MT241. Cours no 16, vendredi 22 novembre 2002.
Rappels: sous-espace stable, restriction d’un endomorphisme; le polynˆome caract´eristique de la restriction de a divise χa.
Exemples.
1. Si ba = ab, le noyau kerb est stable par l’endomorphisme a; en particulier ceci s’applique `a b = a − λ IdE et aux puissances de b (si b commute avec a, toutes les puissances de b commutent avec a).
Si b=a−λIdE, avec λ valeur propre de a, le noyau kerb est le sous-espace propre Eλ de a correspondant `a la valeur propre λ; les noyaux kerbk sont croissants avec k et finissent par stationner puisque la dimension est finie; la valeur stationnaire est le sous-espace caract´eristique de a correspondant `a la valeur propreλ.
Cas d’une matrice de Jordan 3×3. On a vu qu’il n’existe qu’une seule direction propre pour la matrice
A =
µ 1 0
0 µ 1
0 0 µ
dont le polynˆome caract´eristique est χA = (µ−X)3; la seule valeur propre est λ =µ et les seuls vecteurs propres sont de la forme (s,0,0). Le noyau de (A−µI3)2 est form´e de tous les vecteurs de la forme (s, t,0); le noyau de (A−µI3)3 est ´egal `aK3.
2. Un exemple un peu long: Sous-espace stable engendr´e par un vecteur non nul Soit x un vecteur non nul d’un espace vectoriel E de dimension finie n sur K, et soit a ∈ L(E) ; on va d´ecrire le plus petit sous-espace stable par a contenant le vecteur x. Puisque E est de dimension n, il n’est pas possible que les n+ 1 vecteurs du syst`eme (x, a(x), . . . , an(x)) soient lin´eairement ind´ependants ; il existe donc un entier k ≤ n qui est le premier tel que (x, a(x), . . . , ak(x)) soit li´e; on a 0 < k ≤ n et par construction (x, a(x), . . . , ak−1(x)) est libre, base de F = Vect(x, a(x), . . . , ak−1(x)). On posera fj =aj−1(x), pourj = 1, . . . , k. Par ailleurs il existe des coefficients (cj) dans K, non tous nuls, tels que
c0x+c1a(x) +· · ·+ckak(x) = 0E
et n´ecessairement ck 6= 0 puisque les k premiers vecteurs sont libres. En divisant par ck on se ram`ene `a une relation de la forme
b0x+b1a(x) +· · ·+bk−1ak−1(x) +ak(x) = 0E. Si nous ´ecrivons ceci comme
¡b0IdE+b1a+· · ·+bk−1ak−1+ak¢
(x) = 0E
et si nous posons
P =b0X0+b1X +· · ·+bk−1Xk−1+ Xk ∈K[X], nous voyons qu’il est raisonnable d’´ecrire
P(a) =b0IdE+b1a+· · ·+bk−1ak−1+ak ∈ L(E)
(avec la convention a0 = IdE) et la relation pr´ec´edente s’´ecrit alors P(a)(x) = 0.
Montrons que F est stable par a. Pour cela, consid´erons un vecteur quelconque y =s1f1+· · ·+skfk ∈F ;
pour 0 ≤ j ≤ k−1 on a a(fj) =fj+1 ∈ F, et pour le dernier g´en´erateur fk = ak−1(x) on a a(fk) =ak(x) =−Pk
j=1 bj−1fj donc a(y) =
k−1X
j=1
sjfj+1−sk
³Xk
j=1
bj−1fj
´
∈F.
Dans la base (f1, . . . , fk) = (x, a(x), . . . , ak−1(x)) du sous-espace F, la matrice de la restriction de a `a F a la forme
M(P) =
0 0 . . . 0 −b0
1 0 . . . 0 −b1
... . .. ... ... ... 0 0 . .. 0 −bk−2
0 0 . . . 1 −bk−1
,
c’est `a dire qu’elle est ´egale `a la matrice compagnon M(P) du polynˆome P. D’apr`es ce qu’on a vu pr´ec´edemment, le polynˆome caract´eristique de cette matrice est (−1)kP, et il divise χa. On a ainsi obtenu
il existe un polynˆome P∈K[X] qui divise χa et tel que P(a)(x) = 0E.
On vient de faire un grand pas en direction du th´eor`eme de Cayley-Hamilton, qui affirme que χa(a) = 0L(E) pour tout endomorphisme a d’un espace vectoriel de dimension finie.
Existence de sous-espaces stables de dimension 1 ou 2 Valeurs propres, vecteurs propres : le cas complexe
Lorsque E est un espace vectoriel de dimension n sur C, toutes les racines du polynˆome caract´eristique sont automatiquement dans K = C, donc toutes les racines de χa sont des valeurs propres de a dans ce cas. De plus, on sait d’apr`es le th´eor`eme de d’Alembert que tout polynˆome de degr´e ≥ 1 `a coefficients complexes a au moins une racine complexe (et en fait, exactement n quand on les compte avec leur ordre de multiplicit´e) donc tout endomorphisme de E admet au moins un vecteur propre.
Donc : sur C, tout endomorphisme a une droite stable.
M´ethodes matricielles. Valeurs propres d’une matrice
Une matrice A de taillen×n`a coefficients dansK(sous-corps deC) est en particulier une matrice `a coefficients dans C et d´efinit donc un endomorphisme AC de Cn auquel la discussion du paragraphe pr´ec´edent s’applique. L’endomorphisme AC est d´efini par le calcul matriciel,
∀Z∈Cn, AC(Z) = AZ.
D’apr`es le th´eor`eme de d’Alembert, on peut factoriser dans C[X] le polynˆome ca- ract´eristique χA en facteurs de degr´e 1,
χA= (λ1 −X). . .(λn−X),
o`u chaque λi est une des valeurs propres de A. Chaque valeur propre peut apparaˆıtre plusieurs fois, c’est `a dire que certaines valeurs propres peuvent ˆetre racines multiples du polynˆome caract´eristique. Si on compte les valeurs propres avec leur ordre de multiplicit´e comme racines de χA, on trouve par identification que det A est ´egal au produit des valeurs propres,
det A = λ1. . . λn.
Exemple. Si a ∈ L(E) v´erifie ak = 0L(E) pour un certain k, et si E est de dimension n sur K, alors χa = (−1)nXn.
Il suffit de montrer que 0 est la seule racine complexe du polynˆome caract´eristique de a; si A est la matrice de a dans une base de E, on aura Ak = 0; si AZ = µZ avec Z6= 0, on aura 0 = AkZ =µkZ, donc µ= 0.
Cas r´eel en dimension impaire
On sait que tout polynˆome `a coefficients r´eels de degr´e impair admet une racine r´eelle (th´eor`eme des valeurs interm´ediaires). Un endomorphisme d’un espace r´eel de dimension impaire a donc toujours au moins un vecteur propre.
Exemple. On peut montrer qu’une isom´etrie T deR3 fixant 0 est lin´eaire. Si on suppose de plus que det T>0, on montre qu’il existe un vecteur x6= 0 tel que T(x) =x.
Le caract`ere isom´etrique de T entraˆıne que les seules valeurs propres possibles sont
±1. SiχT admet une racine complexe non r´eelle γ, il admet aussi γ, et une racine r´eelle λ ´egale `a ±1; alors det(T) =λ|γ|2 >0 montre que λ= 1; si les trois racines sont r´eelles
´egales `a ±1, il en faut au moins une ´egale `a 1 pour que le produit soit>0.
Cas r´eel pair
Proposition 5.1.5.SoitE un espace vectoriel sur R, de dimension finie paire >0; tout endomorphisme a de l’espace E qui n’a pas de vecteur propre admet un plan vectoriel stable.
D´emonstration. En passant `a la matrice (r´eelle) A de a dans une base e = (e1, . . . , en) de E on trouve une valeur propre complexe λ = s+it de la matrice, s, t ∈ R, et t 6= 0 puisque a n’a pas de valeur propre. On peut trouver un vecteur propre Z = X +iY ∈Cn de la matrice A, o`u X,Y ∈ Rn. On voit que X et Y sont R-ind´ependants (sinon, si Y =µX, µ r´eel, on aurait (1 +iµ)AX = (1 +iµ)(s+it)X, donc AX =sX +itX, ce qui est impossible puisque AX est r´eel et t 6= 0, X 6= 0), donc X et Y engendrent un plan passant par 0. La relation
A(X +iY) = (s+it)(X +iY) = (sX−tY) +i(tX +sY)
montre par identification que AX = sX − tY et AY = tX + sY. Si on ´ecrit X = (c1, . . . , cn)∈Rn et Y = (d1, . . . , dn)∈Rn et si on pose
x= Xn
i=1
ciei ∈E ; y= Xn
i=1
diei ∈E,
on aura aussi a(x) =sx−ty et a(y) =tx+sy, donc le plan Vect(x, y) est stable par a.
Exemple. R´eduction sur R de la matrice
0 0 0 −1
1 0 0 0
0 1 0 0
0 0 1 0
Le polynˆome caract´eristique est X4+1, on trouve quatre racines complexesλ=α(±1±i) o`u α = √
2/2. Pour chaque racine λ le vecteur (λ3, λ2, λ,1) ∈ C4 est vecteur propre et on obtient un plan stable en s´eparant partie r´eelle et imaginaire.
Cours no 17, lundi 25 novembre 2002.
Suite et fin de l’exemple pr´ec´edent.
D´ecomposition de R4 en deux plans stables: en travaillant avec les deux paires de racines complexes conjugu´ees, on obtient une interpr´etation de l’endomorphisme, qui agit par rotation dans deux plans suppl´ementaires.
Sommes et sommes directes de sous-espaces
Etant donn´es deux sous-espaces vectoriels F1 et F2 de E, on d´efinit la somme des deux sous-espaces par
F1+ F2 ={y1+y2 :y1 ∈F1, y2 ∈F2}.
On d´efinit de mˆeme la somme F1+· · ·+ Fk d’une famille finie F1, . . . ,Fk de sous-espaces vectoriels de E
F1+ F2+· · ·+ Fk ={y1+y2 +· · ·+yk :yj ∈Fj, j = 1. . . , k}.
On a v´erifi´e que c’est un sous-espace vectoriel de E.
Exemple: somme de trois droites dans R2. Consid´erons les trois vecteurs v1 = (1,0), v2 = (−1/2,1/√
2) et v3 = (−1/2,−1/√
2). Les trois droites Dj = Rvj v´erifient D1 + D2+ D3 =R2.
On remarque que la somme de deux des droites est d´ej`a ´egale `a R2. G´en´erateurs, dimension pour une somme
Si on choisit pour chaque j = 1, . . . , k une base de Fj, contenant dj = dim(Fj) vecteurs, le syst`eme de d = Pk
j=1 dj vecteurs obtenus en rassemblant ces diff´erentes bases est g´en´erateur pour F =Pk
j=1 Fj. En particulier dim
³Xk
j=1
Fj
´
≤ Xk
j=1
dim(Fj).
V´erifions le lorsquek = 3; soient F,G,H trois sous-espaces de E, (f1, . . . , fp) une base de F, (g1, . . . , gq) une base de G et (h1, . . . , hr) une base de H; tout vecteur v∈F + G + H s’´ecrit v=x+y+z, avec
x= Xp
i=1
aifi ∈F, y = Xq
j=1
bjgj ∈G, z = Xr
k=1
ckhk ∈H,
donc
v = Xp
i=1
aifi+ Xq
j=1
bjgj + Xr
k=1
ckhk
est engendr´e par les vecteurs (f1, . . . , fp, g1, . . . , gq, h1, . . . , hr).
4.3. Sommes directes
Exemple. Consid´erons un espace de dimension 12, avec une base (e1, . . . , e12). Posons F = Vect(e1, e2, e3), G = Vect(e4, e5, e6), H = Vect(e7, e8, e9). La somme F + G + H est
´egale `a Vect(e1, . . . , e9), mais en plus, il y a unicit´e de la repr´esentation des vecteurs v∈F + G + H comme x+y+z, x∈F,y ∈G et z ∈H.
D´efinition. La somme F1 + · · · + Fk est une somme directe si pour tout choix de vecteurs (y1, . . . , yk) ∈ F1 × · · · × Fk, la condition y1 + · · · + yk = 0E implique les
´egalit´es y1 =y2 =· · ·=yk = 0E.
On en d´eduit l’unicit´e de la d´ecomposition des vecteurs v de la somme.
Notation pour une somme directe: F1⊕ · · · ⊕Fk.
ATTENTION. La somme F1+ F2 est une somme directesi F1∩F2 ={0E}. Mais lorsque k ≥3, IL NE SUFFIT PAS que Fi∩Fj ={0E} pour tousi6=j: l’exemple D1+ D2+ D3
le d´emontre. Les intersections 2 `a 2 sont r´eduites `a {0}, mais on a v1+v2+v3 = 0.
Base d’une somme directe
Soit F1⊕· · ·⊕Fkune somme directe de sous-espaces de dimension finie ; pour obtenir une base de F1⊕ · · · ⊕Fk, il suffit de prendre un syst`eme de vecteurs form´e d’une base de F1, suivie d’une base de F2, ainsi de suite jusqu’`a une base de Fk.
Lemme. Soient F1, . . . ,Fk des sous-espaces de dimension finie d’un espace vectoriel E; la somme F1+· · ·+ Fk est une somme directe si et seulement si
dim(F1+· · ·+ Fk) = dim F1+· · ·+ dim Fk.
V´erification quand k = 3, pour une somme directe F⊕G⊕H. Avec les notations d´ej`a employ´ees, montrons que le syst`eme (f1, . . . , fp, g1, . . . , gq, h1, . . . , hr) est libre (on a vu qu’il est g´en´erateur pour F + G + H). Si
Xp
i=1
aifi+ Xq
j=1
bjgj+ Xr
k=1
ckhk = 0E
consid´erons
x= Xp
i=1
aifi ∈F, y= Xq
j=1
bjgj ∈G, z = Xr
k=1
ckhk ∈H ;
on a x+ y+ z = 0E, donc x = y = z = 0E puisque la somme est directe. Puisque (f1, . . . , fp) est une base de F, on en d´eduit que tous les (ai) sont nuls, et de mˆeme pour les (bj) et les (ck). Il en r´esulte que F⊕G⊕H poss`ede une base avec p+q+r = dim(F) + dim(G) + dim(H) ´el´ements.
R´eciproquement, si on a une somme F + G + H telle que dim(F + G + H) = dim(F) + dim(G) + dim(H), le syst`eme (f1, . . . , fp, g1, . . . , gq, h1, . . . , hr) est un syst`eme g´en´erateur
dont le nombre d’´el´ements est ´egal `a la dimension du sous-espace engendr´e, donc c’est une base de F + G + H. Si on a x+y+z = 0E avec x∈F, y∈G et z ∈H, on ´ecrira
x= Xp
i=1
aifi, y= Xq
j=1
bjgj, z = Xr
k=1
ckhk
et alors
Xp
i=1
aifi+ Xq
j=1
bjgj + Xr
k=1
ckhk = 0E.
Puisque ce syst`eme est libre, tous les coefficients sont nuls, et il en r´esulte que x =y = z = 0E. On a ainsi montr´e que la somme est directe.
5.2. Sous-espaces propres d’un endomorphisme
Si a∈ L(E) et si µ∈K est une valeur propre de a, le sous-espace vectoriel Eµ= ker(a−µIdE) ={x∈E : a(x) =µx}
est diff´erent de {0E}. Tout vecteur x 6= 0E de Eµ est un vecteur propre de a de valeur propre µ. On appelle Eµ le sous-espace propre de a associ´e `a la valeur propre µ. Il est clair que Eµ est un sous-espace stable pour a.
Proposition 5.2.1.Les sous-espaces propres d’un endomorphismeaforment une somme directe.
Il suffit de montrer le lemme qui suit.
Lemme. Si x1, . . . xk sont des vecteurs de E tels que a(xj) = µjxj pour j = 1, . . . k, et si µi 6=µj pour i 6=j, la condition
x1+· · ·+xk = 0E
implique x1 =x2 =· · ·=xk = 0E.
D´emonstration. On d´emontre cette propri´et´e par r´ecurrence sur k ≥1.
C’est clair lorsque k = 1.
Supposons donc la propri´et´e vraie pour k−1 ≥ 1 vecteurs, et montrons que cela reste vrai pour k. Supposons
x1+· · ·+xk = 0E.
Nous devons montrer que x1 =x2 =· · ·=xk = 0E. On d´eduit en appliquant a, puisque a(xj) =µjxj pour j = 1, . . . , k
µ1x1+· · ·+µkxk= 0E, donc en retranchantµk(x1+· · ·+xk) = 0E on obtient
(µ1−µk)x1+· · ·+ (µk−1−µk)xk−1 = 0E,
relation qui fait intervenir seulementk−1 vecteurs, ce qui entraˆıne que (µj−µk)xj = 0E pour j = 1, . . . , k−1 par l’hypoth`ese de r´ecurrence, donc x1 =· · ·=xk−1 = 0E puisque µj 6=µk pour j < k, donc xk= 0E aussi.
D´efinition 5.2.1. Soit a un endomorphisme d’un espace vectoriel E de dimension finie sur K; on dit que a est diagonalisable si E est ´egal `a la somme directe des sous-espaces propres de a.
Si µ1, . . . , µp est la liste des valeurs propres de a (sans r´ep´etition) et si E = Eµ1 ⊕ · · · ⊕Eµp,
on obtiendra une base de E en prenant une base de chaque sous-espace Eµj, puis en rassemblant tous les vecteurs ainsi obtenus ; une telle base de E est form´ee de vecteurs propres de a.
Proposition 5.2.2. Si dim E = n et si a ∈ L(E) admet n valeurs propres distinctes, a est diagonalisable.
D´emonstration. Soientλ1, . . . , λn les valeurs propres (suppos´ees distinctes) ; pour chaque j = 1, . . . , n on peut trouver un vecteur propre fj tel que u(fj) = λjfj. Le syst`eme (f1, . . . , fn) est libre d’apr`es le lemme, donc c’est une base de E puisque n= dim E. On a donc trouv´e une base de E form´ee de vecteurs propres de u.
Soit µ ∈ K une valeur propre de a, et soit r l’ordre de multiplicit´e de µ comme racine de χa; alorsdim Eµ≤r.
En effet, la restriction aµ de a au sous-espace propre Eµ est ´egale `a µ IdEµ, et le polynˆomeχaµ = (µ−X)d (o`ud= dim(Eµ)) divise le polynˆomeχa, donc dim Eµ =d≤r.