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Géographie Économie Société : Article pp.315-334 du Vol.11 n°4 (2009)

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GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ

Géographie, Économie, Société 11 (2009) 315-334

doi:10.3166/ges.11.315-334 © 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

La thèse de la « classe créative »:

entre limites et développements

The “creative class” approach between limits and developments

Sébastien Chantelot

1,2

1 Professeur permanent

École Supérieure de Commerce Bretagne Brest 2 avenue de Provence, CS 23812, 29238 Brest cedex 3, France

2&KHUFKHXUDIÀOLp

Université Toulouse 1 Capitole, Laboratoire d’Étude et de Recherche sur l’Économie, les Politiques, et les Systèmes sociaux, (LEREPS), Manufacture des Tabacs,

21 allée de Brienne, 31042 Toulouse Cedex, France

Résumé

La thèse de la « classe créative » (Florida, 2002b) a suscité un large débat en science régionale. En mettant en avant la créativité comme compétence clé du régime de croissance économique actuel, elle renouvelle l’analyse du rôle des villes au sein d’une économie de la connaissance en postulant que celles-ci doivent attirer et organiser les individus créatifs afin d’atteindre des sentiers vertueux de com- pétitivité. À partir des travaux préliminaires qui ont suscité son développement aux Etats-Unis mais également en menant une synthèse du débat et des développements dont elle a été l’objet, cet article propose un panorama exhaustif de la thèse de la « classe créative » pour mettre en évidence, en dépit de certaines de ses limites, l’apport qu’elle peut représenter pour la science régionale.

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

*Adresses email : sebastien.chantelot@esc-bretagne-brest.com, sebastien.chantelot@univ-tlse1.fr

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Summary 

The creative class approach (Florida, 2002b) raised a great debate in regional science. Based on the importance of creativity in a knowledge-based economy, this approach renews the analysis of the economic role of cities by assuming that they must attract and organize a «creative class» in order to experience virtuous path of economic growth. Through a review of the preliminary research works conducted in the United States and a summary of debate and developments this approach generated, this paper proposes a comprehensive overview of the «creative class» approach to highlight the contribution it can represent to regional science despite some limitations.

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : classe créative, talent, bohemians, people’s climate, développement local Keywords: creative class, talent, bohemians, people’s climate, local development

1. Introduction

À partir du constat de corrélations spatiales élevées entre la présence d’une « classe créative » et la croissance économique des villes aux États-Unis, Richard Florida (2002b) a postulé que la tolérance, la diversité, le dynamisme artistique et culturel ou encore la vitalité urbaine - regroupés sous le vocable « people’s climate  » - attirent les profes- sionnels créatifs, rassemblés au sein d’une « classe créative ». À leur tour ces créatifs, impliqués dans des secteurs d’activité à forte valeur ajoutée, stimulent le dynamisme économique local. L’auteur en déduit alors que le « people’s climate » peut être à l’origine du développement économique des villes et retrouve Hall (1998, 963) : « Places with a unique buzz, a unique fizz, a special kind of energy, will prove magnetic more than ever for the production of products and, above all, the performance of services. »1

Ainsi, la thèse de la « classe créative » et sa traduction des mécanismes de causalité à l’origine du développement économique ont été largement débattues. C’est principalement son application au sein de politiques de développement économique local par un grand nombre de villes nord américaines qui a nourri un virulent débat à son encontre. Certains travaux récents montrent, en outre, que l’interprétation de la relation de causalité entre le climat urbain et la compétitivité économique peut être aisément renversée et que l’attraction par les villes d’individus créatifs ou de « talent » est surtout consécutive à la présence d’op- portunités professionnelles. L’importance du « people’s climate » apparaît alors surévaluée.

Pourtant, la thèse de la « classe créative » n’en reste pas moins pertinente : elle a permis de stigmatiser la relation entre la créativité et les milieux urbains à partir de l’importance essentielle de la connaissance et de l’innovation dans le régime de production actuel.

Elle a ainsi entraîné certains renouvellements : tout d’abord celui de la mesure du capital humain, en privilégiant une approche occupationnelle fondée sur les professions des indi- vidus alors que celui-ci avait surtout était considéré jusqu’ici via des niveaux d’éducation.

Ensuite, celui de la relecture des villes par le biais de mesures composant le « people’s

1 « Les lieux avec un buzz unique, un fizz unique, un type particulier d'énergie, possèderont un magnétisme plus fort que jamais pour la production de produits et, surtout, la performance des services. »

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climate » telle que la diversité ethnique, la variété des styles et des modes de vie ou encore le dynamisme artistique et culturel stimulés par les individus « bohemians », particulière- ment impliqués dans des activités artistiques et culturelles. Florida (2002b) édulcore les propos de Jacobs (1969) sur l’effet positif de la diversité dans les villes et magnifie le rôle de ces dernières en tant que modes privilégiés d’attraction, de rétention, de production et d’organisation des individus créatifs : en ce sens, la relation entre la « classe créative » et la ville donne une impulsion supplémentaire au mariage entre l’art et la technologie déjà célébré en ville par Hall (1998, 501). L’intérêt de la thèse de la « classe créative » peut dès lors se mesurer par sa diffusion au sein de nombreux travaux dans le monde entier, qui ont par ailleurs contribué notamment en Europe à l’inclure en tant que champ de recherche en science régionale.

L’objectif de cet article est d’apporter une vision précise sur le contenu de la thèse de la « classe créative » (section 2) et de la situer désormais non seulement à partir de la syn- thèse des débats dont elle a fait l’objet (section 3), mais encore de l’examen des multiples développements qu’elle a suscités (section 4).

2. La thèse de la « classe créative »

Lorsque Florida (1995, 528) introduit la notion de « région apprenante », il déploie des idées fortes sur la relecture du rôle des territoires dans une économie marquée par une ère nouvelle de création intensive de connaissances et d’apprentissage continu, faisant de l’innovation une activité économique permanente (Foray, 2000). Les capacités intellec- tuelles et créatives des individus y sont alors consacrées comme génératrices d’idées et des sources essentielles de l’innovation. L’auteur annonce l’avènement d’une compétition des idées et que la globalisation de l’économie, loin d’entraîner la « fin de la géogra- phie », en marque le renouveau : dès lors, les régions deviennent les modes d’organisation technologique et économique privilégiés au sein de cette nouvelle ère du capitalisme.

Elles se comportent comme des firmes innovantes en suscitant des progrès permanents, de nouvelles idées, une production de connaissance et un apprentissage organisationnel continus. Elles deviennent des « régions apprenantes » en fournissant une gamme d’in- frastructures qui facilitent le flux des idées, des connaissances et qui surtout permet aux activités intensives en connaissances de prospérer (ibid., 534). Les régions fondent alors leurs avantages compétitifs sur leurs facultés à mobiliser et à exploiter les connaissances et les idées, c’est-à-dire à rapidement mobiliser les meilleures personnes, ressources et compétences nécessaires à l’innovation que l’auteur appelle le « talent », capital humain possédant des niveaux élevés d’éducation.

Florida (2000a, 5) considère justement que cette « nouvelle économie » a radicalement modifié la manière dont les villes établissaient ces avantages compétitifs : il rejoint ainsi Lucas (1988) en avançant que le succès économique appartient désormais aux villes qui peuvent attirer, générer, retenir et organiser les meilleurs « talents ». À cet effet, l’auteur explore la géographie du « talent » aux États-Unis (Florida, 2002a). Plus particulière- ment, il spécifie comment la qualité de vie offerte par les environnements urbains affecte l’habileté de ces derniers à attirer le « talent » et à stimuler et à maintenir la compétitivité de l’industrie de haute-technologie (Florida, 2005b). Il s’appuie pour cela sur l’identifica- tion d’une superposition remarquable de la géographie du « talent » avec non seulement

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celle de l’industrie de haute-technologie, mais encore avec celles des aménités environ- nementales, culturelles, récréationnelles et du « cool » (The Economist, avril 2000). À l’image des « troisièmes places » d’Oldenburg (1991), Florida (2005b) prend en compte la présence de bars, de restaurants, de cinémas, de musées, de théâtres, mais encore des parcs, des voies dédiées aux cyclistes, etc. et conclut au rôle déterminant que jouent ces aménités urbaines sur l’attraction du « talent » et des firmes de haute-technologie. En accord avec les travaux de Dumais, Ellison et Glaeser (1997), Florida (2002a) postule que les salaires ne sont qu’une condition nécessaire - mais non suffisante - pour attirer le « talent » et que la tendance des firmes, particulièrement celles de haute-technologie, à se concentrer autour d’importantes constellations de «  talents  » n’est pas tant due à l’accès à des fournisseurs spécialisés ou à des consommateurs mais plutôt à l’objectif de réduire les coûts associés à la génération d’idées et à la production de l’innovation. Dès lors, l’auteur dresse une gamme de recommandations stratégiques à l’égard des villes en les invitant à élaborer des politiques de développement fondées sur la qualité de vie du

« talent ». Il s’appuie ici sur une hypothèse forte, un renversement de causalité : ce ne sont pas les individus qui suivent les firmes mais plutôt les firmes qui suivent le « talent ». Pour éprouver cette hypothèse, Florida et al. (2000), en s’appuyant sur les travaux révélant le rôle vertueux du « talent » pour la croissance économique locale (Lucas, 1988 ; Glaeser et al., 1992, 1995 ; Simon, 1998 ; Glaeser, 2000), démontrent que la production de l’innova- tion et la création de richesses des villes découlent de leur habileté à proposer une bonne qualité de vie au regard des préférences du « talent ». Ces préférences sont identifiées à partir d’entretiens et de focus groups2 menés par Florida : les individus de « talent » sont très mobiles, sensibles à leur qualité de vie ainsi qu’aux interactions sociales auxquelles ils peuvent se prêter et à la présence d’autres individus de « talent ».

C’est d’ailleurs sur l’importance essentielle du « talent » pour la production de l’inno- vation que se structure définitivement la thèse défendue par Florida (2002b) : l’innovation est le fruit de la créativité des individus et elle est consécutive à la recherche de nouvelles alternatives et d’idées nouvelles. Or, pour faciliter l’expression et le développement de ces nouvelles idées, il note que les villes doivent offrir un climat de tolérance et d’ouverture face à la diversité, en d’autres termes proposer de faibles barrières à l’entrée pour les nouveaux arrivants et les nouvelles idées. En mettant en avant un ensemble de corrélations statis- tiques élevées, l’auteur montre que les villes ouvertes et tolérantes face aux immigrants, aux gays et aux individus « bohemians » considérés comme impliqués dans des professions très créatives comme l’art, le design, la mode, etc., créent des atmosphères idéales pour le déve- loppement de nouvelles idées et par conséquent la production d’innovations. La présence de ces différents individus, marqueurs de diversité, associés aux aménités précitées, définit ce que Florida (ibid., 293 ; 2002a ; 2002c) appelle un « people’s climate » qu’il postule comme structurant la géographie du « talent » aux Etats-Unis. L’auteur renouvelle ainsi les arguments énoncés par Jacobs (1961 ; 1969) en avançant que la diversité et la créativité tra- vaillent de concert pour non seulement stimuler la capacité d’une ville à attirer le « talent », mais encore à nourrir les processus d’innovation locaux.

La thèse de Florida (2002b) repose alors sur deux postulats : d’une part, l’existence d’une

« classe créative » et, d’autre part, le rôle majeur du « people’s climate » des villes pour atti-

2 Groupes de concertation

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rer les individus créatifs et ainsi atteindre des sentiers vertueux de croissance économique.

Car pour Florida (2002b, 44), la créativité est la compétence déterminante des individus au sein de l’économie de la connaissance et comme celle-ci est incarnée à l’individu, la

« classe créative » devient un élément essentiel du régime de croissance économique actuel.

Qu’est-ce que la «  classe créative  » ? Elle symbolise principalement la réunion du

« talent » et des « bohemians ». La « classe créative » est ainsi composée de l’ensemble des individus occupant une profession mobilisant la créativité pour accomplir les tâches produc- tives nécessaire à son exercice. Florida (ibid., 332) stigmatise alors la croissance explosive des professions créatives depuis le début des années 1990 : « The rise of the creative class charts the growth in people who are paid principally to do creative work for a living. These are scientists, engineers, artists, musicians, designers and knowledge based professionals, whom collectively I call “Creative Class” »3 (ibid., xii). Cette classe d’individus particulière se situe dans la lignée de figures représentatives que furent les « travailleurs du savoir » (Drucker, 1969) ou les «  analystes symboliques  » (Reich, 1993) traduisant toutes deux l’importance de la production de connaissances au sein du régime de croissance écono- mique. Elle s’apparente également aux « agents du changement » (Carter, 1994) dont le rôle productif est entièrement voué à susciter et à encadrer l’innovation. En déplaçant l’angle d’approche de l’analyse des sources de l’innovation et du progrès technologique des firmes vers les individus qui en sont à l’origine, Florida (2002b, 67) se fait tout particulièrement l’écho de Veblen (1899) qui montrait que le changement technologique est essentiellement un processus de transformation culturelle et que la capacité à pérenniser et institutionnaliser le changement est détenue par une certaine classe de la société.

Florida (ibid., 9) postule alors l’existence de cette classe dont la particularité est de ras- sembler les individus à l’origine de l’innovation, des avancées scientifiques ou de la pro- duction artistique. Elle se caractérise autour d’un trait commun décrit comme un « éthos » créatif (ibid., 21-23), issu de la fusion des valeurs de « l’homme organisationnel » (Whyte, 1956) avec celles plus artistiques et culturelles de l’avant-garde bohême (Brooks, 2000, 132). Par le biais de la « classe créative », l’auteur consacre le mariage de la discipline et de la rigueur liées à l’éthique de travail avec des valeurs plus alternatives en termes de styles de vie, de modes et de courants de pensée culturelle, voire contre-culturelle.

La « classe créative » se structure autour de trois groupes (Florida, 2002b, 68) : le « crea- tive core » est constitué d’individus engagés dans des processus hautement créatifs dont la production est définie comme porteuse d’un sens ou d’un concept nouveau. Ces individus appartiennent à des domaines aussi divers que la science, l’ingénierie, l’architecture ou encore l’éducation et leurs fonctions reposent sur la création de nouvelles idées, de nouvelles techno- logies ou de tout autre produit créatif. Ensuite, le groupe « creative professionals » rassemble des individus engagés notamment dans la résolution de problèmes inédits et s’appuyant sur des bases de connaissances complexes pour réaliser une tâche ou juger une situation. Enfin, le troisième groupe de la « classe créative » est constitué par les individus « bohemians ». Le tableau 1 présente la « classe créative » en fonction de la classification standard des profes- sions américaines Standard Occupational Classification (SOC) en 23 postes (ibid., 328) :

3 « La montée de la classe créative illustre la croissance des individus payés principalement à faire les travaux de création. Ce sont des scientifiques, des ingénieurs, des artistes, des musiciens, des designers et des profes- sionnels de la connaissance, que collectivement j'appelle la ‘classe créative’ »

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La « classe créative » américaine rassemble 30% du marché national du travail en 1999. Florida (ibid., 235) en propose une géographie et la positionne au centre du déve- loppement économique des villes américaines. Cette classe s’insère alors au sein d’une thèse qui dépasse largement sa simple constitution : les villes, plutôt que de se limiter à élaborer des politiques de développement visant à attirer les firmes à partir d’un renfor- cement de leur « business climate », doivent se concentrer sur l’attraction de la « classe créative » en dynamisant leur « people’s climate » par le biais de mesures centrées sur la qualité de vie, l’ouverture et la tolérance à la diversité (ibid., 293). Afin de structurer cette approche, Florida (2002b, 249 ; 2005a, 37 ; 2005b, 39) introduit le concept des

« 3T  » de la croissance économique, Talent, Technologie et Tolérance : d’un côté, ce concept constitue le cadre d’analyse de nombreuses monographies nationales ou comparaisons internationales (Florida et Tinagli, 2004 ; Florida, 2005a ; Tinagli et al., 2006 ; Hansen, 2007 ; Florida et al., 2007 ; 2008) visant à évaluer l’intensité créative des territoires et son effet sur l’économie. Florida (2004, 21) garantit alors, d’une part, que la présence de la « classe créative » est le point crucial d’une dynamique cumu- lative d’attraction des firmes, et que par un effet de diffusion, d’autre part, l’ensemble de la population profitera des externalités et de la croissance économique ainsi géné- rées. Acs, Florida, et Lee (2004, 889) confirment en partie ces arguments en élaborant une modélisation économétrique reliant les dynamiques entrepreneuriales et la « classe créative » au sein des aires urbaines américaines : leurs estimations indiquent que la création d’entreprises est largement stimulée par la présence simultanée de « bohe- mians » et du « talent ». L’effet positif d’une densité de « classe créative » se retrouve également au niveau de la production d’innovations (Florida, et al., 2005, 19 ; Knudsen et al., 2008) et celui de la co-localisation des « 3T » influence très nettement les niveaux moyens de salaires des métropoles américaines (Florida et al., 2008).

Tableau 1 : La composition de la « classe créative » selon Florida (2002b, 328)

Classe créative

Creative professionals Creative core

11

Management and administration

occupations

15 Computer and mathematical occupations

13 %XVLQHVVDQGÀQDQFLDO

operations occupations 17 Architecture and engineering occupations

23 /HJDORFFXSDWLRQV 19 /LIHSK\VLFDODQGVRFLDOVFLHQFHV occupations

29 +HDOWKFDUHSUDFWLRQQHUVDQG

WHFKQLFDORFFXSDWLRQV 25 (GXFDWLRQWUDLQLQJDQGOLEUDU\

occupations 41 +LJKHQGVDOHVVDOHV

management occupations Bohemians

27 Arts, design, entertainment, media occupations

Les codes SOC figurent à gauche des dénominations des groupes occupationnels de la SOC

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D’un autre côté, si la thèse de la « classe créative » semble trouver des fondements empiriques qui étayent la validation de ses postulats structurels et l’inscrivent en tant que champ de recherche scientifique notamment en science régionale, c’est surtout dans le domaine du marketing territorial que Florida la développe. « Creative class » est une marque déposée et le concept des « 3T » constitue la trame principale de ses propositions de politiques de développement local : ainsi le « Memphis Manifesto » (Florida, 2002b, 381) propose dix recommandations pour construire des communautés urbaines créatives.

L’auteur propose également un agenda économique et social aux villes qui souhaitent entrer au cœur de l’ère créative, « the creative compact  » (Florida, 2006). Toutefois, le message de Florida (2002d, 1) peut apparaître plus provocateur notamment lorsqu’il entend expliquer aux décideurs municipaux « Why Cities without gays and rock bands are losing the economic development race »4. L’orientation du discours de Florida en direc- tion des décideurs et des garants des politiques de développement local est confirmée par le contenu de son dernier ouvrage dans lequel l’argument central repose sur l’importance du « où » plutôt que du « pour qui » travaille l’individu (Florida, 2008). Si le discours reste relativement invariable, l’adhésion des décideurs locaux aux idées de Florida est forte : Florida et al. (2002) montrent que des stratégies d’appui à l’attraction du « talent » ont vu le jour dans de nombreuses villes américaines parmi lesquelles Baltimore, Memphis, Albuquerque, Milwaukee, Cincinnati ou encore toutes celles de l’Etat du Michigan. Par exemple, 48 municipalités des Etats-Unis, du Canada et de Puerto-Rico se sont réunies pour élaborer et appliquer le « Memphis manifesto » en tant qu’outil de développement économique local. En Europe, il faut souligner l’initiative du parti politique danois « Det Radikale Venstre » qui a fondé son programme politique « The Creative Denmark » sur les propositions de la thèse de la « classe créative » et obtenu près de 10% des sièges du parlement danois lors des élections législatives de 2005. Florida et Stolarick (2006) expo- sent les mêmes considérations à propos des villes canadiennes de Toronto ou Montréal dont le parti pris en faveur de telles stratégies de développement a toutefois rencontré une vive opposition au sein de la communauté scientifique. Néanmoins, cette thèse a aussi fait l’objet de nombreux développements notamment en Europe, qui témoignent de son intérêt scientifique et du champ d’investigation qu’elle constitue.

3. Une synthèse des critiques à l’encontre de la thèse de la « classe créative »

Avancer que la thèse de la « classe créative » a suscité un débat virulent au sein de la communauté scientifique n’est qu’un léger euphémisme. La virulence des critiques adres- sées à son encontre est allée crescendo avec l’adhésion des décideurs municipaux entraî- nant l’élaboration effective de politiques d’attraction de la « classe créative ». Si Florida (2004) propose un certain nombre de réponses à ces critiques, la thèse de la « classe créa- tive » reste cependant émaillée de limites conséquentes qui atténuent considérablement sa portée. Nous pouvons recenser trois principales sources de critiques vis-à-vis de cette thèse : elles mettent tout d’abord en cause son caractère novateur et son imprécision quant à la mesure des individus créatifs. Ensuite, elles mettent en avant la simplification des

4 « Pourquoi les villes sans gays ni groupes de rock sont en train de perdre la course au développement économique »

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mécanismes de croissance économique décrits et le sens de la causalité évoquée entre les emplois et les individus. Enfin, les principales critiques portent sur l’application immé- diate de la thèse au sein de politiques de développement économique local.

3.1. Le caractère novateur de la thèse et la mesure de la créativité

La question de la nouveauté apportée par la thèse de la « classe créative » est entrevue principalement au regard de la théorie du capital humain et du champ d’investigation existant sur les aménités urbaines. En effet Glaeser (2004, 2), même s’il reconnaît que la valeur des individus créatifs a augmenté en raison de la prise de conscience des firmes quant à la production de nouvelles idées, ne trouve aucune nouveauté dans l’approche de Florida. Comme l’auteur l’avait déjà démontré (Glaeser et al., 1995 ; 2004, 84), le

« talent » prédit la croissance économique urbaine parce qu’il possède la capacité d’im- pulser de nouvelles idées et si l’ensemble des individus qui composent la « classe créa- tive » ne sont pas tous hautement qualifiés, la plupart le sont. Ainsi selon Levine (2004, 5), la thèse reprend de manière édulcorée des considérations déjà introduites par Drucker (1969), Jacobs (1969), Reich (1993) et Brooks (2000) pour proposer des années plus tard

« old wine in a new bottle »5 (Hansen, 2008, 35) ou encore « old nostrums, better packa- ging »6 (Reese et Sands, 2008, 3). Il est alors vrai que l’originalité de la « classe créative » est considérablement atténuée par son auteur qui bâtit une thèse à partir des individus créatifs mais la justifie essentiellement au moyen de travaux existant sur le « talent ».

À ce titre, Markusen (2006, 3) avance que la créativité est un concept trop confus pour mesurer le capital humain et la déconstruction de la « classe créative » pour en examiner les professions créatives qui la structurent montre que sa composition à partir d’impor- tants groupes occupationnels contenant pour certains un grand nombre de professions dessert fortement la précision et la pertinence de cette mesure de la créativité. En effet, la mesure que produit Florida obéit à une sélection trop exhaustive des professions due à une mauvaise estimation de la créativité qu’elles nécessitent (ibid., 7-8). Ce constat est d’ailleurs relayé par McGranahan et Wojan (2007) : les auteurs refondent la sélection des professions américaines composant la «  classe créative  » au moyen d’une mesure quantitative de la créativité occupationnelle. Un grand nombre de professions peu ou pas créatives sont alors identifiées et exclues de la sélection initiale de Florida. De la même manière, Marlet et Van Woerkens (2007) montrent que la proportion nationale moyenne de « classe créative » au sein du marché du travail hollandais est estimée à 30% suivant la méthode employée par Florida alors que leur propre sélection de professions créatives entraîne une même proportion de 19%. Enfin, Chantelot (2010) procède au même exer- cice pour définir la « classe créative » en France en ne retenant à partir d’une mesure de la créativité occupationnelle que 101 professions françaises au lieu des 155 nécessitées par l’adaptation fidèle de la «  classe créative  » de Florida. Suivant cette méthode, la proportion moyenne française s’élève à 18,1% en 1999 au lieu de 27,2% selon Florida.

Ces exemples montrent clairement que la sélection initiale des professions créatives de Florida est tout d’abord inexacte car elle ne s’appuie sur aucune mesure de la créativité

5 « un vin ancien dans une nouvelle bouteille »

6 « vieille potion, emballage neuf »

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des professions et trop exhaustive car elle prend en compte des groupes occupationnels au lieu de s’appuyer sur les professions mêmes. Il s’agit ici d’un problème central qui dessert fortement l’exactitude de la thèse. Dès lors, le regroupement des individus créatifs au sein d’une seule et même classe autour d’un ethos caractérisé par la créativité perd de sa pertinence car la « classe créative » est professionnellement trop étendue et trop hété- rogène : à cet effet, il apparaît fort légitime de se demander si la « classe créative » peut vraiment exister en tant que classe sociale (Vivant, 2006, 156) et si la notion de classe n’est pas ici galvaudée (Levine, 2004, 6 ; Shearmur, 2005, 7) ? Vivant (2006, 159) avance même que cette théorie n’est que le fruit du mélange d’une vision économique néolibé- rale et d’un libertarisme social oscillant entre « élitisme, hédonisme, radicalisme culturel et réalisme », dispensant un message élitiste voire une perspective « spencérienne » de renforcement de la sélection sociale des individus. C’est pourquoi tout en louant la per- tinence d’une approche occupationnelle plutôt qu’éducationnelle du capital humain pour l’examen des dynamiques de développement local (Thompson et al., 1985 ; Feser, 2003 ; Markusen, 2004), Markusen (2006, 8) propose plutôt d’explorer le rôle social, politique, économique ou le comportement spatial d’un seul groupe occupationnel, les artistes, dont le contenu créatif est clairement identifié.

Ensuite, c’est la nature même des aménités urbaines censées attirer la « classe créa- tive » qui apparaît discutable : dans la lignée de Jacobs (1984, 230) ou Hall (1998, 648) qui notent que la créativité ne peut être soumise à aucune orchestration, Scott (2006, 15) affirme que la créativité ne peut être importée à partir d’artistes, d’individus gays ou de professionnels mais se génère de manière organique au sein de relations emboîtées de production, de travail et de vie sociale dans des contextes urbains spécifiques. Marlet et Van Woerkens (2005, 26) montrent par exemple que la géographie de la « classe créa- tive » en Hollande ne s’explique pas à partir de la présence urbaine d’un climat d’ou- verture et de tolérance mais plutôt par le biais de la proximité d’opportunités d’emploi et le prix du foncier. En outre, les individus de la « classe créative » ne préfèrent pas forcément les centres urbains mais plutôt les banlieues résidentielles où ils peuvent avoir l’espace nécessaire pour profiter de leur confort matériel (Levine, 2004, 12). Ce constat est relayé par Glaeser (2004, 2) dont les travaux montrent que la plupart des individus, qu’ils appartiennent au « talent » ou à « la classe créative », cherchent principalement des quartiers résidentiels sûrs en banlieue, de bonnes écoles, une facilité d’accès au centre ville en automobile et de faibles taxes. Une limite essentielle de la thèse de la « classe créative » - sa composition - est de nouveau évoquée : les différents groupes socio-profes- sionnels intégrés possèdent des comportements différents particulièrement aux niveaux de leurs préférences de consommation et de leurs lieux d’habitation (Asheim et al., 2005).

L’hétérogénéité de la « classe créative » entraîne une convergence et une généralisation délicates, voire impossible, des préférences individuelles.

3.2. La simplification des mécanismes de croissance économique

Une seconde source de critiques met en avant la vision simplifiée des mécanismes de croissance économique évoqués par la thèse, traduite par la faiblesse de la démons- tration empirique et l’opacité des entretiens et focus groups menés par son auteur (Darchen et Tremblay, 2008, 34). Glaeser (2004) et Levine (2004, 8) mettent en doute

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les preuves empiriques et les tests économétriques proposés par Florida en pointant leur extrême fragilité : ainsi, l’écart statistique entre les concentrations de « classe créative » au sein des villes américaines est en réalité bien trop mince pour avoir une quelconque signification. De plus, rien n’est prouvé quant à l’élément déclencheur de la dynamique urbaine d’accumulation de la « classe créative » (Scott et Storper, 2009). Shearmur (2005, 9) précise d’ailleurs que la généralisation de la relation de causalité « les emplois suivent le talent » est abusive. L’auteur reconnaît qu’il semble difficile de démêler ces effets de causalité mais que de toute évidence, il n’est pas inopportun de penser que la relation causale inverse semble plus appropriée et que les « talents », mieux informés et plus mobiles que la moyenne du capital humain, sont attirés par certaines villes en raison du différentiel de salaire existant avec celui de leurs villes actuelles. Il apparaît alors plus prudent de croire à une causalité circu- laire et cumulative au sens de Myrdal (1957), ce dont Shearmur (2005, 18) démontre empiriquement les mécanismes pour les agglomérations canadiennes de 1996 à 2001.

Le problème essentiel devient alors la pertinence de la « classe créative » en tant que mesure du capital humain instrumentalisée en variable explicative de la croissance économique, ce à quoi Glaeser (2004) avance que la « classe créative » n’apporte rien de plus qu’une même mesure fondée sur le « talent ». Ce résultat figure également dans les travaux de Rausch et Negrey (2006, 482), tandis que Donegan et al. (2008, 189) ou Hoyman et Faricy (2009, 329) montrent que la « classe créative » ne prédit en aucun cas ni la croissance économique ni le salaire moyen, à la différence du

« talent ». Ces différents auteurs s’interrogent alors naturellement sur le bien fondé d’une politique d’attraction de la « classe créative » au regard des potentialités très limitées de croissance économique que cela engendre et invitent plutôt les décideurs politiques à investir dans le capital humain dans une perspective de long terme notam- ment à travers l’éducation et les universités.

3.3. L’application de la thèse au sein de politiques de développement local

C’est d’ailleurs l’application de la thèse de la « classe créative » au sein de poli- tiques de développement local qui constitue la troisième source de critiques, les plus virulentes. Comme le note Glaeser (2004, 5) « I felt compelled to engage in this critical dialogue only because these ideas have entered into the policy arena »7 tandis que Hoyman et Faricy (2009, 315) mettent très clairement en doute la viabilité d’une thèse où « policy preceeds proofs »8. Ces critiques visent alors à mettre en garde les décideurs municipaux de l’oubli ou de la sous-estimation des conséquences contre-productives de telles politiques (Lang, 2005, 204). Car cette approche du développement local, taxée de stratégies urbaines « entrepreneuriales » (Peck, 2005, 761) voire de « funky side of neoliberal urban development politics »9 (Peck, 2007, 2), menace selon Levine (2004) de gaspiller des ressources publiques au profit d’efforts inutiles pour attirer la

« classe créative », ce qui aura pour effet d’éloigner les décideurs de problèmes urbains

7 « Je me suis senti obligé de m'engager dans ce dialogue critique uniquement parce que ces idées ont pénétré la sphère politique »

8 « L’élaboration de politiques précèdent les preuves »

9 « Facette funky des politiques de développement urbain néo-libérales »

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plus importants. Pour ce dernier, la thèse de la « classe créative » se distingue par des lacunes méthodologiques et conceptuelles, un rapport non établi entre la « classe créa- tive » et la prospérité urbaine pouvant aboutir à des implications néfastes en termes de politiques de développement, domaine particulièrement susceptible de succomber aux modes et aux stratégies mal éclairées (ibid., 30). Dès lors, au regard de la fragilité de sa démonstration, Shearmur (2005, 20) avance que la thèse de la « classe créative » dans sa généralisation à l’ensemble des villes nord américaines est fausse et ses conclusions trop prématurées pour servir d’outil de développement local. De plus, l’auteur s’inter- roge sur l’élaboration de politiques en faveur de personnes déjà nanties : ces politiques visent à attirer et à retenir les élites ce qui se fait souvent aux dépens de politiques plus urgentes, plus concrètes mais moins visibles (ibid., 7). Cet argument est par ailleurs relayé par Peck (2005) qui note trois problèmes majeurs auxquels devront faire face les concepteurs de telles politiques : tout d’abord, les villes vont substituer des politiques de bien-être social qui concernent l’ensemble de la population au profit de politiques de développement économique se concentrant sur moins d’un tiers de celle-ci (ibid., 766). À cet égard, les villes vont s’éloigner de leurs vraies fonctions qui est aussi de résoudre les problèmes rencontrés face à la réalité économique alors que ces politiques sont conçues pour co-évoluer avec les problèmes sociaux urbains déjà existants et non pour les résoudre. Ensuite, les villes vont être sujettes à des problèmes de gentrification (ibid., 762) voire perdre l’originalité, la spécificité et la diversité qui sont justement supposées les rendre attractives aux yeux de la «  classe créative  ». Pour finir, Peck (ibid., 767) se demande si la revitalisation et la culture urbaine sont des causes ou des conséquences de la croissance économique et juge que les travaux empiriques de Florida ne sont pas assez développés pour répondre à cette question qu’il estime pour- tant fondamentale et à l’origine même de la pertinence de sa thèse.

Ainsi, le débat suscité par la thèse de la « classe créative » trouve essentiellement sa source dans son application au sein de politiques de développement local. Ce débat apparaît également nourri par la tendance lacunaire de sa validation empirique tout comme par celle de la composition de son élément fondateur, la «  classe créative  » elle-même. Cette thèse présente toutefois plusieurs points d’intérêt notamment dans les champs d’analyse des sciences économiques via la question de la mesure de la créati- vité et par conséquent l’alternative qu’elle propose pour caractériser le capital humain.

Néanmoins, si la diffusion de cette thèse en Amérique du Nord et en Europe a généré de nombreux développements, la question liée à son application au sein de politiques de développement économique local « attirer les créatifs, une stratégie gagnante ? » reste ouverte. Ces principaux développements portent essentiellement sur les deux axes fondateurs de la thèse de Florida : d’une part, la validation empirique de l’influence positive de la « classe créative » sur la croissance économique locale et, d’autre part, sur l’identification des facteurs permettant d’expliquer la géographie de la « classe créa- tive » notamment à travers l’élaboration de mesures de la tolérance et de l’ouverture à la diversité. En cela, la thèse de la « classe créative » peut être considérée comme une approche non stabilisée : celle-ci n’a pas encore réussi à atteindre un consensus quant à sa viabilité car elle ne dispose pas encore de preuves empiriques fondatrices et solides même si certains de ses développements notamment en Europe ont fait considérable- ment avancer le corpus empirique associé à sa validation.

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4. Les développements de la thèse de la « classe créative »

La diffusion en Europe de la thèse de la « classe créative » s’est principalement effec- tuée par le biais des travaux de Marlet et Van Woerkens (2005, 2007) en Hollande et du projet de recherche européen « Technology, talent and tolerance in European cities : À comparative analysis »10. Ils sont néanmoins consécutifs au rapport « Europe in the crea- tive age » élaboré par Florida et Tinagli (2004) qui décrit la géographie des « 3T » pour les pays de l’UE-15. Ces différents travaux européens portent sur les questions structurelles de la thèse de la « classe créative » : sa pertinence en tant que mesure du capital humain, son rôle au niveau des mécanismes de croissance économique locale ainsi que sa géogra- phie et l’identification des facteurs qui structurent cette dernière. C’est surtout en Europe du Nord que s’est développé l’essentiel de ces travaux. En France, cette dernière n’a que peu été évoquée (Chantelot, 2008 ; 2010) même si elle a tendance à faire partie des propos de certains travaux (Suire, 2006 ; Gaschet et Lacour, 2007 ; Lacour et Puissant, 2008) sans toutefois en occuper le premier plan. Il apparaît par ailleurs intéressant de remarquer que les travaux européens concernant la « classe créative » s’attachent à évaluer les pos- sibilités de relecture des villes à l’aune de la créativité sans s’aventurer sur la question de l’application politique de la thèse. Cependant, le projet de recherche ACRE11 ou les travaux d’Andersen et Lorenzen (2007) au Danemark et d’Hansen et al. (2009) en Suède tentent d’analyser les relations de causalité en jeu au niveau des mécanismes d’attraction de la « classe créative » par les villes.

Le premier point central de l’adaptation de la théorie en Europe est celui de la com- position de la « classe créative » : quelles professions doivent composer la « classe créa- tive » ? Ce point apparaît essentiel car la composition de la « classe créative » initiée par Florida (2002b, 328) apparaît trop approximative. Or, nous pouvons constater que les travaux du projet de recherche « 3T in European cities » fondent les différentes « classes créatives » sur une adaptation fidèle à celle de Florida par le biais de la correspondance entre les nomenclatures des professions américaines SOC et celle internationale ISCO12. Cette correspondance apparaît pratique mais répète néanmoins les approximations de la composition originale. Cependant et comme entrevu à la section précédente, les tra- vaux de McGranahan et Wojan (2007) aux Etats-Unis, Marlet et Van Woerkens (2007) en Hollande et Chantelot (2010) en France ont permis de structurer la méthode employée pour composer la « classe créative » en s’appuyant sur les professions mêmes et non sur des groupes socioprofessionnels tout en utilisant des mesures de la créativité développée dans l’exercice d’une profession afin de faire reposer l’identification des professions créa- tives sur un critère de sélection discriminant.

Ensuite, un certain nombre de travaux s’est attaché à examiner l’influence de la « classe créative  » sur la croissance économique locale. Il s’agit surtout ici d’instrumentaliser la

« classe créative » en mesure du capital humain et d’en étudier la portée face aux tradition-

10 Projet de recherche européen visant à adapter la théorie de la « classe créative » au niveau des villes européennes. Détails disponibles en ligne : http://www.esrcsocietytoday.ac.uk/ESRCInfoCentre/Plain_English_

Summaries/environment/human_activities/RES-000-23-0467.aspx

11 Les premiers résultats du projet européen ACRE Accommodating Creative Knowledge – Competitiveness of European Metropolitan Regions within the Enlarged Union sont disponibles à http://www.acre.socsci.uva.nl/

12 International Standard Classification of Occupations

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nelles mesures basées sur les niveaux supérieurs d’éducation, le « talent ». Marlet et Van Woerkens (2007) ont produit plusieurs modèles de croissance économique locale à partir d’échantillons de villes hollandaises. Les auteurs montrent qu’un indicateur de « classe créa- tive » produit une meilleure estimation de la croissance économique locale qu’un indicateur de « talent » et en identifient les mécanismes de diffusion : en priorité, c’est au niveau de la création d’entreprises que celle-ci est la plus marquée. Les auteurs retrouvent à ce titre les résultats de Acs, Florida, et Lee (2004, 889) au niveau des métropoles américaines et illus- trent la corrélation statistique élevée (0,76) entre la proportion de « classe créative » et le niveau local de création d’entreprises mise en évidence par Clifton (2008, 78) au Royaume- Uni. D’une part, l’influence de la « classe créative » sur la croissance locale de l’emploi et, d’autre part, la pertinence de la « classe créative » comme mesure du capital humain sont également démontrées aux Etats-Unis par McGranahan et Wojan (2007, 211), par Fritsch (2007, 23) au niveau des districts allemands, par Boschma et Fritsch (2009) à partir d’un échantillon de régions allemandes et hollandaises, par Florida et Mellander (2007, 29) en Suède et par Chantelot (2008, 333) pour les 354 aires urbaines françaises. L’ensemble de ces développements rejoignent alors plus généralement Livingstone (1997) et Feser (2003) sur la pertinence d’une mesure occupationnelle plutôt qu’éducationnelle du capital humain où il est pris en compte ce que les individus font vraiment à travers leurs professions plutôt que ce qu’ils sont capables de réaliser à travers leurs diplômes.

Toutefois, le point principal des développements concernant la « classe créative » en Europe est celui de sa géographie. Cette géographie en Europe concerne les villes de plusieurs pays comme la Suède (Tinagli et al., 2007 ; Hansen, 2007), la Suisse (Haisch et Klöpper, 2005), la Hollande (Marlet et Van Woerkens, 2007 ; Atzema et al., 2005), le Danemark (Andersen et Lorenzen, 2006), la Norvège (Isaksen, 2005), le Royaume- Uni (Clifton, 2008), ou encore l’Italie (Tinagli et Padula, 2006) et la France (Chantelot, 2008). La «  classe créative  » apparaît très concentrée au sein des villes européennes, plus concentrée notamment que l’emploi et la population (Andersen et Lorenzen, 2007 ; Chantelot, 2010). Les grandes capitales européennes sont celles qui concentrent les pro- portions les plus importantes de « classe créative ». Andersen et Lorenzen (2007) mon- trent la relation importante entre la taille des villes en terme de population et la distribu- tion de la « classe créative ». Cette relation forte est mise sur le compte d’effets de seuil de population à partir desquels la présence de la « classe créative » croît fortement. La faculté des grands environnements urbains à garantir une offre importante de services spécialisés notamment en termes d’opportunités culturelles et la présence de nombreuses opportunités d’emplois supérieurs forgent selon les auteurs cette relation. Andersen et Lorenzen (2007, 26) montrent alors que la question de la hiérarchie urbaine est essentielle dans la compréhension de la géographie de la « classe créative » en Europe.

Au delà de la cartographie de sa distribution au sein des villes, l’identification des facteurs déterminant la géographie de la « classe créative » est particulièrement mise en avant par le projet « 3T in European cities » car celui-ci comporte un cadre d’analyse commun pour 6 échantillons de villes de différents pays européens. Sans porter l’examen sur les relations de causalité entre la localisation de la « classe créative » et la présence de certains facteurs urbains, ce cadre d’analyse opérationnalise le test de la co-localisation de la « classe créative » avec notamment la présence d’un « people’s climate » de qualité fondé à la fois sur la tolérance et sur l’ouverture à la diversité et à la fois sur une gamme

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d’aménités urbaines. Les modèles réalisés à partir de ce cadre d’analyse tendent à expli- quer la localisation de la « classe créative »13 à partir des différents facteurs qui composent un « people’s climate ». Ces facteurs appartiennent principalement à trois dimensions : celle de la tolérance, de l’ouverture et de la diversité que les différents auteurs mesu- rent à travers la présence de « bohemians » et d’individus nés à l’étranger, le « foreign- born index ». La dimension des aménités urbaines est mesurée par la présence du service public ainsi que par celle d’opportunités culturelles et de socialisation. Enfin, une der- nière dimension traduit la présence d’opportunités économiques mesurée par une variable de densité de l’emploi et la croissance passée de l’emploi au sein de chaque ville. Le tableau 2 recense l’ensemble des résultats obtenus dans le cadre de cette modélisation :

Tableau 2 : Facteurs déterminants de la géographie de la « classe créative » en Europe

Ces résultats apparaissent dans une certaine mesure convergents entre les différents pays d’Europe. Tout d’abord, la « classe créative » apparaît co-localisée avec la présence

13 à laquelle sont enlevés les « bohemians » qui figurent dans les facteurs explicatifs.

Variable

dépendante Proportions urbaines de « classe créative » Facteurs Danemark Suède Allemagne Norvège France Royaume-

Uni

Régions UE Indice

« bohemians » + + + + + + +

Indice

« foreign- born »

+ + + n.s. + + +

Indice de ser-

vice public + + + – + – n.s.

Indice d’opportunités culturelles

– . – + + +

Croissance passée de l’emploi

. . + + + . +

Densité

de l’emploi . . n.s. n.s. + . +

Chômage – . . . . – .

Nombre

d’observations 38 69 438 89 354 171 471

Sources : Andersen et Lorenzen (2006), Hansen (2008), Fritsch (2007), Isaksen (2005), Chantelot (2008), Clifton HW%RVKPDHW)ULWVFKQRQWHVWpHIIHWSRVLWLI±HIIHWQpJDWLIQVQRQVLJQL¿FDWLI

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de tolérance, d’ouverture et de diversité  : l’indice « bohemians  » constitue pour l’en- semble des travaux contenus dans le tableau 2 l’estimateur le plus pertinent de la pro- portion locale de « classe créative ». Les facteurs de la dimension des aménités urbaines concourent également à expliquer la géographie de la « classe créative » mais dans une moindre mesure car il n’y a véritablement qu’en France et plus généralement à partir d’un échantillon total de villes européennes (Boschma et Fritsch, 2009) que les deux facteurs qui structurent cette dimension sont significativement positifs. Enfin, alors que l’effet de la densité de l’emploi peine à traduire de manière finalement contre-intuitive la locali- sation de la « classe créative », la croissance passée de l’emploi de la ville, c’est-à-dire son dynamisme économique, est toujours significativement positive pour l’ensemble des modèles. Si ces résultats européens tendent à rejoindre ceux de Florida (2005b) aux Etats- Unis, la question de la relation de causalité entre les facteurs urbains et la localisation de la « classe créative » reste ici entière car il n’en est en aucun cas fait état. Nous trouvons même d’autres interprétations de ces facteurs chez Marlet et Van Woerkens (2005, 25) : à partir d’une modélisation différente, les auteurs ne trouvent aucune significativité sta- tistique entre les facteurs de tolérance, d’ouverture et de diversité que sont les indices

« bohemians », « foreign-born », « gay » et la localisation ou la croissance de la « classe créative » au niveau des villes hollandaises. Les facteurs significatifs sont plutôt à retrou- ver dans l’esthétique urbaine, comme la présence de monuments historiques ou la proxi- mité d’un environnement naturel de qualité et les opportunités de socialisation, comme le nombre de spectacles vivants ou de pubs pour mille habitants. En outre, la vitalité urbaine caractérisée par le nombre d’étudiants, la proximité des emplois, ainsi que certaines désa- ménités urbaines comme la congestion automobile ou les prix fonciers élevés apparais- sent également significatives pour traduire la distribution géographique de la «  classe créative » en Hollande. De la même manière, McGranahan et Wojan (2007, 209) montrent pour leur part que ce sont plutôt les aménités naturelles et environnementales qui sont les indicateurs de présence de la « classe créative » les plus significatifs. Ici encore, si ces deux études proposent des résultats sensiblement différents de ceux obtenus dans le cadre du projet « 3T in European cities », elles ne mettent pas non plus en évidence le sens de la causalité entre les variables explicatives choisies et la présence de la « classe créative ».

Néanmoins, certains travaux y apportent des pistes de réponses. D’un côté, le propos porte essentiellement sur la co-localisation remarquable entre les créatifs du domaine artistique - les « bohemians » - et les autres individus de la « classe créative ». Andersen et Lorenzen (2007, 25) montrent que les individus de la « classe créative » sont particulière- ment consommateurs de produits artistiques et culturels comparés notamment à d’autres groupes socioprofessionnels. Or ces produits particuliers se retrouvent essentiellement en ville, ce qui amène les auteurs à mettre en évidence une dynamique de localisation emboî- tée entre les « bohemians » et la « classe créative » largement stimulée par une certaine densité urbaine. D’un autre côté, la question de la mobilité des individus créatifs est abor- dée. À partir d’enquêtes menées sur le marché du travail suédois, Hansen et Niedomysl (2009) avancent que la « classe créative » suédoise n’est guère plus mobile qu’un autre groupe professionnel et que les décisions de migration sont consécutives à des oppor- tunités professionnelles et non à la présence d’un « people’s climate  » de qualité. Ils rejoignent à ce titre les propos de Scott (2006) sur la nature de la relation de causalité unissant la présence de la « classe créative » et le « people’s climate » où l’importance de

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la gamme de facteurs « softs » que représente ce dernier en termes d’ambiance urbaine, de tolérance ou de dynamisme culturel est surévaluée : il y a tout lieu de croire à une causalité inverse car comme le précise l’auteur « this argument neglects to take into consideration the complex synchronic and diachronic interrelationships that must be present before a dynamic creative environment is likely to emerge »14 (ibid., 11). Ce résultat est confirmé par les travaux menés dans le cadre du projet européen ACRE : Eckert, Martin-Brelot et al. (2008) et Grossetti (2009) notent que c’est la concentration de la « classe créative », attirée par des opportunités professionnelles, qui favorise le développement du « people’s climate » donc une causalité inverse à celle évoquée par Florida (2002b). Pour cela, les auteurs s’appuient sur une enquête portant sur 13 villes de 12 pays européens rassemblant 1700 questionnaires effectués auprès d’individus de la « classe créative ». Leurs résultats montrent que la « classe créative » est peu mobile en Europe puisque 70% des enquêtés sont nés ou ont effectué leurs études dans la ville qu’ils habitent. Il apparaît également que ce sont des raisons et des opportunités professionnelles qui ont poussé les 30% restants à la mobilité. Par contre, la question de la rétention de la « classe créative » au sein des villes semble dépendre de manière plus marquée de la qualité du « people’s climate » offerte. Ces différents travaux européens montrent bien que l’hypothèse de Florida ne peut encore être validée et que les facteurs d’un « people’s climate » apparaîtront princi- palement secondaires comparés aux opportunités professionnelles offertes aux individus.

5. Conclusion

Cet article entendait illustrer les contours, le développement et la diffusion de la thèse de la « classe créative » : l’analyse de sa genèse et de son contenu ont révélé l’apport que peut représenter cette thèse pour la science régionale même si elle apparaît largement dis- cutée et critiquée comme présenté dans le cadre d’une synthèse des débats la concernant.

Malgré sa récente introduction, elle a fait l’objet de nombreux développements qui ont largement comblé certaines approximations empiriques et théoriques. Cependant, le point crucial de cette thèse repose sur un postulat, celui d’une relation de causalité pouvant se révéler inexacte ou inversée entre le « people’s climate » des villes et le développement économique local, via l’attraction de la « classe créative ». Si cette question reste toujours ouverte, il ne faut pas pour autant oublier certains points d’intérêts soulevés par la thèse : celle-ci stigmatise la relation entre une économie créative et la ville, à la manière d’How- kins (2001), et met en évidence l’importance de l’innovation mais plus encore de compor- tements sociaux créatifs de la part des individus. Si les individus apparaissent concentrés au sein des villes, il s’agit alors d’analyser dans quelle mesure, dans la lignée du discours de Hall (1998, 963), ceux-ci s’organisent, interagissent et donnent naissance à des com- munautés créatives. Car l’économie créative renforce le rôle des industries artistiques et culturelles, le rôle de la création en général au niveau de la sphère économique mais surtout étend les possibilités de fertilisation croisée entre les connaissances, jusque-là considérées comme cloîtrées dans la relation entre la science et l’industrie (Arthur, 2007).

À cet égard, la créativité des individus apparait désormais essentielle et ceux-ci sont deve-

14 « Cet argument néglige de prendre en considération les interrelations complexes synchroniques et dia- chroniques qui doivent être présentes pour qu’un environnement créatif dynamique soit susceptible d'émerger »

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nus des contributeurs importants, une nouvelle avant-garde de leur environnement que celui-ci soit culturel, social, naturel, économique ou politique sous la forme d’une réelle écologie créative (Grabher, 2001). Et c’est bien à ce niveau que se situe la pertinence de la portée de thèse, bien au delà de la « classe créative » en elle-même.

Car celle-ci ne représente finalement qu’une mesure, un instrument imparfait de carac- térisation du potentiel de créativité et de diversité allouant la fertilisation croisée formelle ou informelle des connaissances présentes au sein des villes. Elle se situe alors en amont de la relecture de la grille territoriale que véhicule la thèse. La remarquable co-localisa- tion des créatifs de la sphère « professionnelle » et artistique, en dépit du peu d’évidence - dans un sens comme dans l’autre - de la nature de la relation de causalité qui les unit appelle à se demander dans quelle mesure ils se nourrissent réciproquement et quels sont ces effets au niveau de la sphère économique en général  : celle-ci n’avait auparavant jamais été entrevue à l’aune de la créativité, mais plutôt par l’invention. Or les interac- tions donnant naissance à l’invention, celles entre la science et l’industrie, évacuent la créativité dont les sources n’opèrent pas exclusivement au sein de la sphère économique : Arthur (2007, 274) montre ainsi que la notion d’invention, comparée à celles d’innovation et de diffusion, a été la moins explorée. La créativité a ainsi été relativement évacuée des propos de l’économiste mais la thèse de la « classe créative » propose une analyse pré- liminaire pour en délimiter les contours et proposer quelques axes de réflexion pouvant pousser à intégrer cette notion au sein du champ d’analyse des sciences économiques, comme l’avancent Pratt et al. (2009, 219).

Dès lors, même si la thèse de la « classe créative » apparaît inexacte dans sa généralisa- tion à l’ensemble des villes et dans son application au sein de politiques de développement local, elle n’en reste pas moins un champ intéressant pour la science régionale, ne serait-ce qu’à la vue du débat dont elle a été l’objet, où l’intérêt scientifique qu’elle représente coha- bite avec le manque de preuves empiriques et formelles mais aussi de recul quant à ses postulats. En outre, à l’image du « people’s climate » qui doit certainement venir compléter les traditionnelles politiques de développement fondées sur le « business climate », la thèse permet, d’une part, la mise en lumière de l’importance des individus à la source de l’inno- vation et des productions créatives de tout ordre et, d’autre part, de la ville comme mode d’organisation et de fertilisation croisée des interactions entre ces individus.

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