• Aucun résultat trouvé

Oncologie : Article pp.34-39 du Vol.5 n°1 (2011)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Oncologie : Article pp.34-39 du Vol.5 n°1 (2011)"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

SYNTHÈSE /REVIEW ARTICLE

Spiritualité et changement de valeurs chez des patients atteints d ’ un mélanome : une étude qualitative exploratoire

Spirituality and change in values of patients suffering from melanoma:

an exploratory qualitative study

M. Bourdon · A. Bonnaud-Antignac · N. Roussiau · G. Quéreux

Reçu le 10 décembre 2010 ; accepté le 10 janvier 2011

© Springer-Verlag France 2011

RésuméAu cœur de débats théoriques et méthodologiques, la spiritualité est un concept psychologique qui suscite depuis quelques années un intérêt grandissant en santé. Dans le but de conduire un travail de recherche sur la spiritualité et le bien-être subjectif, nous avons mené à titre exploratoire 19 entretiens semi-directifs auprès de patients atteints d’un mélanome. Une analyse de contenu en fonction du stade de la maladie et une analyse automatique de données textuelles d’après l’âge, le genre et le stade ont été réalisées. Les résul- tats, non généralisables, permettent néanmoins d’envisager que la maladie est un événement qui provoquerait un dépla- cement des valeurs et que la spiritualité s’exprimant à cette occasion serait une dimension évolutive d’après l’âge et le stade de la maladie.Pour citer cette revue : Psycho-Oncol.

5 (2011).

Mots clésSpiritualité · Bien-être · Étude exploratoire · Valeurs · Évolutivité

Abstract Spirituality as a psychological concept is at the heart of theoretical and methodological discussions and has been of growing interest for health researchers for several years. 19 semi-guided interviews with patients suffering from melanoma were conducted by way of exploration, with a view to studying spirituality and subjective well- being. Analysis of interview content according to stage of disease, as well as an automatic analysis of literal data according to age, gender and stage has been performed.

The results, which cannot be generalized, do nevertheless seem to indicate that the appearance of the illness is an event which causes a shift in values and that the spirituality felt at this particular moment is constantly evolving, accord- ing to age and stage of disease.To cite this journal: Psycho- Oncol. 5 (2011).

Keywords Spirituality · Well-being · Exploratory study · Values · Evolution

Introduction

L’annonce d’un cancer et l’hypothèse de la mort prochaine occasionnent une angoisse profonde chez le patient, qui doit alors envisager une réorganisation complète de la structura- tion de son être et sa finitude [6]. Le diagnostic de la maladie fait resurgir des interrogations sur une vie qui s’annonce peut-être plus courte que ce qui avait été envisagé [19].

Des mécanismes d’adaptation et de changements de valeurs s’opèrent alors, comme le fait de redéfinir une nouvelle philosophie de la vie, la précédente étant bouleversée par l’arrivée de la maladie [11,12]. Commence alors parfois chez le patient un travail spirituel autour du sens de la vie et de l’acceptation de sa finitude. Ce travail génère un ensemble d’émotions ambivalentes et nécessite un accompagnement,

M. Bourdon (*) · A. Bonnaud-Antignac (*) · N. Roussiau (*) LabÉCD (Laboratoire de psychologie éducation,

cognition et développement), EA 3259, UFR de psychologie, université de Nantes, chemin de la Censive-du-Tertre, BP 81227, F-44312 Nantes cedex 03, France e-mail : marianne.bourdon@univ-nantes.fr, angelique.bonnaud@univ-nantes.fr, nicolas.roussiau@univ-nantes.fr A. Bonnaud-Antignac

ERSSCa (Équipe de recherche en sciences humaines et sociales appliquée à la cancérologie),

ERT A-0901 - Faculté de médecine, 1, rue Gaston-Veil, 44035 Nantes cedex 01 EA 4275 Biostatistiques,

recherche clinique et mesures subjectives en santé, faculté de médecine et des sciences pharmaceutiques, 1, rue Gaston-Veil, université de Nantes,

F-44035 Nantes cedex 01, France G. Quéreux (*)

CHU Hôtel-Dieu, 1, place Alexis-Ricordeau, F-44093 Nantes cedex 01, France

e-mail : gaelle.quereux@chu-nantes.fr DOI 10.1007/s11839-011-0307-5

(2)

car ignorer ces aspects peut avoir des conséquences négatives sur la personne et son bien-être [9].

On note cependant aujourd’hui en France que la spiri- tualité est une dimension rarement abordée dans les unités de soin [22]. En effet, la formation des soignants est focalisée sur le traitement, la guérison de la maladie, et privilégie l’apprentissage de techniques au détriment des aspects relationnels des soins [10]. Les patients se retrou- vent donc souvent seuls confrontés à leurs interrogations dans un environnement peu favorable à leur expression [6]. On observe en conséquence que certains patients atteints de cancer se tournent de plus en plus vers les méde- cines complémentaires et alternatives en parallèle de leur traitement standard, parce qu’elles leur procurent un mieux-être, un sentiment d’écoute et une recherche de sens [1,4].

La spiritualité suscite donc un intérêt grandissant en psycho-oncologie. Néanmoins, des défis méthodologiques sont à relever dans les travaux sur « spiritualité et cancer » [2,17]. Outre des problèmes méthodologiques, la spiritua- lité est une notion non consensuelle [20,21], elle est tantôt distinguée de la religion et du sens de la vie, tantôt asso- ciée. De manière générale, les auteurs s’accordent pour dire que la spiritualité est une relation universelle à un ordre supérieur et transcendantal et une recherche du sens de la vie qui peut ou non être rapportée à une figure divine [16].

Par ailleurs, une étude de 2008 [7] s’est intéressée à l’évo- lution de la spiritualité suite à l’annonce du diagnostic d’un cancer. Cette recherche met en évidence des corrélations plus élevées entre l’augmentation de la spiritualité et certains cancers. C’est le cas notamment des personnes atteintes d’un cancer de la peau comparativement au cancer du sein et des intestins. Les auteurs expliquent ce résultat par la probabilité plus importante de récidive pour un cancer de la peau. Cette recherche suggère également que la croissance spirituelle va de pair avec une augmentation des affects positifs et la mise en place d’un développement post-traumatique, et que le déclin spirituel s’accompagne d’une augmentation des affects négatifs et dépressifs et d’une diminution des affects positifs [7].

Si la mise en place d’un travail spirituel favorise effective- ment le bien-être subjectif de l’individu, se pose la question de l’intégration de prises en charge dites « spirituelles » dans les institutions de soin. Ce travail exploratoire aura donc pour objectif de discuter des variables qu’il importe de considérer lorsque l’on étudie la spiritualité et d’en éclairer sa mesure.

Méthodologie

Notre population est constituée de 19 participants suivis pour un mélanome, dont neuf sont débutants (stade I ou II)

et dix au stade métastatique (stade IV) [13]. Les caractéris- tiques de l’échantillon sont présentées dans le Tableau 1. Les patients ont été rencontrés individuellement lors d’un entre- tien au moment d’une hospitalisation de jour ou de semaine dans le service d’oncodermatologie du CHU de Nantes.

C’est l’équipe médicale du service qui a proposé aux patients d’être interrogés sur leur vécu de la maladie, en mettant à leur disposition une lettre d’information sur le déroulement de la recherche. Les patients qui ont accepté de participer ont ensuite signé un recueil de consentement avant de démarrer l’entretien. Il s’agit d’un entretien semi-directif dont le guide a été élaboré d’après une revue de la littérature sur la spiri- tualité. Il a été expliqué aux patients que leur anonymat serait préservé et qu’aucune information échangée au cours de l’entretien ne serait communiquée au personnel soignant.

L’entretien est enregistré avec leur accord pour en permettre une retranscription intégrale et une analyse approfondie.

La consigne générale du guide d’entretien présente une recherche portant sur le rapport à la maladie et le bien-être chez des personnes atteintes d’un mélanome. Il n’a volontai- rement pas été mentionné le terme « spiritualité » au cours de l’entretien, dans la mesure où ce concept n’est pas consen- suel et souvent confondu avec la religiosité. Les thématiques de l’outil abordent dans cet ordre la mise en place d’une nouvelle philosophie de vie, le sens de la vie, la prise en charge du patient et les traitements et activités en parallèle du traitement médical classique. L’entretien se termine en demandant aux patients ce qu’évoque pour eux le mot

« spiritualité », afin de saisir le sens que ces personnes lui attri- buent et si un parallèle est fait avec le contenu de l’entretien.

Cette dernière question doit pouvoir nous éclairer sur la mesure de la spiritualité dans la poursuite de nos travaux de recherche. Les entretiens ont duré 30 minutes en moyenne.

Résultats

Deux corpus de discours ont été distingués et analysés. Le premier est constitué des contenus des entretiens, tandis que Tableau 1 Caractéristiques sociodémographiques et médicales de la population au moment de lentretien (n= 19)

Caractéristique Modalités n Pourcentage

Âge 2544 4 21

4564 9 47

6584 6 32

Genre Hommes 8 42

Femmes 11 58

Stade de la maladie Stade débutant 9 47 Stade

métastatique

10 53

(3)

le second correspond aux réponses à la question ouverte posée en fin d’entretien « Qu’évoque pour vous le mot spi- ritualité ? ». Ces corpus ont tous deux été soumis à une ana- lyse qualitative et semi-quantitative.

Analyse du corpus d’entretiens

Analyse qualitative[3,5]

Sur la base des retranscriptions d’entretiens effectuées, une analyse de contenu thématique catégorielle [3] en fonction du stade de la maladie a été réalisée. Cette analyse a d’abord consisté à découper le texte en unités de sens, puis à les regrouper par analogie pour former des catégories, auxquel- les un titre a été attribué. Cela a permis d’extraire pour chaque stade de la maladie (stade débutant et métastatique) des thématiques qui sous-tendent le regard que les patients portent sur leur vie depuis l’annonce du mélanome.

Par cette méthode, le discours des patients au stade débu- tant a été catégorisé en trois thématiques dont la première est l’histoire de la maladie. Les patients racontent en effet leur parcours de malade, depuis l’épreuve du diagnostic — d’autant plus difficile que le niveau de connaissance sur la tumeur est faible—jusqu’à l’évocation de la rémission. Les causes de la maladie sont recherchées tout au long de ce parcours illustré par les consultations, les interventions et le traitement. Puis, les patients décrivent leur vécu de la maladie. Le mélanome y est perçu comme un cancer singu- lier, souvent banalisé puisqu’il est asymptomatique. Cette particularité permet d’ailleurs aux patients de préserver un équilibre par rapport à la vie qu’ils menaient auparavant, malgré quelques inévitables contraintes imposées par le suivi et le traitement. De plus, même si la maladie ne trans- forme pas le quotidien, elle impacte les valeurs, qui se déta- chent des aspects matériels, et le rapport au temps, qui est redéfini. On peut penser que ces changements sont la résul- tante d’un développement post-traumatique, dans la mesure où les patients les interprètent comme positifs et sains. Pour finir, lesoutien socialoccupe un rôle prépondérant dans la vie des malades. Apporté par l’entourage, il est émotionnel ; par les soignants et l’Internet, il est informationnel.

La structuration des récits des patients au stade métasta- tique est nuancée mais s’inscrit, semble-t-il logiquement, dans la continuité de celle des patients en début de maladie.

Trois thématiques imprègnent les entretiens. Tout d’abord, les patients au stade métastatique ne racontent plus l’histoire de la tumeur, mais évoquent spontanément leurvécu de la maladie, en faisant référence aux conséquences négatives liées au traitement, à la privation de certaines activités et à la souffrance des proches. Ces répercussions les amènent à s’interroger sur l’évolution du mélanome et son pronostic.

Encore une fois, les patients soulignent l’importance d’un équilibre entre hier et aujourd’hui, qui leur donne le senti-

ment d’être acteurs de leur rémission. Il est, par ailleurs, très prégnant chez ces patients que la maladie a bouleversé le regard porté sur la vie en provoquant un changement des valeurs. Leur sensibilité est exacerbée, ils se sont adaptés à la maladie en redéfinissant leur philosophie de la vie et leur relation au mourir. Leurs nouvelles priorités s’inscrivent dans le présent auprès de leurs proches, et la question de la transmission les anime. En retour, lesoutien socialapporté par ces proches est indispensable sur le plan émotionnel.

Cela explique sans doute pourquoi l’équipe médicale est aussi devenue un soutien social émotionnel, tandis que les traitements en dehors du traitement médical classique (dont font partie les médecines complémentaires et alternatives) sont un soutien social informationnel.

Analyse semi-quantitative[18]

Le corpus a également été soumis à une analyse standard (double classification du corpus paramétrée par défaut) avec le logiciel d’analyse de données textuelles Alceste [18] en fonction de trois variables : l’âge, le genre et le stade de la maladie, dont les modalités sont présentées dans le Tableau 1. Cette analyse consiste en un découpage du corpus en unités de contexte élémentaires (UCE, qui est l’unité statistique définie par le logiciel, composée d’une ou plusieurs lignes de texte consécutives), puis en une classifi- cation descendante hiérarchique qui aboutit à un certain nombre de classes thématiques [18]. Chaque classe regroupe des mots et des variables significatifs de cette classe. Le calcul du Chi22) définit le degré d’association du mot ou de la variable à la classe.

La classification descendante hiérarchique a permis de dégager trois grands types contrastés de discours, qui per- mettent d’affiner notre analyse qualitative. Les principaux résultats sont présentés dans le Tableau 2. Tout d’abord, les participants racontent leurquotidien(χ2= 16) en soulignant ici lemaintien d’un équilibrede vie semblable à celui mené auparavant. Ils ont pu ainsi conserver une activité profes- sionnelle (travail,χ2= 17 ; boulot,χ2= 15) et des activités (sport, χ2= 15). Ce discours provient principalement des participants les plus jeunes (25–44 ans, χ2= 17) au stade débutant (χ2= 14). Puis, l’analyse met en évidence que ce sont surtout les femmes (χ2= 39) qui racontent l’histoire de la maladie, depuis la découverte d’un grain de beauté (χ2= 39) malade et l’annonce(χ2= 22) jusqu’à aujourd’hui, en retraçant la chronologie (an,χ2= 38 ; départ, χ2= 31 ; après,χ2= 24) des interventions (enlever,χ2= 29 ;opérer, χ2= 25 ;protocole,χ2= 20). Enfin, il ressort que lesoutien social émotionnel est surtout mis en avant par les hommes les plus âgés (65–84 ans,χ2= 280) au stade métastatique (χ2= 81). Ils l’expriment à travers le réconfort qu’ils trouvent auprès de leur conjointe (femme, χ2= 58) et

(4)

pour certains auprès d’une religion et de sa communauté (prier,χ2= 121 ;dieu,χ2= 104 ;prêtre,χ2= 61).

Analyse de la question ouverte

« Qu’évoque pour vous le mot spiritualité ? » Analyse qualitative

Les réponses analysées qualitativement figurent dans le Tableau 3. Les patients austade débutantattribuent pour la majorité d’entre eux (56 %) unsens religieuxà la spiritualité, seuls deux d’entre eux (22 %) font référence à ladimension philosophique de la spiritualité et au bien-être. Les résultats sont inversement proportionnels pour les patients austade métastatique, c’est-à-dire que le sens philosophique de la spiritualité est évoqué majoritairement (50 %) et que seule-

ment deux participants font référence à lareligion(20 %). Il a, par ailleurs, été constaté durant l’entretien que l’évocation du terme «spiritualité» a provoqué quelques rires chez les personnes au stade débutant. Pour vérifier ce ressenti subjec- tif, nous les avons codifiés sous forme d’une onomatopée («ha ha») dans le corpus pour qu’ils soient recensés dans l’analyse semi-quantitative qui suit.

Analyse semi-quantitative[18]

Le corpus sur la spiritualité comprenant peu de caractères, il a été réalisé une analyse paramétrée en classification simple d’après les recommandations du logiciel. Elle met en évidence trois classes d’énoncés qui complètent l’analyse qualitative (Tableau 4). En effet, la première classe met en évi- dence unedifficulté à définir le sens du mot (dire,χ2= 22 ; Tableau 2 Principaux résultats de lanalyse standard du corpus dentretiens (77 % des UCE)

Classe Forme réduite Chi2 UCE dans

la classe

UCE en totalité

Pourcentage

1 Maintien dun équilibre (58 % des UCE classées)

Faire 22 151 209 72

Chang+er 20 45 51 88

2544 ans 17 185 270 69

Travail< 17 30 32 94

Quotidien+ 16 21 21 100

Boulot+ 15 20 20 100

Sport+ 15 20 20 100

Stade I ou II 14 260 400 65

2 Histoire de la maladie (32 % des UCE classées)

Femmes 39 161 373 43

Beauté+ 39 21 23 91

Grain+ 39 21 23 91

An+ 38 41 61 67

Dermato+ 35 16 16 100

Départ+ 31 19 22 86

Enlev+er 29 18 21 86

Opér+er 25 13 14 93

Après 24 50 93 54

Opérat< 23 12 13 92

Annonce+ 22 17 22 77

Protocol< 20 11 12 92

3 Soutien social émotionnel (10 % des UCE classées)

6584 ans 280 96 254 38

Pri+er 121 15 16 94

Dieu+ 104 14 16 88

Prière+ 96 11 11 100

Stade IV 81 98 541 18

Prêtre+ 61 7 7 100

Hommes 58 94 568 17

Femme+ 58 15 28 54

UCE = unité de contexte élémentaire. Les items suivis du signe « + » représentent lensemble des mots cités qui ont la même désinence ; les items suivis du signe « < » représentent les racines de mots ; les variables indépendantes sont en caractère gras.

(5)

tropetrien, 100 % d’occurrences dans la classe) plutôt asso- ciée aux personnes austade débutant (43 % d’occurrences dans la classe). Il apparaît de surcroît que l’évocation de la spiritualité trouble ces participants, puisqu’elle provoque chez eux quelques rires (ha_ha, χ2= 10). La deuxième classe met en avant un discours provenant aussi des partici- pants austade débutant(39 % d’occurrences dans la classe), dans lequel la spiritualité est associée à lareligion(croyant, χ2= 19 ;religi<, 50 % d’occurrences dans la classe), vers

laquelle les personnes en difficultés (problèm<, χ2= 12) peuvent se tourner. Enfin, ce sont principalement les partici- pants au stade métastatique (χ2= 10) et appartenant à la deuxième tranche d’âge (45–64 ans, 52 % d’occurrences dans la classe) qui définissent la spiritualité par son sens philosophique et l’envisagent comme une stratégie (aide, 80 % d’occurrences dans la classe). Pour cette population, la spiritualité s’inscrit dans la quête du sens de la vie (vivre, 100 % d’occurrences dans la classe ;vie, 67 % d’occurrences dans la classe).

Discussion

Les résultats de cette étude mettent en évidence des dimen- sions d’importance quels que soient le stade de la maladie, comme le soutien social, l’expression du ressenti de la mala- die et le maintien d’un contrôle sur celle-ci. Toutefois, ces dimensions ne sont pas racontées avec la même tonalité suivant le stade de la maladie et l’âge des patients, au contraire elles s’inscrivent dans une continuité, dans un par- cours de vie de malade. Il est perceptible ici que l’individu s’adapte progressivement à la maladie, et cela se traduit notamment, comme l’ont montré Fischer [11], mais aussi Fischer et Tarquinio [12], par la relativisation, par le dépla- cement des valeurs extérieures vers des valeurs intérieures et par des comportements qui visent à prendre soin de soi.

Tableau 3 Principales réponses à la question ouverte sur la spiritualité en fonction du stade de la maladie

Stade débutant (I ou II)

Stade

métastatique (IV)

n % n %

Religion 5 56 2 20

Sens philosophique, bien-être

2 22 5 50

Contenu de lentretien

0 0 1 10

Ne sait pas 1 11 1 10

Ne souhaite pas en parler

1 11 1 10

Total 9 100 10 100

Tableau 4 Principaux résultats de lanalyse paramétrée du corpus sur la spiritualité (78 % des UCE)

Classe Forme réduite Chi2 UCE dans la classe UCE en totalité Pourcentage 1 Difficulté à définir le sens

du mot (33 % des UCE classées)

Dire+ 22 14 18 78

Sens 11 5 5 100

Vouloir 10 6 7 86

Ha_ha 10 6 7 86

Spiritu+el 8 12 21 57

Trop 6 3 3 100

Rien 6 3 3 100

Stade I ou II 2 12 28 43

2 Religion

(26 % des UCE classées)

Croy+ant 19 6 6 100

Problèm< 12 4 4 100

Stade I ou II 4 11 28 39

Religi< 3 5 10 50

3 Sens philosophique (41 % des UCE classées)

Stade IV 10 25 45 56

Vivre 9 6 6 100

4564 ans 6 23 44 52

Aide+ 3 4 5 80

Vie+ 3 6 9 67

Pouvoir+ 3 4 5 80

UCE = unité de contexte élémentaire. Les items suivis du signe « + » représentent lensemble des mots cités qui ont la même désinence ; les items suivis du signe « < » représentent les racines de mots ; les variables indépendantes sont en caractère gras.

(6)

Ces résultats permettent d’inférer la mise en place d’un travail spirituel dans la quête d’un mieux-être. On peut donc penser que la spiritualité serait caractérisée par un mécanisme d’adaptation et de changement de valeurs, qu’elle serait une dimension évolutive et qu’elle pourrait impacter le bien-être subjectif. Sur ces deux derniers points, nos résultats rejoignent donc les travaux de Cole et al. [7].

Les réponses à la question ouverte sur la spiritualité renfor- cent l’idée de dimension évolutive, dans la mesure où les participants au stade métastatique donnent des définitions de la spiritualité plus précises que les participants au stade débutant qui ressentent davantage de difficultés à s’exprimer et qui n’ont pas encore autant pensé les questionnements existentiels que les participants au stade métastatique. On perçoit également des différences en fonction de l’âge des patients, et il semblerait que ce sont les patients de la deuxième tranche d’âge de l’échantillon qui percevraient davantage la spiritualité comme une aide. Nous pourrions interpréter cela par la précocité d’une réflexion sur le sens de la vie pour les plus jeunes, et d’une réflexion amorcée en amont du diagnostic pour les patients les plus âgés.

Pour finir, ces résultats rappellent toute la complexité de ce concept, d’une part parce que la spiritualité imprègne l’ensemble des thématiques de l’entretien et qu’elle est en ce sens difficile à mesurer ; d’autre part, parce que sa simple évocation peut susciter une vive émotion chez le patient. Ils rejoignent également l’idée de Comte-Sponville [8] que la spiritualité peut s’exprimer sans religion. Ces conclusions ne peuvent donc que nous inciter à une réflexion sur la terminologie à employer dans un outil qui aborderait la spiritualité sous un angle évolutif et multidimensionnel.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Références

1. Aït-Kaci F, Reich M, Ulaszewski AL (2006) Croyances et méde- cines complémentaires et alternatives en cancérologie : le point de vue du psycho-oncologue. Rev Francoph Psycho-oncol 3:1659

2. Baldacchino D, Draper P (2001) Spiritual coping strategies: a review of the nursing research literature. J Adv Nursing 34 (6):83341

3. Bardin L (2003) Lanalyse de contenu. PUF, Paris

4. Ben-Arye E, Steinmetz D, Ezzo J (2007) Two women and cancer: the need for adressing spiritual well-being in cancer care. Fam Syst Health 25(1):19

5. Blanchet A, Gotman A (2006) Lenquête et ses méthodes.

Lentretien. Armand Colin, Paris

6. Cazin B (2005) Expérience spirituelle de la fin de vie. Rev Fran- coph Psycho-oncol 4:3057

7. Cole B, Hopkins CM, Tisak J, et al (2008) Assessing spiritual growth and spiritual decline following a diagnosis of cancer:

reliability and validity of the spiritual transformation scale.

Psycho-oncology 17:11221

8. Comte-Sponville A (2006) Lesprit de lathéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu. Albin Michel, Paris

9. Cousson-Gélie F (2001) Rôle des facteurs psychosociaux dans la genèse et lévolution des cancers du sein. In: Bruchon-Schweitzer M, Quintard B (eds) Personnalité et maladies. Stress, coping et ajustement. Dunod, Paris, pp 4773

10. Delvaux N, Razavi D, Merckaert I (2002) Stress du personnel soignant. In: Razavi D, Delvaux N (eds) Psycho-oncologie. Le cancer, le malade et sa famille. Masson, Paris, pp 25274 11. Fischer GN (2008) Lexpérience du malade. Lépreuve intime.

Dunod, Paris

12. Fischer GN, Tarquinio C (2002) Lexpérience de la maladie : res- sources psychiques et changement de valeurs. In: Fischer GN (ed) Traité de psychologie de la santé. Dunod, Paris, pp 30119 13. Greene FL, Page DL, Fleming ID, et al (2002) Cancer staging

manual. Sixth Edition. Springer, Chicago

14. Koenig HG, McCullough ME, Larson DB (2001) Handbook of religion and health. Oxford University Press, New York 15. Lecomte J (ed) (2009) Introduction à la psychologie positive.

Dunod, Paris

16. McClain-Jacobson C, Rosenfeld B, Kosinski A, et al (2004) Belief in an alterlife, spiritual well-being and end-of-life despair in patients with advanced cancer. Gen Hosp Psychiatry 26:4846 17. Powell LH, Shahabi L, Thoresen CE (2003) Religion and spiri-

tuality. Linkages to physical health. Am Psychol 58(1):3652 18. Reinert M (1990) Système ALCESTE : une méthodologie dana-

lyse des données textuelles (DX Reader version). Retrieved from http://www.image-zafar.com/publication/JADT1990Barcelone.pdf 19. Ruszniewski M (1999) Face à la maladie grave. Patients, famil-

les, soignants. Dunod, Paris

20. Speck BW (2005) What is spirituality? New directions for teaching and learning, 104:313

21. Wink P, Dillon M (2002) Spiritual development accross the adult life course: findings from a longitudinal study. J Adult Dev 9:7994 22. Zittoun R (2005) Comment répondre aux attentes des malades atteints de cancer en matière de croyances et de spiritualité ? Rev Francoph Psycho-oncol 4:2968

Références

Documents relatifs

Les dix études longitudinales randomisées montrent très peu d ’ effets de l ’ expression écrite des émotions liées à la maladie sur l ’ ajustement psychologique évalué

Les troubles de l ’ humeur, la souffrance psychique liée aux symptômes physiologiques de la greffe, la dépression et les stratégies d ’ adaptation inefficaces, qui sont

Dans cette perspective on pourrait envisager que certaines variables puissent modérer l ’ impact des perturbations de l ’ image corporelle comme la qualité de la relation avec

Résultats : Chez 70 % des 419 patients inclus dans l ’ étude, un score qualifiant pour un diagnostic d ’ alexithymie (TAS &gt; 56) a été observé avec une corrélation négative

On trouve aussi des voix originales dans cet ouvrage : celles des malades qui ont peuplé l’histoire du cancer et de son humanisation.. Bernard Hoerni qui est l’ancien président

L ’ atelier est un lieu de médiation dans le sens où il recons- titue cet espace de création dans la mesure où l ’ intervenante réapprend à la patiente à jouer au travers de

Quand Freud disait que « la psychanalyse est la bonne à tout faire des médecins », il soulignait l’intérêt, pour les médecins, d’utiliser les psychistes pour faire «

L ’ accompagnement des plus âgés, des plus handicapés ou des plus malades n ’ a-t-il plus droit de cité, au prétexte qu ’ il n ’ est pas rentable. Le matérialisme cynique