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Oncologie : Article pp.208-213 du Vol.5 n°3 (2011)

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SYNTHÈSE /REVIEW ARTICLE

Alexithymie et psychopathologie de patients atteints de cancer

Alexithymia and psychopathology of patients with cancer

V. Forni · F. Stiefel · S. Krenz · M. Gholam Rezaee · S. Leyvraz · G. Ludwig

Reçu le 24 mars 2011 ; accepté le 25 juillet 2011

© Springer-Verlag France 2011

Résumé Objectif : Décrire l’alexithymie chez des patients nouvellement diagnostiqués de cancer.

Méthode: Les données sociodémographiques, médicales et psychométriques (HADS, SCL-90, EORTC-QLQ-C30 et TAS-20) ont été enregistrées chez des patients récemment (< 4 mois) pris en charge pour un cancer.

Résultats: Chez 70 % des 419 patients inclus dans l’étude, un score qualifiant pour un diagnostic d’alexithymie (TAS > 56) a été observé avec une corrélation négative avec les symp- tômes psychiatriques, qui par ailleurs ne dépassaient pas les seuils d’anxiété et de dépression mesurés avec le HADS, et une corrélation positive avec la qualité de vie.

Conclusion : La haute prévalence de l’alexithymie, consi- dérée comme une protection, questionne la nécessité et le type d’éventuelles interventions psycho-oncologiques.

Pour citer cette revue : Psycho-Oncol. 5 (2011).

Mots clésAlexithymie · TAS-20 · Émotions · Cancer · Oncologie

AbstractObjective: To report the prevalence of alexithymia in patients recently diagnosed with cancer.

Methods: Sociodemographic, medical and psychometric variables (HADS, SCL-90, EORTC-QLQ-C30 and TAS- 20) were recorded in patients recently (< 4 months) treated for cancer.

Result: In 70% of 419 patients included in the study, a score indicating alexithymia [Toronto alexithymia score (TAS)

> 56) was negatively correlated with psychiatric symp- toms, which did not surpass the threshold for anxiety and depression measured by the hospital anxiety and depres- sion scale (HADS) and was positively correlated with quality of life.

Conclusion: The high prevalence of alexithymia, considered as a protection, questions the necessity and type of psycho- oncological interventions in this population. To cite this journal: Psycho-Oncol. 5 (2011).

Keywords Alexithymia · TAS-20 · Affects · Cancer · Oncology

Le terme d’alexithymie est utilisé pour la première fois par Sifneos en 1972 [18] pour décrire les caractéristiques de patients dits « psychosomatiques » présentant une difficulté à accéder, identifier et verbaliser leurs émotions. Aujour- d’hui considérée comme un concept multidimensionnel [19], l’alexithymie consiste :

en une difficulté à reconnaître et à verbaliser les émotions ;

à les différencier des sensations physiques ;

en une capacité imaginative réduite ;

en une pensée pragmatique orientée vers l’extérieur.

Deux types d’alexithymie sont répertoriés : l’alexithymie primaire, trait de personnalité qui prédispose à certaines maladies somatiques et psychiatriques, et l’alexithymie secondaire, induite par des situations traumatiques protégeant l’individu contre une submersion par ses émotions [8,14].

Généralement propre aux maladies psychosomatiques, l’alexithymie est considérée comme un phénomène transno- sographique [4] qui s’observe tant chez des personnes saines [12,16] que chez des patients souffrant de maladies somati- ques [15,23], de douleurs chroniques [10], du syndrome de stress post-traumatique (PTSD) [25], de problèmes d’addic- tion, de troubles du comportement alimentaire [11,20] ou encore d’abus dans l’enfance [2].

V. Forni · F. Stiefel (*) · S. Krenz · G. Ludwig Service de psychiatrie de liaison,

centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), rue du Bugnon 44, CH-1011 Lausanne, Suisse e-mail : Frederic.Stiefel@chuv.ch

M. Gholam Rezaee Département de psychiatrie,

centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), rue du Bugnon 44, CH-1011 Lausanne, Suisse S. Leyvraz

Centre coordonné d’oncologie (CCO),

centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), CH-1011 Lausanne, Suisse

DOI 10.1007/s11839-011-0334-2

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Les études investiguant le rôle de l’alexithymie chez les patients atteints de cancer demeurent contradictoires : l’alexithymie est-elle un facteur de vulnérabilité (alexithymie primaire) favorisant le développement du cancer [21–23] ou une réaction protectrice (alexithymie secondaire) face au diagnostic ? Quant à la prévalence de l’alexithymie, elle s’avère élevée chez les patients atteints de cancer (20–30 %) [6,9,17].

Cet article décrit la prévalence de l’alexithymie chez des patients nouvellement diagnostiqués de cancer et la relation entre l’alexithymie et les variables sociodémographiques, médicales et psychométriques.

Les résultats ont été obtenus dans le cadre d’une étude plus large qui a pour objectif d’évaluer une intervention psychothérapeutique chez cette population.

Méthode Sujets

Dans le cadre d’une étude randomisée et contrôlée, menée par le service de psychiatrie de liaison (PLI) à l’hôpital universitaire de Lausanne (centre hospitalier universitaire vaudois [CHUV]), entre octobre 2006 et octobre 2009, un soutien psychologique a été proposé à tous les patients admis au centre coordonné d’oncologie (CCO). Cette proposition leur a été envoyée par lettre (avec un formulaire d’informa- tion et de consentement). Par la suite, un contact télépho- nique permettant de clarifier les éventuelles questions confirmait ou infirmait leur participation à l’étude. L’inter- vention consistait en une intervention psychothérapeutique d’une à quatre séances ou, avec l’accord du patient et du thérapeute, en une psychothérapie brève de 16 séances ; les deux interventions se sont fondées sur une approche psycho- dynamique, effectuées par des psychologues, supervisées par des collaborateurs cadres du service de PLI.

Les critères d’inclusions consistaient en :

un cancer nouvellement diagnostiqué (< 4 mois) ;

une survie estimée à plus d’une année ;

un âge entre 18 et 75 ans.

Les critères d’exclusion étaient :

la présence de troubles psychiatriques graves (atteinte cognitive, trouble bipolaire, schizophrénie, abus de sub- stance, trouble de la personnalité sévère ou état dépressif majeur sévère) ;

un âge supérieur à 75 ans ;

tout autre facteur interférant avec une intervention psychologique et/ou la récolte de données (difficultés langagières, impossibilité à se rendre aux séances, etc.).

Données sociodémographiques et médicales

L’âge, le sexe et le statut professionnel et civil ont été documentés tout comme le type et le stade de cancer ainsi que les traitements oncologiques.

Instruments

Toronto Alexithymia Scale-20

Le TAS-20 est un questionnaire de 20 items [1], auquel le sujet répond sur une échelle de 1 (désaccord complet) à 5 (accord complet) aux différentes propositions explorant trois dimensions de l’alexithymie :

la difficulté à identifier les émotions et à les distinguer des sensations somatiques (DIF) ;

la difficulté à décrire les émotions verbalement (DDF) ;

la pensée orientée vers l’extérieur (EOT). Un score du TAS supérieur à 56 est considéré comme élevé (présence d’alexithymie) et un score inférieur à 44 comme bas (absence d’alexithymie). Cette échelle a été validée en français et a été testée dans diverses populations [13].

Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS)

La HADS est un questionnaire autoadministré, comprenant deux sous-groupes de questions, l’un consacré aux symp- tômes anxieux (sept questions) l’autre aux symptômes dépressifs (sept questions) [26]. Ce questionnaire, recom- mandé pour identifier une symptomatologie anxieuse ou dépressive chez les patients somatiques, a été validé en français [3].

Symptom Check-List (SCL-90R)

La SCL-90R, également validée en français [7], identifie, au moyen de 90 questions, les principaux symptômes psychia- triques [5].

EORTC quality of life questionnaire (QLQ-C30)

Le QLQ-C30 évalue différentes dimensions de la qualité de vie des patients atteints de cancer (www.eortc.be) [24].

Il s’agit d’un questionnaire autoadministré, constitué de 30 items évaluant le fonctionnement (physique, rôle, émotion- nel, social et cognitif), les symptômes (fatigue, nausée, vomissements, dyspnée, insomnie, perte d’appétit, consti- pation, diarrhée ainsi que douleur) et le statut global de santé (QOL échelle) du patient.

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Analyse des résultats

Un modèle de régression ajoutant l’âge et le sexe a été utilisé pour les analyses statistiques, le TAS-20 étant la seule variable statistiquement significative avec une valeur de pinférieure à 0,05.

Résultats

Sur les 1 973 patients approchés, 1 024 (51,9%) ont été exclus de l’étude pour les raisons suivantes : problèmes logistiques empêchant leur participation (pas joignables par téléphone, etc.) [n= 411] ; âge supérieur à 75 ans (n= 284) ; domicile à l’étranger ou géographiquement trop éloigné (n= 124) ; traitement psychiatrique déjà en cours (n= 89) ; symptômes somatiques sévères (n= 51) ; difficultés linguis- tiques ou cognitives (n= 43) ou péjoration importante de l’état de santé (n= 22). Enfin, 530 patients (26,9 %) ont refusé de participer et 419 patients (21,2 %) ont été inclus dans l’étude (Fig. 1).

Sur les 419 patients inclus, 229 (11,6 %) ont décidé de participer à l’étude sans vouloir bénéficier d’un soutien psychologique, constituant ainsi le groupe témoin (GT).

Les 190 patients (9,5 %) restants qui formaient le groupe d’intervention (GI) ont été randomisés pour une intervention psycho-oncologique immédiate (GIi, n= 94) ou différée (GId,n= 96) (Fig. 1).

Nos analyses sont fondées sur un effectif de 292 patients avec des données complètes (GI :n= 120, dont Gli :n= 68 et Gld :n= 52 et GT :n= 172). Il y a eu 70 patients perdus de vue dans le GI (GIi :n= 26 et GId :n= 44) et 57 dans le GT (Fig. 1).

L’âge moyen des patients inclus était de 56 ans, avec 57 % de femmes, 28 % atteints du cancer du sein, 16,6 % de cancers gastro-intestinaux, 11,5 % de cancers urogénitaux, 11 % de cancers des poumons, 9,4 % de cancers hématologiques, 5,8 % otorhinolaryngologiques, 5,5 % neurologiques et 12 % d’autres types de cancers ; 30 % des patients se trou- vaient au stade 4 de la maladie, 25 % au stade 2, 23 % au stade 3 et 22 % au stade 1 (Tableau 1).

Comparé au GT, le GI comprenait des patients d’âge plus jeune (53 vs 58 ans), plus de femmes (65 vs 50 %), ayant plus de symptômes anxiodépressifs (HADS total M 11,7 vs M 7,3), une qualité de vie moindre (EORTC QOL M 58,1 vs M 68,5), une douleur plus forte (M 31,36 vs M 23,91) et l’intensité de la symptomatologie psychiatrique plus impor- tante (SCL-90 M 0,6 vs M 0,33) (Tableau 1). Par contre, les données médicales des groupes concernant le stade, le type et le traitement de la maladie oncologique ne montraient pas de différences significatives. Cet article porte essentielle- ment sur l’alexithymie. Nous n’allons donc pas discuter la question de l’acceptation du soutien psychologique, sauf en ce qui concerne les liens avec l’alexithymie.

Le score du TAS des patients (GT et GI) s’élevait à 57,7.

Chez 71,4 % des patients (n= 200), le score était supérieur à 56 ; chez 20,3 % (n= 57) il se situait entre 44 et 56 et chez 8,3 % (n= 23) il était inférieur à 44 ; entre le GI et le GT, il n’y avait pas de différence significative (TAS-20 score 57,12 vs 58,13, p= 0,25). Par contre, le score de la dimension

« difficulté à identifier les émotions » (DIF) était significati- vement plus haut dans le GT (score 24,5 vs 22,3,p= 0,05 (Tableau 1)).

Les variables sociodémographiques (âge, sexe, statut professionnel et civil) (Tableau 2) et médicales (type de cancer, stade de la maladie et type de traitement) ne montraient pas de relations significatives avec le score du TAS-20 (Tableau 3).

Une corrélation négative entre l’alexithymie et les symp- tômes d’anxiété (p < 0,001, r : –0,23), de dépression (p < 0,001, r :–0,21) et l’intensité des symptômes psychia- triques (p < 0,001, r : –0,27) a été observée pour tous les patients inclus (GI et GT). Une corrélation positive a par ailleurs été établie entre l’alexithymie et la qualité de vie (p < 0,043, r: 0,12) (Tableau 4).

Discussion

Un score supérieur à 56 pour le TAS-20 a été observé chez 70 % des patients inclus dans l’étude ; cette prévalence très élevée de l’alexithymie pourrait s’expliquer par le choix d’un échantillon de patients récemment confrontés à l’an- nonce d’une nouvelle traumatisante. En effet, les études pré- cédemment menées évaluant des patients cancéreux ayant déjà eu le temps de s’habituer à faire face à ce diagnostic Fig. 1 Algorithme de létude générale

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montraient seulement une prévalence d’alexithymie d’envi- ron 20–35 % (20 % selon Grassi et al. [9] et 34 % selon Ripetti et al. [17]).

Cette différence pourrait également s’expliquer par le fait que les patients, étant en début de prise en charge, sont

« dans l’action » : toute leur attention, celle de leurs proches et celle des soignants sont focalisées sur les traitements et les symptômes physiques, ce qui canalise leurs émotions sur des aspects concrets et favorise une adaptation de leur monde interne au monde externe.

Dans ce contexte, l’alexithymie peut donc être considérée comme une réaction protectrice qui suit le diagnostic et la prise en charge du cancer, ce qui soulève la question de

l’efficacité du dépistage de ces patients en détresse psycho- logique, si une grande majorité présente des difficultés à exprimer des émotions. Ce « silence émotionnel » peut être interprété de manière erronée par les soignants et induire chez eux un comportement en miroir, favorisant une attitude centrée sur la prise en charge biomédicale négligeant les aspects psychosociaux.

Une autre question porte sur les éventuelles approches psychothérapeutiques. Dans ce contexte, les patients sont- ils à même de bénéficier d’une relation thérapeutique ; quel type d’approche serait le plus adapté ? Est-ce qu’un travail sur les émotions permettrait à ces patients de réémerger de cet état désaffecté et de prévenir la survenue d’un éventuel état de stress post-traumatique (PTSD) dont la prévalence peut s’élever jusqu’à 10 % chez les patients cancéreux (27) ? Ou au contraire, les approches psychothérapeutiques, surtout si elles ne respectent pas les mouvements défensifs du patient, risqueraient-elles de perturber l’équilibre du sujet, maintenu par l’alexithymie secondaire, comme illustré par les corrélations négatives entre le TAS et les scores des autres instruments psychométriques ? La prévalence élevée de l’alexithymie n’est pas seulement sujette à des questions cliniques quant aux modalités privilégiées pour le dépistage et le traitement de la détresse psychologique des patients Tableau 2 Leffet des variables sociodémographiques sur le

score du TAS-20

Variables β p

Âge 0,001 ns

Sexe 0,005 ns

Statut professionnel 0,063 ns

Mariés/pas mariés 0,017 ns

Enfants : oui/non 0,022 ns

Tableau 1 Données sociodémographiques, médicales et psychométriques des groupes intervention et témoin

Variables Total (n = 419) Intervention (n = 190) Témoin (n= 219) p

Homme/femme 43,2 %/56,8% 35 %/65 % 50 %/50 % 0,002a

Âge (M) 55,76 53 58 < 0,001

Type de cancer

Sein 28,12 33,33 23,79

Gastro-intestinal 16,59 16,4 16,74

Urogénital 11,54 10,05 12,78

Poumon 11,06 9,52 12,33 0,5767a

Hématologique 9,38 8,47 10,13

ORL 5,77 4,76 6,61

Neurologique 5,53 5,82 5,29

Autres 12,02 11,64 12,33

Stade de maladie

Stade 1 21,95 21,02 22,57 0,6747a

Stade 2 24,63 22,83 26,11

Stade 3 23,41 26,09 21,24

Stade 4 30 29,89 30,09

TAS (M)c 57,7 57,12 58,13 0,246b

TAS (facteur 1 DIF) 23,55 22,29 24,47 0,0541b

HADS totalc 9,17 11,7 7,3 < 0,001b

SCL-90 (GSI) [M]c 0,44 0,6 0,33 < 0,001b

EORTC QOL (M)c 64,11 58,1 68,5 < 0,001b

Douleur EORTC (M)c 27,06 31,36 23,91 0,022b

aFisher’s exact test(FET).

bWilcoxon test.

cSur patients avec données complètes au T0 (n= 292).

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oncologiques, mais aussi à des questions scientifiques quant à l’évaluation des psychothérapies destinées à ces populations.

Il se peut que la prévalence élevée de l’alexithymie interfère non seulement sur l’impact des interventions psychothéra- peutiques, mais aussi sur le mode d’évaluation, puisque l’efficacité d’une psychothérapie est souvent évaluée par rapport à son effet sur les symptômes anxiodépressifs qui sont, dans cette population, « masqués » par la présence de l’alexithymie secondaire.

Par rapport au GT, les patients du GI souhaitant un suivi psychologique ne diffèrent pas sur le score global d’alexi- thymie, mais montrent un score plus bas sur la dimension

« difficulté à identifier les émotions » (DIF) : cette plus grande difficulté chez les patients du GT pourrait les amener à moins ressentir leurs émotions douloureuses et donc influencer leur choix de ne pas accepter un soutien psychologique.

Pour les variables sociodémographiques et médicales, on n’observe pas de relations significatives avec l’alexithymie.

Dans leur étude sur les patients atteints de cancer colorectal, Ripetti et al. [17] ne trouvent pas non plus de corrélation

significative entre l’alexithymie et les variables sociodémo- graphiques et médicales. Il est possible que la prévalence très élevée de l’alexithymie efface le rôle des variables sociodémographiques et médicales. Par ailleurs, le fait que les patients souffrant d’un diagnostic de cancers otorhinola- ryngologiques, donc a priori plus à risque de présenter une alexithymie primaire (abus d’alcool, fumeurs), ne présentent pas une prévalence de l’alexithymie plus élevée pourrait également s’expliquer par la très haute prévalence de l’alexi- thymie dans tout l’échantillon et le nombre limité de ce type de patients inclus (n= 24).

Conclusion

Les patients présentant les scores les plus élevés d’alexithymie rapportent une meilleure qualité de vie et une intensité moindre des symptômes psychiatriques (SCL-90), dépressifs et anxieux (HADS), résultat qui n’est confirmé que par l’étude de Ripetti et al. mentionnée ci-dessus [17]. Le fait de ne pas être confronté à des expériences douloureuses grâce à des mouvements défensifs détachant l’individu des émotions pourrait donc avoir un effet bénéfique à court terme. Par contre, le rôle de l’alexithymie secondaire sur l’évolution psychologique à long terme reste inconnu et ne peut être investigué que par le moyen d’études longitudinales. Par ailleurs, comme nous ne connais- sons pas la prévalence de l’alexithymie présente avant que le cancer ne soit diagnostiqué, seules des études de cohortes parmi la population générale et clinique permettront d’élucider le rôle et l’étendue de ce phénomène en tant que facteur prédisposant à la maladie oncologique.

Finalement, nous avons constaté que seulement 292 (69,6 %) patients ont répondu de manière complète au TAS ; par conséquent, nous ne sommes pas en mesure de savoir si les non-répondants présentaient des problèmes de compréhension ou s’ils avaient eu d’autres raisons pour ne pas remplir les questionnaires. Ces résultats soulèvent des questions quant à la validité de cet instrument et s’insèrent dans les critiques envers les outils existants (manque d’évaluation de l’ensemble des dimensions de l’alexithymie, autoévaluation par une popu- lation présentant des difficultés d’introspection, etc.) [13].

Remerciements :Cette étude a été financée par OncoSuisse Grant Number OCS-01847.02-2006.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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Tableau 4 Pearson’s correlationentre le score du TAS et les échelles psychométriques pour tous les patients (GI et GT)

TAS-20 sum Corrélation p

HADS total 0,24 < 0,001

HADS anxiété 0,23 < 0,001

HADS dépression 0,21 < 0,001

EORTC (QOL) 0,12 0,043

SCL-90-R (GSI) 0,27 < 0,001 Tableau 3 Leffet des variables médicales sur le score du TAS-20

Variables β p

Cancers du poumon

Cancers gastro-intestinaux 0,002 ns

Cancers urogénitaux 0,014 ns

Cancers hématologiques 0,011 ns

Cancers du sein 0,029 ns

Cancers neurologiques 0,069 ns

Cancers ORL 0,032 ns

Cancers autres 0,061 ns

Stade 1

Stade 2 0,037 ns

Stade 3 0,009 ns

Stade 4 0,025 ns

Chimiothérapie : oui/non 0,034 ns

Radiothérapie : oui/non 0,016 ns

Hormonothérapie : oui/non 0,001 ns

Chirurgie : oui/non 0,005 ns

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