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L'AMOUR DE CÉCILE FOUGÈRES

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Academic year: 2022

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L'AMOUR

DE CÉCILE FOUGÈRES

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EDMOND JALOUX

L ' A M O U R DE CÉCILE F O U G È R E S

ROMAN INÉDIT

D'APRES LES BOIS OCIGINAUX DE CLÉMENT SERVEAU

J . F E R E N C Z I & F I L S , É D I T E U R S 9 , R U E A N T O I N E - C H A N T I N , P A R I S ( X I V

M C M X X I X

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Ouvrages parus dans la même Collection :

HENRY BORDEAUX 19. La Nuit Blanche.

PAUL BOURGET 14. Némésis.

RENÉ BOYLESVE 16. Souvenirs du Jardin détruit.

32. Les Nouvelles Leçons d'Amour dans un Parc.

FRANCIS CARCO 7. Les Innocents.

A. DE CHATEAUBRIANT 12. Monsieur des Lourdines.

GASTON CHÉRAU 20. Le Flambeau des Riffault.

57. Le Monstre.

COLETTE 2. La Maison de Claudine.

6. Les Vrilles de la Vigne.

LUCIE DELARUE-MARDRUS 11. Le Pain Blanc.

23. La Mère et le Fils.

59. Graine au Vent.

JOSEPH DELTEIL 50. Jeanne d'Arc.

MARC ELDER 15. La Maison du Pas Périlleux.

30. La Passion de Vincent Vingeame.

RAYMOND ESCHOLIER 3. Dansons la trompeuse.

44. Cantegril (bots en couleurs).

JEAN D'ESME 24. L'Ame de la Brousse.

EDOUARD ESTAUNIÉ 10. Solitudes.

22. L'Empreinte.

29. L'infirme aux mains de lumière.

37. L'Ascension de M . Baslèvre.

47. Un Simple.

54. Bonne-Dame.

63. La Vie Secrète.

MARION GILBERT 53. Le Joug.

M. GENEVOIX 36. La Joie.

45. Raboliot.

JOSÉ GERMAIN 5. T o u r Genièvre.

LOUIS HÉMON 40. Battling Malone.

ABEL HERMANT 8. Les Noces vénitiennes.

51. L'Aube ardente.

58. La Journée Brève.

CHARLES-HENRY HIRSCH 46. La Grande Capricieuse.

EDMOND JALOUX 4. L'Amour de Cécile Fougères.

17. La Fête nocturne.

GEORGES LECOMTE 31. La Lumière retrouvée.

ANDRÉ LICHTENBERGER 9. Rédemption.

35. Père.

FRANÇOIS MAURIAC 38. Le Fleuve de feu.

49. Le Désert de L'Amour.

ANDRÉ MAUROIS 42. Les Silences du Colonel Bramble.

52. Meipe ou la Délivrance.

60. Les Discours du D' O'Grady.

PAUL MORAND 55. L'Europe Galante.

PIERRE MILLE 43. Myrrhine, courtitane et martyre.

F. DE MIOMANDRE 1. Ecrit sur de l'eau...

13. La Jeune Fille au Jardin.

56. La Naufragée.

MARCEL PRÉVOST 61. La Nuit finira * 62. La Nuit finira **

RACHILDE 27. La Jongleuse.

RAYMOND RADIGUET 28. Le Bal du Comte d'Orgel.

HENRI DE RÉGNIER 21. Les Bonheurs perdus.

26. L'Entrevue.

ROSNY AINÉ 25. L'Amour d'abord.

34. Les Femmes des Autres.

48. Le cœur tendre et cruel.

THIERRY SANDRE 41. Mousseline.

ANDRÉ SAVIGNON 18. Filles de la Pluie.

39. Une Femme dans chaque Port.

P. VILLETARD 33. Marise, jeune fille.

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A Henri DUVERNOIS

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J

E suis rentré si las, ce soir, de cette longue journée d'hôpital, que je ne rê- vais, en franchissant le seuil de ma maison, que de me coucher après le repas. L'égoïste satisfac- tion d'avoir accompli ce que certaines personnes appellent le devoir, c'est-à-dire le juste emploi de facultés spéciales, ne suffisait pas à

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compenser la tristesse où me plongent les spectacles que je suis contraint de voir. Quelle folie d'avoir voulu être un médecin quand on n'est pas davantage maître de sa sensibilité ! Il est vrai aussi que, depuis pas mal d'années, je n'exerçais plus guère ma profession et que j'aurais renoncé définitivement à elle si la guerre ne m'avait obligé de m'y donner de nouveau en me for- çant d'accepter la proposition de mon maître et ami, le docteur Faubournet, qui ne pouvait assumer à lui seul la charge de diriger un établissement de trois cents lits.

Mais les événements que nous traversons augmen- tent encore en moi cette irritabilité nerveuse que la vue de la souffrance m'a toujours causée. Elle me donne une manière d'angoisse métaphysique, qui m'est into- lérable, à la longue. Rien n'est plus vain que de cher- cher une raison philosophique à la douleur. Si elle n'émane pas d'une volonté centrale qui se sert d'elle pour améliorer les âmes et fortifier les coeurs, elle n'est plus que le déplorable accident d'un monde voué au hasard, et réfléchir sur elle n'a guère plus de sens que sur la vie et la mort d'un éphémère. Cependant, après tant d'années d'expérience, je ne peux encore assister un agonisant ou considérer certaines calamités sans me poser ces questions qui demeurent toujours

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sans réponse. Jamais, je l'avoue, elles ne s'étaient pré- sentées à moi avec une acuité aussi bouleversante, car enfin, si les historiens expliquent le drame de 1914 par la fureur conquérante du peuple allemand, ils ne nous donnent pas la raison des myriades de guerres qui se sont abattues depuis les millénaires sur la misérable humanité.

Une fois de plus, je me laissais envahir par ces pensées, quand en ouvrant la porte, Bonaventure, mon vieux valet de chambre, me dit :

— On vient de porter un bleu pour monsieur.

Je n'eus qu'à jeter les yeux sur la suscription pour reconnaître la longue écriture de Cécile Fougères.

Dans l'antichambre, je lus ces quelques lignes :

Mon cher Bertrand,

Vous me négligez, vous m'oubliez! Voilà bien la bonté des hommes, leur dévouement, dont ils font tant d'affaires! Parce que vous consacrez vos journées à soigner des malheureux, vous abandonnez vos meilleurs compagnons comme s ils ne souffraient pas aussi, comme s'il n'y avait plus que le corps qui comp- tât à vos yeux, comme si l'âme aussi n'avait pas ses plaies. Allons, Bertrand, un bon mouvement et venez,

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ce soir passer une heure auprès de votre amie qui a besoin de vous...

Il n'était plus question de gagner son lit. On ne se dérobe pas quand une amie vous appelle.

Je dînai sans appétit.

— Monsieur se fatigue trop, grogna Bonaventure.

Monsieur sera bien avancé quand il sera malade.

Qui soignera ses blessés quand il sera à son tour au fond de ses draps? C'est effrayant ce que Monsieur a vieilli! J'irai parler au docteur Faubournet, moi !

— Bah! Bonaventure, nous nous reposerons tous quand la paix sera venue.

— Si Monsieur n'avait pas une maladie de cœur, je ne me permettrais pas de lui parler ainsi, mais Monsieur devrait se rappeler...

— Assez, Bonaventure! Je vous en conjure. Je suis déjà bien assez fatigué, ne m'excédez pas de vos discours.

Mon vieux serviteur grommelle et revient en por- tant avec soin une bouteille de Château-Margaux que je ne lui ai pas demandée. J'en bois cependant un verre pour lui faire plaisir. Bonaventure ne connaît qu'un remède à tous les maux moraux et physiques : une bouteille de vin vieux. Du moins a-t-il beaucoup

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de chances de ne jamais douter du médicament qu'il préconise.

Après le dîner, je passai dans le salon pour fumer une cigarette et me reposer un moment avant de me rendre à l'appel de Mme Fougères.

Hélas! cette pièce, dont j'ai combiné chaque dé- tail avec tant d'amour, dont les harmonies ont tant amusé mes yeux, où j'ai passé tant d'heures de loisir studieux, je ne peux guère y entrer aujourd'hui sans être envahi d'une grande tristesse. Son atmosphère de calme me rappelle trop cruellement l'angoisse des jours que nous vivons. O ù trouver moins qu'ici cette paix du cœur que nous n'avons plus et que tout, chez moi, voudrait évoquer ?

Je regarde sur les murs ces gravures que j'ai rap- portées d'Italie. Je vois la Sainte-Ursule de Carpac- cio, quittant tendrement son père, dans un paysage marin, frais comme la méduse et sur l'eau duquel glisse une barque déjà nocturne; je vois les vendan- geuses de Gozzoli, toutes dansantes sous les pergolas surchargées de grappes, devant un palais de marbre aux colonnes minces comme des bambous ; je vois les cavaliers de Pinturicchio chevaucher sous des arbres pareils aux plumets de leurs casques; je vois la Cha- rité de Giotto, pesante encore, mais qui jaillit du sol

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pour s'offrir au Christ, avec son visage qui vient d'être triste et qui rayonne déjà de confiance et de gratitude et cette coupe qu'elle tient et qui est pleine d'épis, de grenades et de roses. Les artistes qui ont exécuté ces œuvres pures ne vivaient-ils pas dans des temps aussi troublés les nôtres? Ils ont souffert ce que nous souffrons. E t pourtant, les enfants des hommes verront éternellement dans ces peintures une sérénité radieuse, un monde séraphique que la mort ne trouble pas, une source de poésie intarissable. Quel secret connais- saient-ils que nous avons perdu?

L'un après l'autre, je rouvre quelques-uns des li- vres qui me furent chers. Je cherche une pensée qui me réconforte :

« Que la mort et l'exil et toutes les autres choses qui paraissent terribles soient tous les jours devant tes yeux, particulièrement la mort, et tu ne désireras rien avec trop d'ardeur! »

J'ai su ces vérités-là de tout temps: qu'est-ce, après tout, sinon la constatation la plus banale de ce qui est? Une heure d'hôpital m'en apprend davantage.

« N e fais et ne pense rien que comme si tu étais

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sur le point de sortir de la vie. Ce n'est pas que sortir de la vie soit une chose fâcheuse s'il y a des dieux, car ils ne te feront aucun mal; et s'il n'y en a point, ou s'ils ne prennent aucun soin des choses d'ici-bas, qu'ai-je affaire de vivre dans un monde sans provi- dence et sans dieux? »

Non, je ne lirai pas Marc Aurèle, ce soir, ni Epic- tète. Et j'entr'ouvre un autre volume :

« L'humanité se prend beaucoup trop au sérieux;

c'est le péché originel du monde. Si les hommes des cavernes avaient su rire, l'Histoire serait bien diffé- rente. »

Hélas! l'histoire du monde, c'est l'histoire de cette erreur-là. La vie est déjà si tragique par elle-même que toute l'imagination de l'homme n'a tendu qu'à exaspérer ce tragique et non point à l'en affranchir.

« Paix aux hommes de bonne volonté », disait le Christ. Je commence à croire qu'il n'y a pas d'homme de bonne volonté.

Jamais Paris ne m'a paru la nuit aussi beau qu'en ce moment. L'abondance, la brutalité des lumières

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en faisaient, ces dernières années, une cité américaine que nous ne reconnaissions plus. Les affiches lumineu- ses, les transparents de couleur offusquaient à ce point nos yeux que, lorsque nous levions la tête, nous ne savions plus distinguer les étoiles. Il n'en est point de même aujourd'hui. Les monuments, les maisons, les perspectives retrouvent leur valeur exacte dans un ensemble harmonieux; les monuments qui marquent la place des siècles sur le cadran de la cité, — Notre- Dame, la Tour Saint-Jacques, Saint-Germain- l'Auxerrois, le Louvre, — regagnent dans l'ombre enfin respectée leur noblesse éternelle. Les jardins innombrables ont leur mystère. La Seine obscure fait de chacun de ses aspects et des ponts qui l'enjambent un paysage en quelque sorte absolu, dont la beauté appartient autant à Paris qu'à Rome ou à Avignon.

Et, dans les rues étroites comme au coin de certaines places, on s'attend aussi bien à rencontrer un cortège de mignons, sortant de chez Henri III, qu'un poète romantique ou l'ombre vacillante de Verlaine.

Il est d'ailleurs heureux que j'aime à ce point la beauté nocturne de Paris, car je ne trouvai, bien entendu, aucun véhicule pour me conduire rue de Chanaleilles, où demeure Mme Fougères.

Elle y habite un grand et bel hôtel du dix-huitième

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siècle qui a été acheté, il y a cinquante ans par son père, M Lordat-Bussières, qui a été un des premiers avocats de la troisième République et à qui son gen- dre, mon ami Daniel Fougères, doit en partie la situa- tion importante qu'il occupe au barreau.

Je n'ai pas rencontré M Lordat-Bussières, puisque je ne connais Cécile que depuis son mariage avec mon ami Daniel, mais on me l'a dépeint comme un homme austère, chagrin, sévère aux autres comme à soi-même, extrêmement réservé et même cachottier, au point Qu'on l'a fort soupçonné d'avoir conservé, à l'insu des siens, une vie personnelle, moins rigoriste que son ap- parence et dont on n'a dailleurs rien su exactement.

Je me demande souvent ce que Mme Fougères a bien pu hériter de ce père mystérieux. Pour sa mère, c'était une personne pâle et silencieuse, qui jouait admirablement du piano et plus particulièrement Bach et Mozart. Cécile m'a raconté souvent que ses parents ne se parlaient jamais, bien qu'ils s'aimassent profon- dément, et qu'à son entrée dans la vie, ce qui la sur- prit le plus, ce fut de voir la facilité avec laquelle les êtres humains échangeaient des paroles. Il lui sem- blait toujours qu'un tel acte ne pouvait accompagner que les moments les plus solennels. Heureusement pour elle, elle a épousé un bavard.

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J'ai trouvé Mme Fougères dans le salon qu'elle s'est réservé depuis la guerre et où elle a assemblé, meu- bles et bibelots, à peu près tout ce qui lui plaisait dans l'hôtel. Cela fait un réduit charmant, mais fort hétéroclite.

Elle lisait avec application quand je suis entré. Son visage s'est éclairé à ma vue d'un de ces sourires purs qui n'appartiennent qu'à elle et qui chassent pour un instant l'expression de mélancolie tenace qui flotte sur son visage.

C'est une jeune femme de petite taille, de peau ivoirine, à l'attitude un peu solennelle. Ses cheveux châtains, d'un châtain où il semble rester de l'or, ici ou là, au secret de quelque tresse, s'entrelacent les uns aux autres dans une couronne qui fait le tour de sa tête. Ses yeux sont larges, d'un bleu pâle extrême- ment lumineux, son nez, aquilin; mais ce qui donne à sa physionomie un caractère spécial, c'est la per- fection de sa bouche, qui a l'air d'un modèle de des- sin, dans un visage qui a plus de charme que de régu- larité. Cette bouche est admirable, elle l'est même trop; car, loin d'ajouter de la beauté à la figure de Mme Fougères, elle lui en retirerait plutôt par le contraste qu'elle produit entre sa rigueur classique et des traits qui ne le sont pas.

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« LE LIVRE MODERNE ILLUSTRÉ »

EST TIRÉ SUR PAPIER ALFA OUTHENIN CHALANDRE ET IMPRIMÉ

SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE MODERNE 177, route de Châtillon, à Montrouge.

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Références

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