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Oncologie : Article pp.145-146 du Vol.5 n°2 (2011)

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Psycho-Oncol. (2011) 5:145-146 DOI 10.1007/s11839-011-0324-4

LIVRES ET VIDÉOS / BOOKS AND VIDEOS LIVRES ET VIDÉOS / BOOKS AND VIDEOS LIVRES ET VIDÉOS /

Nombreux sont les psychanalystes qui ont déjà lu ce « livre de Pierre ».

Il est en effet déjà paru en 1998. Cet ouvrage, singulier, est tiré d’une

« conversation » entre un psychana- lyste, Pierre Cazenave et une roman- cière, chercheure en épistémologie, Louise L. Lambrichs. Le résultat est passionnant. Ce n’est pas seulement un dialogue, mais simultanément un accompagnement de Pierre vers sa fin et une réflexion particulièrement dense sur le travail psychanalytique avec des patients atteints de cancer. Par ailleurs, Pierre Cazenave est à l’origine d’un centre, le Cen- tre psychisme et cancer, maintenant appelé Pierre-Cazenave, qui propose des entretiens psychanalytiques sur place et à domicile, des ateliers, des groupes de parole et des recher- ches (www.psychisme-et-cancer.org). Le texte qui suit porte sur les fondements de la construction de ce centre, principes éthiques, pratiques et conceptuels.

Pierre Cazenave est un psychanalyste « impliqué » du côté du patient. Il n’a pas de carrière à mener, il ne compose pas avec une hiérarchie hospitalière, il est atteint d’un can- cer et il va en mourir…

« Il y a ceux qui rêvent qu’ils tombent dans le vide, et les autres ». Cette « crainte de l’effondrement », Pierre Caze- nave, à l’instar de D.W. Winnicott, la connaît bien. Il l’a vécue dans son enfance. Il décide donc de devenir psycha- nalyste avec cette expérience, cet « à côté de ses pompes » qui lui permet de réaliser la part inconsciente présente dans chaque mot, chaque acte. Il insiste d’abord, parce qu’il pré- sente lui aussi un cancer, sur les deux registres de la mala- die. S’inspirant de Canguilhem, il définit, au-delà de la maladie des manuels, la « moiladie » et la « toiladie » : ma maladie telle que je la vois et ta maladie telle que je la vois.

Ces termes ne satisfont pas cependant la terminologie noble habituellement utilisée dans les sciences, aussi préfère-t-il un néologisme hellénisant : « L’autopathie évoque la souf- france du malade (…), l’hétéropathie, la souffrance des autres, à l’égard du malade ». Partageant ces deux aspects

de la frontière-cancer avec ses analysants, Pierre Cazenave sait de quoi il retourne. Il lui semble clairement que la place des psychanalystes (des thérapeutes de formation analyti- que) est néanmoins aux côtés des médecins somaticiens, ou de ces médecins spécialistes, hypertechniciens, souvent envahis par leurs connaissances précises, mais qui ne lais- sent pas aux patients la possibilité d’exprimer autre chose que des symptômes. Le médecin est fréquemment un obser- vateur du malade qui tient (et doit) à maintenir autant que possible son objectivité par rapport à sa pathologie, tandis que le psychanalyste s’intéresse totalement, avec sa propre subjectivité, à la subjectivité du malade. Le psychanalyste est un spécialiste de la relation. Le cancer vient bouleverser cette relation à soi-même et aux autres.

Quand Freud disait que « la psychanalyse est la bonne à tout faire des médecins », il soulignait l’intérêt, pour les médecins, d’utiliser les psychistes pour faire « passer » leur médecine. Soulager l’angoisse, identifier les mécanis- mes de défense pour faire accepter les traitements ; cette demande est souvent adressée aux psys. La psychanalyse ou la psychothérapie analytique ne peuvent pourtant pas s’en tenir à un traitement adjuvant de la médecine. Le psy- chiste n’est pas un auxiliaire qui fait du « soutien » au sens réducteur du terme quand, au contraire, éthiquement, le psychanalyste tente de restaurer la compétence du malade.

Trop souvent, regrette Pierre Cazenave, le discours médical cherche un malade passif qui n’entrave pas le bon déroule- ment des traitements…

Ce que cherche avant tout le patient, c’est le sens. Car l’absence de sens fait déboucher l’individu sur le suicide ou la folie. Cette quête de sens est le plus souvent adressée au médecin. Médecin qui souvent renvoie à la recherche bio- logique. Or, les démonstrations médicales, plurifactorielles, de plus en plus complexes, brouillent la recherche de cau- salité du patient. Permettre au patient de comprendre que l’explication scientifique du cancer ne lui donnera pas satis- faction et qu’il s’agit d’un autre sens, le sens de l’existence, bouleversée par le cancer, qui est en fait recherché, est un des apports fondamentaux de ce livre aux médecins et aux soignants.

LIVRE Le livre de Pierre. Psychisme et cancer

Louise L. Lambrichs. Éditions du Seuil, nouvelle édition 2011 (1

re

éd. 2008)

© Springer-Verlag France 2011

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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146 Psycho-Oncol. (2011) 5:145-146

Contrairement au médecin, la plupart du temps le psychanalyste ne sait rien. Seul le malade sait pourquoi il est malade et quelle est sa maladie psychique. Le psycha- nalyste, en lui prêtant son appareil psychique, va permettre au patient de penser les choses qui lui arrivent. Le psycha- nalyste n’est là que pour aider à supporter cette découverte, généralement pénible. Pierre Cazenave observe que, dans le cas du cancer, le malade n’a plus rien à perdre, ses résis- tances tombent. Le cancer est une sorte de remise à zéro des données de la vie. Parfois, c’est une interprétation de toute la vie ; parfois, c’est un nouveau départ. Le patient présente alors une forme de transparence psychique, comme les fem- mes, pendant la grossesse. Démuni, il est particulièrement fragile et sensible aux attaques de son moi. Le cadre de la séance analytique est cependant une protection psychique dans laquelle peuvent aussi bien se déployer le vide existen- tiel que la narration d’une histoire de vie.

La théorie psychanalytique est peu intéressante pour le patient. Les « vrais » praticiens se revendiquent souvent, à la manière de Pierre Cazenave, comme des artisans, et même « des paysans de la psychanalyse » ! Sillon après sillon, ils repassent dans le champ. Or, le sens bouge, il s’enrichit autant que l’identité est malmenée puis restaurée au fil des séances.

La pratique analytique, c’est la rencontre ; une rencontre entre deux personnes, à un niveau élémentaire, « archaï- que ». Ici, Pierre Cazenave développe la notion de récipro- cité, bien connue pour avoir été expérimentée par Sandor Ferenczi. Deux inconscients se rencontrent et travaillent en parallèle. L’analyse du thérapeute se poursuit et rebondit avec celle du patient.

Cazenave reprend les principes freudiens. La psychana- lyse est une méthode unique qui repose sur une argumenta- tion empirique et une méthode scientifique de dégagement des concepts. Elle s’adresse à la personne, que celle-ci souf- fre de son organisation psychique ou de difficultés physi- ques. Elle lui permet de se connaître en profondeur ou de tolérer une période critique de sa vie. La psychanalyse est une discipline vivante qui se remet en cause et développe sans cesse de nouvelles argumentations face aux problèmes contemporains des humains. Ses principes fondateurs per- mettent à chaque interprétation de donner la garantie de la reconnaissance de la globalité de la personne, de l’hypo- thèse de l’inconscient à l’origine des phénomènes de trans- fert, de la prise en compte des représentations individuelles

et collectives dans les jugements du patient, de l’analyste et des groupes qui l’entourent.

Mais bien sûr, comme le soulignent ses détracteurs et n’en déplaise à son fondateur, la clinique psychanalytique ne se réfère pas à une théorie scientifique, mais à une doctrine fon- dée sur le postulat de la causalité subjective. Les lois qui en découlent forment un corpus qui sert de guide au cours de la cure analytique ou des psychothérapies, mais elles sont plutôt des hypothèses heuristiques que des vérités prouvées.

Pierre Cazenave revient sur une critique souvent adres- sée aux psychanalystes. La psychanalyse est un métier, un savoir-faire, une pratique. Du point de vue du contenu, c’est aussi un non-savoir. Il critique les bretteurs de l’interpréta- tion. Trop souvent, les interprétations ont une valeur nar- cissique, elles rassurent l’analyste sur sa capacité à briller intellectuellement. En fait, elles doivent être rares autant que ciselées. Le risque étant que dès que le psychanalyste interprète, il se désolidarise de son patient.

Pierre Cazenave insiste : la psychanalyse n’est pas un savoir, c’est un outil. Un outil de recherche. Le psychanalyste travaille avec cet outil qu’est sa propre analyse. L’essentiel pour le psychiste de formation analytique, c’est ce rapport intime à soi, aux autres. Et une curiosité fondamentale pour autrui et soi dans autrui… Son idée, partagée avec Fran- çoise Bessis, de « la maladie du nourrisson dans l’adulte » exprime, par comparaison avec l’espace transitionnel de Winnicott, l’espace du jeu psychique qui se développe avec l’analyste. Pierre Cazenave y voit une caractéristique du patient cancéreux (alors que cette analogie renvoie large- ment à des problématiques d’analysants qui viennent pour tout autre chose). Les annexes de l’ouvrage permettent de poursuivre la discussion conceptuelle avec les défunts Julien Bigras et Serge Leclaire. Leurs apports sont indéniables et aussi éclairants sur l’évolution de la psycho-oncologie. Ce livre est vivant, aussi vivant si l’on peut dire que le discours de Pierre Cazenave rapporté par Louise L. Lambrichs. La preuve ? Une possibilité unique de rencontrer des psychana- lystes à Paris dans un centre original, mais aussi la psycha- nalyse dans d’autres lieux, y compris hospitaliers.

M.-F. Bacqué Rédactrice en chef de Psycho-Oncologie

PhD, Pr, département de psychologie, université de Strasbourg 12 rue Goethe, F-67000 Strasbourg, France mfbacque@club-internet.fr

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