communi- cation efficace entre soignant et soigné durant un entretien est associée à une meilleure appréciation des soins de la part des patients. Ces derniers sont davantage satisfaits des soins qui leur sont prodigués lorsque les médecins les tiennent davantage au courant et leur donnent plus d’informations sur leur état de santé et les soins. De plus, les patients mentionnent que des médecins plus sensibles à leurs préoc- cupations et qui leur apportent du réconfort et du soutien augmentent leur niveau de satisfaction. Une bonne dyna- mique entre soignant et soigné durant une consultation médi- cale offre aussi plusieurs avantages pour les patients. Ceux- ci peuvent plus facilement leur faire part de leurs sentiments, reprendre le contrôle de leur vie, se souvenir des recomman- dations des médecins et les suivre, ainsi qu’améliorer leur état de santé psychologique (moins anxiété) et physique (diminution de la pression artérielle et contrôle du diabète)

J.G. Trudel (*) Chercheuse post-doctoral,

University Health Network (Behavioural Sciences and Health Research Division, Toronto General Hospital)

et Lawrence S. Bloomberg, Faculty of Nursing,

University of Toronto, Toronto, Ontario, Canada, M5T 1P8 e-mail : jtrudel@uhnresearch.ca

N. Leduc

Département dAdministration de la santé, Faculté de médecine, Université de Montréal, CP 6128, Succursale « centre-ville », Montréal, Québec, H3C 3J7, Canada

S. Dumont

École de service social, Pavillon Charles-De-Koninck, Université de Laval, Québec, G1V 0A6, Canada DOI 10.1007/s11839-013-0423-5

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[1,7,12,13,17,29,30,32,37–39,42,45,48]. La qualité d’une communication entre soignant et soigné a donc un impact sur la qualité de vie des patients.

Peu de chercheurs ont décrit l’évolution de la commu- nication entre soignant et soigné dans le domaine de l’oncologie. Dans ces temps modernes, quel est le type de relation que les patients atteints de cancer privilégient avec le personnel soignant ? Est-il nettement différent de celui utilisé au début du siècle ? Or, cet article analyse la façon dont cette relation s’est transformée au cours des années en passant par le paternalisme jusqu’à aujourd’hui.

Une telle information aidera à mieux comprendre la rela- tion qui existe entre les patients atteints de cancer et leurs professionnels de la santé et aussi elle donnera un aperçu de ce que la communication entre patients et profession- nels de la santé sera dans l’avenir. De plus, l’article définit les deux principales caractéristiques d’une communication entre soigné et soignant, et il décrit deux approches dispo- nibles pour évaluer la communication entre soignant et soigné, chacune d’entre elles comportant des avantages et des inconvénients.

Historique du concept de communication Avant le XXe siècle, un diagnostic de cancer était perçu comme une sentence de mort. Révéler un diagnostic de cancer à un patient était considéré comme cruel et inhu- main, car on appréhendait que le patient y abandonne tout espoir de survie. C’est pourquoi on lui cachait le diagnos- tic. Seuls les membres de sa famille connaissaient le pro- nostic défavorable. Une conspiration du silence régnait entre la famille du patient et le médecin. La majorité des patients étaient pris en charge par leur famille. Avec la pro- gression de la maladie, la communication entre le patient et sa famille s’amenuisait. De plus, les membres de la famille ne révélaient pas le diagnostic à leur entourage à cause de la honte, d’un sentiment de culpabilité et de peur que la mala- die soit contagieuse. Ainsi, les patients atteints de cancer et les membres de leur famille étaient stigmatisés et vivaient isolés des autres [20,21,23–25].

En 1950, les médecins ne dévoilaient toujours pas le diag- nostic aux patients. Ce n’est que dans les années 1960 qu’un changement dans ces pratiques est observé, encouragé par un groupe de psychiatres et d’oncologues qui soutenaient que cacher la vérité aux patients était susceptible de causer plus de tort que de bien [20,21,23,25]. Ce nouveau discours a été largement supporté par des pionniers dans le domaine des soins palliatifs comme Élizabeth Kübler-Ross, Cicely Saunders et Balfour Mount durant les années 1970. Néan- moins, l’approche privilégiée du médecin est demeurée empreinte d’un paternalisme et autoritaire jusqu’à la fin des années 1960 [35]. La communication entre patient et méde-

cin était axée sur la maladie (approche biomédicale). Le médecin détenait le pouvoir et les connaissances médicales pour diagnostiquer la maladie, et il cherchait à obtenir une réponse précise au problème en posant au patient plusieurs questions sur ses symptômes et ses antécédents médicaux [47]. Une fois le diagnostic posé, le médecin identifiait les meilleurs moyens pour enrayer la maladie. Toutefois, cette approche traditionnelle de la maladie laissait peu de place aux aspects sociaux et fonctionnels de la maladie et, surtout, elle ne tenait pas compte de l’expérience vécue par le patient.

On privilégiait le curing (guérison) et les traitements au détriment des soins et du caring (attention bienveillante) [10,11,27,28].

Alors que les droits civils des années 1960 avaient pour objectif d’enrayer l’inégalité dans les domaines politique, juridique et social [36], les militants pour la santé des fem- mes, eux, critiquaient les comportements des professionnels de la santé dont la majorité étaient des hommes. Les mili- tants s’opposaient à ce que les professionnels de la santé dictent des actions aux patients, surtout aux femmes, sans leur donner la permission de poser des questions et de parti- ciper aux décisions concernant leur santé [19,46]. La mis- sion première des militants consistait à s’opposer au paterna- lisme dans les soins de santé [1]. Avant les années 1960, la quantité et le type d’informations fournies au patient étaient laissés à la discrétion des médecins [26]. Dans la foulée du mouvement de la défense des droits civils aux États-Unis, les patients ont été encouragés à exiger d’être informés des risques associés aux traitements qui leur étaient proposés.

Plus spécifiquement, ils ont obtenu le droit de connaître les effets néfastes des traitements grâce aux décisions de la cour concernant un consentement mieux informé à propos d’intervention médicale et de recherche [1]. De même, les bioéthiciens ont souligné que les patients connaissent suffi- samment leur condition médicale pour aider à trouver des solutions médicales en dépit du fait que les médecins possè- dent des connaissances techniques, ainsi que les connaissan- ces nécessaires pour prévenir, détecter et guérir la maladie [4,15]. Tous ces événements ont mené à de nouvelles atten- tes face aux interactions entre le médecin et le patient. Ces attentes font référence davantage au respect et à un échange plus ouvert entre les deux parties sur la transmission d’infor- mations médicales [1].

De plus, les progrès en matière de diagnostic et de traite- ment survenus lors de la seconde moitié duXXesiècle influen- cent la relation entre le médecin et le patient atteint de cancer.

Les cas de patients atteints de cancer maintenus dans l’igno- rance de leur diagnostic et de ses conséquences sont devenus rares. Aux États-Unis, en 1977, 97 % des médecins divul- guaient le diagnostic à leurs patients. Par contre, cette attitude n’est pas observée dans toutes les régions du monde, notam- ment dans certains pays d’Asie où la divulgation du diagnos- tic n’est pas une pratique courante [22,24].

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Aux États-Unis, dans les années 1970, le mouvement de thanatologie d’Élizabeth Kübler-Ross mène à une plus grande humanisation des soins pour les patients en phase terminale. Ce mouvement favorise une meilleure commu- nication entre les professionnels de la santé et les patients en soins palliatifs. De plus, le travail de Kübler-Ross amène les chercheurs en oncologie à trouver de meilleures façons de révéler le diagnostic aux patients et à discuter des questions liées à la progression de la maladie et aux soins palliatifs. Ainsi, sensibilisés par différents résultats probants sur ce sujet, les médecins se montrent plus humains et empathiques envers leurs patients, lors de l’annonce du diagnostic et lors des rencontres de suivi [20,21,23–25].

À la fin des années 1980, l’équipe de médecine familiale de l’Université de Western Ontario au Canada met de l’avant un nouveau modèle de communication entre le patient et le professionnel de la santé. L’approche centrée sur le patient devient un modèle courant d’entrevue entre le médecin et le patient. Les origines de cette approche pro- viennent des travaux de Balint et de Rogers [16]. Il y a une trentaine d’années, l’expression médecine centrée sur le patient fut présentée par le psychanalyste britannique Balint et ses collaborateurs. Il démontre que le médecin doit se centrer aussi sur la personne malade s’il veut établir un diagnostic plus global et non se centrer uniquement sur la maladie [9]. En 1957, Rogers utilise l’expressioncentrée sur la personnepour désigner cette approche non directive d’entretien. D’après Rogers, le praticien ne doit pas seule- ment poser des diagnostics, mais créer un climat chaleu- reux dans lequel le patient peut se sentir à l’aise et progres- ser vers un changement souhaité. L’approche Rogérienne se caractérise par des aspects spécifiques aux relations thérapeutiques, soit les valeurs, les principes éthiques et l’empathie. La présence de ces aspects est pertinente autant en médecine qu’en psychothérapie [16].

L’approche paternaliste ou biomédicale qui dominait jadis les interactions entre les médecins et les patients cède progressivement le pas à l’approche centrée sur le patient qui s’inscrit dans un rapport égalitaire. Le médecin permet au patient d’exprimer les raisons de sa visite, y compris ses symptômes, ses sentiments et ses attentes.

Le but de cette approche est de comprendre les expérien- ces du patient en fonction de ses inquiétudes, de son point de vue et de ses besoins [47]. Ainsi, cette approche recon- naît la prééminence du patient et permet aux médecins de prodiguer des soins plus humains [39]. Contrairement à l’approche centrée sur la maladie, l’approche centrée sur le patient privilégie l’expérience vécue par le patient et constitue un style d’interaction moins directif, plus souple et plus ouvert. De plus, l’approche centrée sur le patient permet au professionnel de la santé de prendre en charge le patient, car elle permet de tenir compte de la perspective

du patient et d’établir avec lui une relation interperson- nelle et de l’entretenir [16].

AuXXIesiècle, le rôle du professionnel de la santé envers les patients atteints de cancer se transforme. Alors qu’il consistait presque exclusivement à prodiguer des soins (comportements ralentissant la progression de la maladie, diminuant les symptômes et prévenant les complications), ce rôle inclut aujourd’hui la promotion des comportements de santé axés sur la diminution des risques et la responsa- bilisation des patients à l’importance de se maintenir en bonne santé. De nos jours, le rôle du médecin dans une relation entre soignant et soigné consiste à transmettre de l’information au patient et à le sensibiliser. La réciprocité dans la relation entre soignant et soigné a remplacé pro- gressivement le paternalisme des années 1950 et 1960 [35]. De plus, les mouvements sociaux des années 1960 qui contestaient l’autonomie professionnelle des médecins et revendiquaient le droit des patients de participer aux décisions sur les traitements ont contribué à modifier les rapports entre les médecins et les patients [1] encourageant les processus de décisions partagées. Ainsi, cette nouvelle ère est celle d’une société de prises de décisions partagées.

Le patient est plus actif, mieux informé, notamment grâce aux nombreuses sources d’informations accessibles sur Internet, et il participe aux décisions concernant ses traite- ments [44]. Il ne se fie plus entièrement aux médecins ou aux autres professionnels de la santé pour obtenir de l’information sur sa maladie.

Définition de la communication

Deux principales caractéristiques d’une communication de qualité

Les deux principales caractéristiques d’une communication de qualité entre les patients et les professionnels de la santé consistent :

à établir une relation interpersonnelle de qualité ;

à faciliter l’échange d’information.

La première se caractérise par l’aspect socioaffectif de la relation. L’emploi de mots encourageants, la gentillesse et l’empathie de la part du professionnel de la santé sont des moyens spécifiques pour l’atteindre. La seconde se définit par des comportements de type instrumental, tels que don- ner de l’information, poser des questions, vérifier l’infor- mation reçue et discuter des effets secondaires des tests et des traitements. Les mots utilisés, la façon de s’exprimer et l’information obtenue au cours de la conversation ont également leur importance, sans oublier l’ensemble de la communication non verbale entre locuteurs, traduite par

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les expressions faciales, l’expression des yeux et le toucher [2,5,7,30–32,43].

Mesure de la communication

Approche observationnelle et approche perceptuelle Il existe deux approches pour évaluer la communication entre les professionnels de la santé et leurs patients : l’approche behavioriste/observationnelle et l’approche perceptuelle [2].

La première approche consiste à enregistrer, par observation standardisée, audiocassette ou vidéocassette, les rencontres entre les médecins et leurs patients. Par la suite, les compor- tements des deux locuteurs sont codés en utilisant un système d’analyse d’interaction (Interaction Analysis System [IAS]).

Parmi les systèmes connus, on note le Bales’Process Analysis System [3], le Roter’s Interaction Analysis System (RIAS), une adaptation du système de Bales [34], le Stiles’ Verbal Response Mode [40] et, plus récemment, le Medical Informa- tion Processing System [14]. Un des systèmes les plus utilisés est le Roter’s Interaction Analysis System (RIAS) [34]. Le RIAS est un système de classification qui attribue à chaque énoncé verbal une catégorie mutuellement exclusive et exhaustive reflétant la forme et le contenu d’une interaction médicale. Un énoncé verbal est défini comme étant la plus petite unité d’expression verbale et se caractérise par un seul mot ou une longue phrase [33,34]. Par la suite, les catégories sont combinées en groupes particuliers, tels que questions ouvertes et fermées, informations transmises de type biomé- dical et psychosocial ou partenariat entre patient et médecin.

La fréquence observée pour chaque groupe est alors calculée [2,34]. Par exemple, les informations biomédicales transmises par le médecin traitant incluent les informations liées aux résultats de tests et les procédures à suivre, ainsi que les infor- mations concernant l’examen physique et l’éducation aux patients. On distingue 34 catégories pour classer la communi- cation des médecins et 28 pour celle entre les médecins et les patients [33]. Le RIAS évalue aussi les qualités tonales de la communication (ton de la voix) et le contexte socioaffectif de l’entretien. Outre le codage des mots, les sentiments démon- trés par les médecins et les patients sont cotés à partir de cinq échelles de six points. Ces échelles évaluent les sentiments suivants : colère/irritation, anxiété/nervosité, domination/

affirmation de soi, intérêt/engagement et convivialité/chaleur humaine [33].

L’approche perceptuelle se réfère à la façon dont les patients perçoivent leur communication avec les profession- nels de la santé. Les perceptions des patients s’évaluent par des questionnaires ; on leur demande soit de coter sur une échelle de type « Likert » les divers éléments se rapportant à leur communication avec le professionnel de la santé, soit d’en indiquer la présence ou l’absence [2].

Avantages et limites des mesures observationnelles et perceptuelles Mesures observationnelles

Les mesures observationnelles sont de nature plus objective, car elles évaluent les interactions réelles entre les patients et les professionnels de la santé. Elles permettent de coter les divers éléments caractérisant la communication entre les patients et les professionnels de la santé en termes de quan- tités tels que la fréquence et la durée. Toutefois, ces mesures peuvent être inadéquates pour cerner l’opinion des patients sur la communication qu’ils entretiennent avec leur profes- sionnel de la santé [2].

Ainsi, avec les mesures observationnelles, la communica- tion entre un professionnel de la santé et un patient se fait à partir d’une grille d’observation standardisée et validée, ce qui lui confère un critère d’objectivité. Précisément, les comportements de chacun sont classés, et une valeur leur est attribuée. De plus, avec de telles mesures, un jugement est fait concernant les comportements des professionnels de la santé. Ce n’est pas la même réalité pour les mesures perceptuelles. En somme, les mesures observationnelles ont des critères explicites de ce qu’une bonne communica- tion devrait être entre les deux parties.

Mesures perceptuelles

Les mesures perceptuelles de la communication évaluent une réalité subjective des patients. Les perceptions consti- tuent la façon dont les individus vivent une situation et la manière dont ils vont agir en conséquence. Les patients ont leurs propres critères pour évaluer la communication qui a eu lieu entre eux et les professionnels de la santé. En fait, la communication perceptuelle est un phénomène implicite, car les patients donnent leurs opinions sur ce qu’ils ont vécu et perçu lors de l’échange avec les professionnels de la santé.

De ce fait, les mesures perceptuelles sont plus subjectives et susceptibles d’être influencées par d’autres facteurs, comme l’état psychologique des patients [2,18]. Il est parfois possible que l’évaluation de la communication entre les patients et les professionnels de la santé à l’aide de mesures perceptuelles ne reflète pas la réalité. Par contre, les cher- cheurs favorables à cette approche d’évaluation notent que les états d’âme des patients après leur rencontre avec leur professionnel de la santé vont dépendre très probablement de la manière dont ils perçoivent et interprètent ce qui s’est passé durant leurs visites médicales. Réciproquement, les perceptions des patients peuvent avoir une plus grande influence sur leur état de santé que les comportements réels des professionnels de la santé [2,8,41].

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Mesures observationnelles et perceptuelles

Les études qui emploient simultanément les deux approches, observationnelle et perceptuelle, sont peu nombreuses. Tou- tefois, celles qui existent nous donnent des résultats intéres- sants [2]. L’étude menée par Blanchard et al. [6] repose sur les interactions entre des patients atteints de cancer hospita- lisés et leurs oncologues. Ces chercheurs ont utilisé des observateurs d’expérience pour coter à l’aide d’une grille la présence et l’absence de plusieurs comportements de méde- cins. L’équipe de chercheurs a aussi évalué à l’aide de ques- tionnaires les perceptions que les patients ont eues de la communication avec leurs oncologues. Les comportements des médecins ont été évalués à l’aide du Physician Behavior CheckList (PBCL). Trente-quatre comportements ont été cotés. Les comportements observés incluaient ceux reliés aux aspects de la performance (rôle) ou comportements tech- niques des médecins tels que « discuter les résultats des tests ou un traitement avec le patient ». Les comportements affec- tifs, tels que « fournir un soutien verbal » a également été coté. Le PBCL comportait aussi une question qui évaluait l’atmosphère de la rencontre, à savoir si le médecin avait transmis de bonnes nouvelles aux patients, aucune nouvelle, ou encore de mauvaises nouvelles. En ce qui a trait aux per- ceptions des patients au sujet des comportements des méde- cins, les patients devaient indiquer si chacun des 17 compor- tements avaient eu lieu. Les comportements sélectionnés représentaient chacune des grandes catégories mesurées par le PBCL : mots d’accueil, salutations, provision d’informa- tions, possibilité de poser des questions, élaboration d’un plan de traitement, prise en considération de la famille dans les soins et la provision d’un soutien émotionnel [6]. Les résultats de l’étude de Blanchard et al. [6] démontrent que les comportements observés et cotés ne sont pas associés à ceux perçus par les patients. De plus, les perceptions des patients expliquent une plus grande variation de leur satis- faction générale des soins que les comportements observés des médecins.

Des résultats similaires ont été obtenus par Street [41]

dans une étude qui portait sur des consultations pédiatriques dans lesquelles on cotait les interactions entre les médecins et les parents d’enfants à partir de cassettes audio et on éva- luait la perception des parents au sujet des comportements des médecins face aux soins prodigués à leurs enfants. Les données de l’étude de Street [41] démontrent que les percep- tions des parents au sujet de leur communication avec les médecins sont d’excellents indices pour déterminer leur satisfaction générale des soins donnés à leurs enfants. Les énoncés des médecins ont été cotés à partir de trois catégo- ries : informations fournies, directives données et mots cen- trés sur le patient. Les informations fournies aux parents incluaient les informations concernant le diagnostic de leur enfant, les tests de laboratoire, le traitement ou la santé géné-

rale de leur enfant. Les directives représentaient les recom- mandations et ordres de type « Fait-le » ou « Ne fait pas X » et les instructions sous la forme de « Comment faire X ». Les mots centrés sur le patient consistaient en des énoncés de réconfort, de soutien, d’empathie et d’autres formes de sen- sibilité interpersonnelle. Les énoncés sollicitant ou encoura- geant le parent à poser des questions, formuler des opinions et à exprimer leurs sentiments étaient aussi inclus. La per- ception des parents au sujet des comportements des méde- cins face à leurs enfants a été évaluée par des échelles de Likert. Les dimensions évaluées par ces échelles étaient les suivantes : caractère informatif, sensibilité interpersonnelle et présence de partenariat entre les médecins et les parents.

Le caractère informatif de l’entretien était présent lorsque le médecin discutait pleinement du problème de l’enfant, le message transmis était instructif, clair et facile à comprendre.

La sensibilité interpersonnelle se caractérisait par les com- portements suivants des médecins : le médecin mettait le parent à l’aise lors de la consultation et semblait se soucier des sentiments du parent et de l’enfant. Enfin, le partenariat entre le médecin et le parent était présent si le médecin l’en- courageait à exprimer ses préoccupations et inquiétudes, lui demandait son avis à propos de la santé de son enfant, éva- luait ses connaissances acquises au sujet de la santé de son enfant et sur les façons d’améliorer sa santé après la consul- tation [41].

Donc, les études de Blanchard et al. [6] et de Street [41]

indiquent que les mesures perceptuelles ne sont pas toujours corrélées avec les mesures observationnelles et que la per- ception des patients au sujet de leur communication avec les médecins peuvent être un meilleur indice des soins reçus.

Ces études démontrent bien que les deux types de mesures évaluent deux aspects différents de la communication. Il n’est pas étonnant que la perception des patients au sujet de leur communication avec les médecins soit davantage corrélée avec les soins reçus, car dans les deux cas la percep- tion des patients est tenue en compte.

En résumé, la communication entre patients et profession- nels de la santé est un phénomène qui peut être évalué sous deux divers angles. Chacune des deux approches de la communication, observationnelle et perceptuelle, apporte des informations partielles et complémentaires du même phénomène. Il n’existe donc pas une meilleure approche pour évaluer la communication entre patients et profession- nels de la santé. Le choix de l’approche dépendra de la pers- pective de communication à étudier, car les deux approches ne répondent pas aux mêmes finalités.

Conclusion

La communication entre soignant et soigné dans le domaine de l’oncologie s’est modifiée pour le mieux au cours des années.

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Tout d’abord, avant leXXesiècle, les patients atteints de cancer étaient souvent mis à l’écart de leur diagnostic et leur pronostic, ce qui rendait la tâche difficile pour les membres de la famille.

De plus, l’approche privilégiée par les médecins durant la moi- tié duXXesiècle avec leurs patients était celle de l’approche biomédicale, paternaliste et autoritaire. Malgré cela, à la fin duXXesiècle, avec le travail de certains pionniers tels qu’Éli- zabeth Kübler-Ross, Cicely Saunders et Balfour Mount, les soins prodigués aux patients atteints de cancer se sont huma- nisés. Plus tard, au cours des années 1980, l’approche centrée sur le patient devient une approche très utilisée par les méde- cins. De nos jours, les patients ne sont plus aussi passifs qu’a- vant surtout avec l’ère informatique. Ils peuvent maintenant s’informer à propos de leur maladie et leurs traitements à partir de documents disponibles sur Internet. Ces patients veulent être proactifs en ce qui concerne leur bien-être. En fait, ils veu- lent entretenir une relation de partenariat avec le soignant afin qu’ils puissent prendre les meilleures décisions à propos de leurs traitements. L’article nous a également renseignés sur les différentes méthodes utilisées pour évaluer la communica- tion entre soignant et soigné. L’approche perceptuelle est une approche qui reflète ce que les patients perçoivent de leur com- munication avec les professionnels de la santé. L’approche observationnelle, quant à elle, est une méthode qui consiste à identifier surtout les lacunes de communication des profession- nels de la santé. Pour obtenir des informations complémen- taires au sujet d’une communication entre patients et profes- sionnels de la santé, les approches observationnelles et perceptuelles seraient de mises.

Lors d’entretiens cliniques, il serait important à ce que les professionnels de la santé en oncologie utilisent ou conti- nuent à utiliser systématiquement l’approche centrée sur le patient le long de la trajectoire de soins. Ainsi, le soignant serait un partenaire et chaque patient serait impliqué active- ment dans les prises de décision concernant ses traitements.

Cette approche pourrait aussi faciliter les patients atteints de cancer à obtenir de l’information auprès des professionnels de la santé et à établir avec plus de facilité une relation de confiance avec eux. En retour, la qualité de vie de ces patients serait améliorée. De plus, il faudrait s’assurer une formation continue sur l’importance de cette approche auprès de méde- cins avec plusieurs années de pratique et de faire en sorte que le curriculum des futurs médecins comprenne cette approche et qu’ils y soient initiés le plus tôt possible dans leur carrière.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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