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Application à la reconnaissance des EFEs

« motivation sociale »

3. L’EFE dans le processus dynamique de l’interaction sociale

4.3. Application à la reconnaissance des EFEs

Selon Goldman et Sripada (2005), les tâches de reconnaissance des EFEs se distingueraient des tâches évaluant l’inférence des autres états

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mentaux parce que, d’une part, elles seraient moins complexes, et d’autre part, la reconnaissance des émotions, et spécialement des émotions de base, peut avoir une valeur de survie ce qui aurait contribué au développement de programmes spécialisés pour la reconnaissance des émotions qui ne seraient pas en jeu dans les autres tâches. Nous allons donc à présent décrire comment ces deux théories s’appliquent à la reconnaissance des EFEs.

4.3.1. La Théorie de l’Esprit

Goldman et Sripada (2005) proposent une application de la Théorie de l’Esprit à la reconnaissance d’EFEs. Trois types de connaissances déclaratives pourraient être utilisées dans la reconnaissance des EFEs: (1) les connaissances obtenues visuellement au sujet de la configuration faciale de la personne cible, (2) les connaissances sémantiques concernant ces configurations, en particulier la connaissance que la configuration faciale C est couplée avec le nom de l’émotion E, et (3) les connaissances générales concernant une émotion donnée, i.e., ses déclencheurs habituels et ses effets comportementaux. Les tâches de reconnaissance d’EFEs telles que classiquement employées dans la littérature focalisent leur évaluation sur la deuxième connaissance : la reconnaissance des caractéristiques non émotionnelles des visages est souvent évaluée par une tâche contrôle (e.g., la tâche de reconnaissance des visages de Benton; Benton, Hamsher, Varney, & Spreen, 1983, dans laquelle différentes prises de vues de visages non familiers doivent être caractérisés comme appartenant ou non au même visage) et les tâches s’effectuent régulièrement hors contexte ce qui exclut l’utilisation de la troisième connaissance. Ainsi, la Théorie de l’Esprit considère qu‘au minimum, les individus possèdent un ensemble de

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29 connaissances générales, représentées mentalement, leur permettant d’associer des configurations faciales particulières à des noms d’émotions.

Ceci présuppose qu’il y a assez d’informations dans l’expression faciale en elle-même pour sélectionner uniquement l’état émotionnel approprié. Ce postulat semble réaliste car il a été montré que les expressions faciales exhibent de riches propriétés géométriques suffisantes pour l’inférence d’un état mental (Calder, Burton, Miller, Young, & Akamatsu, 2001).

4.3.2. La Théorie de la Simulation

La théorie de la simulation se base sur un ensemble croissant de données suggérant l’existence d’une relation intime entre la perception et l’expérience de l’émotion. Par exemple, de nombreuses études suggèrent que l’état dépressif s’accompagne d’un biais émotionnel d’évaluation des EFEs congruent à l’état d’humeur, i.e. accentuation de la perception d’émotions négatives dans les EFEs (positives, négatives, ou neutres), et particulièrement d’émotion de tristesse (Surguladze et al., 2004). Les mêmes biais ont été mis en évidence chez des sujets sains chez lesquels une humeur dépressive avait été induite via l’utilisation de musique (Bouhuys, Bloem, & Groothuis, 1995). Les données proviennent également d’exemples de déficits couplés touchant la reconnaissance des EFEs et l’expérience émotionnelle d’émotions correspondantes (revue dans Goldman & Sripada, 2005). Par exemple, Adolph (1994) décrit le cas de la patiente SM dont l’amygdale était endommagée bilatéralement.

L’expérience de la peur était anormale chez cette patiente qui éprouvait également des difficultés à reconnaître la peur dans les EFEs sans que la reconnaissance ni l’expérience des autres émotions soient affectées. Les émotions de dégoût et de colère ont également fait l’objet de descriptions

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de déficits communs à ces deux capacités via une altération de l’insula et du striatum ventral, respectivement (e.g., Calder, Keane, Lawrence, & Manes, 2004; Calder, Keane, Manes, Antoun, & Young, 2000; Lawrence, Calder, McGowan, & Grasby, 2002).

Selon la Théorie de la Simulation, la capacité de faire l’expérience d’une émotion particulière est sous-jacente à la capacité de reconnaître l’EFE correspondante chez autrui. Deux hypothèses, non mutuellement exclusives, peuvent expliquer cette idée (voir figure 1.4; Atkinson, 2007).

Selon la première hypothèse, il existerait une forme primitive de contagion émotionnelle. Celle-ci serait soit directe, soit, comme nous venons de le voir, indirecte, via le mimétisme et la rétroaction faciale, ce qui permettrait ainsi d’inférer l’ état émotionnel d’autrui (Preston & de Waal, 2002). Nous avons vu que les études sur la relation entre le mimétisme et la reconnaissance d’EFEs produisaient des résultats contradictoires. À l’heure actuelle, la littérature ne soutient donc que très partiellement l’hypothèse d’un rôle de la simulation motrice de l’EFE d’autrui (mimétisme) dans l’interprétation de cette EFE.

La deuxième hypothèse comprend deux versions. Selon la première version de cette deuxième hypothèse, la perception de l’EFE d’autrui pourrait moduler directement les structures neuronales impliquées dans les modifications de l’état corporel correspondant à une émotion donnée, simulant ainsi l’état émotionnel de l’autre (Adolphs, 2002a). La simulation des modifications corporelles se produirait au niveau des cortex primaire et secondaire somato-sensoriels et du cortex insulaire. Ces structures représentent l’information liée à l’état corporel et ont donc potentiellement un rôle important dans les émotions (Damasio, 1994). Des études ont

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31 montré que ces régions sont impliquées à la fois dans l’expérience émotionnelle et dans la reconnaissance des EFEs (Adolphs, Damasio, Tranel, Cooper, & Damasio, 2000; Damasio et al., 2000; Heberlein, Adolphs, Tranel, & Damasio, 2004).

Alternativement, la seconde version de l’hypothèse suggère que ce ne sont pas les modifications de l’état corporel correspondant à l’émotion perçue qui sont simulées, mais plutôt le programme moteur neuronal sous-jacent à la production de l’EFE perçue (Carr, lacoboni, Dubeau, Mazziotta,

& Lenzi, 2005; Gallese, Keysers, & Rizzolatti, 2004; Leslie, Johnson-Frey,

& Grafton, 2004). Cette hypothèse suppose l’existence de neurones miroirs pour les EFEs, i.e., des mécanismes neuronaux communs à la perception et à la production d’EFE. L’activation d’un réseau neuronal largement similaire lors de la vision passive et de l’imitation d’EFEs statiques et dynamiques (Carr, et al., 2005; Leslie, et al., 2004) soutient l’existence de neurones miroirs liés aux émotions. Les régions prémotrices, et spécialement le cortex préfrontal antérieur responsable des mouvements faciaux, sont proéminents dans ce réseau. Il est important de noter que, contrairement aux hypothèses se basant sur la contagion émotionnelle, ces conceptions neuronales de la simulation supposent qu’il est possible de simuler l’expérience somato-sensorielle ou les mouvements moteurs sans produire aucun effet mesurable (e.g., sentiment subjectif, mouvements faciaux, conductance cutanée).

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Figure 1.4. Un diagramme montrant les quatre principales hypothèses expliquant le processus liant la perception des EFEs d’autrui à l’expérience émotionnelle (D'après Atkinson, 2007).

5. L’EFE comme indice des problèmes