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Oncologie : Article pp.127-136 du Vol.5 n°2 (2011)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Le stress au travail chez les infirmières en soins palliatifs de fin de vie selon le milieu de pratique

Stress at work in nurses providing end-of-life palliative care according to care settings

L. Fillion · J.-F. Desbiens · M. Truchon · C. Dallaire · G. Roch

Reçu le 2 mai 2011 ; accepté le 10 mai 2011

© Springer-Verlag France 2011

RésuméLe stress au travail des infirmières prodiguant des soins palliatifs (SP) de fin de vie dans d’autres milieux que les unités spécialisées de SP demeure peu documenté. Cette étude vise à comparer deux échantillons d’infirmières qué- bécoises impliquées en SP de fin de vie sur quatre indica- teurs de stress : demandes psychologiques, efforts, latitude décisionnelle et récompenses, ainsi que sur leur niveau de satisfaction au travail, selon leur milieu de pratique. Le premier échantillon, recruté de 2001 à 2002, se compose de 209 infirmières offrant des SP de fin de vie à domicile et en centre hospitalier (CH) tandis que le second échantil- lon, recruté en 2010, se compose de 751 infirmières,œuvrant à domicile ou en CH dans trois types d’unités : SP, soins oncologiques et soins critiques.

Résultats : Dans le premier échantillon, les infirmières œuvrant en CH rapportent plus de stress (demandes plus éle- vées ; latitude décisionnelle inférieure) et moins de satisfac- tion au travail que cellesœuvrant à domicile. Dans le second échantillon, ce résultat est partiellement répliqué. Le stress demeure plus élevé chez les infirmières en CH sur le plan des

demandes et de l’effort comparativement à leurs collègues à domicile, mais la satisfaction ne diffère plus. La comparai- son selon le type d’unité de soins en CH précise que le stress des infirmières pratiquant en soins critiques et en oncologie est plus élevé (demandes et efforts) que celui des infirmières exerçant sur une unité spécialisée en SP. La nécessité de documenter le stress selon le milieu de pratique et l’approche mixte, c’est-à-dire intégrant une approche curative et pallia- tive, est discutée.Pour citer cette revue : Psycho-Oncol. 5 (2011).

Mots clésSoins palliatifs · Fin de vie · Soins terminaux · Infirmières · Stress au travail · Demandes · Ressources Abstract Little is known about stress at work of nurses providing end-of-life palliative care (EoL-PC) outside spe- cialized palliative care settings. This study compared two samples of Quebec nurses involved in EoL-PC in different care settings on four work stress indicators: job demands, efforts, job control and rewards, and satisfaction at work.

For the first sample, data were collected from 2001 to 2002 among 209 EoL-PC nurses working in home care and hos- pitals. The data of the second sample were collected in 2010 among 751 EoL-PC nurses working in home care and three categories of hospital units: palliative care, oncology and critical care.

Results: In the first sample, nurses working in hospital settings showed higher levels of stress (higher job demands and lower job control) and lower job satisfaction than did nurses working in home care settings. This result was partly replicated in the second sample. Nurses working in hospital settings showed higher stress indicators (higher job demands and efforts) than did nurses working in home care settings, but no differences on job control and satisfaction were noticed. Further comparisons indicated that work stress indicators were higher in nurses working in critical care and oncology units compared with specialized PC units.

The need for additional research on providing EoL-PC care

L. Fillion (*) · J.-F. Desbiens · C. Dallaire · G. Roch Faculté des sciences infirmières, Université Laval, Québec, Qc, G1V 0A6, Canada

e-mail : lise.fillion@fsi.ulaval.ca L. Fillion · J.-F. Desbiens · G. Roch Centre de recherche du CHUQ (CRCHUQ), Québec, Qc, G1V 0A6, Canada

M. Truchon

Département des relations industrielles,

Université Laval, Québec, Qc, G1V 0A6, Canada

L’étude 1 a été financée par la Fondation canadienne de recherche sur les services de santé (FCRSS) et de nombreux partenaires.

L’étude 2 s’insère dans une programmation en cours financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), la FCRSS, l’Institut de recherche de santé et de sécurité du travail (IRSST) et le MSSS du Québec.1Le terme infirmière est utilisé au féminin afin d’alléger le texte et inclut infirmières et infirmiers.

DOI 10.1007/s11839-011-0321-7

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according to different care settings and a mixed approach (curative and palliative care) is discussed. To cite this journal: Psycho-Oncol. 5 (2011).

KeywordsPalliative care · End-of-life · Terminal care · Nursing · Stress at work · Demands · resources

L’intensification du travail et le stress qui l’accompagne font partie de la réalité actuelle de plusieurs milieux de travail [6]

dont celui de la santé. Chez les infirmières, le stress a fait l’objet de plusieurs études québécoises au cours des derniè- res années [2,4,3,13,21]. Les réorganisations du travail dans ce secteur se sont accompagnées entre autres d’une augmen- tation considérable de la charge de travail et d’une réduction des ressources et du soutien organisationnel. Les infirmières constituent conséquemment une population particulièrement vulnérable à la détresse émotionnelle et à une diminution de la satisfaction au travail [4]. Non seulement le stress au travail est l’une des principales causes de détresse émotion- nelle, d’insatisfaction et même d’épuisement [1,6,21], mais il est également susceptible d’engendrer des problèmes de rétention, de roulement et d’absentéisme au travail chez les infirmières [21].

Certains secteurs des soins infirmiers pourraient être plus touchés que d’autres par le stress au travail. Des études ont notamment démontré que la pratique des soins palliatifs (SP) exposait l’infirmière à des stresseurs émotionnels particu- liers [9,19,27]. En effet, ce travail implique un contact direct et quotidien avec la mort et nécessite une implication émotionnelle de la part des infirmières.

En SP de fin de vie, quelques études ont permis l’identi- fication et la description des demandes ou des principales sources de stress spécifiques associées au travail infirmier [11,13,15,31]. Même si ces études ont décrit des caractéris- tiques propres à certains milieux de soins comme le domicile [7,28], les unités de soins critiques [11,15], les unités de soins en oncologie [8,16] ou les unités de SP en centre hospitalier (CH) [9,27], ces études ne se sont toutefois pas attardées à comparer ces demandes selon les différents milieux de soins.

Organisation des services en SP au Québec Au Québec, ainsi qu’ailleurs au Canada, maintes initiatives prennent d’ailleurs forme pour améliorer les SP de fin de vie.

À l’heure où la population est vieillissante et où le taux de mortalité progresse inexorablement, la demande concernant les soins et services de fin de vie continue à augmenter. Les SP de fin de vie « visent à la fois le soulagement de la souf- france, l’amélioration de la qualité de vie et l’accompagne- ment vers le décès » (Association canadienne de SP [ACSP]) [12]. On déplore que l’accès à des SP de fin de vie demeure

restreint et qu’il existe un écart entre les services offerts et les besoins de la population [23]. Alors que la majorité des Canadiens exprime le désir de mourir à domicile ou dans des conditions plus humaines [18], un récent rapport indique qu’au Québec « entre 1997 et 2001, seulement 8,3 % des adultes susceptibles de bénéficier de SP de fin de vie sont décédés à domicile (9,7 % pour les personnes décédées de cancer). Chez les adultes susceptibles de bénéficier de SP de fin de vie, 47,6 % sont décédés lors d’une hospitalisation en soins de courte durée (excluant les décès survenus dans des services de SP [8,1 %]). Pour les patients atteints de cancer, le pourcentage correspondant est de 49,6 % [20].

À l’instar d’autres pays, plusieurs initiatives ont été prises pour améliorer le transfert des soins de l’hôpital vers le milieu communautaire et le domicile. Le Québec s’est d’ailleurs doté d’une politique de SP de fin de vie [25]. Il est du mandat des 18 agences de la santé et des services sociaux (ASSS) d’implanter cette politique selon un plan qui favorise l’acces- sibilité, la continuité et la qualité des services. Pour le moment, l’implantation de programmes structurés de SP de fin de vie demeure limitée au sein des établissements du réseau de la santé. Les services de SP sont majoritairement offerts à domi- cile et dans les centres hospitaliers (CH). Les services à domi- cile sont chapeautés par les programmes de soutien à domicile des centres de santé et de services sociaux (CSSS). L’accès et l’organisation de ces services varient d’un CSSS à l’autre (MSSS, 2004). Certains CSSS sont pourvus d’une équipe coordonnée qui garantit une prise en charge rapide des personnes en fin de vie, mais ce n’est pas toujours le cas.

Dans les CH, l’accessibilité et la qualité de l’organisation des SP varient également d’un établissement à l’autre. Même si certains hôpitaux se sont dotés de lits ou d’unités dédiées aux SP ou d’une équipe interdisciplinaire qui offre des ser- vices mobiles aux personnes en fin de vie, en général, les patients en phase terminale décèdent dans des lits « dits » de soins aigus.

Que ce soit à domicile ou en CH, l’organisation des SP varie grandement d’un milieu à l’autre, et la majorité des infirmières québécoises pratiquent des SP de fin de vie selon une approche mixte en prodiguant à la fois des soins curatifs et des soins de base aux mourants. C’est particuliè- rement le cas sur des unités d’oncologie et les unités de soins critiques où on retrouve des taux de décès élevés.

Stress au travail : ses indicateurs

Malgré un manque de documentation déploré, le fait de s’occuper de patients en fin de vie peut générer du stress, et ce, peu importe les milieux de pratique concernés. Le stress au travail survient quand lesdemandesde l’environ- nement de travail excèdent les ressources dont dispose l’individu pour y faire face [10].

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Dans notre modèle du stress occupationnel chez les infir- mières en SP [14], le concept dedemandesa notamment été rendu opérationnel par la mesure de deux indicateurs. Le premier, les demandes psychologiques, a été introduit en référence aux stresseurs présents dans l’environnement comme par exemple les délais serrés, la surcharge de travail, la complexité de la tâche et les rôles conflictuels [22]. Le second, les efforts, se rapporte également aux exigences du travail et reflète des dimensions similaires au concept de demandes psychologiques, quoique certaines études démon- trent qu’il serait mieux adapté à la réalité des travailleuses de la santé [29,31].

En termes deressources, le modèle élaboré dans nos tra- vaux précédents propose entre autres deux indicateurs en lien avec les deux premiers [14]. Premièrement, la latitude déci- sionnelle correspond à la possibilité de prendre des décisions et d’utiliser ses habiletés au travail. Deuxièmement, le concept de récompense inclut les bénéfices découlant du travail comme le salaire, l’avancement et l’estime de soi. Ces quatre indicateurs sont tirés des théories de Karasek [22] et de Siegrist et al. [29]. Lorsqu’une infirmière impliquée en SP fait face à des demandes élevées et/ou à des ressources insuffisan- tes, notre modèle démontre que cette dernière est susceptible de vivre davantage de détresse émotionnelle et d’insatisfac- tion au travail [14]. Par ailleurs, d’autres études portant sur des populations infirmières dans différents secteurs de soins ont démontré la présence de stress en utilisant ces mêmes indicateurs liés aux demandes et aux ressources [4,3].

Stress infirmier en SP et ses effets

Une synthèse des écrits a précisé que le stress au travail, incluant notamment les rôles conflictuels et le manque de lati- tude décisionnelle, est associé à l’insatisfaction au travail et au roulement des infirmières [2]. Chez les infirmières en SP, un modèle de stress au travail a précisé les liens entre des indica- teurs de stress au travail (demandes et ressources), la satisfac- tion et la détresse [14] et une étude a établi le lien entre les demandes et l’épuisement [27]. Plus récemment d’ailleurs, un modèle de stress au travail [21] a confirmé que le stress au travail (demandes et ressources) prédisait différemment les composantes d’épuisement émotionnel et de dépersonnalisa- tion du burnout, qui, lorsque combinées, prédisaient à leur tour l’intention de quitter la profession infirmière.

Stress infirmier en SP selon les milieux de pratique

En fait, bien que la pratique en SP soit souvent décrite comme particulièrement demandante sur le plan émotionnel et pouvant même conduire au burnout, une recension

déplore le manque d’études portant spécifiquement sur les demandes associées aux soins de fin de vie dans des milieux de pratique spécifique [28]. Cette recension portant sur les soins de fin de vie dispensés par les infirmières à domicile a conclu que la pratique des SP de fin de vie à domicile selon une approche mixte (c’est-à-dire incluant des soins curatifs et des SP) peut à la fois être une source de satisfaction pour les infirmières mais également une source de stress considé- rant la charge de travail, le manque de temps et de ressources adaptées à cette pratique. Ces résultats sont en lien avec la conclusion de nos travaux antérieurs.

Dans un premier temps, nos travaux ont permis de décrire trois types de stresseurs ou sources de stress rencontrés dans la pratique des SP de fin de vie selon une telle approche : des stresseurs organisationnels, professionnels et émotionnels [13]. Parmi les stresseurs organisationnels, on compte des problèmes de structure (non-reconnaissance des soins de fin de vie et absence de protocoles), de planification des soins (temps requis difficile à prévoir particulièrement pour le travail à domicile), ainsi que le manque d’intégration des services (manque de continuité de l’approche ou du niveau de soin entre le CH et le domicile). Les défis de la collabo- ration interprofessionnelle (en particulier la relation méde- cin–infirmière), de même que le manque de formation et de qualification en SP des nouvelles recrues représentent, quant à eux, des stresseurs professionnels. Enfin, les stresseurs émotionnels sont illustrés par les deuils multiples et l’expo- sition à la détresse des patients et des proches. Les résultats ont fait ressortir que les stresseurs organisationnels sont plus prééminents que les stresseurs professionnels et émotion- nels. La principale source de stress pour les infirmières n’est pas de côtoyer quotidiennement des personnes en fin de vie mais davantage le fait qu’elles doivent se battre cons- tamment dans un système axé sur le curatif afin que ces per- sonnes puissent vivre leurs derniers moments dans la dignité et dans le respect de leurs valeurs personnelles. En d’autres termes, l’organisation du travail qui favorise plus ou moins l’intégration d’une approche palliative constitue une source de détresse psychologique pour de nombreuses infirmières.

Quoique décrite comme étant difficile en milieu de pratique à domicile, l’intégration des approches curatives et palliati- ves serait particulièrement difficile en CH sur des unités spé- cialisées qui visent d’abord le maintien de la vie ou la survie.

Selon notre connaissance aucune étude n’a quantifié le stress infirmier inhérent à la pratique des SP de fin de vie en considérant une approche mixte (curatif/palliatif) et selon différents milieux (à domicile et en CH). Le fait de planifier des soins curatifs et palliatifs dans la même journée a été décrit qualitativement comme une source de stress chez les infirmières à domicile [7,13]. La demande associée au fait de combiner une approche curative et palliative en fin de vie sur la même unité de soins a parfois même été décrite qualitati- vement comme une source de souffrance par les infirmières

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en oncologie [13] et par les infirmières en soins critique [11,15], pouvant même aller jusqu’à confronter l’infirmière à des conflits de valeurs, des dilemmes éthiques et à une souffrance éthique [24].

L’une des visées de la politique en SP de fin de vie du Québec est de privilégier, pour les patients qui le souhaitent, les SP de fin de vie à domicile [25]. Une seconde visée est d’intégrer les SP de fin de vie dans tous les secteurs cliniques où peuvent survenir des décès, encourageant ainsi l’appro- che mixte (curatives et palliatives combinées). Ainsi, peu d’unités spécialisées de SP sont mises en place, et les SP de fin de vie s’intègrent conséquemment aux soins curatifs.

Les rares organisations du système de santé québécois qui privilégient une pratique spécialisée en SP de fin de vie se retrouvent en CH. La combinaison de soins curatifs et pal- liatifs peut par ailleurs engendrer des demandes complexes et parfois conflictuelles chez l’infirmière. Dans le contexte de l’implantation graduelle de cette politique, il peut s’avérer utile de décrire le stress au travail vécu par les infirmières qui pratiquent les SP de fin de vie selon une approche mixte dans différents milieux de pratique (domicile et CH). Il peut aussi être utile de comparer ces données avec le stress au travail vécu par les infirmières en CH qui pratiquent sur une unité spécialisée de SP de fin de vie.

But et objectifs

La présente étude comporte deux objectifs. Le premier consiste à comparer au sein de deux échantillons d’infirmiè- res québécoises, le stress et la satisfaction au travail selon différents milieux de pratique. Plus précisément, il s’agit de comparer quatre indicateurs de stress (demandes, efforts, latitude décisionnelle et récompenses) et la satisfaction au travail, selon que les infirmièresœuvrent à domicile ou en CH selon une approche mixte. Le second objectif vise à comparer plus finement le stress au travail rapporté au sein du second échantillon selon les milieux de pratique mais cette fois en précisant sur quelles unités s’effectuent les SP de fin de vie en CH. Les quatre milieux comparés sont les soins à domicile et les soins en CH (soins critiques, soins oncologiques, SP).

Méthode

Devis et participants

Un devis descriptif à visée exploratoire est utilisé. Pour l’étude 1, l’échantillon provient d’une population d’infirmiè- res de quatre régions du Québec susceptibles de prodiguer à la fois des soins curatifs et des soins aux personnes atteintes de maladie grave à caractère fatal ou en fin de vie. Cette population est identifiée par les chercheurs avec la collabo-

ration de gestionnaires et de cliniciens dans différents CLSC (lieux de pratique à domicile à l’époque maintenant regrou- pés en CSSS) et CH des régions participantes, permettant ainsi la comparaison d’une approche mixte selon les milieux (domicile/CH). Pour l’étude 2, l’échantillon provient d’une population d’infirmières de la province de Québec suscepti- bles de prodiguer des soins aux personnes atteintes de mala- die grave à caractère fatal ou en fin de vie de par leur secteur d’exercice rapporté. Quatre secteurs d’exercice infirmier ont été sélectionnés : soins à domicile, soins critiques (urgence et soins intensifs), soins oncologiques et SP spécialisés, per- mettant ainsi la comparaison selon les milieux de pratique (domicile et CH + différentes unités).

Déroulement

Pour l’étude 1, une liste de CLSC et d’unités de CH, où pratiquent les infirmières selon une approche mixte, a été élaborée. Des questionnaires ont été distribués dans 25 éta- blissements de santé, dont 19 CLSC (aujourd’hui regroupés en CSSS) et six CH. Les infirmières étaient invitées à com- pléter le questionnaire de façon anonyme et à le déposer dans une boîte prévue à cet effet. La cueillette des données s’est échelonnée de novembre 2001 à février 2002, dans le cadre d’une étude plus large portant sur la description des stres- seurs rencontrés dans le travail infirmier en SP.

Pour l’étude 2, une liste d’infirmières a été constituée à partir des infirmières inscrites à l’ordre des infirmières et infirmiers du Québec et qui ont accepté d’être contactées pour participer à des projets de recherche. Une invitation à participer au projet a été envoyée aux infirmières ayant déclaré une pratique dans l’un des quatre secteurs d’exercice sélectionnés. Les participantes avaient la possibilité de com- pléter les questionnaires en ligne via Internet ou par version papier (une enveloppe de retour préaffranchie leur était four- nie). La collecte des données s’est déroulée entre février et août 2010 et s’est également réalisée dans le cadre d’une étude plus large portant sur le stress, le sens au travail et la satisfaction des infirmières exerçant en SP de fin de vie.

Dans l’étude 1 comme dans l’étude 2, le seul critère d’admissibilité à l’étude est que l’infirmière rapporte une pratique incluant un miminum de 20 % de son temps consa- cré aux SP de fin de vie. Dans les deux cas, les approbations éthiques requises ont été obtenues.

Instruments de mesure

Dans les deux études, le questionnaire comportait plusieurs instruments validés en français. Il comprenait également plu- sieurs autres variables permettant de documenter les facteurs associés au stress infirmier dans le contexte des soins de fin de vie. Sont présentés ici, seulement les questionnaires per- mettant la mesure des quatre indicateurs de stress retenus et

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la mesure de satisfaction au travail pour ce volet descriptif et exploratoire.

Demandes psychologiques et latitude décisionnelle. Le Job Content Questionnaire (JCQ) [5] comporte deux sous- échelles : demandes psychologiques et latitude décisionnelle.

Chacune compte neuf énoncés et les choix de réponse s’éche- lonnent de 1 à 4 (« fortement en désaccord » à « fortement en accord »). Pour obtenir un score total, les algorithmes de Brisson et al. [5] sont utilisés.

Efforts et récompenses. Les sous-échelles « efforts extrin- sèques » et « récompenses » (ER) comptent respectivement 6 et 11 items [26]. Les choix de réponse varient de 1 à 4 (« fortement en désaccord » à « fortement en accord »).

Le score total est obtenu en effectuant la somme des items.

Satisfaction au travail. La satisfaction au travail a été éva- luée avec une sous-échelle du Jod Diagnostic Survey (JDS) [17]. Cette sous-échelle adaptée et traduite en français com- porte cinq items avec une échelle de réponse en sept points (de « fortement en désaccord » à « fortement en accord »).

Le score total est calculé à partir de la moyenne des items.

Plan d’analyses

La démarche d’analyse respecte le volet exploratoire de cette recherche. La présence de liens entre les quatre indicateurs

de stress, la satisfaction au travail, les milieux de travail (domicile et CH, approche mixte ou spécialisée en SP) est explorée en utilisant des teststou des Anovas. Le seuil critique est fixé à 0,05 et est ajusté selon le nombre de com- paraisons afin de contrôler l’erreur de type I (approche de Bonferonni). Des statistiques complémentaires pour estimer l’ampleur du lien sont également calculées selon le test (lors du testt:dde Cohen ; lors d’Anova : coefficient de déter- mination oméga). Lorsqu’une différence significative est observée, des tests de comparaisons a posteriori (test de Scheffe) sont effectués.

Résultats

Description des participants

Pour l’étude 1, 611 questionnaires ont été distribués dans 25 établissements de santé, dont 19 CLSC (aujourd’hui regroupés en CSSS) et six CH. Au total, 214 questionnaires ont été complétés sur les 611 distribués et, de ce nombre, cinq ont été retirés parce qu’ils contenaient plus de 20 % de données manquantes. L’échantillon final compte donc 209 participantes provenant de quatre régions du Québec. Le taux de participation est estimé à environ 35 %. Le Tableau 1 précise les caractéristiques des infirmières participantes.

Tableau 1 Description de léchantillon de létude 1 (n= 209) et de léchantillon de létude 2 (n= 751)

Étude 1 Étude 2

Variables m(ET) Min Max m(ET) Min Max

Âge (ans) 42,87 (9,01) 21 63 41,35 (11,37) 21 76

Expérience en tant quinfirmière (ans) 18,95 (9,12) 0 37 17,48 (11,30) 1 42

Expérience dans létablissement (ans) 13,06 (9,69) 0 33 11,67 (9,88) 0 40

Nombre dheures de travail/semaine 32,88 (7,28) 0 76 33,70 (8,10) 0 88

Étude 1 Étude 2

Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage

Sexe Féminin 193 92,3 694 92,5

Masculin 16 7,7 56 7,5

Niveau de formation Collégial 129 61,7 214 28,8

Université 78 37,3 530 71,2

Statut de travail Temps complet permanent 114 55,6 482 66,9

Temps complet temporaire 7 3,4 181 25,1

Temps partiel permanent 53 25,9 31 4,3

Temps partiel temporaire 31 15,1 26 3,6

Milieu de pratique En établissement (CH) 100 47,8 411 55,8

À domicile (CSSS) 109 52,2 326 44,2

Secteurs Soins à domicile 318 42,3

Soins critiques 249 33,2

Soins oncologiques 115 9,2

Soins palliatifs 69 15,3

ET : écart-type ; Min : minimum ; Maximum : maximum ; CH : centre hospitalier ; CSSS : centres de santé et de services sociaux.

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Pour l’étude 2, une invitation à participer au projet a été envoyée à 3 509 infirmières ayant déclaré une pratique dans l’un des quatre domaines de soins sélectionnés. Un total de 870 infirmières ont complété les questionnaires, parmi lesquel- les 751 répondaient aux critères d’inclusion. Les participantes exclues avaient soit changé de domaine de pratique depuis un certain temps ou encore ne présentaient pas une pratique active en SP de fin de vie. Le taux de participation est estimé à envi- ron 25 %. Le Tableau 1 précise les caractéristiques des infir- mières participantes.

Indicateurs du stress au travail

Le Tableau 2 présente les moyennes et les écarts-types obte- nus pour chacun des indicateurs du stress, de même que les scores de tests t pour échantillons indépendants effectués pour les comparaisons. On constate que pour les demandes psychologiques, les moyennes sont élevées pour les deux études et pour chaque groupe. On remarque d’ailleurs une augmentation des demandes d’une étude à l’autre. Les trois autres indicateurs se situent davantage dans des moyennes habituelles rapportées auprès de cette population [3].

Soins à domicile et en CH

Pour l’étude 1, on constate que les infirmières œuvrant en CH rapportent de manière significative plus de demandes

psychologiques au travail que leurs homologues en CSSS ou à domicile (Tableau 2). La statistiquedsuggère une rela- tion d’intensité modérée entre le fait de travailler en CH et les demandes psychologiques. Sur le plan des ressources, une tendance à observer plus de latitude décisionnelle serait observée chez les infirmières en CSSS. La combinaison de ces deux indicateurs semble favoriser les infirmières qui pra- tiquent à domicile (en CSSS) ; elles rapporteraient moins de demandes et plus de latitude décisionnelle. Elles rapportent d’ailleurs de manière significative une satisfaction au travail plus grande que celle observée chez leurs collègues en CH.

La statistique d suggère une relation d’intensité modérée entre le fait de travailler en CSSS et une plus grande satis- faction au travail.

Pour l’étude 2, on constate de nouveau que les infirmières en CH rapportent significativement davantage de stress que celles à domicile. Un lien d’intensité élevé est maintenant observé entre le fait de travailler en CH et les demandes psychologiques (statistique d). Les infirmières en CH rap- portent également un niveau d’effort psychologique signifi- cativement plus élevé que les infirmières en CSSS et d’intensité modérée.

Cependant, sur le plan des ressources, les infirmières à domicile (en CSSS) rapportent maintenant moins de latitude décisionnelle que celles de l’étude 1 et rejoignent les infirmiè- res des CH sur cet indicateur. D’ailleurs, on constate qu’il n’existe plus de différence significative entre la satisfaction Tableau 2 Description du stress au travail et analyse de variance pour comparer le stress des infirmières selon le milieu de pratique (CSSS et CH) dans le cadre de létude 1 (n= 209) et de létude 2 (n= 751)

Total CH CSSS

Variables de stress Étendue m(ET) m(ET) m(ET) ta p dde Cohenb

Étude 1 Demandes

Demandes psychologiques 936 25,06 (4,20) 26,28 (4,23) 23,95 (3,86) 4,16 0,000 0,55

Efforts 624 18,49 (3,50) 18,59 (3,31) 18,39 (3,67) 0,40 0,687 0,06

Ressources

Latitude décisionnelle 2496 72,74 (9,98) 71,04 (10,60) 74,30 (9,16) 2,38+ 0,018 0,33 Récompenses 1144 31,24 (5,02) 31,22 (5,44) 31,26 (4,63) 0,05 0,958 0,01 Satisfaction au travail 17 4,96 (1,09) 4,66 (1,13) 5,23 (0,98) 3,87* 0,000 0,52

Étude 2 Demandes

Demandes psychologiques 936 28,21 (3,78) 29,28 (3,68) 26,80 (3,43) 9,36* 0,000 0,66

Efforts 624 18,37 (3,11) 18,96 (3,11) 17,57 (2,94) 6,19* 0,000 0,45

Ressources

Latitude décisionnelle 2496 73,17 (8,55) 72,60 (8,28) 73,68 (8,85) 1,70 0,089 0,13 Récompenses 1144 31,94 (4,79) 32,32 (4,71) 31,43 (4,84) 2,53+ 0,012 0,19 Satisfaction au travail 17 4,96 (1,10) 4,94 (1,04) 4,99 (1,12) 0,611 0,541 0,05 CH : centre hospitalier ; CSSS : centres de santé et de services sociaux ; ET : écart-type ; * :p< 0,01.

aUn seuil significatif de 0,01 a été retenu afin de contrôler lerreur de type I (approche de Bonferonni).

bTaille deffet.

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au travail des infirmières en CSSS et en CH lors de l’étude 2.

Par ailleurs, et de façon surprenante, une tendance est obser- vée à rapporter plus de récompenses chez les infirmières en CH comparées à celles des CSSS.

La combinaison de ces trois indicateurs semble indiquer des conclusions mitigées. Les infirmières qui pratiquent en CSSS rapportent moins de demandes et d’efforts que leurs consœurs en CH comme à l’étude 1, mais les moyennes observées pour la latitude décisionnelle ainsi que la satisfac- tion au travail sont maintenant comparables et auraient dimi- nué comparativement à celles observées à l’étude 1.

SP de fin de vie selon différents milieux de pratique L’étude 2 permet par ailleurs d’approfondir l’exploration des liens en comparant cette fois les indicateurs de stress selon différents milieux de pratique (CSSS et CH—trois secteurs de soins ; Tableau 3). On note une différence significative pour les demandes (demandes psychologiques et effort) de même que pour les récompenses. Le coefficient de détermi- nation oméga précise que la variation observée au niveau des scores des demandes psychologiques est fortement expli- quée par l’appartenance aux différents milieux de pratique, tandis que cette explication est d’intensité moyenne en ce qui concerne les efforts et de niveau faible pour les récompenses.

Les tests de comparaison a posteriori (tests de Scheffe réalisés lorsqu’une différence significative a été observée sur un indicateur) permettent de préciser où se situent les différences. Les infirmières quiœuvrent sur les unités de SP spécialisés présentent significativement moins de demandes et d’efforts que les infirmières en soins critiques (demandes,

p= 0,000 ; efforts,p= 0,000) et que les infirmières en onco- logie (p= 0,000 ;p= 0,005). Elles présentent une moyenne inférieure de demandes psychologiques (Tableau 3), quoique non significative, et ne se distinguent pas des infirmières à domicile.

D’ailleurs, les infirmièresœuvrant en CH sur les unités de SP spécialisés et à domicile sont assez comparables sur les quatre indicateurs de stress. Si on se limitait à ces deux grou- pes, on ne verrait pas d’effet selon le milieu (Tableau 3).

À l’opposé, les infirmières quiœuvrent sur les unités de soins critiques sont celles qui présentent le niveau le plus élevé de demandes et d’efforts, et ce, comparativement aux infirmières à domicile (demandes, p = 0,000 ; efforts, p= 0,000), aux infirmières en SP spécialisés (p= 0,000 ; p = 0,000) et aux infirmières en oncologie (p = 0,064 [tendance] ; ns).

Les infirmières en oncologie rapportent plus de demandes psychologiques et d’efforts que les infirmières en soins à domicile (p= 0,000 ;p= 0,001) et que leurs collègues en SP spécialisés (p= 0,000 ; p= 0,005). Les infirmières en oncologie rapportent toutefois moins de demandes que celles en soins critiques.

Quant aux récompenses, seulement deux groupes se dis- tinguent de façon significative sur cet indicateur : les infir- mières à domicile et les infirmières en oncologie (p= 0,042), et l’intensité de ce lien demeure faible.

En somme, pour l’étude 1, les comparaisons favorisent les infirmières qui œuvrent à domicile. Pour l’étude 2, les résultats favorisent également les infirmières à domicile, quoiqu’ils soient plus mitigés. Les analyses a posteriori pré- sentent un portrait qui favorise à la fois les infirmières à

Tableau 3 Analyse de variance pour comparer le stress des infirmières selon le milieu de pratique (CSSS et CHtrois secteurs) dans le cadre de létude 2 (n= 751)

CSSS

(domicile) Soins critiques

CH Secteurs Soins oncologiques

Soins palliatifs

Variables de stress Étendue m(ET) m(ET) m(ET) m(ET) Fa p ωb

Demandes

Demandes psychologiques 936 26,80 (3,47) 30,15 (3,22) 29,11 (3,30) 26,21 (4,09) 54,82* 0,000 0,18 Efforts 624 17,55 (2,95) 19,50 (2,95) 18,88 (3,01) 17,24 (3,33) 24,38* 0,000 0,09 Ressources

Latitude décisionnelle 2496 73,53 (8,63) 72,20 (8,20) 73,40 (8,89) 74,58 (8,68) 1,92 0,126 0,00 Récompenses 1144 31,37 (4,81) 31,95 (4,82) 32,85 (4,48) 33,01 (4,70) 4,13* 0,006 0,01 Effets du stress

Satisfaction au travail 17 4,98 (1,13) 4,86 (1,06) 4,99 (0,92) 5,21 (1,00) 1,98 0,115 0,00 CH : centre hospitalier ; CSSS : centres de santé et de services sociaux ; ET : écart-type ; * :p< 0,01.

aUn seuil significatif de 0,01 a été retenu afin de contrôler lerreur de type I (approche de Bonferonni).

bCoefficient de détermination oméga.

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domicile et les infirmières en CHœuvrant sur les unités spé- cialisées de SP. Les infirmières en CH, en soins critiques et en oncologie présenteraient davantage d’indicateurs de stress.

Discussion

Cette étude exploratoire, qui avait pour but de décrire le stress au travail relié à la pratique infirmière en SP de fin de vie, comportait deux objectifs. Le premier objectif visait à comparer les indicateurs de stress selon les milieux de pratique (domicile et CH). Dans les deux études, un lien significatif entre l’intensité des demandes psychologiques et le milieu de travail est observé. Toutefois, l’étude 2 présente des résultats plus mitigés quant à l’effet milieu de pratique.

En combinant les deux études, on peut conclure que le stress est plus élevé en CH mais qu’avec le passage du temps, les demandes augmentent dans les deux milieux, et la différence observée sur le plan de la satisfaction au travail s’atténue.

Les infirmières à domicile (en CSSS) ne présentent plus une satisfaction supérieure à leurs collègues en CH lors de l’étude 2. Lors de l’étude 1, les infirmières en CSSS rappor- taient moins de demandes, plus de latitude décisionnelle et plus de satisfaction que les infirmières en CH. Lors de l’étude 2, seules les demandes les distinguent, et de plus on constate une augmentation des demandes dans les deux milieux (CSSS et CH). Le constat de l’augmentation des demandes et la diminution de la satisfaction sont par ailleurs inquiétants et rejoignent une inquiétude sur l’intensification du travail déjà soulignée dans la littérature [4].

Par ailleurs, afin de mieux comprendre les différences selon le milieu de pratique, il serait utile de décrire avec plus de précision l’organisation des SP prévalant dans chaque milieu. Il se peut qu’entre les deux études, la fusion des CLSC lors de la création des CSSS ait affecté l’organi- sation des SP de fin de vie. De plus, des différences consi- dérables peuvent exister d’un CSSS à l’autre en ce qui a trait au programme de SP en place, de même que d’un CH à l’autre [23].

Le second objectif consistait par ailleurs à explorer davantage cette association en ajoutant la possibilité de com- parer le lien entre les indicateurs de stress, la satisfaction au travail et les unités de soins (différentes approches) sur lesquels sont dispensés les SP de fin de vie en CH. Des précisions intéressantes ont alors été apportées et permettent de mieux comprendre certaines différences observées sur certains indicateurs (latitude décisionnelle et satisfaction) d’un temps à l’autre. La différence entre les CSSS et le CH se situe particulièrement sur les unités spécialisées de soins critiques et d’oncologie. Les infirmières qui pratiquent en CH sur des unités spécialisées de SP présentent les meilleurs indicateurs de stress (les plus bas) et la plus grande satisfac- tion au travail.

Au Québec, notons que très peu d’infirmières offrent des soins de fin de vie sur des unités spécialisées en SP, et ce résultat exploratoire questionne la pertinence de restreindre ce type d’unités. À l’opposé, les infirmières quiœuvrent en soins critiques présentent les indicateurs de stress les plus élevés, elles sont d’ailleurs rapidement rejointes par les infir- mières sur les unités d’oncologie. N’ayant pas d’unité de SP spécialisés au sein de leur établissement dans la plupart des cas [23,25], les infirmières sur les unités de soins critiques et d’oncologie ont souvent à prodiguer des soins de fin de vie selon une approche mixte sans pouvoir compter sur l’exper- tise de leurs collègues spécialisées. Le fait de prodiguer selon cette approche mixte a été décrit comme un stresseur dans quatre études [8,11,13,15]. Cette affirmation mérite d’être approfondie, et des études sont nécessaires afin de mieux comprendre la dynamique associée à l’exercice des SP de fin de vie au sein d’une organisation plus vaste que la somme de ces unités.

La pratique des SP de fin de vie selon une approche mixte aurait certes de nombreux avantages pour les gestionnaires en favorisant la mobilité du personnel et l’accès à des SP de fin de vie. Toutefois, il serait utile de mieux documenter les conditions qui permettent de maintenir un environnement de qualité pour les soignants et une qualité de soins.

Bien que ces résultats apportent un éclairage nouveau sur différents aspects de la pratique infirmière en SP de fin de vie, plusieurs limites doivent être considérées. D’abord, la nature exploratoire et descriptive de l’étude ne permet pas d’établir des relations de cause à effet entre les différentes variables. Aussi, les liens proposés dans la discussion se basent sur le modèle de stress utilisé comme cadre théorique.

De plus, le faible taux de participation limite considérable- ment la capacité de généraliser les résultats. Il est possible que les infirmières qui ont accepté de participer présentaient des caractéristiques différentes de celles qui ont refusé.

Malgré ces limites, les résultats de l’étude s’avèrent inté- ressants pour les chercheurs, les décideurs et les gestionnai- res. Ils mettent en lumière l’importance de prendre en compte différentes structures organisationnelles dans la planification des SP pour favoriser la santé psychologique et le bien-être des infirmières. En définitive, une telle prise en compte pourrait s’avérer bénéfique pour l’ensemble du système de santé, puisque la satisfaction au travail du personnel infirmier favorise, d’une part, leur rétention [21] et, d’autre part, la qualité des soins et la satisfaction des patients [2]. Lors de futures recherches, une comparaison plus approfondie selon les caractéristiques de l’organisation des SP propres à ces différents secteurs d’exercice infirmier (e.g., soins à domicile, soins en oncologie, soins critiques et soins spécialisés) et à l’établissement de santé comme tel serait souhaitable.

Finalement, ces données s’avèrent également intéress- antes pour la pratique infirmière, puisqu’elles mettent en lumière la particularité des SP de fin de vie dans le processus

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du stress. Les résultats encouragent à explorer davantage la nature même du travail en SP et comment ce travail pourrait contribuer positivement à la santé et au bien-être des infir- mières. Même si les résultats présentés font davantage ressortir les différences sur le plan des demandes, certains résultats portent sur les ressources. Les infirmièresœuvrant à domicile rapportent plus de latitude décisionnelle dans l’étude 1 et celles des CH, en unité spécialisée de SP, plus de récompenses dans l’étude 2. Il serait également utile de mieux comprendre ce qui influence la perception de ces ressources. Le travail d’accompagnement en fin de vie comporte en soi, selon des études qualitatives, des sources de récompenses additionnelles peu représentées dans les dimensions des modèles classiques proposés par Karasek et Siegrist. Les nouveaux modèles demandes–ressources récemment proposés suggèrent l’inclusion de l’humanisa- tion des processus des soins et l’inclusion de variables comme le sens au travail dans la dimension ressource [1,14,21]. Nos travaux en cours visent d’ailleurs l’approfon- dissement de cette notion de sens au travail et proposent d’inclure une dimension existentielle aux modèles de stress au travail.

Conclusion

Le stress des infirmières qui dispensent des SP de fin de vie semble associé au fait de pratiquer à domicile plutôt qu’en CH. Toutefois en CH, le fait de pratiquer sur une unité de soins spécialisés en SP est associé à un niveau inférieur de demandes et d’effort comparativement au fait de pratiquer sur des unités d’oncologie et de soins critiques. Au-delà du site et de l’unité de soins, ces résultats suggèrent de préciser la nature des variables organisationnelles à prendre en compte pour diminuer les demandes et augmenter les res- sources dans le contexte des SP de fin de vie. Une attention à ces variables devient nécessaire lorsqu’on privilégie un modèle de pratique infirmière selon une approche mixte.

Considérant l’ampleur et la complexité à concilier des demandes associées à des approches curatives et palliatives, un égard particulier aux ressources à mettre enœuvre est souhaité.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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