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Géographie Économie Société: Article pp.39-45 of Vol.11 n°1 (2009)

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Géographie, économie, Société 11 (2009) 39-45

doi:10.3166/ges.11.39-45 © 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ

À la recherche du rural perdu

Armand Frémont

Géographe

Résumé

Le « rural » était jusqu’à il y a peu d’années un thème classique de beaucoup de disciplines. Mais le « rural » maintenant se perd dans des territoires complexes qui ne sont plus ni campagne ni ville et qui souvent enregistrent une croissance surprenante de leur population. À la recherche de ce rural perdu, l’INRA s’est tourné vers la prospective à l’horizon 2030. Quatre scénarios en cours de for- mation ont été définis : la « tache d’huile » périurbaine en continu autour d’une métropole unique ; les campagnes intermittentes dans un cadre métropolitain ; les contrastes accentués ville dense/

campagnes et natures délaissées ; le maillage des territoires ruraux par un réseau de petites villes.

Quatre types d’espaces se concurrencent dans tous les cas et sont l’objet de conflits d’intérêt et de confrontations idéologiques : celui voué à la production agricole, celui des résidences, celui des grandes infrastructures de transport et de production non agricoles, la nature protégée et entretenue.

De lourds facteurs extérieurs seront déterminants pour l’avenir : crise de l’énergie, besoins alimen- taires, évolution démographique notamment. Mais la multiplicité des facteurs en jeu laissera très probablement en place une grande variété de solutions régionales, fondement d’une géo/diversité.

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Summary

In search of lost rural. Until recently The «rural» was a classical subject of many disciplines. But now the «rural» get lost in complex areas that are no longer neither city nor country, and which often show a surprising growth of their population. In search of this lost «rural», INRA turned to the outlook for 2030. Four scenarios in training were defined: continuously suburban «oil stain» around a single city; intermittent campaigns in a Metropolitan; accentuated contrasts between dense city/

countryside and neglected countries; networking of rural areas by a network of small cities. Four types of spaces compete in all cases and are subject to conflicts of interest and ideological confron-

*Adresse email : armand.fremont@wanadoo.fr

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tation: agricultural production; residences; major transport infrastructure and non agricultural pro- duction; protected and maintained nature. Heavy external factors will be decisive for the future:

energy crisis, food, demographic change in particular. But the multiplicity of factors involved most likely leave in place a variety of regional solutions, the basis of a geo/diversity.

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : campagnes intermittentes, densité, géo/diversité, nouvelles ruralités, métropole, métropolitain, nature, périurbain, réseau de villes, résidence, résidentiel, rurbain, tache d’huile.

Keywords: intermittent campaigns, density, geo / diversity, new ruralités, metropolis, metro- politan, country, suburban, urban network, residence, residential, rurbain, oil stain.

Il y a seulement quelques années, le « rural » avait fort bonne presse parmi les disci- plines universitaires. Plusieurs spécialités des sciences humaines et sociales utilisaient l’adjectif pour qualifier une orientation particulière de recherche et même pour constituer une sous-spécialité à forte identité : géographie rurale, sociologie rurale, économie rurale, histoire rurale, droit rural… Parallèlement, l’espace rural qui en constituait le support ne posait guère de question ontologique tellement il s’imposait dans la réalité, en opposition classique avec celui de la ville. Les temps ont très rapidement changé, et l’espace à l’évi- dence. Certes, les disciplines et sous-disciplines restent en place. Mais elles s’interrogent.

En premier, on n’écrit plus jamais ou presque jamais « espace », mais « territoire » ou mieux « territoires ». En outre, le « rural » se cherche plus qu’il ne se trouve, dans la mobilité généralisée des hommes et des femmes, la poussée de l’urbanisation, de la périurbanisation et de la rurbanisation, la réduction des agriculteurs à quelques % de la population totale, l’économie résidentielle et « présentielle », le sentiment indéfini de la nature… Il nous faut partir à la recherche d’un rural perdu.

1. L’impensable territoire

Comment penser les territoires ruraux aujourd’hui ? Le mot « territoire » s’impose sur

« espace » parce que celui-ci offrait une vue trop plate de la réalité géographique, une repré- sentation abstraite avec laquelle chaque discipline selon son orientation pouvait jouer. Le ter- ritoire est plus riche, même s’il apparaît ainsi d’autant plus difficile à définir, intégrant en des équilibres divers selon les auteurs, des limites (plus ou moins contraintes physiquement et administrativement), des cohérences (plus ou moins nettes), des identités et des représenta- tions (plus ou moins affirmées collectivement), des associations et des communautés (officiel- les ou vécues), le tout sur un espace dûment localisé, en continuité, en archipel ou en réseau.

Le rural, il y a peu, se définissait fort bien par rapport à l’urbain, et réciproquement, la campagne face à la ville, sans que chaque définition ne s’impose en elle-même. Mais il y avait là, en Europe et en Asie mineure particulièrement, un héritage tel, que l’histoire mil- lénaire en garantissait l’existence sans risque. La campagne des paysans sur une terre peu à peu domestiquée, diluée sur de vastes espaces et ne laissant à ses limites que quelques marges sauvages. Et la ville en ses remparts, éventuellement prolongée par ses faubourgs et ses banlieues, cohérente, serrée, dense, lieu habituel des échanges et du pouvoir. Les

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premières révolutions industrielles n’avaient pas profondément modifié cette opposition classique, si ce n’est dans un déséquilibre croissant entre la dépopulation des campagnes (l’« exode » rural) et la croissance continue des villes.

Les dernières décennies modifient les termes de l’échange, en France tout particulièrement.

La surprise est venue des recensements des années 1980/90 lorsqu’on s’aperçut qu’un nombre croissant de communes dites « rurales » enregistrait une croissance significative, d’abord à la périphérie des villes, mais aussi ailleurs, de telle sorte que les communes en déclin démogra- phique devenaient minoritaires à l’échelle nationale. Sous des formes assez proches, les États- Unis et les pays anglo-saxons avaient anticipé et amplifié cette tendance. Ainsi, s’imposèrent de nouvelles thèses sur la renaissance rurale, en même temps que l’évidence obligeait à en réviser le contenu. Il était devenu beaucoup plus difficile de penser ce « rural » renaissant.

Périurbain… L’expression est classique mais s’avère vite insuffisante, tronquant une large partie de la réalité, et ramenant tout à la ville… Rurbain… La trouvaille sémanti- que qui associe les deux termes de l’opposition classique élargit certes l’horizon mais en ne prenant en compte qu’une partie des territoires ruraux… Tiers espace ouvre encore le contenu et les limites possibles… Nouvelles ruralités, proposent l’INRA et quelques auteurs, lorsqu’il faut combiner toutes les diversités, entre les communes en pleine crois- sance de la rurbanisation et celles qui restent isolées et en déclin, entre toutes les formes de l’adaptation de l’économie agricole à la mondialisation, entre les espaces délaissés et sans âme, si ce n’est celles du passé, et les nouveaux territoires vivifiés, parfois loin des villes, par l’économie résidentielle de tous ceux qui vivent plus ou moins ici et dont les revenus viennent d’ailleurs, l’ensemble au prix d’une mobilité de tous les rythmes et de toutes les distances et d’une acculturation parvenue à son terme, parfaitement alignée maintenant sur la culture dominante du vaste monde et de ses médias.

Le sentiment de la nature, redécouverte du dernier demi siècle, s’impose enfin. Écologie, environnement, biodiversité, durabilité… nouvelles expressions, nouveaux concepts que le rural doit aussi prendre en compte entre science et imaginaire, entre réalité reconnue, tel le réchauffement climatique, et représentations, idéologies, utopies.

Peut-être, en fin de compte, le territoire rural est-il devenu impensable tellement il est riche de tous ces apports au moment où il s’efface sous la forme de sa pérennité millénaire et où se découvrent de nouveaux horizons. Mieux vaut se tourner alors vers la prospec- tive, ce que proposa l’INRA à un groupe de recherche en 2006, « Les nouvelles ruralités en France à l’horizon 2030 », parce que le rural présent et à venir est un territoire qui se construit après avoir achevé de se défaire.

2. Quatre scénarios

Le groupe de travail réuni par l’INRA, très ouvertement pluridisciplinaire, a appuyé sa réflexion sur un indispensable état des lieux, sur les principales références statistiques, sur les tendances ainsi identifiées, sur des études extérieures et aussi sur la reconnais- sance de « signaux faibles » permettant de saisir des innovations en cours. En même temps, le groupe était soumis intellectuellement, moins cependant que les territoires eux- mêmes matériellement, aux grands mouvements de la conjoncture mondiale, européenne et nationale qui ne furent pas de faible ampleur au cours de la période. Au début, nette mise en cause des excès du productivisme et de la dispersion de l’habitat résidentiel, sous

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l’effet de la crise climatique et de celle de l’énergie. Puis, saute de conjoncture, avec la hausse des prix des matières premières agricoles et les débouchés ainsi offerts. Pour terminer, fin de partie sous le signe du Grenelle de l’environnement… En deux ans, les nouvelles ruralités étaient soumises à rude épreuve.

De la discussion de plus en plus riche, des spécialités de chacun, des subjectivités multi- ples, mais aussi de la réalité attestée par des enquêtes dans quatre régions de référence, sor- tirent finalement quatre scénarios, esquisses possibles à horizon 2030 autant qu’approches des évolutions contradictoires, regards croisés sur une « géodiversité » en mouvement.

Le premier scénario est un classique de toute prospective : la prolongation des ten- dances actuelles, « les campagnes de la diffusion métropolitaine ». Il s’appuie sur le cas exemplaire de la région Midi-Pyrénées, de la croissance continue et de la prolifération spatiale de la métropole toulousaine, de campagnes réduites à des espaces interstitiels ou à des marges. Cette tendance, très affirmée en Midi-Pyrénées, se retrouve en fait dans toutes les régions françaises et européennes, à peu près sans exception, même Outre-Mer, mais à des degrés d’intensité très inégaux. Les territoires ruraux deviennent des éléments de la déclinaison du territoire métropolitain, du centre vers la périphérie, des résidences aux lotissements et aux lieux de loisirs, avec une agriculture qui se glisse et s’adapte dans les espaces laissés libres, une nature abandonnée ou saccagée à moins qu’elle ne soit tota- lement recomposée à la mesure des exigences et plaisirs des urbains.

Ce premier scénario implique une gouvernance affaiblie à tous les niveaux et l’amor- tissement des pressions extérieures, économiques ou écologiques, telles les conséquences de la crise de l’énergie ou du réchauffement climatique. Ce dernier facteur rend relative- ment improbable cette prolongation des tendances actuelles vers des campagnes de libre diffusion métropolitaine.

Le deuxième scénario se présente comme une version alternative et positive du pré- cédent : les campagnes intermittentes des systèmes métropolitains. Il s’inspire du cas de la région Rhône-Alpes, plus particulièrement de la région de Grenoble et de son cadre montagneux ou de la vallée du Rhône à proximité immédiate des vieux pays longtemps délaissés du Diois ou des Baronnies. Le territoire métropolitain est toujours très prégnant mais à partir de plusieurs pôles, Lyon, Annecy, Chambéry, Grenoble, Valence… De mul- tiples espaces ruraux sont étroitement connectés aux villes-centres par une économie pré- sentielle, des transports rapides, des innovations sociales, une gouvernance démultipliée à différentes échelles, l’adaptation d’une agriculture « de pays », le tourisme hivernal et estival, la patrimonialisation des paysages… tandis que des campagnes moins bien situées sont délaissées ou vouées à l’extension de la forêt.

Ce deuxième scénario invente de nouvelles campagnes, de nouvelles ruralités où s’es- tompe, si ce n’est dans les lieux, l’opposition classique d’une culture urbaine et d’une tradition rurale. L’une et l’autre ne font qu’un sans distinction entre les hommes, mais non sans quelques tensions et contradictions entre les groupes. Il implique des gouvernances dynamiques, surtout au niveau local. Il est incontestablement riche de possibilités d’adap- tation conjoncturelle. Il combine, sur des territoires complexes, les exigences écologiques et patrimoniales à celles de l’innovation sociale et du développement économique.

Le troisième scénario marque une nette rupture sur tous les autres : des campagnes au service de la densification urbaine. L’exemple de processus en cours a été choisi dans la région PACA, Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans ce cas, et sous de nouvelles pres-

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sions extérieures, c’est la ville-métropole qui se densifie sur des points nodaux, parfois de manière très forte, parce que la crise de l’énergie, les contraintes écologiques devenues majeures s’ajoutent aux nécessités économiques et démographiques. Ainsi la mobilité se trouve-t-elle réduite ou contrôlée, phénomène absolument nouveau, conduisant à une den- sification métropolitaine. Les activités, y compris celles de l’agriculture, sont contraintes par la distance et appelées à se concentrer autour des centres logistiques.

Le territoire métropolitain devient plus dense, plus fragmenté, plus contrasté entre des espaces totalement et fortement urbanisés (y compris en immeubles de grande hau- teur), des campagnes de spécialisation agricole proches des villes ou des axes et nœuds de transport avec une part importante de l’agro-industrie, et de vastes espaces délaissés, voués à un tourisme écologique ou d’aventure, à l’abandon d’une nature tendant à rede- venir sauvage. La région PACA offre assez bien actuellement l’ébauche de ces caractères par le triptyque régional Littoral très urbanisé/Campagnes de Basse Provence/Pays et montagnes de Haute Provence. Mais son évolution relève actuellement plus de tendances

« au fil de l’eau » que d’une action très volontariste sous contrainte qui donnerait à la gouvernance des métropoles un poids décisif.

Le quatrième scénario est beaucoup plus tranquille, même s’il comporte une bonne part d’utopie : les campagnes dans les mailles des réseaux de petites villes et de villes moyennes.

L’inspiration en est venue de la calme Basse Normandie et plus particulièrement du départe- ment de la Manche. La vitalité de l’ensemble est assurée par un réseau de villes assez dense mais n’atteignant jamais la taille d’une métropole. Les relations restent très étroites entre un système urbain densément maillé et des campagnes qui lui sont étroitement liées par les services, les commerces, les industries, la sociabilité côté ville et la résidence, l’agriculture et l’élevage, la nature côté campagne. Les territoires à l’ombre des petites villes et des villes moyennes développent, outre des agréments, des possibilités de grande diversification tant dans la production agricole que dans la protection de la nature et l’attraction touristique.

Le système est cependant d’une très grande fragilité. En deçà d’une certaine dépopu- lation, il ne tient plus, comme c’est le cas dans une partie de la Basse Normandie elle- même. Il s’équilibre ou se développe lorsque l’attractivité à l’égard de nouveaux résidents (retraités, personnes âgées, étrangers) compense la réduction et non l’effacement de la population agricole, comme c’est le cas à proximité du littoral, et quand les collectivités régionales et locales installent résolument ces territoires dans une dynamique de projet, ainsi autour d’assez nombreuses petites villes de la Manche ou d’ailleurs.

Quelques mots, volontairement assez subjectifs, résument bien l’ensemble de nos regards prospectifs sur ces nouveaux territoires qui se cherchent ou que l’on cherche : la tache d’huile dans une évolution au fil de l’eau ; la mobilité, la turbulence, l’intermittence auto- régulée ; la crise accentuée, les contraintes majeures, les contrastes territoriaux ; l’harmonie des réseaux de villes et des campagnes en projet, utopie …. Pour quelles conclusions ? 3. Les territoires des nouvelles ruralités

On se gardera d’une approche totalement objective. Comment s’y tenir, en effet, alors que le monde change aussi bien dans sa matière que dans les esprits, dans les idéolo- gies, les peurs, les appels, les fantasmes, les modes passagères autant que dans la réalité concrète, y compris dans les campagnes ? On s’en tiendra à quelques repères.

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L’objet territorial – Il se compose de quatre espaces fonctionnels incontournables : - les espaces voués aux activités non agricoles, notamment les infrastructures de trans-

port, les centres logistiques, les industries, les grands services (a)…

- les espaces résidentiels (b) - les espaces agricoles (c)

- les espaces naturels protégés ou/et recomposés (d)

Ces quatre types d’espaces (et l’on peut employer ici le terme d’« espace ») composent l’objet territorial des nouvelles ruralités selon des équilibres très inégaux et presque tou- jours, selon les acteurs qui les possèdent ou les animent, en position d’antagonisme. Il est évident que (a) et (b) se trouvent en position conquérante. Mais le propre des nouvelles ruralités est que (c) + (d) occupent toujours la plus grande partie des surfaces alors que leurs acteurs sont maintenant très minoritaires. Est-il besoin de rappeler qu’en France les surfaces à usage agricole couvrent encore 60 % du territoire national, alors que les agri- culteurs ne représentent plus que 3,5 % de la population totale ?

La géo/diversité - Par référence à la biodiversité, chère aux naturalistes, il convient de s’arrêter sur cette notion. Elle est banale en ce qu’elle se trouve aux sources de la géographie depuis des siècles. Elle mérite actuellement une réelle attention parce qu’on peut l’estimer menacée par l’extension des territoires métropolitains avec lesquels les nouvelles ruralités vivent en symbiose. Mais c’est plutôt une nouvelle diversité qui s’impose. Elle trouve en partie ses racines dans la tradition de chaque territoire. Mais elle est aussi liée aux processus en cours dont les multiples facteurs agissent aussi dans le sens de la différenciation, telles, notamment, la position par rapport aux centres urbains et aux littoraux et la réactivité des acteurs locaux, le dynamisme et les projets des particuliers et des collectivités.

La simple analyse des quatre hypothèses prospectives donne la mesure de cette géodi- versité en France (et on peut ajouter, en Europe). Car, à l’évidence, les quatre processus sont en cours simultanément mais inégalement sur le territoire national. Mieux, les quatre pourraient se reconnaître dans chaque région française, ou presque. La Basse-Normandie, par exemple, a aussi son phénomène de tache d’huile autour de Caen, couvrant presque tout le département du Calvados. Elle abrite elle aussi ses campagnes intermittentes dans le Pays d’Auge où se croisent agriculteurs et produits de pays, résidents secondaires ou doubles résidents (Paris/Pays d’Auge), étrangers fortunés et retraités, artistes et amateurs d’art, actifs de Caen, de Rouen ou du Havre. Et cette région pourtant sereine n’échappe pas non plus à une coupure qui pourrait devenir béante entre une large bordure littorale fortement peuplée et en voie de métropolisation dans la continuité de Rouen et du Havre et, d’autre part, un arrière-pays peu à peu désertifié. Ainsi les nouvelles ruralités de la France contemporaine relèvent-elles toujours d’un puzzle complexe ou d’un patchwork que l’on n’a fait ici qu’effleurer, des territoires plutôt qu’un espace.

Les subjectivités – Elles composent l’ultime parure de ces territoires ruraux devenus des enjeux autant subjectifs que matériels. Il n’est qu’à examiner avec amusement la posture d’un groupe d’experts scientifiques face aux quatre schémas qu’eux-mêmes élaboraient…

Ils ne les apprécient pas aussi objectivement qu’ils le souhaiteraient, bien entendu sans le dire. Avec des nuances selon les uns et les autres, la tache d’huile est un repoussoir classi- que, les intermittences séduisent, le réseau harmonieux des petites villes rassure, la révolu- tion du grand contraste effraie… En serait-il de même avec tel ou tel public ?

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Il y a peu de temps encore, les subjectivités, les idéologies, les modèles positifs ou négatifs pouvaient s’organiser assez simplement entre les mythes de la ville conquérante et ceux de la campagne délaissée, qu’on se situe favorablement d’un côté ou de l’autre.

Maintenant, la maison individuelle avec jardin, la nouvelle déviation ou le passage de TGV, le champ de maïs ou l’élevage industriel, la pêche dans la rivière, la promenade dans les bois, la fleur ou l’animal rares… portent une charge affective et idéologique qui dotent les nouvelles ruralités d’une sorte de nouveau bestiaire avec ses monstres, ses fauves, ses doux et ses gentils. Mais ceux-ci ne sont pas vraiment les mêmes pour tous.

La nature protégée, l’agriculture productive, le développement nécessaire, la résidence tranquille ont chacun leurs partisans farouches, au-delà des simples usages. Les territoires des nouvelles ruralités sont subjectivement aussi complexes que matériellement.

Cependant, les nouvelles ruralités accumulent toutes ces contradictions sur les mêmes territoires mais dans un registre plus ouvert qu’au cœur des métropoles. Les conflits y restent à bonne échelle, plus lisibles, accessibles, à hauteur d’homme. Pour vivre et survivre, ces territoires très divers gardent encore une forte réserve d’attraits, de sociabilité et d’utopie.

Note – Cette réflexion s’inspire en grande partie d’un travail demandé par l’INRA à un groupe d’experts auquel j’ai participé : « les nouvelles ruralités en France à l’horizon 2030 ». Les références se trouvent dans le rapport publié par l’INRA en juillet 2008. Je remercie tous les collègues qui m’ont accompagné dans cette recherche et, plus particulièrement, Mme Marion Guillou, présidente-directrice générale de l’INRA, MM. Guy Riba, directeur général délégué, Bernard Hubert, Olivier Mora, Mme Edith Heurgon.

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