www.e-rara.ch
La Turquie pittoresque
Duckett, William A.
A Paris, 1855
ETH-Bibliothek Zürich Shelf Mark: Rar 7072
Persistent Link: https://doi.org/10.3931/e-rara-28540
IV. La Corne-d' Or. - Galata. - Le grand et le petit champ-des morts. - Derviches tourneurs. - Top-Hané. - Sa fontaine. - Mosquée de Mahmoud II. - Eyoub. - Scutari. Cahmp des morts de
Scutari. - ...
www.e-rara.ch
Die Plattform e-rara.ch macht die in Schweizer Bibliotheken vorhandenen Drucke online verfügbar. Das Spektrum reicht von Büchern über Karten bis zu illustrierten Materialien – von den Anfängen des Buchdrucks bis ins 20. Jahrhundert.
e-rara.ch provides online access to rare books available in Swiss libraries. The holdings extend from books and maps to illustrated material – from the beginnings of printing to the 20th century.
e-rara.ch met en ligne des reproductions numériques d’imprimés conservés dans les bibliothèques de Suisse. L’éventail va des livres aux documents iconographiques en passant par les cartes – des débuts de l’imprimerie jusqu’au 20e siècle.
e-rara.ch mette a disposizione in rete le edizioni antiche conservate nelle biblioteche svizzere. La collezione comprende libri, carte geografiche e materiale illustrato che risalgono agli inizi della tipografia fino ad arrivare al XX secolo.
Nutzungsbedingungen Dieses Digitalisat kann kostenfrei heruntergeladen werden. Die Lizenzierungsart und die Nutzungsbedingungen sind individuell zu jedem Dokument in den Titelinformationen angegeben. Für weitere Informationen siehe auch [Link]
Terms of Use This digital copy can be downloaded free of charge. The type of licensing and the terms of use are indicated in the title information for each document individually. For further information please refer to the terms of use on [Link]
Conditions d'utilisation Ce document numérique peut être téléchargé gratuitement. Son statut juridique et ses conditions d'utilisation sont précisés dans sa notice détaillée. Pour de plus amples informations, voir [Link]
Condizioni di utilizzo Questo documento può essere scaricato gratuitamente. Il tipo di licenza e le condizioni di utilizzo sono indicate nella notizia bibliografica del singolo documento. Per ulteriori informazioni vedi anche [Link]
IV
LaCovne - d ’Or .— Galata . — Le Grand et le Petit Champ- des -Morts.— Derviches Tourneurs .—Top -Hané.— Sa fontaine .—
Mosquée de Mahmoud IL—E ^oub.— Scutari .—Champ des morts de Scutari .— Derviches Hurleurs .
Trois ponts de bateaux unissent Constantinople à ses faubourgs aux populations bigarrées, en enjambant la Corne - d ’Or . Le pre¬
mier de ces ponts aboutit à laprincipale rue de Galata ; c ’est le pont de Sultan Mahmoud , il est large et bordé de trottoirs . C ’est de cet endroit qu ’on se rend le mieux compte de l ’étendue du port .
La Corne- d ’Or, véritable corne d ’abondance par sa forme et par lesrichesses quelle vaut à la ville , est un golfe dont la pointe du sérail (Serai -Bournou ), littéralement le Nez du Sérail , et les fonderies -casernes de Top -Hané , forment ses deux caps . De même qu ’à Londres , il n ’y a pas de quais à Constantinople et la ville plonge partout ses pieds dans la mer ; enfin , après avoir arrondi sa courbegracieuse , la Corne - d ’Or se perd dans les Eaux - Doucesd ’Europe , à travers des prairies bordées de saules.
Galataest le quartier du commerce franc et levantin , et la foule est toujours bruyante et compacte dans ses rues étroites . La tour
LA TURQUIE 214
de Galata s ’élève du milieu de maisonnettes basses et derrière les anciennes murailles génoises tombant en ruine à ses pieds. C ’est un véritable donjon gothique avec mâchicoulis et un toit pointu
encuivre . Sa construction remonte aux Génois ; elle s ’appelait , de leur temps , la tour du Christ . Ces marchands soldats avaient fait
de leurs comptoirs autant de forteresses , qui soutinrent plus d ’un siège dans leurs querelles incessantes avec lesGrecs .
Péra , la résidence des Européens et de la société diplomatique ,
étage , au sommet de la colline, ses belles maisons de pierre qui ne seraient pas déplacées à Marseilleet même à Paris .
Parmi les palais des différentesambassades , celui de la légation nisse est incomparablement le plus beau et le plus grandiose .
Péra possède même un théâtre français . Il est construit en bois
et ne donnedesreprésentations que pendant trois mois de l ’année . LesFrancs seuls le fréquentent .
La promenade de Péra , oùse réunit le soir la société élégante pour prendre des glaces, du café et entendre de la musique , est une terrasse située sur la crête de la colline, occupée par un cime¬
tière que l ’on nomme le Petit-Champ -des-Morts , ou , pour écarter cette imagefunèbre , simplement le Petit-Champ .—C ’est une sin¬
gulièreville, en effet,que Constantinople ; la moitié en appartient aux vivants, l ’autre moitié aux morts ; outre les petits cimetières qui s ’intercalent entre les maisons , on compte quatre grands champs de sépulture dans la ville ou à ses portes .— Cette terrasse se contourne et va joindre le Grand -Champ-des-Morts derrière le haut Péra . Celui -ci se déploie sur une sorte de terrain planté de cyprès, entre le Bosphore et la Corne - d ’Or . Toutes les tombes sontd ’une uniformité presque complète et consistenten cippes de marbre coiffés de turbans coloriés de différentes formes, avec
PITTORESQUE . 2 IS quelques inscriptions ; une pierre ornée d ’une tige de lotus ou d ’un cep devigne avec pampres et grappes sculptés en relief et peints , indiquent la tombe des femmes . Au pied de ces cippes est ordi¬
nairement une dalle creusée d ’un petit bassin, où les parents et amis du défunt apportent des fleurs et versent du lait et des parfums .
L ’ouverture est ménagée de manière à correspondre à l ’oreille du mort, afin qu ’il puisse entendre les gémissements de ceux qui le pleurent sur la terre . Toutesces tombessont confusément jetées çà et là , beaucoup sont renversées et brisées en morceaux . On prétend que les cippes décapités recouvrent les corps des janis¬
saires , que la mort n ’a pu mettre à l ’abride lavengeance de Mah¬
moud . En quelques endroits , des terre -pleins entourés de balus¬
trades ou de petits murs , forment des lieux réservés de sépulture pour des famillesde distinction .
Les cimetières turcs sont des lieux de promenade et de réunion ; les oisifsy viennent fumer leurs pipes, les femmes , accoudées aux cippes funéraires ou assises sur l ’herbe , y passent souvent la journée entière , les enfantsy jouent , les marchands de gâteaux et de rafraîchissements parcourent continuellement les nombreux sillons qui les coupent en toussens .
Le Grand-Champ-des -Morts rejoint devant les quartiers francs
le Petit-Champ ,qui descend jusqu ’aux premières maisonsde Galata et s ’avance, par une pointe de cyprès et de tombeaux , jusqu’au Tekhé ou monastère des Derviches -Tourneurs . Tout à côté se trouve le tombeau du comte de Bonneval , le célèbre renégat , qui mourut Achmet -Pacha et chefdes bombardiers .
Les derviches tourneurs (mcwlewis), sont des religieux mu¬
sulmans qui vivent en communauté , et valsent par dévol ion .
216 LA TURQUIE
Contrairement aux autres mahométans, ils laissent volontiers les ghiaours assister en curieux à leurs exercicesde piété .
Ceuxde Péra habitent un couvent dont l ’aspect n ’arien des tristes monastères des chrétiens ; la salle où ils exécutent leurs valses religieuses , est parquetée et cirée , construite en rotonde , éclairée par de larges fenêtres et entourée par une balustrade cir¬
culaire à hauteur d ’appui . L ’orchestre est placédans une tribune ; il se compose de six musiciens qui jouent de la flûte et du tar - bouka (espèce de tambour fait avec une peau d ’onagre). Après avoir accompli diverses génuflexions et divers rites litur¬
giques , ils étendent les bras en croix, inclinent légèrement la tête sur l ’épaule , ferment à demi les yeux et se mettent à tourner par un mouvement de rotation calme, régulier , lent d ’abord et qui augmente graduellement de vitesse.
Ils sont là vingt ou trente dans un espace très-resserré , et jamais ils ne se heurtent , jamais ils ne se rencontrent . Leur large jupe blanche se gonfle soulevée et ballonnée par l ’air qui s ’y en¬
gouffre,leur visage s ’illumined ’une expressionde volupté mystique et d ’enivrante béatitude , leurs lèvres entr ’ouvertes se mouillent
d ’une légère écume , leurspieds semblent ne plus toucher la terre . Ce spectacle donne le vertige et l ’on se sent , malgré soi , entraîné à les imiter et à obéir à l ’impulsion de ce rhythme monotone , étrange , d ’une douceur infinie .
Quand ils tombent , épuisés de fatigue et succombant à l ’extase, des serviteurs viennent les recouvrir d ’un ample manteau , puis , quand ils ont repris leurs esprits , ils se relèvent , défilent en ordre devant leur iman et se retirent .
On descenddePéra à Top -Hané , par une ruelle escarpée qu ’on prendrait pour le lit d ’un torrent à sec , et l ’on débouche sur une
te - c;
!s:ir
PITTORESQUE .
217
place toujours encombrée et tumultueuse. C ’est un marché , une foire continuelle. On y loue des chevaux , on yvend des confiseries et des sorbets , du lait caillé et dela crème bouillie, dutabacet des pipes, des concombres , des courges , des melons , du raisin ; quelques soldats montent la garde à la porte d ’une caserne . En face se trouve la charmante fontaine de Top-Hané en marbre blanc et de style arabe . Elle était autrefois coifféed ’un toit de plomb aux bords relevés : onl ’aremplacée par une balustrade en fer , qui produit un singulier effet sur ce bijou moresque .
La mosquée de Mahmoud II est voisine de cette place . Bâtie sur le bord de l ’eau, elle diffère par sa construction dans le goût moderne de toutes les autres mosquées auxquelles Sainte-Sophie a servi de type . Elle n ’a qu ’une seule coupole entourée àsa base de fenêtres et de consoles à volutes , et qui s ’élève entre quatre façades arrondies et flanquéesaux angles par des piliers surmontés de pyramidions . L ’emblème de l ’Islam , le croissant , décore le sommet du dôme central et des quatre contre -forts extérieurs. Les minarets sont d ’une grande élégance ; ce sont des colonnes can¬
nelées , cerclées de deux balcons et qui se rétrécissent toujours en
s ’élevant ; ils se terminent par une flèche conique d ’une grande hardiesse .
Autour de la mosquée sont situés le parc d ’artillerie et les fon¬
deries de canons , et s ’étend une plate -forme baignée par la mer et terminée par deux jolispavillons .
Mentionnons encore sur ce côté de la Corne- d ’Or le quartier de
Kassim -Paclia , aux maisons rougeâtres et aux toits recouverts de tuiles brunes ; l ’arsenal , vastes bâtiments blancs , construits dans le goût européen , Piali -Pacha , le faubourg grec de Saint - I )imiliT avec sa fontaine merveilleuse qui guérit tous les maux et fait
LA TURQUIE
21 8
retrouver l ’argentperdu , l ’immense caserne du Grand-Champ-des - Morts de Péra , et le vaste collège de Galata -Scraï. N ’oublions pas surtout le cimetière des Juifs sur le versant d ’une collinearide ; il semble que le mépris des Turcs les poursuive encore après leur mort ; rienn ’est d ’un aspect plus misérable que ce cimetière sans
arbres et sansverdure .
Le faubourg d ’Eyoub est ainsi appelé du nom d ’un com¬
pagnon du prophète qui y fut tué , lors du premier siège de Constantinople par les|musulmans , l ’an CG8 de notre ère . Les Turcs y construisirent une mosquée où les sultans allaient ceindre le sabre à leur avènement .
Transportons-nous maintenant de l ’autre côté du Bosphore , en passant devant un ilôt de rochers surmonté d ’une tourelle blan¬
che , que les Turcs appellent Kiss -Koulessi(tourde la Jeune Fille ) et les Francs tour de Léandre , bien que ce fût l ’Hellespont et non le Bosphore que traversait ce jeune amant chanté par Musée , pour aller rejoindre Iléro , la belle prêtresse de Vénus, — et jetons un coup d ’œil sur Scutari , la ville turque par excellence , où les fidèles musulmans se font enterrer afin que leurs cendres ne soient point profanées par le contact impur des ghiaours .
Scutari est située sur remplacement de l ’ancienne Chrysopolis dont il ne reste aucun vestige . Son débarcadère se présente sous
l ’aspect le plus pittoresque . Lesmurailles blanches de la mosquée de Bouyouk -Djami apparaissent au second plan. Cette mosquée produit un très -bel effet ,avec sa coupole , son minaret , ses terrasses surmontées de petits dômesde plomb, ses arcadesarabes , ses esca¬
liers et ses massesdemaçonnerie,entremêlées de touffes d ’arbres . Sur une petite place à laquelle aboutit la principale rue de Scutari , on voit une jolie fontaine avec un toit chinois , toute bro -
PITTORESQUE . 219
dée (Varabesques . La Grande -Rue monte en pente douce entre des maisons voilées de chèvrefeuilles et de pampres , et lamosquée de Sultan Selim, avecses deux petits portails moresques , ses balus¬
trades dentelées et son dôme évasé que supportent des consoles renversées .
Le grand champ des morts de Scutari est peut-être leplus vaste de tout l ’Orient . 11 commence avec les dernières maisons du fau¬
bourg , longe la plaine sinueused ’IIaïdcr-Pacha et descend par une pente insensible jusqu’au golfe de Nicomédie . C ’est un immense bois de cyprès, couvrant un terrain accidenté et coupé de larges
allées . Uneroute le traverse dans toute sa longueur et passe devant une immense caserne qui contient huit mille soldats .
Comme tous les autres , c ’est un lieu de promenade et la foule s ’y presse le lundi et le jeudi, spectacle toujours varié et offrant les contrastes les plussaisissants . A côté de la calèche et du coupé parisien qui emporte dans son vol rapide la femme de quelque pacha de la réforme , hermétiquement voilée de mousse¬
line, Yaraba doré et recouvert d ’une bâche en toile , et le la- lika peint , l ’ancienne voiture nationale dont la forme se rap¬
proche de nos vieux carrosses du temps de Louis XIV ,attelés de buffles noirs, cheminent à pas mesurés , en même temps que les fashionables européens et les tchêlébis ottomans déploient à l ’envi leurs grâces decavaliers , ceux -ci sur leurs chevaux anglais , ceux - là sur des pur -sang arabes et kurdes qui les valentbien .
Le lekké des Derviches-Hurleurs est situé dans le haut Scutari , sur la lisière du Champ -dcs -Morls. Aux murailles de la salle où ils se réunissent sont suspendus de singuliers instruments de torture ; ce sont des espèces de broches , terminées par des masses de plomb; ils ’en servent dans les occasions solennelles pour se mar -
220 LA TURQUIE PITTORESQUE .
tyriser .Mais leur exercice ordinaire consisteà se balancerd ’arrière en avant, en se tenant sur une file par la main et en poussant à chaque fois une clameur profonde etprolongée d ’une sonorité in¬
croyable et surhumaine ; puis leur frénésie augmente peu à peu , leurs mouvements se saccadent de plus en plus , leur visage se décompose , les artères deleurcou se gonflentà éclater et ils con¬
tinuent à tirer de leur poitrine avec une énergie croissante des
cris , des hurlements comparables à ceux du lion desdéserts ,jus¬
qu ’à ce qu ’ils tombent à terre sans souffle et les membres roides commes ’ils avaient le tétanos .
* X-
POEæ
•v.^-Cï,^
\WSli^
0
*