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Géographie Économie Société : Article pp.93-114 du Vol.11 n°2 (2009)

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Géographie, économie, Société 11 (2009) 93-114

doi:10.3166/ges.11.93-114 © 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ

Les dispositifs français de développement rural : quelles proximités mobilisées ?

Valérie Angeon

1*

et Nathalie Bertrand

2

1 Maître de conférences, AgroParisTech – ENGREF, UMR Métafort 24, Avenue des landais – 63170 Aubière,

Tél : 04 73 44 07 19 / Fax : 04 73 44 07 00

2 Ingénieur – Chercheur, Cemagref-DTM Grenoble 2 rue de la papeterie, BP76, 38402 Saint Martin d’Hères Cedex

Tél : 04 76 76 27 42 / Fax : 04 76 51 38 03

Résumé

Les nouveaux référentiels de l’action publique locale s’expriment aujourd’hui à travers la territo- rialisation des politiques, leur contractualisation et la définition par les acteurs locaux, de projets de territoire collectivement élaborés. En France, les projets de territoire en milieu rural sont consacrés par de nombreux dispositifs formalisés. Nous focalisant sur l’étude de trois dispositifs (SCOT, contrats de développement, pays LOADDT), nous caractérisons les modalités d’organisation collective qu’ils mobilisent et suscitent. Cela nous enjoint à considérer les formes de relations esquissées entre acteurs et les champs d’interactions entre niveaux décisionnels différents. Cette analyse est menée à partir des apports de l’économie de proximité. Explicitant les registres de proximité auxquels font appel les dispositifs étudiés, nous déterminons les formes d’organisation territoriale qui en résultent et appré- hendons, dans une perspective dynamique, leur évolution.

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Summary

What kind of proximity involved in French rural development projects?: Regionalization of policies is today a new reference for local public authorities, through contracts and definition by

*Adresse email : valerie.angeon@agroparistech.fr • nathalie.bertrand@cemagref.fr

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local actors of jointed development projects. In France, territorial projects in rural areas, are linked to many formalized devices. We study in this paper three territorial projects (coherence territorial plan –SCOT-, regional development contracts and LOADDT Law’s contracts). We characterize the ways collective actions are organized and what they generate. Then, we consider the types of relationships between actors and outline areas of interaction between different decision levels. This analysis is based on a theoretical frame: the economy of proximity. Specifying proximity registers that studied territorial projects require, we determine in a dynamic perspective the forms of territo- rial organization and their evolution as well as their development.

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : développement territorial, territoires ruraux, politiques publiques, coordination, gouvernance, proximité.

Keywords: territorial development, rural areas, public policies, governance, coordination, proximity.

Introduction

Trois facteurs transforment aujourd’hui le contexte du développement rural. Tout d’abord l’augmentation des mobilités des personnes, des biens et des services fait du rural un espace de flux qui renforce les liens ville – campagne posant aux politiques publiques la question de la prise en compte de ces nouvelles structurations spatiale et fonctionnelle (Hervieu et Viard, 2001 ; Lacour, 2005). Ensuite le renouvellement de l’action publique, la territorialisation grandissante des politiques – tant à l’échelon européen que national – et la complexification des niveaux décisionnels appelant des formes de gouvernance locale, privilégient une vision ascendante, concertée et parti- cipative du développement territorial. Enfin, les changements notables qui ont affecté ces dernières années les conceptions de l’action publique font apparaître une montée de la contractualisation. De nombreux dispositifs de réglementation encadrent, pilotent ou orientent en effet le développement des territoires. Ils portent aussi bien sur les pro- cédures de développement elles-mêmes que sur les pratiques ou modalités d’aménage- ment des territoires. On peut citer à ce titre, la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (loi SRU dite Gayssot1) en 2000, la loi Urbanisme et Habitat (UH) en 2003, ou plus anciennement, en 1999, la loi d’orientation et d’aménagement durable des territoires (LOADDT dite loi Voynet2) consacrant les pays et la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (ou Loi Chevènement).

Ces nouveaux référentiels de l’action publique locale appellent des mécanismes de coordination entre acteurs qui sollicitent un ou plusieurs champs d’interaction entre des niveaux décisionnels différents. Ils invitent ce faisant à s’interroger sur les formes de proximités mobilisées ou activées dans les modalités de développement des territoires ruraux. Notre réflexion nous enjoint à considérer les travaux menés par les économistes

1 Loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000, JO du 14 décembre 2000, pp. 19777 et suiv.

2 Loi n°99-533 du 25 juin 1999, JO du 29 juin 1999, pp. 9515 et suiv.

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de la proximité (Bellet et al. 1993 ; Bellet et al. 1998 ; Gilly et Torre, 2000 ; Pecqueur et Zimmerman, 2004) pour répondre aux questions que soulèvent ces nouveaux modes d’or- ganisation locale. Nous nous focaliserons sur l’analyse de quelques dispositifs formalisés mis en place dans les territoires ruraux français.

Nous chercherons dès lors à comprendre comment se caractérisent les dispositifs obser- vés dans les territoires ruraux français en termes de proximités. Nous tenterons d’appré- cier de quelle manière ces cadres de décision et d’action publique locale font appel à la fois à différentes formes de proximités territoriales mais aussi permettent de les renforcer.

Cette ambition s’inscrit en continuité de celles de travaux précurseurs (Zimmerman et al., 1998) qui associent aux formes de proximité des logiques de développement territorial.

L’apport de notre article tient non pas dans la démonstration de la pertinence de l’articula- tion entre les formes de proximité mais dans l’explicitation de ces liens pour des territoires dont la géométrie se précise par les projets dont ils sont porteurs. Ce lien de dépendance entre les dimensions géographiques, organisationnelles et institutionnelles de la proximité – de nature variable – structure en effet de manière différenciée les projets de territoire. La délimitation du périmètre des territoires institués s’apprécie en termes d’efficacité et de pérennité des actions entreprises par les acteurs dans une perspective de développement territorial.

Notre contribution entend renouveler les réflexions sur l’action publique locale via la grille d’analyse de l’économie de proximité. Pour cela, nous expliciterons notre cadre conceptuel mobilisé (1), puis, nous nous saisirons de quelques dispositifs de développement et d’aménagement en vigueur dans les territoires ruraux français comme illustration (2).

Nous entreprendrons enfin, sur cette base, l’élaboration d’une grille d’interprétation met- tant en évidence de quelle manière les formes de proximité mobilisées dans les dispositifs territoriaux étudiés jouent et favorisent, si ce n’est l’élaboration du dispositif lui-même, sa capacité à impulser des dynamiques territoriales pérennes (3).

1. Quand le renouvellement de l’action publique interroge les formes de proximités Jusque dans les années 70, la notion française d’aménagement du territoire visait à répartir équitablement les fruits de la croissance. La politique de « métropoles d’équilibre » – emblématique de l’aménagement du territoire à la française (Fouchier, 2005) – pro- mouvait alors une correction de l’écart (traditionnel) à la fois « économique, culturel et symbolique » entre Paris et la « province » (Baudelle et Peyrony, 2005) par une logique structurelle de développement et de décentralisation d’une industrie de masse. Elle sui- vait en cela les thèses de l’économiste français F. Perroux (1955) sur l’effet d’entraîne- ment des pôles de croissance industrielle, renforçant un espace ordonné selon un principe de « hiérarchie pyramidale » (Veltz, 1996). Le primat d’une conception hiérarchisée et équilibrée de l’espace a en somme conforté la fonction correctrice de l’Etat.

La crise post-industrielle du milieu des années 70 et la concurrence économique interna- tionale et européenne ont remis en cause cette logique de « mise à égalité » (Bailly et al., 1995). Le souci du maintien de l’attractivité nationale face à la mondialisation de l’écono- mie et la mise en œuvre de poliques plus qualitatives, dans un contexte de réduction bud- gétaire, ont orienté les politiques d’aménagement vers une stratégie de prise en compte du

« développement des territoires » et des spécificités régionales (Baudelle et Peyrony, 2005, 1991 ; Guigou, 1995). D’une redistribution des richesses, la politique d’aménagement –

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consacrant le fait territorial – a opéré une redécouverte du local et des avantages de la proximité (Béhar et Estèbe, 2002). L’importance de cette cohésion sociale locale renvoie à ce que K. Polanyi (1983) appelait l’encastrement de l’économie dans des structures sociales et politiques, et a fait l’objet de développements analytiques féconds dans les champs de la sociologie (Granovetter, 1985, 1994, 2000 ; Laville, 2004) et de l’économie (Bellet et al., 1993, 1998 ; Gilly et Torre, 2000 ; Pecqueur et Zimmerman, 2004).

Aujourd’hui, les politiques d’aménagement et de développement penchent davantage vers un principe d’équité qui conduit, au fond, à favoriser certains territoires (discrimination positive). Cette nouvelle philosophie des pratiques de l’aménagement et du développement des territoires repose sur la conception d’un Etat « facilitateur », voire animateur (Béhard et Estèbe, 2002) qui tient dans sa capacité à soutenir des initiatives locales et à encourager l’élaboration de projets de territoire sur la base de principes de concertation et de parti- cipation. Terme polysémique, la notion de projet recouvre des réalités diverses. Suivant P. Calame (1991), nous retiendrons qu’un projet de territoire caractérise « la conjonction d’analyses, de désirs et de savoir-faire collectifs qui permet de polariser l’action de cha- cun autour d’une ambition commune, de résister aux forces centrifuges, de surmonter les contradictions internes d’intérêts, de saisir les opportunités qui se présentent d’exploiter les marges de manœuvre, de replacer l’action de chacun improvisée en fonction d’événe- ments aléatoires dans une perspective à long terme » (Calame, 1991, p. 35).

Ainsi, au début des années 80, s’amorce en France une décentralisation des politiques d’aménagement et de développement des territoires, confirmant au cours des années 90 la territorialisation de l’action publique. En témoignent, par exemple, les dernières lois nationales relatives à l’aménagement du territoire (loi Voynet 1999, loi Chevènement 1999) et à la solidarité et au renouvellement urbains (loi Gayssot 2000, amendé par la loi Urbanisme et Habitat votée en 2003). Toutes ont en commun de considérer le territoire comme un espace de solidarité et de sociabilité pour lequel doivent s’élaborer des projets portés par les acteurs.

La LOADDT (25 juin 1999) souligne que l’aménagement du territoire ne peut seule- ment être justifié par une politique nationale et reconnaît les niveaux locaux comme des échelles cohérentes pour ce type d’action. La loi apporte un changement majeur en intro- duisant ainsi une approche ascendante (Gorgeu, 2002) réclamée depuis longtemps par les acteurs pour conduire et adapter les politiques de l’Etat et les politiques régionales aux contingences locales. La loi promeut également un développement durable et se fonde sur des projets de territoire incités par des accords territoriaux concertés et formalisés, dans le cadre de contrats de plan entre l’Etat et les Régions3. A la dimension rurale qui existait déjà, cette loi ajoute la dimension urbaine avec les contrats d’agglomération et consacre les pays. Ces territoires de projet de développement durable s’inscrivent sur un horizon temporel de 10 ans et se concrétisent par un document d’orientation (une charte), émanant des acteurs locaux et affichant un souci de complémentarité et de solidarité entre territoires ruraux et urbains.

La loi Chevènement (12 juillet 1999) relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, est particulièrement tournée vers la gestion des aires urbaines.

Elle simplifie le principe de coopération entre entités communales et acte l’existence de

3 Établis pour 5 ans. Désormais « Contrats de Projet Etat Région ».

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trois types d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : les commu- nautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines. La consolidation de ces structures se fait à la fois sur le plan juridique (elles se voient dotées de compétences obligatoires et optionnelles) et fiscal (Marieu et al., 2003).

La loi SRU (30 décembre 2000) traite conjointement des domaines de l’urbanisme, de la politique de la ville, du logement et des déplacements, pour une approche des aires urbaines en termes de solidarité et de renouvellement urbain. Elle définit les outils de la planification urbaine dans une logique d’articulation de différentes échelles territoriales et de mise en cohérence de politiques sectorielles. Elle crée un instrument de cohérence – le SCOT, schéma de cohérence territoriale – porté par une institution intercommu- nale, orienté préférentiellement sur les territoires urbains mais soutenant aussi des projets d’aménagement et de développement ruraux.

1.1. Renouvellement de l’action publique et émergence de territoires pertinents pour l’action

Ce renouvellement de contexte s’est accompagné de changements notables dans la conception de l’action publique. L’analyse s’est déplacée de la seule action des gouver- nements (ou plus largement des institutions publiques) vers des formes de mobilisation d’acteurs privés (associations, entreprises, simples citoyens) contribuant collective- ment à la régulation des espaces et des activités. Cette multiplicité d’acteurs implique différents niveaux décisionnels, parfois en situation conflictuelle (services de l’Etat, élus et services des collectivités locales, associations de défenses, professionnels de la construction et de l’aménagement …). Ils confrontent tant des enjeux économiques et financiers que des enjeux sociaux et des intérêts particuliers. JP Gilly et I. Leroux (1999) parlent ainsi de compromis institutionnels composites qui orientent la coordi- nation des acteurs selon des « régularités technico-économiques et sociales géographi- quement concentrées ». La collectivité locale garde un rôle d’orientation et de pilotage mais compose avec d’autres institutions, publiques ou privées, « obéissant à leurs pro- pres logiques d’intérêt et/ou exerçant des responsabilités sur des domaines de compé- tences tantôt partagés, tantôt disputés, mais jamais absolument étanches ni autonomes » (Bertrand et Moquay, 2004). L’Etat est présent soit en tant que partenaire et arbitre (contrôle de légalité), sur des enjeux nationaux et/ou fixe des orientations à respecter dans des documents établis à des niveaux plus détaillés (par exemple, les Directives Territoriales d’Aménagement (DTA), les schémas des services collectifs prévus par la LOADDT). Cette organisation territoriale plus « pertinente », s’appuie sur deux échel- les spatiales de référence, l’aire urbaine4 et les bassins de vie.

L’action publique s’accompagne également aujourd’hui d’une affirmation des processus d’accords concertés sur des orientations négociées et communes. Initiés en France de façon ponctuelle dès les années 70, ils se sont affirmés comme forme spécifique de conduite de l’action publique (Gaudin, 1996). Les lois de décentralisation, instituant notamment les

4 Ensemble des communes d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain et par des commu- nes rurales ou unités urbaines dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle urbain ou dans les communes attirées par celui-ci (INSEE/INRA, 1998).

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contrats de plan et les chartes de développement, ont permis l’essor et la concrétisation de partenariats entre les différentes collectivités territoriales. Aujourd’hui cette procédure s’est étendue à de nombreux champs de l’action publique et fait l’objet d’une pluralité de défi- nitions et de procédures : démarches de planification et d’aménagement territorial (SCOT), contrats d’agglomération, chartes de Parcs naturels régionaux (PNR), chartes de pays5 par exemple. Les dénominations sont multiples (chartes, contrats, conventions, pactes…) et mêlent réalisations immédiates, effets d’annonce, obligations juridiques et engagements plus politiques. Trois critères permettent de préciser les modalités de telles procédures (Moenne, 2001) : la présence d’un accord négocié sur des objectifs d’action ; l’engagement sur un calendrier de réalisation à moyen terme (entre l’annualité budgétaire et la planifica- tion plus lointaine) ; des contributions conjointes des partenaires engagés dans la réalisation des objectifs en moyens financiers ou humains. Ces prérogatives sont inscrites dans un texte d’engagement signé par les différents protagonistes. De délimitations administratives, on passe à des territoires de gestion ; d’interventions sectorielles, il est aujourd’hui question de gestion intégrée, transversale et globale.

Cette action publique voit, de plus, l’émergence d’un principe de nouvelle organisation ter- ritoriale avec les coopérations intercommunales comme moyen de dépasser la fragmentation territoriale française. Le constat est fait aujourd’hui d’une superposition plus que d’une subs- titution des niveaux décisionnels intercommunaux et communaux complexifiant le panorama territorial français (Cour des Comptes, 2005). Il s’agit cependant de l’émergence de territoi- res dits pertinents à « l’échelle des contextes spatiaux des problèmes contemporains », pour le développement d’une organisation territoriale solidaire (Goze, 2000) caractérisée par le volontariat des communes et de leurs EPCI. Les échelles spatiales de référence invoquées sont celles de l’aire urbaine et des bassins de vie, où l’enjeu est de mettre en cohérence un ensem- ble de politiques publiques sectorielles. Fondées sur le volontariat et l’adhésion à un projet territorial, ces coopérations répondent aux principes de concertation, basée sur la rencontre et le débat entre les différents partenaires au préalable à la décision, et d’incitation (financière) – marquant la préférence des pouvoirs publics pour le faire faire plutôt que le faire – à l’égard d’organismes publics ou parapublics autonomes ou encore du secteur privé.

Ces nouveaux référentiels de l’action publique locale appellent des mécanismes de coordination particuliers entre acteurs qui mobilisent un ou plusieurs champs d’interac- tion entre des niveaux décisionnels différents. Ils reposent sur l’aspiration des acteurs locaux à s’impliquer dans les modes de gestion de leur territoire et convoquent, de ce fait, des principes et des normes singuliers de gouvernance.

1.2. Gouvernance locale et projets de territoires ruraux

Ces processus locaux de décision questionnent les coopérations qui se mettent en place entre les nombreux acteurs impliqués dans l’action publique territorialisée et l’élaboration de projets de territoire. Ils renvoient à des formes d’action collective reposant sur des jeux de négociation, de compromis, d’alliances, qui supposent l’activation de relations et de réseaux divers. Ils interrogent ainsi les modalités de gouvernance locale (Pecqueur, 2000 ;

5 La loi d’orientation du territoire (1995), modifiée par la loi LOADDT (1999) et par la loi UH (2003), ont institué les «pays» et les «agglomérations» comme territoires de projets.

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Gilly et Wallet, 2005) qui permettent de mobiliser un ou des champs d’interaction entre acteurs de nature variée et de statuts différents mais aussi de garantir la tenue d’accords, sur un projet plus ou moins explicité, entre partenaires destinés à être parties prenantes du gouvernement territorial.

Pour décrypter ce qui se joue derrière la mise en place de ces accords territoriaux, nous mobilisons la grille d’analyse de l’économie de proximité. Les travaux relevant de cette approche ont connu différents développements, illustrant des débats encore en cours (Gilly et Lung, 2005 ; Bouba-Olga et Grossetti, 2005 ; Billaudot et Colletis-Wahl, 2006,) autour des distinctions fondatrices de la proximité6. Nous retiendrons pour notre part une déclinai- son mettant en avant deux registres de la proximité (Rallet, 2002 ; Pecqueur et Zimmermann, 2004) : géographique et organisée. Par ailleurs, une distinction d’un autre ordre tend à oppo- ser les auteurs relevant de l’approche en termes de proximité dont les travaux privilégient une posture interactionniste ou s’inscrivent au contraire dans une perspective institutionna- liste (Billaudot et Colletis-Wahl, 2006). Notre approche est ici d’essence institutionnaliste.

Ainsi, la gouvernance locale, en tant que « processus institutionnel et organisationnel de construction d’une mise en compatibilité des différents modes de coordination entre acteurs géographiquement proches, en vue de résoudre les problèmes productifs inédits posés aux territoires » (Pecqueur, 2000) lie proximité géographique et proximité organisée. Pour ce qui concerne la mise en place de projets de territoire, la proximité géographique est un facteur préalable à l’ancrage et à la rencontre des acteurs ; elle appelle une logique de voisi- nage (plus ou moins grande distance physique) qui spécifie l’espace dont se reconnaissent les acteurs et légitime leur implication locale. La proximité organisée, quant à elle, situe le potentiel de coordination des agents qui repose respectivement sur des logiques d’apparte- nance (reflétant les dynamiques d’interaction des agents) et sur des logiques de similitude ou d’adhésion (capacité des agents à partager des représentations et des fins communes)7. Si la logique de voisinage peut être considérée comme l’une des conditions favorables à la créa- tion d’une proximité organisée (Rallet, 2002), les logiques d’appartenance et de similitude ou d’adhésion rendent compte de la propension des acteurs à l’action collective. L’action collective s’appuie avant tout sur une proximité organisée où des logiques d’appartenance ou d’adhésion président aux réseaux d’influence ou d’instances formalisées de concertation dans lesquels les échanges entre acteurs prennent place.

Cette gouvernance locale n’implique pas seulement des rapports locaux (formels et informels), mais aussi une relation local-global, c’est-à-dire une proximité organisée entre acteurs locaux et acteurs extérieurs au territoire. Par ailleurs, dans la mise en œuvre de gouvernances locales, la question de l’interaction entre les formes de proximités et leur rôle dans la constitution dynamique de projets territoriaux se pose. Comme le soulignent B. Pecqueur et J-B. Zimmermann (2004), « la proximité géographique est subordonnée à la proximité organisée ». La proximité géographique est alors analysée comme un élé- ment de contexte ou de cadrage (Bertrand et Moquay, 2004).

6 Les trois dimensions couramment évoquées sont d’ordre géographique, organisationnel et institutionnel (Kirat et Lung, 1995 par exemple). Dans le diptyque proximité géographique- proximité organisée, les di- mensions organisationnelles et institutionnelles et les logiques qui leur président fondent une même forme de proximité (Pecqueur et Zimmermann, 2004).

7 Cf. Pecqueur, Zimmermann (2004) pour une synthèse de cette approche. Dans la littérature, la logique d’adhésion est également appelée logique de « similitude ».

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Qu’en est-il plus spécifiquement des dispositifs ruraux de développement, initiés à diffé- rentes échelles et qui aujourd’hui sont mis en œuvre en France ? Qu’ils relèvent de l’échelon européen, national ou régional, ces dispositifs visent à la mise en place de politiques ter- ritorialisées de développement. Ils définissent de nouvelles entités territoriales qui corres- pondent au périmètre des projets portés par un collectif d’acteurs locaux, et qui, émanation d’une certaine qualité de coordination locale, témoignent de logiques de proximité.

2. De la mobilisation des formes de proximités dans les dispositifs territoriaux de développement rural

Le renouvellement de l’action publique qui prend forme à travers des principes et des mécanismes de territorialisation et de gouvernance, se traduit par l’émergence de disposi- tifs concertés faisant une place de plus en plus importante à l’incitation financière et à la coopération autour de projets de territoires. Qu’il s’agisse d’initiatives européennes (de type LEADER +8), de démarches de planification et d’aménagement territorial, de chartes de Parcs Naturels Régionaux9 ou de pays, de politiques régionales, l’enjeu est bien d’inciter, à diffé- rents niveaux décisionnels, des territoires de projets reposant sur la coopération et l’action collective. Si ces dispositifs s’appuient sur une proximité géographique implicite permet- tant d’envisager l’établissement de coordinations locales, l’efficacité de leur mise en œuvre appelle d’autres formes de proximité dès lors qu’il est moins question de règlement que de coopérations volontaires.

Trois exemples contrastés de dispositifs sont ici retenus pour notre démonstration : les schémas de cohérence territoriale, les contrats de développement et les pays LOADDT.

Ce choix est motivé par une double raison. D’une part parce que ces dispositifs rendent compte de manière exemplaire des évolutions actuelles des mesures concertées, parti- cipatives et négociées en matière d’aménagement et de développement des territoires.

D’autre part parce que ces dispositifs sont représentatifs de la pluralité des échelles de coordination et d’incitation qu’ils impliquent : l’Etat et les collectivités territoriales dans le cas des pays, les régions dans leur définition des politiques territoriales (Rhône-Alpes et les contrats de développement), enfin les collectivités locales dans leur capacité à éta- blir un projet concerté d’aménagement à 20 ans dans le cas des SCOT. Leur réussite voir leur relatif échec, permettent ici de décrypter, par l’analyse de la nature des formes de proximité qu’ils convoquent et de leur articulation, les processus de territorialisation de l’action publique tels qu’ils se manifestent aujourd’hui en France.

2.1. Un hiatus entre les échelles de la proximité géographique et de la proximité organisée : l’exemple des schémas de cohérence territoriale

Depuis une quarantaine d’années, le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT, ex SDAU, schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme) fixe – avec les Plans Locaux d’Urbanisme communaux (PLU, ex POS) – le cadre et les règles de l’usage de l’espace

8 Programme d’initiative communautaire ayant pour objectif d’inciter et de soutenir les acteurs ruraux à entreprendre des actions de développement rural intégré. Les acteurs éligibles à ce type de financement sont des groupes de partenaires (« groupes d’action locale »).

9 Projet territorial de développement durable avant la lettre, les PNR ont été créés en France en 1967.

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(Martin et al., 2006). Il statue sur une planification stratégique de long terme (20 ans) et fixe les orientations générales de l’organisation de l’espace en termes d’habitat et d’emploi. Ce cadre a été remanié à plusieurs reprises, notamment en 2000 (loi SRU) et dans une moindre mesure en 2003 (loi UH). Son objet n’a pas fondamentalement évolué, cependant depuis 2000 la notion de projet a été mise en avant par rapport à la détermination des règles d’usage du foncier (Liochon, 2002). Le SCOT définit des objectifs d’aménagement à l’échelle supra-communale et une mise en cohérence de politiques publiques sectorielles. C’est un projet de territoire dont la base spatiale atten- due est celle de l’aire urbaine, structurée par les relations domicile-travail et par les liens fonctionnels qui se tissent entre le ou les centres d’emplois et les espaces ruraux de périphérie. De caractère non réglementaire, le SCOT engendre cependant une obli- gation de compatibilité (c’est-à-dire de non contradiction) des PLU et d’un certain nombre d’opérations d’aménagement (Martin et al., 2006).

Au niveau français, le bilan quantitatif apparaît satisfaisant et de nombreuses coopé- rations intercommunales ont vu le jour autour de villes centres. Ainsi, au 1er juin 2004, les SCOT couvraient pratiquement toutes les aires urbaines de plus de 50 000 habitants (ETD, 2003 ; DGUHC, 2005) comme la loi le préconise.

Cependant, le bilan qualitatif sur la véritable portée de telles coopérations est plus mitigé. La fixation des périmètres de SCOT n’a bien souvent pas permis d’aller jusqu’au bout de la démarche proposée par la loi SRU, à savoir construire à l’échelle d’un territoire urbain une planification stratégique de mise en cohérence des politi- ques sectorielles entre l’agglomération et les zones rurales périurbaines (Goze, 2005).

Alors que le dernier recensement avait mis en évidence dans le périurbain une forte poussée démographique et l’éclatement urbain (INSEE Première, 2000), en 2005, un tiers seulement des SCOT concerne le périmètre global de l’aire urbaine ; un autre tiers affiche des périmètres intermédiaires (entre l’agglomération centrale et l’aire urbaine) ; le dernier tiers coïncide ou dépasse l’aire urbaine au sens de l’INSEE (Cour des Comptes, 2005). Peu de SCOT sont en accord avec les attentes de la loi SRU. Ils tendent plutôt à englober l’agglomération centrale et les espaces ruraux de proximité liés par des relations fonctionnelles au centre.

Pour la mise en place d’un SCOT, des coopérations volontaires pour la construction d’un projet de territoire d’aménagement et de développement doivent être effectives (déterminants de la proximité organisée). Ces dernières relèvent de la capacité des acteurs locaux à définir un espace de pratiques (logique d’appartenance) et de stratégies com- munes (logique de similitude ou d’adhésion). Ce document d’urbanisme, son contenu, mais surtout les débats qu’il occasionne lors de son élaboration qui peut s’étendre dans le temps (plusieurs années), constituent en effet l’un des aspects centraux de la conception et de la mise en œuvre du projet de territoire. La difficile mobilisation de l’intercommunalité à l’échelle des territoires urbains est liée en grande partie à la confrontation de concep- tions différentes par les acteurs locaux du devenir de ces espaces. Elle pose la question de l’efficacité de la régulation et à terme de l’efficience et de la pérennité des modes de gestion de certains territoires.

Certains territoires semblent répondre aux attentes de cohésion d’ensemble et à une mise en œuvre des documents de planification. Ainsi, la région urbaine de Grenoble (RUG), dans le Sillon Alpin, donne une illustration de l’articulation entre politiques

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d’aménagement et de développement économique. L’élaboration du schéma directeur (SD), regroupant plus de 200 communes10 a reposé sur une perspective de développement global cohérent (SD, 1998) : favoriser la croissance économique et soutenir une attracti- vité reposant sur la qualité de l’environnement (Martin et al., 2006). Un aspect essentiel du débat et du projet d’aménagement a été de répondre à un équilibre politique entre l’ag- glomération centrale et la périphérie. L’accord politique entre les différents protagonistes – collectivités locales, ville centre, représentants agricoles, aménageurs et développeurs, citoyens au travers du forum de débats – s’est fait sur l’ouverture d’espaces stratégiques en périphérie, sur le renforcement des pôles économiques et urbains des espaces envi- ronnants, sur des zones d’activités de niveau régional et la promotion de « centralités secondaires » favorisant une organisation multipolaire (Pradeilles, 1997).

Si la proximité géographique est postulée pour la constitution d’un projet d’aména- gement et de développement à l’échelle urbaine, la proximité organisée est appelée pour la mise en œuvre du projet, voir la constitution même du périmètre de coopération. La proximité géographique présupposée dans les textes est flexible et est en cela « subor- donnée à la proximité organisée » (Pecqueur et Zimmermann, 2004) entre agriculteurs, aménageurs et élus locaux. Elle est construite autour d’enjeux qui sont principalement des enjeux de développement urbain. De la même manière, une intégration territoriale réussie de politiques sectorielles, tels que les transports, dépend étroitement du périmètre sur lequel elles s’étendent. Les déplacements journaliers définissent ou créent un ensemble spatial pertinent qui se rapproche des réalités d’un territoire vécu où prévalent l’articula- tion des proximités géographique et organisée.

Idéalement envisagée à une échelle spatiale étendue (logique de voisinage faible), l’entité territoriale définie par les SCOT se heurte souvent à la mise en œuvre de proxi- mités institutionnelles et organisationnelles. Les interactions entre les aménageurs et développeurs, les élus, les représentants professionnels agricoles mettent en présence des acteurs localisés sur un même espace qui ne peut cependant coïncider avec l’échelle d’établissement des pratiques de coopération et de sociabilité. Dans ce cas, le nœud de cohésion sociale locale ne correspond pas toujours au périmètre spatial du projet de ter- ritoire envisagé. La pluralité des acteurs en relation et la distance sociale qui peut les opposer, du fait de la taille du territoire pour lequel ils ont à se coordonner et définir un projet de territoire, ne facilitent pas les procédures de convergence des représentations. La disjonction entre les formes de proximité géographique et organisée peut alors mettre en difficulté l’action, la conception et la mise en place du projet de territoire.

2.2. Une proximité géographique imposée dans les contrats de développement de la région Rhône-Alpes

Le contexte des politiques territorialisées régionales offre une autre illustration de la centralité de la dimension institutionnelle et organisationnelle de la proximité et de sa mise en œuvre. Ainsi la région Rhône-Alpes, après avoir passé avec les territoires de nombreux contrats thématiques (développement touristique, culturel, économique, du patrimoine, environnement), s’est engagée au milieu des années 90 dans une politique de développe-

10 Aujourd’hui 243 communes.

(11)

ment territorialisée s’appuyant sur les Contrats Globaux de Développement (CGD) créés en 1992, puis pour la seconde génération de contrats, sur les Contrats de Développement de Rhône-Alpes (CDRA)11 mis en place en 2000. L’objectif de ces dispositifs est de conju- guer les priorités régionales et les besoins des territoires. Les CDRA « ont vocation à accompagner les politiques locales qui concilient les aspects d’ordre économique, social et environnemental dans une perspective de développement durable » (Conseil Régional Rhône-Alpes, 2000). Si la priorité est donnée au développement économique, les CDRA permettent l’élaboration de projets prenant en compte un ensemble de thématiques spécifi- ques aux territoires. La procédure comporte trois étapes. La première est la candidature et l’agrément régional. La région vérifie la pertinence du périmètre spatial retenu et de l’ins- tance de pilotage (représentativité des membres, qualité d’une instance de coordination et de fédération d’un collectif). La seconde étape porte sur l’élaboration du contrat d’objectifs ou charte (définition des priorités et de la vision prospective à 10 ans). La troisième étape est l’agrément du contrat définitif qui se traduit en programme d’actions à réaliser en 5 ans.

Les négociations avec la région concernent les actions et leur financement. Le CDRA est porté par un syndicat mixte.

Si les CGD invitaient élus et acteurs socio-économiques à définir un projet global de développement à long terme, le CDRA s’inscrit dans un démarche participative destinée à inciter et à accompagner la mise en œuvre de projets de territoire à une échelle se rap- prochant si possible des zones d’emploi INSEE (ERT, 2004). Cette seconde génération de CDRA doit répondre à un agrandissement des périmètres requis et correspondre aux critères démographiques de la Région soit constituer des espaces de plus de 60 000 habitants. Par la signature des CDRA avec des institutions locales représentant des territoires, c’est donc un périmètre spatial d’une certaine ampleur qui est recherché, obligeant ainsi institutions et milieux socioprofessionnels à concevoir des projets d’envergure. Ce regroupement local répond d’autre part à une demande régionale de continuité territoriale.

Le Trièves-Mathésine au sud de Grenoble a fait l’objet d’un contrat de première généra- tion (le CGD). La part de financement consacrée aux actions communes Trièves Matheysine est restée relativement faible (environ 20 %), alors que le Trièves a bénéficié de 45 % des financements et la Matheysine de 35 %. Les proportions entre actions globales et locales sont inversées dans le nouveau contrat de développement CDRA Alpes Sud Isère qui concerne un périmètre très vaste (8 cantons) élargissant le précédent à l’Oisans et au Sud grenoblois (Vizille), sous la pression de la Région. Le contenu a été élaboré au sein de 7 commissions dont 3 concernent plus directement le développement économique (développement et emploi, tourisme, agriculture et ressources naturelles). La délimitation du territoire du CDRA sur des critères démographiques régionaux a cependant du mal à correspondre à l’émergence de ter- ritoire d’intérêts et de projets communs. Une étude réalisée par l’IDT RA12 (Rousier et al., 2004) interrogeait la capacité de vastes périmètres (ici un territoire de 100 km de long en zone de montagne) définis pour répondre aux critères démographiques de la Région, à voir émerger des territoires sur la base d’intérêts ou de projets communs. Si les nouveaux dispo- sitifs, tels les CDRA, reposent sur une nécessaire coopération entre les institutions publiques qui contractualisent, ils donnent davantage l’impression d’une accumulation d’instances et de

11 Aujourd’hui CDDRA, Contrat de Développement Durable de Rhône-Alpes.

12 Institut du Développement Territorial Rhône-Alpes

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niveaux de gestion institutionnelle d’une certaine complexité. De plus, « l’absence d’identité territoriale du Sud Isère met en évidence la distance entre les lieux de prise de décision (tel le conseil local de développement représentant la « société civile » ou le comité de pilotage rassemblant 8 élus représentants des 4 pôles territoriaux) et les préoccupations des acteurs de terrains, élus communaux, commerçants ou hôteliers, sans parler des habitants sur le terrain » (Rousier et al., 2004). La logique de similitude ou d’adhésion de la proximité organi- sée fait ainsi défaut et l’échelle spatiale de référence ne favorise pas son activation.

2.3. Les pays, des espaces de cohésion spatiale, relationnelle et institutionnelle Les premières politiques de pays ont été initiées par le comité interministériel d’amé- nagement du territoire du 11 avril 1975 à travers les « contrats de pays ». Les actions prévues dans ce cadre devaient répondre à un double objectif : mettre un terme à la dévi- talisation économique et démographique du monde rural en associant plus étroitement les campagnes et les villes petites ou moyennes, développer les responsabilités locales, encourager les initiatives des élus et instaurer des méthodes d’action – tant de la part des administrations que des collectivités locales – plus solidaires, concertées et globales.

Cette notion politique des pays a été redéfinie par la LOADT puis la LOADDT comme un territoire « présentant une cohésion géographique, historique, culturelle économique et sociale » pour lequel les acteurs locaux (élus, socioprofessionnels, population) bâtis- sent un projet de développement durable. Cette démarche de projet constitue un boulever- sement des pratiques tant pour les services de l’Etat que pour les collectivités territoriales puisque, « territoires vécus », les pays peuvent s’affranchir des limites administratives.

La loi prévoit explicitement que les forces vives des territoires (milieu socio-écono- mique, habitants, milieu associatif, etc.) soient associées à l’élaboration et la construction des pays. Cette participation peut s’opérer à travers notamment la création de conseils de développement. La place donnée à la démocratie participative par rapport à la démocratie élective locale (représentée par les collectivités territoriales) constitue une réelle innovation.

Les acteurs parties prenantes précisent leurs modalités d’actions dans une charte sur la base d’un accord volontaire. Lorsqu’un pays a adopté son projet de développement, il peut signer un « contrat de pays » avec l’Etat et la Région afin de bénéficier de financements13. Le pays étant une entité territoriale sans existence juridique, il doit passer, pour contractualiser par l’intermédiaire d’autres structures (structures intercommunales par exemple).

Ces formes de recomposition territoriale, à travers les termes d’une réflexion qu’elles portent sur les échelles de cohérence organisationnelle, institutionnelle et spatiale, sont – tout au moins dans la lettre – des espaces de cohésion forte. L’état d’avancement de la constitution des pays est certes variable d’une région à l’autre, mais on notera que ce dis- positif territorial, qui entend articuler les proximités géographique et organisée, contribue à augmenter la consistance spatiale de ces projets de territoire et à en renforcer la cohérence.

En effet, la proximité géographique n’est pas ici décrétée ou imposée aux acteurs locaux. Ceux-là mêmes définissent le périmètre spatial des pays. L’échelle des pays est ainsi celle de « territoires vécus », intrinsèques aux relations sociales. La proximité orga- nisée est donc ici déterminante pour l’élaboration des pays.

13 Les départements sont également invités à s’associer à la démarche de construction de ces projets de territoire.

(13)

L’exemple du pays de Saint-Flour Haute-Auvergne (Cantal) vient en contrepoint de ces dernières considérations. Quelques traits distinctifs caractérisent ce pays14 dont les acteurs locaux se montrent peu enclins au développement d’actions collectives à cette échelle territoriale. Dans ce territoire en déprise, les survivances du passé prédomi- nent : absence d’habitude de travail en commun, méfiance, guerre de clochers, difficulté d’insertion des nouveaux venus etc. On observe que l’entité territoriale de cohésion sociale correspond au hameau (Angeon et al., 2006) et on note que l’absence de coopé- ration entre les agents (on recense par exemple peu d’initiatives ou de projets collectifs) se reflète également au niveau institutionnel. L’analyse des choix de regroupements intercommunaux montre que ces derniers relèvent davantage de pressions internes et non de l’émergence d’un véritable projet commun porté par les acteurs locaux. En conséquence, dans ce territoire le périmètre spatial des relations sociales est restreint et ne concorde pas avec l’échelle du pays.

On notera pour finir, que la systématisation de la procédure des pays en France – qui a pour conséquence une bonne couverture du territoire national par ces nouvelles formes d’organisa- tion – est le résultat d’incitations relevant de démarches descendantes. Alors que ces projets de territoire devraient émerger d’initiatives locales sur la base de l’établissement de relations de proximité forte (proximité organisée), c’est dans la pratique davantage l’argument de la proxi- mité géographique qui prime au moment de la constitution des projets. Ainsi, dans de nom- breux exemples, la concordance entre les périmètres spatial et social des projets de pays tend à faire défaut, comme c’est en particulier le cas du pays de Saint-Flour Haute-Auvergne.

3. Vers une conceptualisation des dynamiques de proximité opérant dans les textes des dispositifs territoriaux de développement rural

L’étude de quelques dispositifs encadrant ces projets de territoire qui aujourd’hui structurent l’espace rural français, nous a permis d’appréhender les formes de proximité qu’ils mobilisent. A partir des exemples mentionnés précédemment, nous proposons une grille d’analyse des formes de proximités qui sont mobilisées dans l’élaboration des dis- positifs territoriaux de développement rural. Notre raisonnement s’établit en deux temps.

Nous verrons, premièrement, quels mécanismes sont à l’œuvre lorsque les dispositifs en vigueur dans les territoires ruraux font appel, tel qu’en témoigne l’esprit même des textes, aux proximités (3.1). Deuxièmement, nous mettrons en perspective les formes d’organi- sations territoriales produites et les processus d’apprentissage qu’impliquent les dispo- sitifs de développement rural étudiés. Nous analyserons comment ces recompositions territoriales sont susceptibles de se transformer sous l’effet de l’évolution des formes de proximité elles-mêmes (3.2).

3.1. Quand les textes renforcent l’appel aux proximités ?

Par essence, les dispositifs de développement rural s’appuient implicitement sur des dynamiques de proximité entre acteurs et visent à les conforter. Ainsi les textes

14 Un fort déclin démographique, l’exode des jeunes, le vieillissement continu d’une population peu encline au changement (pas de culture d’entreprenariat ni du risque).

(14)

présidant à ces dispositifs font appel à différentes formes de proximités, dont la mise en œuvre pose la question de la façon dont les relations de proximité rendent opéra- toires ces dispositifs territoriaux.

Nous nous proposons de mettre en parallèle trois dispositifs territoriaux et d’analy- ser comment y opèrent les différentes formes de proximité, ainsi que les logiques qui y président. Nous avons ainsi élaboré une grille de lecture qui tente de conceptualiser les dispositifs choisis selon les formes de proximités qu’ils mobilisent.

* Les SCOT permettent aux communes appartenant à un même bassin de vie de mettre en cohérence, dans le respect du principe de subsidiarité, les politiques sectorielles dans les domaines de l’urbanisme, de l’habitat, des implantations commerciales et industriel- les, des déplacements et de l’environnement. Ce document de planification définit l’orga- nisation du territoire afin de préserver un équilibre entre zones urbaines, zones d’activités, espaces touristiques, agricoles et naturels. Cet outil, d’orientation stratégique de l’aména- gement et du développement territorial sur une dynamique partenariale entre les entités territoriales concernées par l’élaboration du SCOT (communes ou groupements de com- munes, pays, parcs naturels régionaux etc) et la société civile (l’approbation du document est soumise à enquête publique)15, mais aussi l’État (via l’approbation du représentant de l’Etat au niveau du département)16, le département, la région.

Le SCOT est porté par une dynamique d’intercommunalité qui inscrit les collectivités locales dans une logique de projet à l’échelle d’une région urbaine fonctionnelle. Les for- mes de proximité qui fondent ce dispositif et leurs modalités de mise en œuvre diffèrent d’un territoire à un autre. Si la loi préconise et incite à concevoir les SCOT à l’échelle des régions urbaines (correspondant à l’aire des déplacements domicile-travail), leur périmètre spatial se détermine dans la pratique par l’élaboration d’un projet de territoire à 20 ans lié aux proximités organisées qui se mettent en place au moment de l’élaboration du SCOT.

Les traditions de coopération entre collectivités locales, nécessitant un certain appren- tissage, sont plus ou moins développées (logique d’appartenance). De plus, la faculté des acteurs parties prenantes du projet à partager des fins communes (logique de similitude) est plus ou moins importante. Le découpage spatial du projet de territoire envisagé résulte ainsi peu ou prou de l’existence d’une proximité organisée constitutive dudit projet.

* La proximité géographique constitue un substrat partiel à l’élaboration des contrats de développement passés avec la Région. La demande de la Région d’avoir des péri- mètres importants pour la définition du projet de territoire pose le problème de l’appro- priation locale du dispositif et de la mise en place d’actions. La logique de voisinage au démarrage du contrat tient dès lors à la juxtaposition d’entités territoriales d’échelles plus réduites. Elle rend difficile de prime abord la mobilisation d’une proximité organisée au sens où, au moment de la phase opérationnelle de constitution du projet de territoire, les dynamiques de relations entre les composantes territoriales sont a priori faibles, si ce n’est inexistantes (logique d’appartenance). Par ailleurs, leur association construite sur la base d’un périmètre spatial prédéterminé, ne laisse pas non plus nécessairement place à

15 Elle a pour but d’informer la population et de recueillir son opinion ainsi que l’avis d’un commissaire enquêteur indépendant.

16 Le représentant de l’État porte à la connaissance de la structure intercommunale les éléments juridiques qui relèvent de ses compétences (directives territoriales d’aménagement, dispositions de la loi «littoral» et de la loi «montagne», protections en matière de préservation et de patrimoine etc.).

(15)

la convergence des systèmes de représentations (logique de similitude ou d’adhésion). En réalité, la continuité territoriale prime lors de la contractualisation avec la région sur les logiques d’appartenance et de similitude.

*Le cas des pays est, dans son essence, exemplaire dans les textes. En effet, les pays sont des espaces de cohésion économique, spatiale, sociale, culturelle. Ces trois dernières échelles peu- vent être mises en correspondance avec les trois logiques de la proximité. La cohésion spatiale permet l’établissement d’une logique de voisinage forte c’est-à-dire une faible distance physique entre les acteurs. La cohésion sociale, qui renvoie à la qualité du tissu relationnel (sociabilité), se rapporte à la logique d’appartenance. Enfin, la cohésion culturelle, qui signifie que les agents cultivent les mêmes représentations, n’est autre que la logique de similitude ou d’adhésion. La coexistence préconisée de ces trois échelles dans les textes même de constitution des pays, fait de cette forme de recomposition territoriale, un territoire de proximité par nature.

Notre analyse montre ainsi l’importance de l’articulation entre les différentes logiques de proximité qui sous-tendent les textes des dispositifs territoriaux de développement rural. On notera toutefois qu’au moment de l’élaboration des projets de territoire, ces logiques de proxi- mité impriment variablement les dispositifs territoriaux. Le tableau suivant résume nos propos : Tableau 1 : Les logiques de proximité appelées par les textes pour la mise en place de trois dispositifs territoriaux de développement rural

Formesetlogiques

deproximités

dispositiFs

territoriaux

Proximité géographique Proximité organisée Logique de voisinage

(caractérisation) Logique

d’appartenance (impact sur la constitution du projet)

Logique de similitude ou d’adhésion (impact sur la constitution du projet)

Dispositif SCOT Reposant sur une dépendance fonctionnelle (périmètre spatial préconisé à l’échelle urbaine)

Facilite peu ou prou la constitution et l’activation de proximité organisée et résulte même de l’existence d’une proximité organisée

Logique plus ou moins opérante

(fonction des coopérations antérieures mises en œuvre au sein du périmètre territorial retenu)

Logique plus ou moins opérante

(met en présence des acteurs dont les intérêts ne sont pas a priori nécessairement convergents)

Contrat de développement (Rhône-Alpes)

Etendue spatiale imposée (périmètre spatial continu imposé par la région) Ne s’appuie pas a priori sur une activation de la proximité organisée

Faible

(pas de culture commune ni d’habitudes de coopération)

Faible

(portage institutionnel plus que choix des acteurs locaux)

Pays Cohésion territoriale

(périmètre spatial défini par les acteurs locaux) Facilite la constitution et l’activation de proximité organisée

A priori opérante (en raison des habitudes de coopération existant entre les entités territoriales constitutives du pays.

Facilite la logique de similitude)

A priori opérante (facilite la logique d’appartenance)

(16)

Cette esquisse de conceptualisation formalise les projets de territoire à leur démarrage.

Dans une perspective dynamique, il convient maintenant de nous interroger sur l’évolu- tion de ces projets. Cela nous permettra certaines réflexions quant aux logiques de déve- loppement impulsées par les différentes formes de proximité.

3-2. Réflexion sur la dynamique d’évolution des territoires de leurs formes d’organisation au regard des proximités développées

Les formes de proximité mobilisées dans les textes peuvent évoluer et nous conduisent à nous interroger sur la manière dont se transforment les organisations territoriales définies par les projets impulsés dans les dispositifs territoriaux. Nous nous intéressons ici à l’effet des relations de proximité et de leurs dynamiques sur l’organisation territoriale. Nous nous situons pour ce faire en filiation des travaux de J-B. Zimmerman et al. (1998) pour lesquels les dynamiques de proximité influent sur les modalités de développement des territoires.

La littérature économique fait état de contributions nombreuses s’accordant sur l’im- portance des liens sociaux comme variable explicative de la performance locale (Angeon, 2008). Que ces liens sociaux soient caractérisés par leur nature – impliquant plus ou moins de proximités – ou par les normes et règles qui président à leur établissement (i.e.

relations de confiance), ces travaux soulignent leur influence à travers les externalités qu’elles favorisent (Durlauf et Fafchamps, 2004). Ces externalités peuvent être appréhen- dées notamment en termes de meilleure collecte et circulation de l’information. Elles sont des facteurs favorables à la réalisation de l’action collective.

Si l’on s’intéresse aux formes de proximité impliquées dans ces mécanismes de pro- duction d’externalités, est souligné le rôle prépondérant de la proximité organisée par sa double logique d’appartenance et de similitude (ou d’adhésion). Les deux logiques sem- blent se renforcer l’une l’autre. En effet, la fréquence des interactions entre acteurs tend à conduire à la production de règles et de normes collectivement partagées. De la même manière, l’adhésion des acteurs à des systèmes communs de représentation est l’une des conditions nécessaires à la stabilisation de leurs pratiques (réciprocité des engagements, organisation de l’autocontrôle, limitation de comportements déviants etc.). Ces deux logi- ques favorisent l’émergence de structures relationnelles cohésives qui créent et augmen- tent le sentiment d’appartenance et de solidarité entre les membres d’une communauté locale. Elles sont en cela essentielles à l’élaboration de projets de territoire.

La proximité géographique s’appuie sur d’autres fondements et se définit par la distance physique. Dès lors, le périmètre des relations sociales des acteurs ne coïncide pas nécessai- rement avec le périmètre spatial au sein duquel ils se situent. Plus le périmètre spatial dans lequel se déploient leurs actions est important (faible logique de voisinage), plus leur senti- ment d’appartenance tend à être faible. Inversement, un périmètre spatial réduit tend à faciliter la capacité des acteurs à activer la proximité organisée. La logique de voisinage comprend ainsi une dimension réticulaire potentielle17. Cette dernière propriété, fondamentale, détermine l’aptitude des acteurs à mobiliser les ressorts de la proximité organisée, créatrice d’externalités positives animant les démarches de projets de territoires et permettant leur élaboration.

17 Se retrouve ici la condition permissive de la proximité géographique décrite par les économistes, mais également l’importance du caractère idiosyncrasique de ces relations.

(17)

Ces propriétés sociales peuvent être rattachées aux dispositifs territoriaux étudiés et aux dynamiques de développement territorial qu’elles sont susceptibles de générer. Nous nous proposons ainsi de réfléchir à l’impact des liens sociaux sur les processus de déve- loppement initiés à partir de prérogatives singulières d’actions publiques locales (SCOT, contrat de développement, pays).

Entendu comme la capacité des acteurs à maîtriser l’évolution à venir de leur ter- ritoire (Deffontaines et al. 2001), le développement territorial s’appuie sur l’aspira- tion des acteurs locaux à implémenter des démarches de projet, faisant du territoire un

« espace de concernement ». Il faut entendre par là le processus de construction sociale par lequel le territoire est un espace identitaire aux dimensions plurielles : matérielle, relationnelle et idéelle (Le Berre, 1995). Il convient alors de s’interroger sur les res- sorts de cette construction sociale, spatiale et temporelle, où l’espace de concernement résulte de la concordance de contours spatiaux et de réseaux relationnels dans lesquels sont investis les acteurs et faisant sens pour eux. Cette dernière définition fait référence aux déterminants géographique et organisé de la proximité. Plus qu’une simple coexis- tence, ces formes de proximité et les logiques qui les président se confondent. Ainsi, les SCOT le plus en accord avec les objectifs de la loi SRU (mise en cohérence de dif- férents politiques sectorielles à l’échelle des régions urbaines) ont été marqués par un processus d’apprentissage de l’intercommunalité à large échelle où Schémas Directeurs (SD) voire Schémas d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) se sont succédés. L’aire urbaine grenobloise en est un exemple avec un premier SDAU mis en place en 1973, suivi d’un SD de préfiguration du futur SCOT.

De fait, l’élaboration d’un SCOT, par les débats qu’il occasionne, dure plusieurs années et constitue un moment clef de la mise en œuvre des politiques d’aménagement, accueil d’activités économiques, équipements publics, contrôle de l’étalement urbain, plan de déplacements. La phase d’élaboration de ces documents permet la mise en scène de ces projets et l’expression de tensions en matière d’organisation de l’espace et d’usage du sol.

Ainsi, le SCOT, dont la définition du périmètre relève de procédures de négociation, mobi- lise en particulier la logique d’appartenance. Cette mise en compatibilité des représentations des acteurs s’établit dans le cadre de démarches de concertation, d’interactions et d’échan- ges entre les parties prenantes impliquées dans l’élaboration du projet de territoire. Dans ces conditions, le SCOT apparaît comme un « territoire de mise en cohérence ».

Si la logique de voisinage donne une consistance spatiale aux projets de territoire (en les définissant sur une échelle de référence qui semble pertinente pour l’action), les logi- ques d’appartenance et de similitude permettent l’émergence des projets et leur confèrent une certaine assise territoriale. Elles assurent, ce faisant, la tenue de projets cohérents en lien avec les réalités organisationnelles, institutionnelles et spatiales des territoires. Ces logiques contribuent à forger des projets d’une certaine acuité pour le développement ter- ritorial ; elles définissent ou redéfinissent leurs modalités d’évolution même et améliorent la qualité de la coordination locale entre les acteurs. Ce faisant, ces logiques demeurent au fondement des dynamiques de développement territorial.

Ainsi, les contrats de développement peuvent conduire à imposer un périmètre spatial large pour établir des projets de développement et font alors faiblement appel dès l’abord à des formes de proximité organisée. Ils relèvent plutôt d’un assemblage de territoires, de

« territoires agglomérés ». En revanche, les dispositifs de pays imposent l’existence d’un

(18)

tissu social local cohésif sur un socle spatial pertinent, c’est-à-dire qu’ils requièrent a priori le recouvrement des proximités géographique et organisée. Ils constituent de notre point de vue des « territoires intégrés »18.

Comme nous l’avons évoqué antérieurement, les projets de territoires – à travers les dispositifs territoriaux qui les consacrent – peuvent être décrits par une matrice des proxi- mités et se référer à des formes différentes d’organisation territoriales.

Tableau 2 : Qualifier les formes d’organisation territoriales au regard des proximités logiquesde

proximite

dispositiFs

territoriaux

Logique

de voisinage Logique

d’appartenance Logique de similitude ou d’adhésion

Consistance du projet de territoire

Formes d’organisation territoriale

SCOT Dépendance

fonctionnelle + ou - opérante + ou –

opérante Consistance spatiale et organique19

Territoire de mise en cohérence Contrat de

développement Etendue

spatiale Faible Faible Consistance

spatiale Territoire aggloméré

Pays Cohésion

territoriale A priori

opérante A priori

opérante Consistance spatiale et organique

Territoire intégré

La forme d’organisation territoriale a priori la moins riche du point de vue de la proxi- mité est l’agglomération territoriale. Elle est susceptible cependant d’évoluer dans le temps vers les deux autres formes de construction territoriale à condition qu’elle incrémente une proximité organisée. Si les logiques d’appartenance et de similitude augmentent, elles pour- ront donner lieu, sur un périmètre spatial étendu, à un territoire de « mise en cohérence ».

L’apprentissage d’un cadre commun d’action permettrait ainsi le renforcement dans le temps de formes de proximité organisée. La construction sociale ainsi menée, dans le cas où la montée en puissance des logiques de proximité organisée coïncideraient avec le péri- mètre spatial des projets (conjonction de consistance spatiale et organique), les territoires agglomérés muteraient vers des territoires intégrés. Enfin, les territoires de mise en cohé- rence, pour peu que se précisent leurs contours spatiaux sur une échelle de représentations communes, sont susceptibles de tendre vers des formes intégrées de territoires.

Pour finir, nous précisons que ces formes d’organisation territoriale sont elles aussi évo- lutives. Le spectre des proximités se remodèle dans le temps et dans l’espace sous l’effet à la fois des contingences locales (i.e. dynamiques propres d’acteurs conduisant au maintien de

18 On nuancera ce propos en précisant que les pays n’ont pas en réalité d’existence juridique et que, dans beaucoup de cas, leur constitution est le fait d’incitations par le haut.

19Au sens de la « solidarité organique » décrite par Durkheim (1893) caractérisant des individus, différents mais complémentaires, interagissant.

20 Elles s’explicitent en termes de renforcement ou de délitement des formes de proximité.

(19)

densités de relations plus ou moins fortes20) mais aussi du renouvellement de l’action publi- que créant des configurations institutionnelles inédites (de nouveaux dispositifs territoriaux par exemple). Dès lors, les recompositions territoriales et les dynamiques de développement auxquelles elles donnent lieu peuvent également évoluer diversement. Ces dynamiques ter- ritoriales peuvent ainsi se transformer de manière plus ou moins vertueuse.

Si l’on reconnaît que les proximités sont porteuses de dynamiques de développement territorial, alors il faut s’interroger sur les mécanismes par lesquels on peut créer ou augmenter les proximités existantes. Cela revient, dans le champ de l’action publique, à identifier les outils et les moyens permettant d’agir sur les formes de proximité. Ainsi, il s’agirait, non pas seulement de construire de nouvelles territorialités mais d’aider ces entités à évoluer vers des dynamiques de développement territorial pérennes à travers l’instauration de dispositifs adaptés.

Conclusion

Les territoires français disposent aujourd’hui de nombreux outils de développement qui témoignent de l’apparition de nouvelles modalités de régulation territoriale et de nou- velles échelles de négociation et de décision. Ainsi, si les modes de gestion des territoires se complexifient – la prise de décision s’opérant à différents niveaux (européen, national, local) – l’échelle de décision locale tend à se conforter. Les acteurs locaux, en effet, sont en première ligne dans l’élaboration de stratégies de développement territorial basées sur la formulation d’un projet collectif, en pariant sur les spécificités de leurs territoires et leurs aptitudes à les valoriser par des processus originaux d’innovation sans négliger la place du dialogue entre acteurs.

Cet article a développé l’idée que la mise en place des procédures d’aménagement et de développement des territoires appelle des proximités dont la nature et les modalités d’articulation varient, selon les dispositifs et selon la temporalité de ceux-ci. En effet, certaines proximités sont données voir postulées alors que d’autres sont activées ou atten- dues dans l’application pratique de ces procédures. Nous avons retenu trois dispositifs institutionnels illustrant des processus de décision – descendants, ascendants – et des échelons décisionnels divers (national, régional ou local) : SCOT, contrats de développe- ment, pays LOADDT.

La grille de lecture élaborée montre l’importance de l’échelle spatiale dans l’implé- mentation de proximités organisées nécessaires à l’élaboration et la pérennité des projets de territoire. Plus le territoire de référence est de petite dimension, plus il tend à favo- riser la cohérence des projets portés par les acteurs, car la proximité organisée est plus facilement activable. De la même manière, la consistance organique des projets tend à renforcer le substrat territorial de l’entité instituée, lui conférant ainsi une existence et une reconnaissance réelles. Nous avons ainsi tenté de monter en généralité à partir de l’étude de quelques dispositifs territoriaux. Il conviendrait d’éprouver notre appareillage théo- rique en explorant d’autres configurations. Cela nous permettrait d’étoffer notre propos sur les mécanismes de développement territorial à travers la construction de territorialités suscitées par l’action publique.

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