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L’expression faciale émotionnelle au cœur des problèmes interpersonnels :

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Academic year: 2022

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L’expression faciale émotionnelle au cœur des problèmes

interpersonnels :

une investigation des compétences non- verbales des personnes alcoolo-

dépendantes et des personnes ayant subi un traumatisme crânien

Marie Dethier Octobre 2012

Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur en Sciences Psychologiques

Faculté de Psychologie et

des Sciences de l’Education

Université de Liège

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L’expression faciale émotionnelle au cœur des problèmes

interpersonnels :

une investigation des compétences non- verbales des personnes alcoolo-

dépendantes et des personnes ayant subi un traumatisme crânien

Marie Dethier Octobre 2012

Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur en Sciences Psychologiques

Sous la direction de Sylvie Blairy

Jury de thèse composé de Marc Ansseau, Sylvie Blairy, Kathy Dujardin, Arnaud D'Argembeau, Pierre Philippot, et Eric

Salmon

Faculté de Psychologie et

des Sciences de l’Education

Université de Liège

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Remerciements

Mes remerciements vont avant tout à Sylvie Blairy qui, depuis le début de mon travail de mémoire, m’a accordé sa confiance. Sa créativité et sa rigueur scientifique m’ont beaucoup appris. Je tiens également à la remercier pour sa grande disponibilité, son soutien, et ses nombreuses qualités humaines qui m’ont été précieux tout au long de ce travail.

Je remercie Marc Ansseau et Arnaud D'Argembeau d’avoir accepté de faire partie de mon Comité d'Accompagnement, pour leur suivi de mon travail, leurs conseils et leurs commentaires sur une version antérieure de ce manuscrit.

Je remercie Kathy Dujardin, Pierre Philippot, et Eric Salmon d’avoir accepté de consacrer du temps à la lecture de ce travail.

I would like to thank Skye McDonald for offering me the opportunity to explore other aspects of my research domain by inviting me to be part of her neuropsychological laboratory at the University of New South Wales for one year. Not only did she welcome me with open arms, she also took the time to share her passion with me. Her enthusiasm for collaboration, her extensive knowledge, and her friendliness have contributed to make that year an extremely positive scientific and personal experience.

Je remercie mes collègues. Merci à Marie pour nos échanges fructueux, son sens de l’organisation, son écoute, son humour et son amitié.

Merci pour ces moments partagés au bureau, en colloque ou Place du Marché. Merci à Muriel pour ses conseils avisés, son soutien, ses anecdotes divertissantes et sa gentillesse. Merci aussi à tous les habitués de

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Remerciements

l’ « Aquarium » pour la bonne humeur qu’ils y font régner. Je suis heureuse d’avoir passé ces quatre années à vos côtés.

I would also like to thank my Australian colleagues, Hannah, Emily, Beck, Thea, Emilie, Jacquie, Nicole, Michelle, Matt, Jamie, and the others, for accepting me as one of yours for one year. Thank you for the welcome and goodbye dinners, for our friendly collaboration, for helping me with some language issues, encoding data, or recruitment, for our discussion over lunch and for your sweet lollies.

Je remercie l’Université de Liège qui m’a accordé une bourse de doctorat non-fria, m’ayant permis de réaliser ce travail.

Je remercie les étudiants mémorants ainsi que les étudiants qui, dans le cadre de leur projet de troisième bac, ont participé au recrutement et au testing d’une partie de ce travail. Merci à Aline, Daniel, Laetitia, Maya, Morgane, et Régis.

Je remercie les institutions psychiatriques qui m’ont ouvert leurs portes et ont accepté avec intérêt de coopérer à ce travail. Merci en particulier au personnel des pavillons les Charmes et le Relais du Centre Hospitalier L’Accueil (Lierneux) pour leur importante contribution à ce travail, leur accueil et leur disponibilité. Je remercie également les psychiatres et psychologues qui, en m’ayant consacré un peu de leur temps, m’ont aidée dans le recrutement des patients.

Je remercie le Dr Emmanuel Pinto pour son conseil judicieux concernant ma première étude sur l’alcoolo-dépendance.

Je tiens également à exprimer toute ma reconnaissance aux participants australiens et belges sans qui ce travail n’aurait pas pu voir le

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Remerciements

jour. Merci pour le temps et l’énergie consacrés à un sujet qui s’écarte souvent de leurs préoccupations quotidiennes.

Je remercie mes amis pour leur soutien et leurs encouragements.

Merci en particulier à Catherine pour sa relecture consciencieuse, pour ses conseils et pour nos échanges passionnés ; à Caroline, Thomas, et Suraj pour le temps passé à me corriger ou me conseiller; à Marie pour sa présence et son amitié inconditionnelle. Je remercie aussi tous ceux qui s’intéressant à mon travail lors d’une soirée bien arrosée m’ont très sincèrement proposé d’être l’objet de ma prochaine étude.

Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à ma famille. Merci à mes parents pour la confiance et le soutien reçus depuis toujours qui m’ont permis de traverser ces derniers mois avec une relative sérénité. Merci pour leurs conseils et leur relecture rigoureuse. Merci à mes sœurs d’être si drôles. Merci pour la subtile légèreté avec laquelle leur regard se pose sur le monde et qui le rend tellement plus respirable. Merci spécialement à Perrine pour sa joie de vivre lors des pauses partagées pendant la phase finale de nos rédactions respectives.

Enfin, je tiens à remercier de tout cœur Anthony pour sa confiance et son amour. Merci de m’avoir soutenue dans ce projet depuis le début, y compris en me suivant down under. Merci d’avoir osé faire ce choix courageux qui nous a permis de vivre un moment fort de notre histoire.

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Table des matières

INTRODUCTION... 1

PARTIE 1

L’EXPRESSION FACIALE EMOTIONNELLE

CHAPITRE1 :L’EXPRESSION FACIALE EMOTIONNELLE AU CŒUR DES RELATIONS INTERPERSONNELLES

1. Introduction ... 8 2. Quelle est la signification d’une expression faciale

émotionnelle ? ... 8 2.1. La conceptualisation des phénomènes émotionnels 8 2.2. L’EFE comme expression des états émotionnels 11 2.3. L’EFE comme expression de la motivation sociale 11 2.4. Au-delà de la dichotomie « émotion » versus « motivation

sociale » 12

3. L’EFE dans le processus dynamique de l’interaction sociale . 13

3.1. Envoyer l’EFE 15

3.2. Percevoir l’EFE 15

3.3. Le mimétisme 18

3.4. La rétroaction faciale 19

3.5. Conclusions 24

4. Les processus sous-jacents à l’empathie ... 25 4.1. L’empathie cognitive et émotionelle 25

4.2. Les processus sous-jacents 25

4.3. Application à la reconnaissance des EFEs 27 4.3.1. La Théorie de l’Esprit 28 4.3.2. La Théorie de la Simulation 29 5. L’EFE comme indice des problèmes psychologiques et

neurologiques ... 32

(10)

PARTIE 2

L’ALCOOLO-DEPENDANCE

CHAPITRE2 :ALCOOLO-DEPENDANCE :PARTIE THEORIQUE

1. Introduction générale ...37 2. Présentation d’un modèle intégratif entre les trois variables : problèmes interpersonnels, déficits émotionnels non-verbaux, et consommation d’alcool ...39 3. La qualité des relations interpersonnelles chez les patients ADs : État des lieux ...42 4. Les compétences émotionnelles non-verbales liées à l’EFE des patients ADs...45

4.1. Percevoir L’EFE 45

4.1.1. La réponse cognitive 45

4.1.2. La réponse émotionnelle 52

4.2. Exprimer l’EFE 53

4.3. Faire l’expérience de l’EFE 53

5. Objectifs et plan du travail pratique concernant les patients ADs...53

5.1. Prise en compte du sous-type d’alcoolisme 54 5.2. Étude de facettes des compétences émotionnelles non- verbales sous-explorées : l’attribution d’intentions interpersonnelles, la réponse émotionnelle à l’EFE, le versant expressif, et le versant expérientiel 59 5.3. Lien avec les relations interpersonnelles 61

5.4. Résumé 63

CHAPITRE3 :CAPACITY FOR COGNITIVE AND EMOTIONAL EMPATHY IN ALCOHOL-DEPENDENT PATIENTS

1. Abstract ...65 2. Introduction...66

2.1. The Present Study 70

3. Method...73

3.1. Participants 73

3.2. Tasks and Questionnaires 75

3.2.1. Interpersonal intention task 75

3.2.2. Emotional contagion task 78

(11)

3.2.3. Young schemas 79 3.2.4. Interpersonal relationship quality 80

3.3. Procedure 81

3.4. Statistical Analyses 81

4. Results ... 81

4.1. Control Measures 81

4.2. Interpersonal Intention Task 84

4.2.1. Intention attribution according to emotion and

sex of stimulus 84

4.2.2. Nuance in intention attribution 87

4.3. Emotional Contagion Task 89

4.3.1. Expressiveness 89

4.3.2. Subjective Feelings 89

4.3.3. Mimicry 90

4.4. Young Schemas 91

4.5. Interpersonal Relationship Quality 92

4.6. Correlational Tests 92

5. Discussion ... 92

CHAPITRE4 :EMOTIONAL FACIAL EXPRESSION RECOGNITION AND

EXPRESSIVITY IN TYPE I AND TYPE IIALCOHOL DEPENDENT PATIENTS

1. Abstract...101 2. Introduction ...102

2.1. EFE Recognition 103

2.2. EFE Expressivity 105

2.3. Interpersonal Relationships Quality 106 3. Methods...107

3.1. Participants 107

3.2. Control Variables 108

3.3. EFE Recognition Task 109

3.4. EFE Expressivity Task 109

3.4.1. Spontaneous expressivity 110

3.4.2. Posed expressivity 111

3.4.3. Ratings of facial expressivity 111 3.5. Interpersonal Relationships Quality 112

3.6. General Procedure 112

4. Results ...113

4.1. Preliminary Analyses 113

(12)

4.2. EFE Recognition 115

4.3. EFE Expressivity 115

4.3.1. Spontaneous expressivity 115

4.3.2. Posed expressivity 117

4.4. Interpersonal Relationships Quality 118 4.5. Correlational analyses between expressivity and

recognition accuracy 121

5. Discussion ... 121

CHAPITRE5 :EMOTIONAL RESPONSE TO BODY AND FACIAL FEEDBACK IN ALCOHOL-DEPENDENT PATIENTS

1. Abstract ... 127 2. Introduction... 102 2.1. Problems of Emotional and Interpersonal Regulation in

ADs 129

2.1.1. Emotional regulation 129

2.1.2. Interpersonal problems 130

2.2. Body and Facial Feedback 131

2.3. The present Study 133

3. Methods ... 107

3.1. Participants 134

3.2. Body and Facial Feedback Task 137

4. Results... 138

4.1. Preliminary Analyses 138

4.2. Body and Facial Feedbakc Task 139

4.2.1. Global responsivity 139

4.2.2. Responsivity to each expression/posture

manipulation 139

4.2.3. Impact of guessing the purpose of

the experiment 140

5. Discussion ... 142

CHAPITRE6 :DISCUSSION DES RESULTATS SUR LALCOOLO-

DEPENDANCE

1. Introduction... 148 2. Résumé et intégration des résultats à la littérature... 148

2.1. La perception de l’’EFE 150

(13)

2.2. L’envoi de l’EFE 155

2.3. Le cercle vicieux 156

3. Les problèmes de reconnaissance des EFEs dans l’alcoolo- dépendance : Quels seraient les processus sous-jacents ? ...157

3.1. Biais émotionnel 158

3.2. Déficit des connaissances déclaratives au sujet des

EFEs 159

3.3. Conjponction des biais émotionnels et d’un déficit 160 4. Intérêts et limites...161 4.1. Prise en compte du sous-type d’alcoolisme 161 4.2. Étude de facettes des compétences émotionnelles non-

verbales sous-explorées 163

4.3. Lien avec les relations interpersonnelles 164 5. Conclusions...165

PARTIE 3 :LE TRAUMATISME CRANIEN

CHAPITRE7 :TRAUMATISME CRANIEN : PARTIE THEORIQUE

1. Introduction ...169

1.1. Mécanisme du TC 170

1.2. Sévérité du TC 170

1.3. Physiopathologie 171

1.3.1. Lésions primaires 171

1.3.2. Lésions secondaires 171

2. Les conséquences psychosociales d’un TC sévère ...169 3. Les compétences émotionnelles non-verbales liées à l’EFE des patients TCs sévère ...173

3.1. Percevoir l’EFE 173

3.1.1. La réponse cognitive 173

3.1.2. La réponse émotionnelle 175

3.2. Exprimer l’EFE 180

3.3. Faire l’expérience de l’EFE 181

4. Objectifs et plan du travail pratique concernant les patients ayant subi un TC...183

(14)

CHAPITRE8:EMOTIONAL REGULATION IMPAIRMENTS FOLLOWING

SEVERE TRAUMATIC BRAIN INJURY:AN INVESTIGATION OF THE BODY AND FACIAL FEEDBACK EFFECTS

1. Abstract ... 185 2. Introduction... 186 2.1. Problems of Emotional Regulation Following TBI 187

2.2. Body and Facial Feedback 189

2.3. The present Study 190

3. Methods ... 191

3.1. Participants 191

3.2. Body and Facial Feedback Task 196

4. Results... 198

4.1. Preliminary Analyses 199

4.2. Body and Facial Feedbakc Task 199

4.2.1. Global responsivity 200

4.2.2. Responsivity to each expression/posture

manipulation 200

4.2.3. Impact of guessing the purpose of the

experiment 203

5. Discussion ... 204 6. Apprendix: Instructions for expression/posture manipulation

... 214

CHAPITRE9 :SPONTANEOUS AND POSED EMOTIONAL FACIAL

EXPRESSIONS FOLLOWING SEVERE TRAUMATIC BRAIN INJURY

1. Abstract ... 217 2. Introduction... 218

2.1. The Present Study 223

3. Methods ... 224

3.1. Participants 224

3.2. Emotional Expression Tasks 228

3.2.1. Procedure 229

3.2.2. Spontaneous expressivity 229

3.2.3. Posed expressivity 230

3.2.4. Ratings of facial expressivity 230 4. Results... 231

4.1. Data Analyses 231

4.2. Preliminary Analyses 232

(15)

4.3. Spontaneous Expressivity 232

4.3.1. Expressivity ratings 232

4.3.2. Subjective feeling ratings 234

4.4. Posed Expressivity 234

5. Discussion ...236

CHAPITRE10 :DISCUSSION DES RESULTATS SUR LE TRAUMATISME CRANIEN

1. Résumé des résultats ...243 2. Un modèle psychologique de la tâche de rétroaction

faciale/corporelle ...244 3. Intégration des résultats des deux études...249 4. Limites et perspectives futures ...250 4.1. Hétérogénéité des lésions cérébrales 251 4.2. Paradoxe entre l’absence de réactivité aux émotions négatives et la présence d’états affectifs négatifs 252 5. Conclusions...253

CONCLUSIONS GENERALES...255

REFERENCES...261

(16)
(17)

Introduction

« Le visage est l’image de l’âme » Ciceron Cela a commencé par un verre de trop. Encore une fois…Thierry est révolté. Il se dispute avec son épouse, Carole. Elle lui reproche d’être rentré trop tard hier soir, saoul. Le bruit était si fort que les enfants se sont réveillés. Il ne se souvient plus. Il se sent incompris et vit les reproches de Carole de manière injuste. Il a l’impression qu’il lui fait pitié. Cela l’énerve.

Il parle fort, respire bruyamment, son visage est crispé par la colère, il a les poings serrés, et fait de grands gestes brusques. Il crie pour lui répondre. Il crie qu’elle ne comprend rien, qu’elle s’en fout. La voilà qui pleure. Ça l’énerve d’autant plus. Il a envie de la gifler mais tape fort dans le mur à la place. Carole crie et part dans sa chambre. Il a mal. Lui sort de chez lui et retourne au café.

Emily en a marre. Elle pleure, crie, rie,… Rien. Aucune réaction.

Peter, lui, ne ressent rien. Le vide, le néant. Depuis son accident de moto, il y a quatre ans, il est comme « mort de l’intérieur ». Lui qui était si vivant, drôle, énergique. Emily s’énerve sans réponse. Peter sait qu’il n’est pas adéquat mais il ne comprend pas bien ce qu’il est sensé faire. De toute façon, il n’a plus la force pour ça.

Thierry et Carole, Peter et Emily sont confrontés à des situations interpersonnelles déterminantes. Comme ces exemples en témoignent, les émotions font partie intégralement de toute interaction sociale. En tant que processus dynamique, elles créent l’interaction et sont créées et modifiées

(18)

Introduction

2

par celle-ci (Campos, Campos, & Barrett, 1989). Les habilités de Thierry et Peter à exprimer et faire l’expérience de leurs propres émotions, et à reconnaître les émotions d’autrui vont déterminer l’efficacité de leurs stratégies dans l’interaction sociale. Halberstadt et ses collaboratrices ont appelé ces habilités « les compétences socio-affectives » (Halberstadt, Denham, & Dunsmore, 2001). Dans leur modèle, elles les définissent comme la communication efficace de ses propres affects, l’interprétation exacte et la réponse (émotionnelle ou cognitive) appropriée à la communication affective d’autrui, ainsi que la prise de conscience, l’acceptation, et la régulation de ses propres affects. La communication affective nécessite donc des habiletés relatives à 3 domaines : 1) la perception de messages affectifs, 2) l’expression de messages affectifs, et 3) l’expérience de ses propres affects. Les compétences relatives à ces trois composantes interagissent dans les relations sociales de manière à contribuer à l’élaboration de relations de qualité. Des études empiriques ont montré que ces compétences émotionnelles sont liées aux compétences sociales chez l’enfant (e.g., Denham et al., 2003; Fine, Izard, Mostow, Trentacosta, & Ackerman, 2003), et chez l’adulte (e.g., Lopes et al., 2004;

Lopes, Salovey, Cote, Beers, & Petty, 2005). Les personnes présentant de meilleures compétences émotionnelles sont plus appréciées par leur pairs, sont perçues comme plus extraverties et ayant plus de sensibilité interpersonnelle, et développent des relations amicales et de couple plus satisfaisantes (e.g., Brackett, Warner, & Bosco, 2005; J. S. Carton, Kessler,

& Pape, 1999; Lopes, et al., 2004; Lopes, et al., 2005; Nowicki & Oxenford, 1989). Dans la situation de Thierry, il est possible qu’une mauvaise interprétation des intentions et des émotions de Carole (Éprouvait-elle en

(19)

Introduction

3 effet de la pitié ? Perçoit-il sa détresse ?), une réaction émotionnelle excessive ou discordante par rapport à elle (Thierry semble ne pas être

« contaminé » par la tristesse de son épouse, éprouvant au contraire de l’énervement), des difficultés à définir et réguler ses émotions négatives (il se tourne vers l’alcool pour faire face à son mal-être qu’il ne semble pas capable de définir), et une absence d’expression claire des ses affects (il a l’impression que Carole ne le comprend pas) contribuent à l’échec de l’interaction.

La communication verbale et non-verbale forment ensemble la base de la communication dyadique, dans laquelle les deux partenaires d’interaction constituent un système échangeant de l’information (Kappas

& Descoteaux, 2003). Souvent mise à l’écart par le passé, les recherches actuelles reconnaissent la place centrale qu’occupe la communication non- verbale dans l’interaction sociale. Dans notre exemple, le conflit peut autant prendre source dans le contenu des reproches, que dans le comportement non-verbal de Thierry (e.g., expressions faciales émotionnelles, ton de la voix, gestes) que Carole juge, à tort ou à raison, agressif et peu empathique. L’intérêt de l’étude du comportement non- verbal réside, entre autres, dans le peu decontrôle exercé sur les messages non-verbaux, les rendant ainsi indicatifs des véritables affects et attitudes (Philippot, Feldman, & Coats, 2003).

L’information émotionnelle se communique via un ensemble de canaux non-verbaux tels que l’expression faciale émotionnelle (EFE), la posture, la gestuelle, ou la prosodie affective (i.e., l’ensemble des aspects non-linguistiques du langage qui en procurent le ton émotionnel, tels que l’intonation, le débit de parole, le rythme, les pauses, etc.). Le visage

(20)

Introduction

4

apparaît cependant comme une source particulièrement riche en informations émotionnelles (e.g., Ekman, Friesen, & Ellsworth, 1972;

Frijda, 1986; Matsumoto, 1987; J. A. Russell & Fernandez-Dols, 1997a;

Tcherkassof, 1999), notamment parce qu’il est pratiquement toujours visible à l’interlocuteur et qu’il permet d’exprimer un large éventail de messages (Philippot, 2007). Il constitue le canal véhiculant de l’information émotionnelle non-verbale le plus étudié et le mieux compris à ce jour. La communication efficace de ses propres affects via l’EFE, l’interprétation exacte et la réponse appropriée à l’EFE d’autrui, ainsi que la prise de conscience de ses EFEs, et la régulation de ses propres affects via l’EFE sont donc des compétences importantes nécessaires à la création de relations sociales de qualité.

L’objectif de ce travail de doctorat est d’investiguer les compétences émotionnelles faciales dans deux populations cliniques présentant de graves problèmes interpersonnels et émotionnels : les personnes alcoolo- dépendantes et les personnes ayant subi un traumatisme crânien. Dans la première partie de ce travail, nous développerons certains concepts théoriques nécessaires pour comprendre la place de l’EFE dans les problèmes émotionnels et relationnels présents chez des personnes souffrant de problèmes psychologiques et/ou neurologiques. Nous nous pencherons ensuite sur l’analyse de ces problèmes et de leurs relations avec les compétences émotionnelles faciales chez les personnes alcoolo- dépendantes (Partie 2) et chez les personnes ayant subi un traumatisme crânien sévère (Partie 3). Une conclusion générale sera présentée dans la dernière partie de ce travail.

(21)

Partie 1

L’expression faciale

émotionnelle

(22)
(23)

CHAPITRE 1

L’expression faciale émotionnelle au cœur des relations interpersonnelles

1. Introduction

L’objectif de ce chapitre est de développer certains concepts théoriques nécessaires pour comprendre la place de l’EFE dans les problèmes émotionnels et relationnels présents chez des personnes souffrant de problèmes psychologiques et/ou neurologiques. Nous allons tout d’abord nous pencher sur la signification de l’EFE. Nous verrons ensuite la place qu’occupe l’EFE dans une interaction dyadique et développerons son rôle dans les composantes « percevoir », « envoyer », et

« faire l’expérience » des compétences émotionnelles. Nous enchainerons par le développement des hypothèses explicatives des processus sous- jacents à l’empathie, un concept central dans le traitement de l’EFE.

Finalement, nous aborderons brièvement le rôle de l’EFE dans la psychopathogie et dans la neuropathologie.

2. Quelle est la signification d’une expression faciale émotionnelle ?

Que se cache-t-il derrière une expression faciale ? Le sens commun conçoit l’EFE comme reflétant l’état émotionnel de l’individu. Mais la réponse est loin d’être si simple… Cette question a en effet fait l’objet d’un

(24)

L’expression faciale émotionnelle

8

débat passionné. À un extrême de ce débat, les EFEs sont conçues comme l’expression d’états émotionnels internes. À l’autre extrême, elles sont perçues comme ayant pour fonction de communiquer nos motivations sociales (Barrett, Lindquist, & Gendron, 2007; Ekman, 1972; Parkinson, 2005; J. A. Russell & Fernandez-Dols, 1997b). Le mimétisme fournit une illustration claire de l’importance de la question. Selon la première conception, il est conçu comme le témoin de la contagion émotionnelle.

Selon la seconde, il indique le désir d’exprimer de l’empathie. La réponse à cette question est donc essentielle pour comprendre la place de l’EFE dans l’interaction sociale et dans l’expérience émotionnelle individuelle. Avant d’aborder ces deux conceptions plus en détails, nous allons présenter brièvement la manière dont les théories actuelles modélisent l’émotion afin de clarifier les liens entre les différents phénomènes émotionnels.

2.1. La conceptualisation des phénomènes émotionnels

Philippot (2007) résume le décours temporel prototypique de l’ensemble des phénomènes regroupés sous le concept de l’émotion, comme conçu par les théories modernes (e.g., Ekman, 1989; Frijda, 1986; Izard, 1994, 1997), de la manière suivante (Figure 1.1). Dans un premier temps, une situation se voit conférer une signification émotionnelle. Il s’agit de l’évaluation émotionnelle. L’organisme réagit ensuite immédiatement et dans toutes ses composantes pour faire face au défi que constitue le caractère émotionnel de la situation. Notre organisme se prépare à interagir d’une certaine manière avec son environnement : fuir, aller de l’avant, attaquer,…

C’est la tendance à l’action (Frijda, 1986). Si la tendance à l’action est suffisamment activée, un ensemble de réponses émotionnelles est alors déclenché. Il peut s’agir de changements physiologiques (e.g., conductance

(25)

Chapitre 1

9 cutanée), expressifs (e.g., EFE, posture), comportementaux (e.g., cri, mouvement), ou cognitifs (e.g., biais attentionnel, mnésique, et d’interprétation). Enfin, le dernier phénomène émotionnel est le sentiment subjectif. Il représente l’état différent dans lequel nous nous sentons lorsque nous vivons une émotion.

D’un point de vue théorique, la littérature recèle deux positions au sujet du sentiment subjectif. La première pose le sentiment subjectif comme une des facettes de la réponse émotionnelle (au même titre que les réponses physiologiques ou expressives par exemple; e.g. Ekman, 1984). La seconde conçoit le sentiment subjectif comme le résultat de la perception par l’individu des modifications de son état dues à l’émotion, et a été retenue par le modèle de Philippot (2007) car elle est actuellement mieux soutenue par les données empiriques. En d’autres termes, suivant ce dernier point de vue, le sentiment subjectif émotionnel résulterait de la perception des réponses émotionnelles sous leurs différentes facettes expressives, posturales, physiologiques et cognitives (Laird & Bresler, 1992), ou de la perception de l’état de préparation aux tendances à l’action (Frijda, 1986), ou de l’état corporel général (Damasio, 1994).

(26)

L’expression faciale émotionnelle

10

Au travers d’une revue de la littérature des études chez l’animal et chez l’homme, Philipps (2003) a tenté d’identifier les bases neurobiologiques sous-tendant les processus de la perception d’une émotion (i.e., le processus de l’évaluation de la signification émotionnelle et celui de la génération d'une réponse émotionnelle). Elle postule que l’évaluation rapide de la signification émotionnelle du stimulus et la production d’un état affectif spécifique sont sous-tendues par un système ventral comprenant l’amygdale, l’insula, le striatum ventral, et les régions ventrales du cortex cingulaire antérieur et du cortex préfrontal. En supplément à ces deux processus, elle postule l’existence d’un troisième processus qui consiste à réguler l’état affectif et les comportements émotionnels (et qui peut donc inclure l’inhibition ou la modulation des processus antérieurs), de manière à les rendre contextuellement appropriés.

Cette régulation est volontaire, active (« effortfull ») et inclut l’engagement d’autres processus cognitifs tels que le langage. Le fait que les tâches de reconnaissance d’EFEs requérant une réponse verbale activent des régions

Tendances à l’action

Sentiment subjectif

Situation

Réponses physiologiques, comportementales (EFE), cognitives

Figure 1.1. Le décours temporel des phénomènes émotionnels (Philippot, 2007)

Evaluation émotionnelle

(27)

Chapitre 1

11 subcorticales différentes de celles qui ne le requièrent pas soutient cette proposition (Morris, Ohman, & Dolan, 1998). Ce dernier processus serait sous-tendu par une voie dorsale comprenant l’hippocampe et les régions dorsales du cortex cingulaire antérieur et du cortex préfrontal.

2.2. L’EFE comme expression des états émotionnels

Les partisans de la première conception, l’ « Emotion-Expression View », soutiennent l’idée que l’EFE est d’abord l’expression des états émotionnels internes et le reflet des sentiments authentiques, sauf quand elle est consciemment contrôlée (Ekman, 1972; Izard, 1994; Tomkins, 1963). Cette conception est soutenue empiriquement par des études ayant montré une correspondance entre l’émotion véhiculée par le visage et les émotions ressenties subjectivement (e.g. Buck, Baron, Goodman, &

Shapiro, 1980; Cacioppo, Petty, Losch, & Kim, 1986).

La théorie neuro-culturelle des émotions d’Ekman (1972) défendant l’idée que l’EFE est influencée pas les états émotionnels est nuancée par l’existence de règles d’expression culturelle. Selon cette théorie, la socialisation nous apprend à contrôler nos EFEs selon les conventions sociales, même si l’influence de l’état émotionnel sous-jacent peut toujours transparaitre.

2.3. L’EFE comme expression des motivations sociales

Depuis 1990, l’« Emotion-Expression View » est remise en question (e.g., J. A. Russell, 1995; J. A. Russell & Fernandez-Dols, 1997b). La conception alternative la plus influente, la « Behavioral Ecology View » considère le visage, non pas comme la simple empreinte des sentiments, mais comme un moyen de communiquer ses motivations sociales à autrui

(28)

L’expression faciale émotionnelle

12

(Fridlund, 1994). En d’autres mots, la signification des mouvements faciaux est liée aux actions potentielles des personnes plutôt qu’à leur expérience subjective. Les études soutenant cette conception ont montré que la situation sociale a une grande influence sur l’EFE : les EFEs sont plus fréquentes et intenses en situation sociale et varient en fonction de l’audience concernée (e.g., Chovil, 1991; Jakobs, Manstead, & Fischer, 1999, 2001).

2.4. Au-delà de la dichotomie « émotion » versus

« motivation sociale »

Ces deux positions ne sont pas exhaustives quant aux connexions possibles entre les émotions et les mouvements faciaux. Pour Frijda et Tcherkassof (1997), les mouvements faciaux représentent des tendances à l’action. Les tendances à l’action sont des dispositions innées à accomplir certaines actions ou certains changements relationnels avec l’environnement (Frijda, 1986). L’EFE est donc une manifestation des intentions comportementales d’un individu, dans un état émotionnel donné, envers son environnement. Plusieurs études réalisées chez des individus sains ont montré que les EFE sont associées à des intentions interpersonnelles spécifiques selon l’émotion (Hess, Adams, & Kleck, 2005;

Hess, Blairy, & Kleck, 2000; Knutson, 1996). Par exemple, les EFEs de joie sont associées à des intentions de haute dominance et de haute affiliation1, celles de colère et de dégout à des intentions de haute dominance et de basse affiliation (Knutson, 1996).

1 L’affiliation fait référence à la propension à être attiré par un objet et à l’explorer dans le but de maintenir la relation avec celui-ci

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Chapitre 1

13 Cette conception est partiellement compatible avec la « Behavioral Ecology View ». La différence essentielle par rapport à la théorie de Fridlund (1994) est que Frijda et ses collaborateurs (e.g., Frijda, 1986;

Frijda & Tcherkassof, 1997) conçoivent les tendances à l’action comme faisant intégralement partie de l’émotion en elle-même, comme cela est décrit dans le modèle de Philippot (2007). Une partie du désaccord entre les théories provient donc de la manière dont l’émotion est conceptualisée plutôt que du type d’information spécifique que procure le visage. Pour Fridlund, les émotions équivalent aux sentiments subjectifs et elles sont dissociées des expressions. Au contraire, pour de nombreux théoriciens contemporains de l’émotion, dont fait partie Frijda, l’émotion est conceptualisée comme un ensemble de phénomènes plus ou moins coordonnés et plus ou moins présents selon la nature de l’émotion, incluant les EFEs et les tendances à l’action (voir par exemple Ekman, 1989; Izard, 1994, 1997).

3. L’EFE dans le processus dynamique de l’interaction sociale

Sur base du modèle de la lentille développé par Kappas (Figure 1.2.;

Kappas, 1991; Kappas & Descoteaux, 2003), nous allons dans ce chapitre entreprendre de décrire la place et le rôle de l’EFE dans l’interaction sociale. Le modèle de la lentille postule que l’EFE a comme fonction non seulement de fournir de l’information au sujet des affects de l’individu qui l’exprime mais aussi de réguler, via un système de rétroaction complexe, les affects des protagonistes en interaction (Kappas, 1991). Ce modèle

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L’expression faciale émotionnelle

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insiste sur le caractère dynamique de l’interaction. Il conçoit la communication non-verbale comme un ensemble d’échanges mutuels impliquant simultanément plusieurs canaux de communication. Kappas précise que, à l’image d’un match de ping-pong, chaque partenaire n’est pas tour à tour envoyeur puis receveur dans la communication non-verbale au sein d’une interaction dyadique: chaque partenaire est au même moment à la fois envoyeur et receveur.

Figure 1.2. Modèle de la lentille (D'après Kappas & Descoteaux, 2003)

Le modèle représente l’interaction entre un individu 1 et un individu 2. Le caractère dynamique du modèle implique qu’il n’y a pas de

rétroaction Décodage

Individu

mimétisme

mimétisme rétroaction

Transmission

Transmission

Individu

Encodage

Contraintes environnementales

Décodage Encodage

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Chapitre 1

15 processus commençant ou terminant l’interaction. C’est donc arbitrairement que nous commençons l’interprétation de ce modèle par la composante expressive.

3.1. Envoyer l’EFE

L’individu 1 et l’individu 2 expriment (encodent) leurs états affectifs via de multiples canaux de communication non-verbaux incluant l’EFE.

Comme nous l’avons vu, ces états émotionnels ne se référent pas uniquement aux émotions de base mais aussi aux tendances à l’action et aux motivations sociales. Ainsi, l’EFE est à l’heure actuelle conçue comme le produit d’influences spontanées de nature affective et motivationnelle et d’influences volontaires liées au contexte social et culturel (Carroll &

Russell, 1996; Fernandez-Dols, 1999; Manstead, Fischer, & Jakobs, 1999;

Parkinson, 2005). En fonction de leur conceptualisation de l’EFE, les chercheurs ont utilisé différents paradigmes pour étudier l’expressivité.

L’EFE posée est considérée comme une mesure de performance réalisée dans des conditions optimales. Elle est généralement testée en demandant spécifiquement aux participants de produire une EFE donnée afin de montrer l’état émotionnel attendu. L’EFE spontanée se réfère aux traits naturels d’expressivité émotionnelle. Afin de l’évaluer, les participants sont généralement filmés tout en étant exposés à un matériel affectif, tel que la confrontation à des images émotionnelles ou au récit d’un événement autobiographique (Elfenbein & Eisenkraft, 2010; Halberstadt, 1986).

3.2. Percevoir l’EFE

De manière parallèle, les deux individus décodent l’EFE exprimée par leur partenaire. En raison de la vulnérabilité de l’attention et des

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L’expression faciale émotionnelle

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organes sensoriels, certaines EFEs ne sont pas perçues par le partenaire et l’information qu’elles contiennent est alors perdue. Dans la Figure 1.2., une ligne représentant le décodage d’information n’est pas liée à un signal de la part du transmetteur. Cette ligne représente l’influence des stéréotypes sur l’interprétation des indices faciaux. Un stéréotype classique de la culture occidentale influençant l’attribution d’intention aux EFEs concerne, par exemple, nos attentes de dominance envers les hommes et d’affiliation envers les femmes (Hess, et al., 2005). Les attentes envers l’EFE dépendent également de l’histoire personnelle et des apprentissages interpersonnels (Halberstadt, 1983, 1986; Halberstadt, Dennis, & Hess, 2011). Une étude a par exemple montré que le style de communication familiale influençait le jugement des émotions d’autrui (Halberstadt, et al., 2011). Dans cette étude, l’expressivité familiale était positivement liée à la perception d’intensité émotionnelle dans les EFEs, la différence entre les participants provenant de familles fortement versus faiblement expressives évoluant de manière parallèle à l’augmentation du niveau d’intensité émotionnelle de l’EFE.

La perception de l’EFE chez autrui va susciter des réactions de nature cognitive et émotionnelle. Selon la perspective de Davis (1994), ces réactions ont trait au concept d’empathie. L’empathie se réfère aux réactions d’un individu en réponse à ce qu’il observe de l’expérience d’autrui. Elle concerne à la fois la compréhension de l’expérience de l’autre personne (empathie cognitive) ainsi que l’habileté à réagir émotionnellement à l’expérience d’autrui (empathie émotionnelle).

Revenons à nos personnages. Plus tard dans la journée, Thierry se rend dans la chambre où se trouve Carole avec l’espoir d’arranger leurs

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Chapitre 1

17 problèmes. Il la trouve assise sur leur lit en train de pleurer. Sur base des comportements non-verbaux de Carole (incluant ses EFEs), Thierry va inférer les émotions de sa compagne (e.g., la tristesse, la colère, ou l’angoisse) et ses intentions envers lui (e.g., l’envie qu’il la laisse tranquille, l’envie de communiquer, ou l’envie qu’il la console en s’approchant d’elle).

L’exactitude de ces estimations relève de l’empathie cognitive. Une reconnaissance exacte de l’émotion véhiculée par l’EFE est associée à un meilleur bien-être relationnel (J. S. Carton, et al., 1999). On peut par exemple imaginer que si Thierry perçoit chez Carole une envie de prendre ses distances alors qu’elle désire qu’il la prenne dans ses bras et la console, cela peut engendrer des tensions supplémentaires. Les pleurs et la tristesse que Thierry perçoit chez Carole peuvent lui procurer des sentiments similaires au siens ou au contraire l’irriter. Tout comme Peter face aux émotions d’Emily, un individu peut aussi rester indifférent face aux émotions de son partenaire d’interaction. Ces réactions émotionnelles, qu’elles soient parallèles ou réactives relèvent de l’empathie émotionnelle. La perception de l’EFE chez autrui influencera donc ou non l’état affectif de l’observateur, ce qui, par conséquence, influencera les émotions qu’il renverra à son partenaire d’interaction. Les réactions émotionnelles se mesurent au niveau des différentes facettes de l’émotion (e.g., réponses corporelles, tendances à l’action, sentiments subjectifs, images mentales, et pensées liées à l’émotion). Un certain nombre d’études ont par exemple montré que les personnes tendent à rapporter des sentiments subjectifs qui correspondent aux EFEs auxquelles elles ont été exposées (e.g., Blairy, Herrera, & Hess, 1999; Hatfield, Cacioppo, & Rapson, 1992; Hess & Blairy, 2001; Laird et al., 1994; Lundqvist & Dimberg, 1995; Wild, Erb, & Bartels,

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L’expression faciale émotionnelle

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2001). Des études physiologiques ont également attesté de la contagion émotionnelle à l’EFE (Dimberg, 1982, 1997).

3.3. Le mimétisme

Le mimétisme (i.e., la tendance à mimer les indices faciaux de la personne qu’on observe) est une réaction corporelle face à l’EFE d’autrui.

Plusieurs études mesurant l’activité faciale au moyen d’un électromyographe ou une étude de jugement suggèrent que les individus ont tendance à produire des EFEs similaires à celles auxquelles ils sont confrontées (e.g., Blairy, et al., 1999; Cacioppo, et al., 1986; Dimberg, 1982;

Dimberg & Petterson, 2000; Dimberg, Thunberg, & Elmehed, 2000; Hess

& Blairy, 2001; Moody & McIntosh, 2011). Cependant, des exemples d’effet de contre-mimétisme ont également été rapportés (Hess, Philippot, &

Blairy, 1998; Lanzetta & Englis, 1989), indiquant que le mimétisme ne serait pas un mécanisme automatique, de type réflexe (Hess, Philippot, &

Blairy, 1999). Plus spécifiquement, Lakin Jefferis, Cheng, et Chartrand (2003) ont postulé que la fonction du mimétisme serait de créer de la coordination sociale et de la similarité entre les partenaires, ce qui augmenterait l’affiliation entre eux. De manière complémentaire, le mimétisme pourrait servir à communiquer son empathie envers autrui (Bavelas, Black, Chovil, Lemery, & Mullett, 1988). Le mimétisme dépendrait donc des caractéristiques de l’interaction (Bourgeois & Hess, 2008). En concordance à cette fonction sociale, une série d’études a montré que nous sommes plus susceptibles de mimer les individus avec lesquels nous coopérons ou partageons quelque chose d’important plutôt que les individus avec lesquels nous sommes en compétition ou en désaccord

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Chapitre 1

19 fondamental (e.g., Bourgeois & Hess, 2008; Stel, Van Baaren, & Vonk, 2008; van Baaren, Holland, Kawakami, & van Knippenberg, 2004).

Une autre fonction du mimétisme a été initialement décrite dans le modèle de Lipps (1907). Ce modèle considère le mimétisme comme un processus médiateur de l’empathie cognitive et émotionnelle. La théorie de Lipps se constitue de trois étapes. Premièrement, comme nous venons de le voir, nous mimons les EFEs de nos partenaires d’interaction.

Deuxièmement, ce mimétisme non-verbal induit chez nous –via un processus de rétroaction– l’état émotionnel correspondant. Troisièmement, nous utilisons notre état émotionnel interne pour comprendre l’état affectif de notre partenaire d’interaction. Les deux premières étapes de ce modèle ont été reprises et élaborées par Hatfield et son équipe qui ont travaillé sur la contagion émotionnelle (Hatfield, Cacioppo, & Rapson, 1993, 1994;

Hatfield, Rapson, & Le, 2009). Ces auteurs définissent la contagion émotionnelle comme « la tendance à mimer automatiquement et synchroniser ses expressions faciales, vocalisations, postures, et mouvements avec ceux d’une autre personne et par conséquence à converger émotionnellement » (Hatfield et al., 1994, p. 5). Selon leur théorie, observer les EFEs d’un partenaire d’interaction conduit à son imitation ce qui permet, via la rétroaction faciale, la contagion émotionnelle aux émotions du partenaire.

3.4. La rétroaction faciale

La rétroaction faciale désigne donc le fait que l’expression faciale associée à une émotion particulière génère/module le sentiment émotionnel correspondant. Si vous laissez tomber les coins extérieurs de vos yeux et de votre bouche tout en vous tenant avachi sur votre chaise, vous devriez

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L’expression faciale émotionnelle

20

ressentir un léger sentiment de tristesse vous envahir. L’idée que l’EFE n’est pas nécessairement consécutive mais peut au contraire précéder l’expérience émotionnelle subjective est originaire de William James (1890) dont la théorie a priori contre-intuitive mentionne que les comportements expressifs ne sont pas le résultat, mais bien la cause des sentiments émotionnels subjectifs. Silvan Tomkins (1963) a plus tard étendu la théorie de James, en émettant l’hypothèse que certaines caractéristiques spécifiques de l’EFE causeraient des sentiments émotionnels subjectifs spécifiques.

Une série de recherches (revue dans McIntosh, 1996; voir aussi, J. I. Davis, Senghas, & Ochsner, 2009; Soussignan, 2002) plaide en faveur de cette hypothèse, aujourd’hui désignée sous le terme de « hypothèse de la rétroaction faciale ».

Différentes hypothèses ont été proposées, non nécessairement mutuellement exclusives, pour expliquer les mécanismes en jeu dans la théorie de la rétroaction faciale (revue dans McIntosh, 1996). Nous mentionnons ici les deux hypothèses principalement citées dans la littérature. La première possibilité est que la rétroaction faciale affecte directement l’expérience émotionnelle via des boucles afférentes au cerveau. Cette hypothèse postule une connexion entre le cortex somato- sensoriel/moteur et le cortex limbique (e.g., Damasio, 1994; Ekman, 1992;

Levenson, Ekman, & Friesen, 1990). Une des versions de cette hypothèse est reprise dans la théorie des marqueurs somatiques de Damasio (1994;

voir aussi Reimann & Bechara, 2010). Selon celle-ci, les traces de la valence de l’émotion ressentie au niveau corporel, ou « marqueurs somatiques », sont stockées dans le cerveau et peuvent agir directement sur le sentiment subjectif émotionnel. La deuxième hypothèse s’appuie sur la théorie de

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Chapitre 1

21 l’auto-perception (Bem, 1967; Laird & Bresler, 1992). Selon cette perspective, la perception de notre état interne est basée sur ce que nous pensons que les autres penseraient de nous et sur les attributions qu’ils inféreraient. C’est donc la perception de sa propre EFE qui génère l’émotion. En somme, selon la seconde hypothèse, des processus cognitifs sont responsables des effets de la rétroaction faciale tandis que, selon la première hypothèse, la médiation cognitive, i.e., la conscience d’avoir adopté une EFE, n’est pas nécessaire, les mécanismes physiologiques étant suffisants pour générer la réponse affective.

Malgré la croissance du nombre d’études soutenant l’existence de la rétroaction faciale, les études ayant testé la relation causale entre le rapport d’un état émotionnel correspondant à l’EFE et le mimétisme produisent des résultats contradictoires. Certaines études ne sont pas parvenues à montrer une réelle relation causale entre mimétisme et contagion émotionnelle (Blairy, et al., 1999; Gump & Kulik, 1997; Hess & Blairy, 2001). En revanche, d’autres études ont indiqué que le fait de mimer une personne cible sur une vidéo augmente la contagion émotionnelle vis-à-vis de l’émotion exprimée par cette personne et que, au contraire, le fait d’inhiber l’expression faciale diminue l’expérience émotionnelle (J. I. Davis, et al., 2009; Stel, Van Baaren, et al., 2008; Stel & Vonk, 2009).

Les mécanismes sous-jacents à la troisième étape du modèle de Lipps ont été clairement formalisés par les théories modernes suggérant que la simulation de l’EFE d’autrui facilite son décodage (Goldman &

Sripada, 2005; Niedenthal, Mermillod, Maringer, & Hess, 2010).

Cependant, la plupart des recherches empiriques n’ont pas trouvé d’association entre le mimétisme et l’exactitude du décodage des EFEs

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L’expression faciale émotionnelle

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(e.g., Blairy, et al., 1999; Bogart & Matsumoto, 2010; Hess & Blairy, 2001;

McDonald, Bornhofen, & Hunt, 2009). Par exemple, Blairy et al. (1999) ont demandé à des participants soumis à une tâche de décodage d’EFEs de mimer l’EFE présentée dans une première condition et d’exprimer des expressions faciales spécifiques et incongruentes dans une deuxième condition. Les résultats n’ont montré aucune différence en termes de justesse de décodage entre les deux conditions. De manière concordante, une étude corrélationnelle présentée dans ce même papier ne montre aucune corrélation significative entre l’intensité naturelle du mimétisme et l’exactitude du décodage dans une tâche classique de décodage d’EFEs.

Certaines études ayant testé l’hypothèse de Lipps de manière moins directe ont néanmoins abouti à des résultats en sa faveur. Des études empiriques ont ainsi montré que les participants qui recevaient l’instruction de mimer une personne sur une vidéo rapportaient prendre plus facilement la perspective de la personne cible que les participants qui ne recevaient pas cette instruction (Stel, Van Baaren, et al., 2008; Stel & Vonk, 2009). Dans la même lignée, des participants placés implicitement dans une condition de suppression du mimétisme décodaient moins rapidement la valence de l’EFE ou percevaient moins rapidement un changement dans l’intensité de l’EFE (Niedenthal, Brauer, Halberstadt, & Innes-Ker, 2001; Stel & van Knippenberg, 2008). Une étude a également montré des performances de décodage des EFEs réduites chez des personnes ayant reçu une procédure cosmétique diminuant la rétroaction musculaire (Botox) en comparaison à une procédure ne diminuant pas la rétroaction (comblement dermique). Un deuxième volet de l’étude a montré que les performances de décodage étaient meilleures chez les personnes à qui les expérimentateurs

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Chapitre 1

23 appliquaient sur le visage un gel augmentant les contractions faciales que chez celles à qui on ne l’appliquait pas (Neal & Chartrand, 2011).

La combinaison du mimétisme et de la rétroaction faciale pourrait donc avoir un effet régulateur sur l’interaction via l’effet sur les affects de l’individu. Ces processus participeraient à la contagion émotionnelle et à la compréhension d’autrui et influenceraient, par conséquence, les expressions renvoyées à autrui. Ceci créerait une similarité émotionnelle et comportementale entre les individus, favorisant l’affiliation et les sentiments d’empathie. La rétroaction faciale (tout comme la rétroaction corporelle et respiratoire; e.g., Duclos et al., 1989; Flack, 2006; Flack, Laird, & Cavallaro, 1999b; Philippot, Chapelle, & Blairy, 2002; Stepper &

Strack, 1993) peut aussi être une technique permettant à l’individu de réguler ses propres affects (e.g., Duclos & Laird, 2001; Gellhorn, 1964;

McIntosh, 1996), ce qui concourt à l’adoption de la perspective d’autrui (Decety & Jackson, 2004). Face à un partenaire en colère, nous pouvons essayer de contrôler volontairement notre voix, notre respiration, nos expressions, et nos mouvements pour que notre colère ne transparaisse pas.

Ces comportements peuvent être bénéfiques pour la relation parce que, d’une part, ils mettent un frein à l’escalade agressive et, d’autre part, ils permettent de réguler nos émotions de colère (en diminuant leur amplification), nous plaçant ainsi dans une situation émotionnelle plus propice à une analyse rationnelle des propos de notre partenaire. Il est possible que, si Thierry avait essayé de contrôler ses comportements non- verbaux (e.g., voix posée, EFE neutre, respiration lente et profonde en lieu et place des cris et du visage crispé) lors de la dispute avec sa compagne, ses sentiments de colère et ceux de Carole se seraient atténués ou ne se

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L’expression faciale émotionnelle

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seraient pas autant amplifiés, permettant ainsi aux deux partenaires d’aborder leurs problèmes de fond.

3.5. Conclusion

En résumé, nous exprimons à autrui des EFEs qui représentent nos émotions, intentions, et motivations sociales. Ces EFEs, tributaires de processus volontaires et involontaires, sont partiellement reçues par autrui.

Ces EFEs et leurs stéréotypes influencent, directement (par mimétisme), et indirectement (par les réactions cognitives et émotionnelles qu’elles suscitent), les EFEs renvoyées par notre partenaire d’interaction. Un processus de régulation intrapersonnelle, incluant le mimétisme et la rétroaction faciale, pourrait contribuer à augmenter la contagion émotionnelle des EFEs d’autrui ainsi que la compréhension de ses émotions et intentions véhiculées par ses EFEs. Dans l’ensemble, ces processus régulent l’interaction en coordonnant les EFEs et les sentiments subjectifs des partenaires d’interaction.

Afin de structurer les chapitres suivants, nous regroupons les différents processus investigués sous les trois composantes décrites dans le modèle de Halberstadt et ses collaboratrices (2001). Le découpage est proposé avant tout par souci de structure mais ne doit pas faire oublier le caractère dynamique et régulateur du modèle. La composante

« Percevoir l’EFE» cible d’une part l’exactitude des émotions et intentions véhiculées par l’EFE et d’autre part la réponse émotionnelle (réponses physiologiques, mimétisme, sentiment subjectif) à l’EFE. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la nature émotionnelle de ces processus est sujette à caution et dépend des tâches utilisées. La composante « Exprimer l’EFE » se concentre sur l’étude des expressions posées et spontanées. Nous

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Chapitre 1

25 regroupons sous la composante « Faire l’expérience de l’EFE », les réactions émotionnelles face à ses propres EFEs. Nous ciblons, plus spécifiquement, la rétroaction faciale.

4. Les processus sous-jacents à l’empathie 4.1. L’empathie cognitive et émotionnelle

Au sens large, le concept de l’empathie fait référence aux réactions d’un individu à ce qu’il observe de l’expérience d’autrui (M. H. Davis, 1994). Nous avons vu que l’empathie pouvait se distinguer en une composante cognitive et une composante affective, ce qui est maintenant largement admis dans la littérature (e.g., Farrow & Woodruff, 2007). Ainsi, les théories récentes de l’empathie ont introduit des modèles multidimensionnels (M. H. Davis, 1994) et intégratifs (Decety & Jackson, 2004; Preston & de Waal, 2002) qui combinent plusieurs aspects de l’empathie. Par exemple, le modèle de Decety et Jackson (2004) conceptualise l’empathie comme l’intégration d’un ensemble de mécanismes incluant le partage des émotions entre soi et l’autre, la conscience de soi (permettant de faire la distinction entre soi et autrui), la flexibilité mentale (permettant d’adopter la perspective d’autrui), et des processus de régulation de ses propres perspective et expérience émotionnelle.

4.2. Les processus sous-jacents

En parallèle à cette définition plurielle de l’empathie, des perspectives théoriques en compétition ont été proposées pour expliquer la manière dont nous appréhendons les comportements des autres. Deux approches différentes ont été proposées pour expliquer les mécanismes

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L’expression faciale émotionnelle

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cognitifs sous-tendant l’habilité à se représenter et à prédire le comportement d’une autre personne. D’une part, les partisans de la Théorie de l’Esprit (e.g., Fletcher et al., 1995 ; Frith & Frith, 1999) soutiennent que les états mentaux attribués aux autres personnes sont conçus comme des postulats théoriques invoqués pour expliquer et prédire le comportement, telle une théorie scientifique. Ce type de processus est appelé « théorie » de l’esprit parce que les individus combinent, au moyen d’un système de règles, leurs croyances et désirs, de manière à expliquer et prédire les comportements, pensées, et sentiments d’autrui. D’autre part, la Théorie de la Simulation suggère qu’en tant qu’observateur, l’individu se représente l’état mental des autres en le mettant en résonance avec ses propres états mentaux.

Suite à un ensemble d’études de lésions et d’imagerie cérébrale, Shamay Tsoory et al. (Shamay-Tsoory, 2007, 2009; Shamay-Tsoory, Aharon-Peretz, & Perry, 2009) concluent que la Théorie de la Simulation sous-tendrait l’empathie émotionnelle, tandis que la Théorie de l’Esprit sous-tendrait l’empathie cognitive (voir Figure 1.3.). En général, l’expérience de l’empathie se produit quand les réseaux cognitifs et affectifs sont activés. Le réseau neuronal général de la Théorie de l’Esprit inclut le cortex medial préfrontal (mPFC), le sulcus temporal supérieur (STS), le lobe temporal (LT), tandis que le réseau neuronal de la théorie de l’esprit à contenu affectif inclut le cortex préfrontal ventromédial (VMPFC).

L’empathie émotionnelle semble être liée au système des neurones miroirs.

Les neurones miroirs ont initialement été mis en évidence dans le cortex prémoteur de singes : des neurones répondent non seulement quand le singe se prépare à exécuter une action mais aussi quand le singe observe la

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Chapitre 1

27 même action effectuée par un autre singe (revue dans Rizzolatti, Fogassi, &

Gallese, 2001). Leur découverte, dans le gyrus frontal inférieur de l’humain, montre qu’un mécanisme de traduction est automatiquement mis en œuvre quand les actions d’autrui sont perçues. Tandis que l’empathie cognitive peut être détériorée suite à des altérations du VMPFC, la réponse empathique émotionnelle est probablement plus sévèrement altérée suite à des lésions de structures cérébrales telles que l’insula, l’amygdale, et le cortex cingulaire antérieur, qui sont directement impliqués dans l’expérience émotionnelle.

Figure 1.3. Une tentative de modèle neuronal de l’empathie développé par Shamay-Tsoory (2009).

4.3. Application à la reconnaissance des EFEs

Selon Goldman et Sripada (2005), les tâches de reconnaissance des EFEs se distingueraient des tâches évaluant l’inférence des autres états

« Je sais qu’elle s’est sentie malheureuse dernièrement »

Empathie émotionnelle Empathie

cognitive

Théorie de l’Esprit à contenu non-

affectif : mPFC, STS, LT

Théorie de l’Esprit à contenu affectif : VMPFC

Simulation : Insula, Amygdale, ACC

Empathie

« Je sais qu’elle pense à ce livre »

« Je ressens sa douleur »

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L’expression faciale émotionnelle

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mentaux parce que, d’une part, elles seraient moins complexes, et d’autre part, la reconnaissance des émotions, et spécialement des émotions de base, peut avoir une valeur de survie ce qui aurait contribué au développement de programmes spécialisés pour la reconnaissance des émotions qui ne seraient pas en jeu dans les autres tâches. Nous allons donc à présent décrire comment ces deux théories s’appliquent à la reconnaissance des EFEs.

4.3.1. La Théorie de l’Esprit

Goldman et Sripada (2005) proposent une application de la Théorie de l’Esprit à la reconnaissance d’EFEs. Trois types de connaissances déclaratives pourraient être utilisées dans la reconnaissance des EFEs: (1) les connaissances obtenues visuellement au sujet de la configuration faciale de la personne cible, (2) les connaissances sémantiques concernant ces configurations, en particulier la connaissance que la configuration faciale C est couplée avec le nom de l’émotion E, et (3) les connaissances générales concernant une émotion donnée, i.e., ses déclencheurs habituels et ses effets comportementaux. Les tâches de reconnaissance d’EFEs telles que classiquement employées dans la littérature focalisent leur évaluation sur la deuxième connaissance : la reconnaissance des caractéristiques non émotionnelles des visages est souvent évaluée par une tâche contrôle (e.g., la tâche de reconnaissance des visages de Benton; Benton, Hamsher, Varney, & Spreen, 1983, dans laquelle différentes prises de vues de visages non familiers doivent être caractérisés comme appartenant ou non au même visage) et les tâches s’effectuent régulièrement hors contexte ce qui exclut l’utilisation de la troisième connaissance. Ainsi, la Théorie de l’Esprit considère qu‘au minimum, les individus possèdent un ensemble de

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Chapitre 1

29 connaissances générales, représentées mentalement, leur permettant d’associer des configurations faciales particulières à des noms d’émotions.

Ceci présuppose qu’il y a assez d’informations dans l’expression faciale en elle-même pour sélectionner uniquement l’état émotionnel approprié. Ce postulat semble réaliste car il a été montré que les expressions faciales exhibent de riches propriétés géométriques suffisantes pour l’inférence d’un état mental (Calder, Burton, Miller, Young, & Akamatsu, 2001).

4.3.2. La Théorie de la Simulation

La théorie de la simulation se base sur un ensemble croissant de données suggérant l’existence d’une relation intime entre la perception et l’expérience de l’émotion. Par exemple, de nombreuses études suggèrent que l’état dépressif s’accompagne d’un biais émotionnel d’évaluation des EFEs congruent à l’état d’humeur, i.e. accentuation de la perception d’émotions négatives dans les EFEs (positives, négatives, ou neutres), et particulièrement d’émotion de tristesse (Surguladze et al., 2004). Les mêmes biais ont été mis en évidence chez des sujets sains chez lesquels une humeur dépressive avait été induite via l’utilisation de musique (Bouhuys, Bloem, & Groothuis, 1995). Les données proviennent également d’exemples de déficits couplés touchant la reconnaissance des EFEs et l’expérience émotionnelle d’émotions correspondantes (revue dans Goldman & Sripada, 2005). Par exemple, Adolph (1994) décrit le cas de la patiente SM dont l’amygdale était endommagée bilatéralement.

L’expérience de la peur était anormale chez cette patiente qui éprouvait également des difficultés à reconnaître la peur dans les EFEs sans que la reconnaissance ni l’expérience des autres émotions soient affectées. Les émotions de dégoût et de colère ont également fait l’objet de descriptions

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L’expression faciale émotionnelle

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de déficits communs à ces deux capacités via une altération de l’insula et du striatum ventral, respectivement (e.g., Calder, Keane, Lawrence, & Manes, 2004; Calder, Keane, Manes, Antoun, & Young, 2000; Lawrence, Calder, McGowan, & Grasby, 2002).

Selon la Théorie de la Simulation, la capacité de faire l’expérience d’une émotion particulière est sous-jacente à la capacité de reconnaître l’EFE correspondante chez autrui. Deux hypothèses, non mutuellement exclusives, peuvent expliquer cette idée (voir figure 1.4; Atkinson, 2007).

Selon la première hypothèse, il existerait une forme primitive de contagion émotionnelle. Celle-ci serait soit directe, soit, comme nous venons de le voir, indirecte, via le mimétisme et la rétroaction faciale, ce qui permettrait ainsi d’inférer l’ état émotionnel d’autrui (Preston & de Waal, 2002). Nous avons vu que les études sur la relation entre le mimétisme et la reconnaissance d’EFEs produisaient des résultats contradictoires. À l’heure actuelle, la littérature ne soutient donc que très partiellement l’hypothèse d’un rôle de la simulation motrice de l’EFE d’autrui (mimétisme) dans l’interprétation de cette EFE.

La deuxième hypothèse comprend deux versions. Selon la première version de cette deuxième hypothèse, la perception de l’EFE d’autrui pourrait moduler directement les structures neuronales impliquées dans les modifications de l’état corporel correspondant à une émotion donnée, simulant ainsi l’état émotionnel de l’autre (Adolphs, 2002a). La simulation des modifications corporelles se produirait au niveau des cortex primaire et secondaire somato-sensoriels et du cortex insulaire. Ces structures représentent l’information liée à l’état corporel et ont donc potentiellement un rôle important dans les émotions (Damasio, 1994). Des études ont

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