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Géographie Économie Société : Article pp.181-190 du Vol.11 n°2 (2009)

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Géographie, économie, Société 11 (2009) 181-190

GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ GÏOGRAPHIE ÏCONOMIE SOCIÏTÏ

Comptes Rendus

Jaumain, Serge et Lemarchand, Nathalie (dir.), Vivre en banlieue. Une comparaison Québec/France. Bruxelles : PIE Peter Lang, 189 p.

Cet ouvrage arrive à point nommé dans le monde universitaire francophone. Alors que plusieurs chercheurs américains de toutes disciplines abordent la question de la banlieue sous la loupe de l’étalement, du style de vie, de la santé, ou de l’environnement, les chercheurs francophones ont bien peu planché sur la banlieue. En fait, il semble que les journalistes contrôlent le sujet via des reportages anti-banlieues naïfs, spectaculaires, apocalyptiques et biaisés. Andrée Fortin de l’Université Laval et le Groupe Interdisciplinaire de recherche sur les banlieues (GIRBA) ont travaillé sur cette question fort importante et problématique depuis plus de 15 ans mais de manière trop solitaire, malheureusement. Et cette situation est on ne peut plus paradoxale pour des chercheurs du monde nord-américain, épicentre de l’étalement urbain, des edge-cities, des power centres, etc. Certes, le phénomène est moins inquiétant au Québec qu’ailleurs aux États-Unis mais il existe bel et bien.

Ce que proposent Serge Jaumain et Nathalie Lemarchand est fort bien fait et les auteurs, de haut niveau. En effet, la comparaison France/Canada permet au lecteur de lire des pers- pectives de la banlieue qui sont à la fois similaires et différentes. Ainsi, par exemple, la gouvernance est une problématique autant française que québécoise. Par contre, les réali- tés socioéconomiques qui distinguent les banlieues des deux continents sont nombreuses quelque soit leur taille.

Parmi les thèmes abordés ont note la géopolitique (traitée par François Hulbert qui a longtemps enseigné à l’Université Laval), la gouvernance, l’imaginaire (à travers le cinéma, la poésie, la peinture, etc.), les représentations spatiales, les modes de vie, la mobilité, l’étalement, l’histoire, la toponymie et les identités. Pour illustrer ces thèmes, les auteurs s’inspirent, via des cas français, québécois ou comparatifs, de problématiques au cœur de l’actualité, telles que le comportement des jeunes, les personnes âgées, l’immigration, etc.

On se doit de souligner l’apport de Hélène Harter dont le chapitre porte sur l’histoire de la suburbanisation à Ottawa. En effet, la capitale nationale du Canada est non seule- ment peu étudiée en géographie et en urbanisme mais on ignore toute sa richesse comme terrain d’étude. Ville frontalière (la région métropolitaine s’étend sur les rives québécoise et ontarienne de la Rivière des Outaouais), bilingue, prospère, dynamique et dont l’éco- nomie repose sur la haute technologie (on l’appelle la Silicon Valley du Nord) en plus de la fonction publique, elle a été l’objet d’une planification assez stricte et l’environnement

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naturel a toujours occupé une place centrale dans ses plans d’aménagement. Le chapitre de Harter brosse un fort beau tableau de l’évolution de la rive ontarienne de la Capitale dont la ville centre et ses banlieues ont fusionné en 2000 en une seule grande ville de près d’un million de résidents aujourd’hui (excluant Gatineau, qui est du côté du Québec).

Bref, cet ouvrage saura satisfaire les professeurs et les étudiants qui s’intéressent à la ques- tion des banlieues en général et à celles de France et du Québec en particulier. Il se compare sans gêne aux nombreux ouvrages que le monde anglo-saxon a déjà publiés depuis des décen- nies sur les questions brûlantes reliées aux banlieues, particulièrement aux États-Unis.

Rémy Tremblay Télé-université / Université du Québec à Montréal

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Courlet, Claude, L’économie territoriale, Grenoble, PUG, 2008, 135 pages.

Professeur d’économie à l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble, Claude Courlet nous revient avec un volume de dimension modeste1. Cette volonté de prendre le temps de faire court sera appréciée par le lecteur désireux de connaître l’essentiel sur des concepts abondamment utilisés dans la littérature actuelle en sciences régionales, dites aussi territoriales. Le pluriel se veut ici intentionnel. En reprenant des concepts maintes fois traités ces dernières années entre autres dans les pages de GES, Courlet insiste sur le fait que de nouvelles exigences concurrentielles s’appuient de nos jours davantage sur des effets relationnels (les fameux réseaux) que sur les traditionnels effets de productivité. Ainsi, il montre que le territoire doit être abordé comme un système social doté de ressources relationnelles et non uniquement comme une simple entité spatiale pourvoyeuse de ressources physiques. Mais, pour s’assurer de bien se faire comprendre, l’auteur offre sa définition d’un territoire . Il y voit à la fois :

- Un ensemble de facteurs aussi bien matériels qu’immatériels que la théorie économique a de longue date associé aux avantages que présentent la diminution des coûts de transaction et l’existence d’économies externes;

- Un système de relations économiques et sociales qui conduit au concept de capital social immortalisé par Putman;

- Un système de gouvernance local (au masculin dans le texte).

Le territoire, précise bien Courlet, ne peut se réduire à l’interaction entre les trois dimensions que constituent les économies d’échelle, les coûts de transport et les économies d’agglomération. Au lieu de le considérer comme un ensemble de zones, il importe de percevoir le territoire comme un tissu (dont les mailles peuvent être très serrées).

Un territoire se distingue de tout autre par des caractéristiques qui lui sont propres; en conséquence, son développement exige des stratégies qui lui sont adaptées.

Dans un chapitre sur l’évolution du corpus théorique entourant la notion de territoire

1 Voir aussi son ouvrage de 2001, Territoires et régions : les grands oubliés du développement économique, Paris l’Harmattan, 133 pages, recensé par nos soins dans GES (2002, vol. 3).

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et une section intitulée Les nouvelles orientations de la théorie de la localisation, on peut lire que les économistes redécouvrent la géographie à travers la nouvelle géographie économique que l’on doit à P. Krugman. L’auteur souligne que l’un des principaux mérites de Krugman fut de faire le lien entre les économies externes et les agglomérations industrielles régionales d’une part, et le commerce d’autre part.

Avec pour effet de remettre en question la thèse de la spécialisation flexible qui fait du commerce une variable dépendante du développement industriel. Mais, puisqu’il est question de spécialisation flexible, dans ce même chapitre, comme il fallait s’y attendre, l’auteur offre une synthèse concise de ce que sont les districts industriels en citant à son tour l’incontournable Beccatini2 qui, il y a vingt ans, n’aurait pu deviner qu’il allait se voir commenter aussi abondamment. Un encadré d’une page est consacré au plus célèbre des districts industriels, celui de Prato à 15 km de Florence, composé de 8 500 entreprises du textile au sein desquelles 44 000 personnes trouvaient emploi récemment.

J’utilise le passé car Courlet semble ignorer que Prato crie au secours. Au moment d’écrire ces lignes, pas moins de 4 000 petites entreprises clandestines y embauchent des travailleurs chinois non moins clandestins, encouragés par leur gouvernement à quitter la Chine, elle aussi grande victime de la crise. Sans aide gouvernementale, Prato, tel que l’on connaît, sera rapidement chose du passé. Voilà la forme que prend le

« péril jaune » de nos jours en Italie comme ailleurs.

Dans un ouvrage où l’on traite de district industriel, on ne peut faire autrement que de s’intéresser également à leur extension : les systèmes de production locaux (ou localisés).

Courlet en fait une présentation graphique fort simple qu’il désigne curieusement comme étant le triangle magique dont les trois sommets sont : agglomération, spécialisation et spécification (complémentarité, spécificités, coopération). C’est l’occasion choisie pour nous rappeler les fameux concepts de proximité organisée et géographique mis de l’avant par le duo Rallet-Torre. Et, juste avant de présenter Grenoble comme milieu innovateur, Courlet évoque ce qui est devenu, aux yeux de plusieurs des chercheurs du Groupe européen de recherche sur les milieux innovateurs (GREMI), une vérité de l’Évangile : l’entreprise innovatrice est forgée par le milieu.

Dans un chapitre intitulé Les fondements territoriaux de la performance économique on trouve une citation d’un certain Barel pour qui l’homme est un animal territorialisateur (!). En conséquence, le territoire devient un « producteur » de mémoire locale et en même temps un « créateur » d’un « code génétique » local (…) dont la valorisation permet de donner du sens aux actions et aux projets actuels et futurs. Le chapitre suivant intitulé Territoire, gouvernance locale et action publique débute, il va sans dire, par des définitions. Passons de suite à la gouvernance territoriale que l’auteur, avec raison, ne juge pas nécessaire de définir tout en précisant qu’elle ne se décrète pas (formule consacrée) et qu’elle se veut un construit dans lequel les institutions sont largemeSnt imbriquées en y jouant un rôle d’intermédiation. C’est également dans ce chapitre que l’on trouve une section sur ce qui est en voie de devenir la tarte à la crème de nombreux collègues hexagonaux : les pôles de compétitivité. Ne se limitant pas à tout simplement les définir, Courlet innove en distinguant deux catégories de pôles de compétitivité : une première

2Soulignons sur ce point le travail d’édition très soigné reprenant en quatre tomes ses écrits sur la Toscane.

Cf. Becattini, Giacomo, 2007, Scritti sulla Toscana. 1954-2007, Ed. Le Monnier / Regione Toscane, 4 tomes.

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dite à dimension internationale composée de grands groupes industriels et une seconde caractérisée par des activités traditionnelles comme le veut le sempiternel exemple du secteur du décolletage de la vallée de l’Arve.

Un dernier et très bref chapitre Perspectives pour les régions pauvres se rapporte à des exemples de pays du tiers-monde, ou en émergence (comme le Brésil) autrefois désignés comme étant en voie de développement ou encore sous-développés ou moins développés suivant que l’on respecte ou pas la rectitude politique qui interdit d’appeler un chat un chat. On aura compris que ce modeste ouvrage constitue un utile vade mecum de tout ce qui entoure la question territoriale.

André Joyal Université du Québec à Trois-Rivières

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Guy Massicotte (sous la dir. de) Sciences du territoire : perspectives québécoises, Québec, Presse de l’Université du Québec, 2008, 422p.

Que l’on porte bien attention au titre. Le mot « sciences » est bel et bien au pluriel. Guy Massicotte présenté ici à la fois comme ancien professeur et recteur de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) a fait preuve de la même sagesse que les fondateurs de l’Association canadienne des sciences régionales. Car s’il n’existe pas UNE science régionale, il ne peut davantage y avoir UNE science des territoires3. Le lecteur devine aisément que l’on nage ici dans un monde on ne peut plus multidisciplinaire. C’est dans un tel contexte que fut lancé à Rimouski, lors du congrès annuel de l’ASRDLF, cet ouvrage collectif auquel ont contribué pas moins de quinze chercheurs dont certains collaborent occasionnellement à GES. Il y a maintenant quelques années, à l’époque où fut lancée l’idée de créer le Centre de recherche en développement territorial (CRDT) dont le siège se trouve à l’UQAR, j’avais soulevé, lors d’un séminaire de réflexion, la question de la pertinence de déplacer notre intérêt envers le développement régional vers le développement territorial. Le lecteur encore dubitatif ne se posera plus cette question suite à la lecture de cet ouvrage qui comprend trois parties : Territoires du Québec; l’analyse territoriale; le développement territorial.

Dans son avant-propos, G. Massicotte précise bien que, si le concept de territoire s’est substitué à celui de région, c’est dû au fait que dans le contexte québécois, la notion de territoire a permis de sortir de la polarisation entre les régions et les grands centres. On peut en dire autant pour la France où les écrits sur la dynamique territoriale se sont multipliés ces dernières années Pour Massicote, le concept permet d’aller à l’essentiel, soit aux dynamiques géopolitiques, économiques, sociales, culturelles, environnementales etc. à l’œuvre dans un territoire où des acteurs s’en réclament tout en s’y identifiant. En d’autres mots, le développement régional est celui qui est

3 L’Association de science régionale de langue française (ASRDLF) se mord les doigts d’avoir privilégié le singulier.

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décrété par l’État central (Paris, Ottawa ou Québec) tandis que le développement territorial résulte d’initiatives mises en oeuvre par les acteurs locaux. Et si, pendant longtemps, les concepts de centre et de périphérie ont servi pour tenter, à travers de présumés effets de domination, d’expliquer les disparités régionales, cette vision, comme il est signalé, tend à s’estomper.

Si l’on doit l’idée de ce volume à G. Massicotte, ce dernier ne manque pas de rendre hommage à celui qui fut directeur de la revue Organisations & Territoires durant les dix dernières années. En effet, Marc-Urbain Proulx, de l’Université du Québec à Chicoutimi, a été la cheville ouvrière de l’ouvrage et le responsable du recrutement des différents auteurs. Auteur d’une introduction intitulée Territoires de gestion et territoires d’émergence, celui-ci présente l’ensemble des contributions en précisant que chacune fournit un matériel original à cette science (au singulier!) des territoires, vue comme étant bien sûr encore jeune mais prometteuse dans un pays où, depuis toujours, les territoires se font et se défont. Il est regrettable que G. Masiscotte et MU Proulx n’aient pas ajusté leurs montres avant d’envoyer la version finale à l’éditeur. D’entrée de jeu, MU Proulx offre au lecteur, entre autres choses, un rappel des concepts classiques de cette soi-disant science du territoire où se retrouvent la cité, la région, la communauté et le district pour ensuite situer le tout concrètement à l’intérieur de la réalité québécoise en identifiant quatre types de zones économiques en émergence suivant que leurs activités appartiennent aux secteurs primaire, secondaire, tertiaire et quaternaire. Il revient au lecteur français de transposer cette vision à la réalité hexagonale.

La deuxième partie s’ouvre avec un chapitre de Jean-Marc Fontan, de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), intitulé Innovation sociale et territorialité. Au tout début, l’auteur soulève une question : quel rôle joue l’innovation sociale dans la construction du rapport au territoire ? L’objectif visé ici prend donc la forme d’une étude cherchant à comprendre comment se présente la mise en forme territoriale des sociétés à travers l’innovation sociale. À partir du concept de « vivre ensemble », c’est à travers la lunette de Polanyi que JM Fontan aborde la question. Ainsi, deux grandes dimensions de la pensée de l’économiste hongrois se trouvent mises ici à contribution : une conception institutionnelle de l’être en société d’une part, et la conviction d’autre part que les relations entre les individus se développent sous une forme inégalitaire. Mais l’auteur quitte ensuite le terrain de l’innovation sociale pour s’en tenir à l’innovation tout simplement. Polanyi fait donc place à Schumpeter. Cette transition conduit à l’interrogation suivante : pourquoi certaines innovations sont idiosyncrasiques4 alors que d’autres sont le fruit d’une action collective ? Un questionnement qui conduit à un autre plus près des préoccupations propres à cet ouvrage et qui réfère au lien entre l’innovation, la territorialité et la domination. Qu’en est-il exactement du territoire ou du local dans tout ce remue-méninges ? JM Fontan nous rassure en affirmant que le local constitue la clé de voûte à la base de la création de nouveautés et de leur diffusion.

Et, pour retrouver Polanyi, il suffit de considérer qu’à partir d’une action collective localisée (!) peut résulter une action organisée qui pourra, si tout va bien, se traduire par une action d’institutionnalisation d’un projet de développement. Pas plus compliqué.

4 Grand dictionnaire terminologique : relatif aux caractéristiques propres à chaque individu, qui le distinguent des autres et qui déterminent sa façon particulière de réagir à son milieu et aux agents extérieurs.

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De la sociologie, on passe à la géographie avec Serge Gagnon, de l’Université du Québec en Outaouais (UQO), qui offre ici un cadre méthodologique de nature géographique afin d’interpréter la territorialisation du développement. Deux sections, la première intitulée Une lecture « intelligente » des territoires et celle qui vient plus loin La territorialisation du développement, présentent toute l’originalité de cette contribution.

Dans cette dernière, l’auteur décrit le parcours d’engendrement d’un territoire ici nommé tout simplement PARCOURS. Inutile de chercher, malgré les majuscules, il ne s’agit pas d’un acronyme. Ce PARCOURS se rapporte à une méthodologie émergentielle développée en géographie structurale par un certain Gaëtan Desmarais au milieu des années 1990. Un tableau aide à comprendre le parcours d’engendrement d’un territoire. S’y retrouvent des ordres structuraux, une strate de spatialisation et une dynamique génératrice, le tout réparti en trois temps. L’auteur ne manque pas de souligner la pertinence d’un traitement interdisciplinaire de toute analyse territorialisée.

En effet, comme il le signale, la méthode géographique structurale permet de jeter des passerelles entre l’anthropologie, la géopolitique et la socioéconomie.

L’allusion à la socioéconomie va précisément nous servir de passerelle vers la contribution de Benoit Lévesque de l’UQAM qui présente des nouveautés sous différentes formes : un nouveau paradigme du développement territorial; la nouvelle sociologie économique;

la nouvelle économie sociale; les nouveaux institutionnalistes; les néocorporatistes ; la

« new economic sociology »... Les lecteurs familiers des écrits (pour la plupart fort intéressants) du professeur émérite de l’UQAM savent qu’il apprécie tout ce qui semble nouveau… D’une lecture fort agréable, cette contribution permet d’obtenir une synthèse des écrits sur le concept de territoire avec évidemment des liens entre la dynamique territoriale et l’économie sociale ou solidaire. Cette dernière, on le sait, depuis les nombreux écrits parus au milieu des années 1990, se veut une économie plurielle (à multiples facettes). B. Lévesque signale que le territoire ne peut être défini que par la proximité géographique d’activités. Le territoire, en effet, ne se conçoit pas sans une proximité organisationnelle, sans interaction entre acteurs sociaux, sans histoire, sans durée, sans apprentissage, sans coopération et sans solidarité. Un tableau synthétise bien la pensée de l’auteur en présentant l’économie sous l’angle des institutions et des acteurs sociaux à travers le prisme de différentes écoles de pensée.

La contribution de Richard Shearmur d’Urbanisation, Culture et Société devrait intéresser à la fois les régionalistes et ceux qui prétendent que tout le débat entourant les régions est un faux débat et qu’il n’y a pas de véritable science régionale (ni au pluriel, ni au singulier). À son tour, l’auteur ne manque pas de s’interroger sur ce qui fait une région. Comment la définir, la cerner véritablement ? Suite aux propositions d’Édouard Balladur sur la révision de la carte régionale française, le lecteur trouvera assurément un intérêt aux réflexions ici présentées. Doit-on continuer, comme on le fait autant d’un côté de l’Atlantique que de l’autre, d’opposer métropole et région, ou urbain et rural ? On retrouve ici le sempiternel débat : ce qui est bon pour Montréal l’est-il également pour le reste du Québec? (Ce qui est bon pour Paris l’est-il pour la province?). Est-il pertinent de parler de régions qui se meurent ou qui sont en difficulté5 ? Si oui, à qui la faute ? Aux grandes entreprises ou aux politiques gouvernementales inefficaces ou

5 Comme le veut le sous-titre d’un de mes ouvrages publié en 2002.

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toutes à sens unique ? Comme on ne peut nier l’existence de disparités, en leur présence, l’auteur rejette la solution néolibérale consistant à miser sur le niveau des salaires pour forcer la mobilité des travailleurs. À la place, l’auteur recommande une politique d’aide à la mobilité et à l’insertion sociale.

Suivent d’autres intéressantes contributions comme celle du géographe Juan Luis Klein de l’UQAM. Il invite le lecteur à réfléchir sur la place du territoire dans la mise en œuvre des politiques de développement, avec une insistance sur le besoin de se pencher sur la relation entre le territoire et la société. Pour y parvenir, JL Klein utilise une métaphore : le territoire est à la société ce que la scène est à la pièce de théâtre. Car selon notre ami, si on change la scène on ne joue plus la même pièce. Effectivement, on imagine mal Huis clos sans quatre murs6… Le mot de la fin revient à MU Proulx qui traite de différentes formes de planification : territoriale (PT), rationnelle globale (GRB), stratégique (PS), interactive (PI) et même par petits pas (PPP) éclatés. On ne peut reprocher ici le recours à une imagination fertile. Le tout, et c’est là le grand talent de l’auteur, est bien situé dans le contexte québécois suivant l’évolution des quelque 30, voire 40 dernières années. MU Proulx demeure humble en concluant que sa contribution n’est qu’un jalon dans un long et laborieux exercice qui demeure à faire.

André Joyal Université du Québec à Trois-Rivières

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Giacomo Becattini, 2007, Scritti sulla Toscana: 1954-2007, Florence, Ed. Le Monnier, Vol. I-II-III-IV.

Il a fallu attendre longtemps pour que les écrits de Becattini, qui s’étalent dans cet ouvrage sur 53 années, puissent être réunis et publiés dans un seul recueil et pour que le monde politique et les milieux socioculturels italiens ancrés dans des stéréotypes d’interprétation traditionnels reconnaissent son rôle et son importance dans le panorama économique et social.

Becattini a été et demeure un économiste et un intellectuel hors du commun : doué d’une grande sensibilité humaine et sociale, il a su caractériser le profil de l’économie italienne grâce à une méthode nouvelle centrée sur la relecture du concept du district industriel déjà abordé par Alfred Marshall. De l’« ipotesi 69 » aux écrits de la « Libera Scuola di Arteminio », Becattini a développé l’idée selon laquelle le district industriel ne constitue pas une réponse à la crise du Fordisme, mais qu’il représente une autre voie possible complètement détachée du décentrement productif et de la désintégration verticale de grandes usines.

C’est précisément autour de la naissance et du développement de ces concepts que s’articule « Scritti sulla Toscana ». Ce livre, divisé en quatre volumes, recueille tous les écrits (dont certains déjà publiés et d’autres encore inédits) de Becattini et cela faisant, il retrace la trajectoire théorique le long de laquelle sa pensée s’est formée et structurée.

Dans le premier volume, intitulé « La ricerca sul campo e la Libera Scuola di Artiminio

6 Klein semble confondre scène et décor.

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(1969-2007) », on assiste à la naissance des premières recherches sur le district industriel et on aborde les développements ultérieurs de ce concept : d’une définition théorique et abstraite du district on arrive à une définition complète et complexe, en passant par le déplacement de la théorie d’un plan strictement local à un plan plus mondial, par l’ouverture à d’autres domaines théoriques (sociologie, culture) et par un glissement vers l’empirisme.

De la formulation du concept on passe non seulement à une explication de la réalité industrielle qui dépasse les bornes locales, mais aussi à une explication qui devient toujours plus théorique et conceptuelle puisque toujours davantage liée à une réflexion empirique sur le concept marshallien du district. De la réflexion théorique on passe à l’observation des données réelles pour retrouver à nouveau une réflexion théorique plus complète et mieux articulée.

Et c’est autour de cette démarche théorique qui conduit du particulier au général que le deuxième volume, intitulé « Alla scoperta di Prato (1979-2006) », se développe. Pour mieux comprendre la réalité de la ville de Prato et proposer des modes de développement économique, Becattini dresse un portrait économique, social, démographique, culturel et territorial de la ville, en s’appuyant constamment sur des événements fondamentaux de la période de l’après-guerre et en se projetant inlassablement vers le futur. La description de la réalité sociale, politique et économique de la ville de Prato, la reconstruction méticuleuse de son histoire et l’analyse de ses perspectives se transforment en une analyse détaillée et approfondie d’un type idéal de capitalisme modéré par la mobilité sociale et par la médiation institutionnelle.

La description de la réalité sociale et des enjeux politico-sociaux qui en découlent constituent le fil conducteur du troisième volume, intitulé « Nella mischia : il confronto delle idee (1970-2006) ». Dans ce livre, les écrits recueillis mettent parfaitement en lumière quand et comment les débats publics furent et demeurent liés à l’élaboration des idées de Becattini. Sans les polémiques parues dans les journaux, dans les revues culturelles et politiques, sans les discours prononcés lors des meeting politiques et sans les interventions lors des conseils municipaux, le concept de district serait resté un instrument intellectuel utile mais complètement détaché de la réalité. Ce furent, en effet, les débats idéologiques des années 1970, les discussions autour des difficultés financières des institutions culturelles des années 1980, les débats concernant l’influence américaine de la fin des années 1980 et les querelles autour de la crise qui secoue l’Italie dans les années 1990 qui ont permis la transformation d’une idée abstraite en un concept empirique applicable aux sociétés.

Cette dimension personnelle et réelle constitue le coeur du dernier volume, intitulé « Miscellanee (1954-2007) ». Dans cet ouvrage, on a recueilli tous les documents « mineurs » de Becattini.

Des premières interventions d’un jeune économiste qui réfléchit sur les problèmes de sa région à une série d’évocations biographiques d’autres économistes rencontrés au long de sa vie, en passant par une longue interview, on assiste à la reconstruction du portrait de l’homme et de l’économiste : les lectures juvéniles (Marshall, Marx, Cattaneo); les premiers contacts avec le monde du travail (la vente de meubles dans toute la région); l’engagement politique (la participation active au Parti Communiste et les responsabilités au Conseil Municipal); les amitiés importantes (Carlesi, Bertolino, Bonsanti, Pesenti, Gabbuggiani).

« Scritti sulla Toscana » ne se limite donc pas à une simple description du développement industriel d’une région italienne, mais il constitue une théorie économique nouvelle fondée sur la possibilité d’une analyse des problèmes locaux avec les instruments offerts

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par les études internationales les plus avancées. Il représente aussi une théorie centrée sur l’idée que ce qui se produit en Toscane (et, plus généralement, dans les régions de l’Italie du Centre et du Nord-Ouest) n’est pas l’héritage d’un passé révolu, mais une formule économique et sociale qui peut devenir fondamentale soit du point de vue du développement industriel soit du point de vue de la cohésion sociale.

Il constitue une tentative d’opposition à la logique de la clôture et de la défense de l’identité locale, en tant que réponse aux tendances d’une pensée totalisante dans un monde toujours plus internationalisé.

Francesca Fava Université de Caen

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

« Développement durable. Un défi pour la nouvelle présidence des Etats-Unis », Revue Population et Avenir, Novembre-Décembre 2008, Numéro 690, 24 pages.

Population et Avenir est une revue bimestrielle visant à éclairer l’actualité géopoli- tique, économique et sociale sous le regard de la démographie. La revue comporte des notes de lecture, une revue de presse, des documents et exercices pédagogiques et des articles synthétiques. Le n uméro de Novembre-Décembre 2008 est structuré autour d’un dossier portant sur le développement durable (« Les Etats-Unis face au développement durable : un défi pour la nouvelle présidence », par Jean-Marc Zaninetti).

Dans cet article, pédagogique et rigoureux, l’auteur dresse le bilan des forces et faiblesses américaines face « aux défis du développement durable ». En s’appuyant sur l’indicateur désormais largement utilisé de l’empreinte écologique, l’auteur rappelle que les américains sont particulièrement énergivores (déjà en 1996, les Etats-Unis con- tribuaient à 20% de l’empreinte écologique mondiale). Dès lors, la nouvelle présidence américaine doit relever un triple défi. Préserver les ressources naturelles d’abord : mal- gré l’existence d’espaces naturels protégés et d’un vaste et ancien domaine naturel fédéral, la présidence actuelle doit faire face aux limites d’une croissance fondée sur l’utilisation du pétrole et de l’exploitation minière et aux insuffisances des présidences précédentes. Ces dernières - au moins depuis Reagan - ont délaissé la question envi- ronnementale en en rejetant le traitement au niveau fédéral (accentuant du même coup les disparités locales). Repenser le secteur de l’énergie ensuite. La surconsommation énergétique procède certes d’une « nécessité géographique » - immensité du territoire, climat continental - mais aussi d’un mode de production et de consommation longtemps géré à court terme et encore dépendant des énergies fossiles. Réorganiser la ville enfin.

L’urbanisation extensive a démultiplié les déplacements et les besoins en infrastruc- tures renforçant ainsi les besoins en énergie.

Face à ces défis, les Etats-Unis possèdent cependant des atouts. L’auteur en distingue quatre. Il commence par l’atout démographique (les Etats-Unis restent le pays le plus attractif et enregistrent une croissance démographique qui permettra de renouveler facilement la population active) et poursuit plus rapidement sur les atouts agricole (les Etats-Unis demeurent la première puissance agricole) puis technologique (capacité

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d’innovation de l’économie américaine) et le pouvoir d’influence (culture, langue et médias constituant le « soft power »). On ajoutera que l’article s’appuie sur des documents variés (tableaux statistiques, carte, photographie, chronologie, lexique) qui viennent compléter l’analyse.

Toujours dans ce numéro, Jacques Dupâquier propose page 18 et suivantes des statistiques concernant la démographie des continents et Etats issues de la World Population Data Sheet 2008. Les tableaux fournissent des informations démographiques précieuses (superficie, population, projection de population pour 2025, taux de natalité, de mortalité, de mortalité infantile, accroissement naturel, indice de fécondité, seuil de remplacement, part des moins de 15 ans et des plus de 65 ans dans la population, espérance de vie et produit national brut par habitant en parité de pouvoir d’achat). On regrettera que rien ne soit dit sur la manière dont la typologie censée renseigner sur la qualité des données a été construite.

Julien Congiu, Professeur agrégé de Sciences Sociales.

© 2009 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

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