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« motivation sociale »

3. L’EFE dans le processus dynamique de l’interaction sociale

3.2. Percevoir l’EFE

De manière parallèle, les deux individus décodent l’EFE exprimée par leur partenaire. En raison de la vulnérabilité de l’attention et des

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organes sensoriels, certaines EFEs ne sont pas perçues par le partenaire et l’information qu’elles contiennent est alors perdue. Dans la Figure 1.2., une ligne représentant le décodage d’information n’est pas liée à un signal de la part du transmetteur. Cette ligne représente l’influence des stéréotypes sur l’interprétation des indices faciaux. Un stéréotype classique de la culture occidentale influençant l’attribution d’intention aux EFEs concerne, par exemple, nos attentes de dominance envers les hommes et d’affiliation envers les femmes (Hess, et al., 2005). Les attentes envers l’EFE dépendent également de l’histoire personnelle et des apprentissages interpersonnels (Halberstadt, 1983, 1986; Halberstadt, Dennis, & Hess, 2011). Une étude a par exemple montré que le style de communication familiale influençait le jugement des émotions d’autrui (Halberstadt, et al., 2011). Dans cette étude, l’expressivité familiale était positivement liée à la perception d’intensité émotionnelle dans les EFEs, la différence entre les participants provenant de familles fortement versus faiblement expressives évoluant de manière parallèle à l’augmentation du niveau d’intensité émotionnelle de l’EFE.

La perception de l’EFE chez autrui va susciter des réactions de nature cognitive et émotionnelle. Selon la perspective de Davis (1994), ces réactions ont trait au concept d’empathie. L’empathie se réfère aux réactions d’un individu en réponse à ce qu’il observe de l’expérience d’autrui. Elle concerne à la fois la compréhension de l’expérience de l’autre personne (empathie cognitive) ainsi que l’habileté à réagir émotionnellement à l’expérience d’autrui (empathie émotionnelle).

Revenons à nos personnages. Plus tard dans la journée, Thierry se rend dans la chambre où se trouve Carole avec l’espoir d’arranger leurs

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17 problèmes. Il la trouve assise sur leur lit en train de pleurer. Sur base des comportements non-verbaux de Carole (incluant ses EFEs), Thierry va inférer les émotions de sa compagne (e.g., la tristesse, la colère, ou l’angoisse) et ses intentions envers lui (e.g., l’envie qu’il la laisse tranquille, l’envie de communiquer, ou l’envie qu’il la console en s’approchant d’elle).

L’exactitude de ces estimations relève de l’empathie cognitive. Une reconnaissance exacte de l’émotion véhiculée par l’EFE est associée à un meilleur bien-être relationnel (J. S. Carton, et al., 1999). On peut par exemple imaginer que si Thierry perçoit chez Carole une envie de prendre ses distances alors qu’elle désire qu’il la prenne dans ses bras et la console, cela peut engendrer des tensions supplémentaires. Les pleurs et la tristesse que Thierry perçoit chez Carole peuvent lui procurer des sentiments similaires au siens ou au contraire l’irriter. Tout comme Peter face aux émotions d’Emily, un individu peut aussi rester indifférent face aux émotions de son partenaire d’interaction. Ces réactions émotionnelles, qu’elles soient parallèles ou réactives relèvent de l’empathie émotionnelle. La perception de l’EFE chez autrui influencera donc ou non l’état affectif de l’observateur, ce qui, par conséquence, influencera les émotions qu’il renverra à son partenaire d’interaction. Les réactions émotionnelles se mesurent au niveau des différentes facettes de l’émotion (e.g., réponses corporelles, tendances à l’action, sentiments subjectifs, images mentales, et pensées liées à l’émotion). Un certain nombre d’études ont par exemple montré que les personnes tendent à rapporter des sentiments subjectifs qui correspondent aux EFEs auxquelles elles ont été exposées (e.g., Blairy, Herrera, & Hess, 1999; Hatfield, Cacioppo, & Rapson, 1992; Hess & Blairy, 2001; Laird et al., 1994; Lundqvist & Dimberg, 1995; Wild, Erb, & Bartels,

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2001). Des études physiologiques ont également attesté de la contagion émotionnelle à l’EFE (Dimberg, 1982, 1997).

3.3. Le mimétisme

Le mimétisme (i.e., la tendance à mimer les indices faciaux de la personne qu’on observe) est une réaction corporelle face à l’EFE d’autrui.

Plusieurs études mesurant l’activité faciale au moyen d’un électromyographe ou une étude de jugement suggèrent que les individus ont tendance à produire des EFEs similaires à celles auxquelles ils sont confrontées (e.g., Blairy, et al., 1999; Cacioppo, et al., 1986; Dimberg, 1982;

Dimberg & Petterson, 2000; Dimberg, Thunberg, & Elmehed, 2000; Hess

& Blairy, 2001; Moody & McIntosh, 2011). Cependant, des exemples d’effet de contre-mimétisme ont également été rapportés (Hess, Philippot, &

Blairy, 1998; Lanzetta & Englis, 1989), indiquant que le mimétisme ne serait pas un mécanisme automatique, de type réflexe (Hess, Philippot, &

Blairy, 1999). Plus spécifiquement, Lakin Jefferis, Cheng, et Chartrand (2003) ont postulé que la fonction du mimétisme serait de créer de la coordination sociale et de la similarité entre les partenaires, ce qui augmenterait l’affiliation entre eux. De manière complémentaire, le mimétisme pourrait servir à communiquer son empathie envers autrui (Bavelas, Black, Chovil, Lemery, & Mullett, 1988). Le mimétisme dépendrait donc des caractéristiques de l’interaction (Bourgeois & Hess, 2008). En concordance à cette fonction sociale, une série d’études a montré que nous sommes plus susceptibles de mimer les individus avec lesquels nous coopérons ou partageons quelque chose d’important plutôt que les individus avec lesquels nous sommes en compétition ou en désaccord

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19 fondamental (e.g., Bourgeois & Hess, 2008; Stel, Van Baaren, & Vonk, 2008; van Baaren, Holland, Kawakami, & van Knippenberg, 2004).

Une autre fonction du mimétisme a été initialement décrite dans le modèle de Lipps (1907). Ce modèle considère le mimétisme comme un processus médiateur de l’empathie cognitive et émotionnelle. La théorie de Lipps se constitue de trois étapes. Premièrement, comme nous venons de le voir, nous mimons les EFEs de nos partenaires d’interaction.

Deuxièmement, ce mimétisme non-verbal induit chez nous –via un processus de rétroaction– l’état émotionnel correspondant. Troisièmement, nous utilisons notre état émotionnel interne pour comprendre l’état affectif de notre partenaire d’interaction. Les deux premières étapes de ce modèle ont été reprises et élaborées par Hatfield et son équipe qui ont travaillé sur la contagion émotionnelle (Hatfield, Cacioppo, & Rapson, 1993, 1994;

Hatfield, Rapson, & Le, 2009). Ces auteurs définissent la contagion émotionnelle comme « la tendance à mimer automatiquement et synchroniser ses expressions faciales, vocalisations, postures, et mouvements avec ceux d’une autre personne et par conséquence à converger émotionnellement » (Hatfield et al., 1994, p. 5). Selon leur théorie, observer les EFEs d’un partenaire d’interaction conduit à son imitation ce qui permet, via la rétroaction faciale, la contagion émotionnelle aux émotions du partenaire.