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L'influence des donateurs privés sur les politiques publiques: une analyse des initiatives populaires en Californie

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Master

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L'influence des donateurs privés sur les politiques publiques: une analyse des initiatives populaires en Californie

BRINGOLLET, Cynthia Leslie

Abstract

L'influence des donateurs privés sur les politiques publiques: une analyse des initiatives populaires en Californie

BRINGOLLET, Cynthia Leslie. L'influence des donateurs privés sur les politiques

publiques: une analyse des initiatives populaires en Californie . Master : Univ. Genève, 2018

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:114203

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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L’INFLUENCE DES DONATEURS PRIVES SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES

Une analyse des initiatives populaires en Californie

1

Cynthia Bringollet Université de Genève

Mémoire de Master en Science Politique Sous la direction de Nathalie Giger

Source: vox.com

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Remerciements:

Tout d’abord, merci à ma directrice de mémoire, Nathalie Giger, pour tous ses commentaires et pour m’avoir orientée dans la bonne direction.

Un grand merci à Alexandra Feddersen, dont l’aide pour les données et analyses statistiques a été précieuse.

Merci à Diana Andrianarizafy, amie et collègue du Master, pour ses conseils durant la rédaction du mémoire.

Enfin, merci à ma famille et à mes amis, pour le soutien apporté tout au long de mes études.

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SOMMAIRE

1. Introduction……….4

2. Revue de la littérature……….8

2.1. Donations privées………8

2.2. Policy-making aux Etats-Unis………...10

2.3. Démocratie directe et son application………14

3. Cadre théorique………..18

3.1. Démocratie directe en Californie………...18

3.2. Campaign Finance et Agenda-Shaping………..22

4. Hypothèses……….27

5. Cadre méthodologique………...28

6. Analyse empirique……….….29

6.1. Description des variables et tendances……….….29

6.2. Test de H1………..39

6.3. Test de H2………..40

6.4. Contrôle……….44

7. Conclusion………..50

8. Bibliographie………..52

9. Annexes………..64

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1. Introduction

« There is something you can do right now today to make a difference, and that is to write a big, fat check. »

(Michelle Obama at a fundraising event in Chicago, July 2014).

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Selon Clawson (2001), une des principales contradictions des démocraties capitalistes est que les individus sont supposés être égaux et disposer chacun d’une seule voix lorsqu’ils votent, alors que dans le domaine du marché, ce sont ceux qui disposent du plus de richesse qui sont supposés avoir le plus d’influence. Le problème selon lui est qu’il est « difficile, voire impossible, de maintenir une frontière étanche entre les sphères politiques et économiques » (p. 34). Les individus fortunés disposent de bien d’autres moyens que le vote (en tant que mode de participation conventionnelle) pour influencer les politiques publiques: ils peuvent bien sûr financer les campagnes électorales (donations à un candidat ou parti politique), mais selon Callahan (2017): « bankrolling public policy outfits - at both the national and the state level - can often be far more powerful lever for swaying debates on big questions ». En 2010, Bill Gates et Warren Buffet ont annoncé the Giving Pledge, promesse de 40 milliardaires américains de donner au moins la moitié de leur fortune pour divers causes. Cette annonce s’inscrit dans le trend d’une implication grandissante d’high net worth individuals qui utilisent leurs ressources financières afin de faire avancer leur agenda, que ce soit dans le domaine de l’éducation, de la santé, ou de l’environnement. Ces nouveaux power players viennent de différents secteurs: « tech, wall street, or the old economy » (Ibid, 2017, p. 50-60).

Selon Callahan (2017), il y a eu un « great power shift » dans la société américaine, qui peut s’expliquer par deux raisons: « the rising tide of philanthropic giving » ainsi que « the declining ability of gouvernement to solve big problems and provide public goods » (p. 16). Ce déclin du gouvernement peut s’expliquer par les coupures budgétaires décidées dans les secteurs autres que la défense: « in 2016, the share of the federal budget going to non-defense domestic discretionary

Voir l’article du Washington Post de K. Zezima

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spending, measured as a percentage of GDP, shrank to 3 percent (…) and is projected to fall to 2.2 percent of GDP by 2024 » (ibid., p. 29). Ainsi, cet échec du gouvernement à résoudre les problèmes les plus pressants auxquels sont confrontés ses citoyens aurait laissé place à l’émergence de l’implication des acteurs privés dans le secteur public. Certains voient dans cette tendance une manière de gagner en efficacité et en flexibilité, ainsi que de trouver de meilleures solutions à des

« wicked problems », c’est-à-dire, des problèmes qui sont très complexes et qui ne peuvent pas être résolus d’une manière traditionnelle et linéaire (Rittel et Webber, 1973). Cependant, elle pose aussi la question de la légitimité de ces acteurs dans la vie publique, étant donné qu’ils ne sont pas élus, et donc not accountable: ce questionnement a donc une très grande importance normative pour la démocratie (Powell, 2014). Ce travail s’intéresse particulièrement aux donateurs privés, dans un contexte d’augmentation des inégalités et du gap entre la majorité et les 1% super-wealthy. Aux Etats-Unis, sous le principe du pluralisme, la compétition entre les groupes d’intérêts est encouragée. Cependant, l’argent semble être une ressource importante pour parvenir à ses fins.

Parmi les différents canaux de participation, on trouve le vote bien-sûr, mais aussi d’autres manières impliquant d’avoir des moyens: finance de lobbies (pour l’influence dans le domaine législatif), finance de think tanks (qui apporte de la crédibilité), finance de campagnes électorales (qui apporte l’ « accès » aux représentants). Pour ce dernier exemple, il est vrai que l’accès lui-même ne garantit pas l’influence, mais il garantit l’opportunité de fournir aux législateurs des informations qui pourraient les influencer (Ansolabehere and al., 2003). Ainsi, on peut se demander si il n’y a pas une inégalité des chances à faire entendre sa voix, contrairement à ce qu’affirment les pluralistes.

Dans le courant de Mills, qui avait étudié le cercle de pouvoir composé par les élites politiques,

militaires, et de l’industrie, l’existence d’une élite qui transformerait son pouvoir économique en

influence politique signifierait un manque de démocratie grave, encore plus s’il existe une distortion

des intérêts de la majorité versus de cette élite. En effet, cela voudrait dire que seule une infime

partie de la population verrait ses intérêts représentés. Ce problème de représentativité et de

différence dans les préférences (entre le « median voter » et l’ « élite ») a déjà été exploré

auparavant: « to raise sufficient funds, candidates might skew policies in ways preferred by

individual donors » (Ansolabehere and al., 2003). De plus, les contributions pourraient agir comme

des votes pondérés (ibid, 2003). Aux Etats-Unis, certains Etats autorisent une forme de démocratie

directe, avec des initiatives et référendums. En effet, à partir d’un certain nombre de signatures, le

peuple peut voter directement sur des sujets très divers, et souvent controversés, tels que

l’avortement, la légalisation de la marijuana, ou encore le salaire minimum. Les corporations ainsi

que les américains les plus fortunés, dépensent beaucoup d’argent dans ces initiatives, afin

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d’influencer les politiques publiques. Ces dernières sont définies par Jenkins (1978) comme un ensemble de décisions inter-reliées qui sont prises par un acteur politique ou un groupe d’acteurs politiques. Contrairement à une majorité d’auteurs, il a conscience que les acteurs gouvernementaux ne sont pas les seuls à prendre en compte (Lemieux, 2002). Il est donc intéressant d’étudier qui dépense quoi, pour quel cause, et quels en sont les effets. Un article du New York Times rapporte d’ailleurs les propos de Mark Baldassare, président du Public Policy Institute of California, qui explique que dans cet Etat: « the cost of placing an initiative on the ballot and waging a campaign has grown exponentially, so nearly no initiatives have been driven purely by volunteers in recent decades ». Thad Kousser, un politologue à l’UCSD, affirme aussi qu’en dépensant 15 millions de dollars, un individu a le pouvoir de changer une loi fondamentale dans une des plus grosses économies du monde. Dans un article du Reuters (2012), Henderson explique: « the state’s system of ‘direct democracy’ has morphed into a big-money battleground ». Nous souhaitons donc voir si c’est effectivement le cas, ou en tout cas, voir s’il y a un véritable impact des donations sur le résultat des initiatives proposées. Certaines entreprises donnent en priorité aux ballot measure committees (plutôt qu’aux partis ou candidats par exemple), ce qui nous conforte dans la direction choisie: en effet, pourquoi ces corporations donneraient-elles autant si cela n’avait pas d’impact?

Monsanto et Philip Morris sont des exemples d’entreprises aux activités très controversées, et qui ce sont impliquées dans les politiques publiques au niveau étatique, en contribuant largement aux campagnes représentant leurs intérêts. En effet, selon le National Institute on Money in Politics ,

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Monsanto a beaucoup plus largement contribué aux ballot measure committees en 2011-2012 qu’à un parti politique ou à des candidats (environ 8 millions versus moins d’un million). La plupart de l’argent dépensé visait à opposer les mesures souhaitant rendre obligatoire la mention « OGM ».

Pour prendre un autre exemple, Philip Morris USA, durant les mêmes années, a donné un total de 28’307’295 dollars à des ballot measure committees, 44’854 dollars pour les partis, et 446,300 dollars pour des candidats au niveau étatique. La majorité de ses donations sont allées directement à une campagne d’opposition à la Proposition 29 (« Tobacco Tax for Cancer Research Act ») qui souhaitait donc augmenter la taxe sur les paquets de cigarettes. Cette implication des grosses multinationales et d’individus fortunés dans la politique étatique nous amène à nous interroger sur leur influence. Dans cette étude, nous allons donc nous intéresser au financement des ballot measures ces dernières années (2010-2016), et pour une question de faisabilité, nous nous

Voir la rubrique « Look at This » sur FollowTheMoney.org

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restreindrons à la Californie, dans laquelle de nombreuses initiatives ont eu lieu. Notre question de recherche est donc la suivante:

Dans quelle mesure les donateurs privés ont-ils influencé le résultat des initiatives populaires en Californie entre 2010 et 2016?

En parlant de donateurs privés, nous englobons à la fois les individus privés (individuals) et les entreprises ou organisations (non-individuals). Sachant que les contributions aux ballot measures sont illimitées, ces donateurs peuvent injecter des sommes colossales dans des campagnes destinées à faire pencher la balance en faveur de leurs intérêts. Nous souhaitons voir s’ils ont effectivement de l’influence. Ce dernier concept est généralement difficile à mesurer, c’est pourquoi, malgré son importance, il n’est pas assez étudié en science politique (Dür et De Bièvre, 2007). Nous avons décidé de nous concentrer sur les années 2010, 2012, 2014, et 2016 (pas de propositions en 2011, 2013 et 2015), ce qui nous fait totaliser 50 propositions, échantillon assez grand pour que nos analyses soient pertinentes. Nous avons également choisis l’Etat Californien en tant que cas particulier, qui à la fois émet de nombreuses propositions en comparaison aux autres (Michelot, 2010), mais aussi car il fait parti de ceux qui reçoivent le plus de contributions financières pour les ballot measures (Ballotpedia, 2016). Le choix des dates s’est fait suivant la volonté d’avoir une étude la plus actuelle possible. Depuis 2010, des propositions ont été soumises au vote en 2012, 2014, et 2016. Les données pour 2018 n’étant pas encore disponible au moment de cette recherche.

Au niveau du vocabulaire, nous utiliserons indistinctement ballot measures, initiatives, et propositions dans cette étude. Nous allons maintenant développer la littérature existante sur la question, le cadre théorique sur lequel nous nous basons, ainsi que les hypothèses qui en découlent.

Nous nous concentrerons ensuite à définir notre méthode, nos sources pour les données, ainsi que la

sélection de nos cas. Nous pourrons ensuite procéder à l’analyse et à la présentation des résultats.

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2. Revue de la littérature:

La question de savoir comment des acteurs privés peuvent faire avancer leur agenda en utilisant leurs ressources financières afin d’entrer le processus de policy making suscite de plus en plus d’intérêt. Cette question de l’economic power qui se transformerait en political influence n’est cependant pas nouvelle. Nous allons donc développer la littérature scientifique existante relative à ce travail, soit les donations privées en général (philanthropie principalement), le policy-making au niveau fédéral et étatique aux Etats-Unis, et enfin la démocratie directe et son application.

2.1. Donations privées

Selon Rogers (2011): « Political scientists, sociologists, philanthropists, journalists, (…) must put

philanthro-policymaking on the public’s radar ». Pour lui, on ne peut pas comprendre les effets de

la philanthropie contemporaine à grande échelle sur la gouvernance globale, les droits humains, la

pauvreté, ou encore la santé, si l’on ne se concentre pas sur le rôle des très riches. Comme nous

l’avons vu précédemment, il y a en effet une tendance grandissante des individus fortunés tels que

Bill Gates, Georges Soros, les frères Koch (parmi les plus connus), mais encore bien d’autres, à

utiliser leur argent pour pousser leur agenda. Selon Skocpol (2016): « through advocacy

organizations and private foundations, these billionaires ‘issue entrepreneurs’ (…) engage in every

stage of the policy process: formulating and amplifying ideas, creating policy networks with

common goals, and pushing coordinated reform agendas ». Par exemple, le réseau politique des

frères Koch rivaliserait avec le Parti Républicain lui-même (Callahan, 2016). Skocpol et Hertel-

Fernandez (2016) expliquent aussi que ce « réseau » est une force émergente majeure dans la

politique américaine: « the recently expanded ‘Koch network’ that coordinates big money funders,

idea producers, issue advocates, and innovative constituency-building efforts in an ongoing effort to

pull the Republican Party and agendas of U.S. politics sharply to the right ». Mais alors que nous

pouvons trouver de nombreux articles journalistiques ou même académiques, il est très rare d’avoir

de véritables recherches empiriques sur l’impact de la philanthropie dans le domaine public. C’est

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d’ailleurs pour cela que Skocpol et Rogers en particulier appellent les chercheurs à se concentrer d’avantage sur ce domaine, respectivement dans « Why Political Scientists Should Study Organized Philanthropy » (2016) et « Why the Social Sciences Should Take Philanthropy Seriously » (2015).

Pour Rogers (2015), « if Bill Gates, Michael Bloomberg, Mark Zuckerberg, Bill Clinton, George Soros, and David Rockefeller, to name only a few most well known billionaire philanthropists, all view philanthropy as being a critical force shaping our world, so should social scientists. If they see it as worthy of their time and intellects, so should we » (p. 533). Cependant, il est également conscient des problèmes auxquels sont confrontés les chercheurs s’intéressant à cette thématique (mais aussi pourquoi certains ne se penchent même pas dessus). Une des raisons est que comme on est au niveau privé, il est très difficile d’obtenir des données sur qui donne quoi. La plupart des auteurs se concentrent donc sur l’aspect normatif des donations privées, plutôt que sur une véritable investigation qui déboucherait sur des analyses empiriques. Rogers (2011) demande par exemple:

« should the global rich have more power to determine social policy for the poor if they agree to

pay for it? » (p. 378). Cette question provocatrice reste normative, étant donné que ce domaine est

difficile à explorer, avec des fondations privées et autres organismes de charité qui sont bien moins

transparents et ont bien moins de mécanismes d’accountability que les entreprises ou les

organisations politiques (Rogers, 2015). Il conclut: « therefore both the people and the institutions

involved in mega philanthropy are difficult for scholars to access » (p. 539). Notamment aux Etats-

Unis, ces fondations ont une place particulière: « in the industrial era, the United States has given

more leeway than any other modern democracy to private foundations and other non-profit forms

created and used by wealthy citizens » (Callahan, 2016, p.). Selon Weissert et Knott (1995), les

fondations privées sont des acteurs politiques peu communs: « they have no constituency, are

prohibited from advocating or lobbying on specific pieces of legislation, and cannot persuade the

public or its elected officials with glitzy advertising campaigns or substantial political

contributions » (p. 277). C’est pourquoi, selon les auteurs, elles influencent la politique d’une autre

manière: en partageant leur savoir. Ce partage peut se faire par plusieurs vecteurs, que ce soit en

tenant des conférences ou en finançant des rapports par exemple. Elles ont également un rôle dans

l’évaluation des politiques fédérales existantes et peuvent recommander des améliorations (Ibid,

1995). Enfin, au niveau stratégique, ils soulignent que ces fondations privées vont généralement

choisir des domaines dans lesquels leur argent peut vraiment faire une différence: « those in which

the government role is not strong » (p. 277). Au niveau international, certaines fondations se

démarquent particulièrement dans le domaine de la santé. Si la Rockefeller Foundation a été très

importante dans le façonnement des institutions, idéologies, et pratiques pour la santé globale (mais

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aussi dans la médecine, l’éducation, les sciences sociales, l’agriculture, et la science), c’est la Bill and Melinda Gates Foundation qui serait devenue « the current era’s most influential global health agenda-setter ». (Birn, 2014, p. 1). Un des exemples les plus importants de l’influence de la philanthropie privée dans les politiques publiques est le rôle de la Gates Foundation (mais aussi Walton et Broad) dans l’éducation publique (Sievers, 2010). Selon Ravitch (2010): « the offer of a multimillion-dollar grant by a foundation is enough to cause most superintendents and school boards to drop everything and reorder their priorities ». Ainsi, ces fondations, en investissant de manière stratégique, ont réussi à définir l’agenda politique, pas seulement au niveau local, mais aussi à celui étatique, et même au niveau du Département de l’Education américain (ibid, 2010).

Les acteurs privés ont également un rôle important dans l’aide au développement, notamment depuis les Objectifs du Millénaire (2000-2015) et les Objectifs du Développement Durable (2015-2030), qui se veulent ambitieux. Les gouvernements n’ayant pas les moyens de s’attaquer à tous ces objectifs seuls, il y a eu une augmentation ces dernières années des partenariats publics- privés (PPPs). Ce type d’outils de gouvernance est en effet principalement supporté par cette idée de « problem-solving effectiveness » selon laquelle les secteurs public et privé seraient dépendants l’un de l’autre au niveau de leurs ressources (Börzel and Risse, 2002): « in the issue areas of international development and of humanitarian aid, PPPs between, for instance, UN organizations and the private sector (mainly NGOs) was simply a necessity given the lack of material ressources of the international organizations » (ibid, 2002, p. 14). Ce manque de ressources des gouvernements et des organisations internationales a donc ouvert la porte à l’implication grandissante des acteurs privés dans des affaires définies à la base comme étant publiques. Selon Lafourcade (2014), ce type d’aide ne s’expliquerait pas par un élan de solidarité, mais plutôt par des intérêts personnels, politiques, économiques, commerciaux, ou encore sécuritaires.

2.2. Policy-making aux Etats-Unis:

Concentrons nous maintenant sur les Etats-Unis, pays connu pour l’importance qu’il accorde au

principe de pluralisme. Dans le Fédéraliste No 10 (« The Utility of the Union as a Safeguard

Against Domestic Faction and Insurrection »), James Madison défend le fait que les instruments

prévus par la nouvelle Constitution vont équilibrer les conflits internes entre différents groupes

d’intérêts. Cependant, certains se sont interrogés sur la véracité de son application. En effet, s’il n’y

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a pas un engagement pour le bien commun ou pour l’intérêt public, il résulte de ce pluralisme une compétition entre individus déconnectés, qui conduit au final à un échec de l’atteinte de biens publics importants (Sidorsky, 1987): « autonome large-scale donors, whether individuals or foundations, can increase these desintegrative tendencies » (Sievers, 2010, p. 386). Deux principales perspectives s’affrontent lorsque l’on s’interroge sur qui détient le pouvoir. Le courant principal remettant en question ce supposé pluralisme où tous les intérêts seraient au final représentés est le courant élitiste. Alors que les pluralistes défendent l’idée que de nombreux groupes d’intérêts sont constamment en compétition et qu’ils arrivent tous à avoir une part de pouvoir, la vision élitiste remet cela en cause, et postule que seule une minorité de la population détient actuellement le pouvoir. Ce courant prend souvent pour référence le travail de C. Wright Mills. Effectivement, son livre, intitulé The Power Elite (1956) en distingue 3 types: the political elite (les politiciens qui ont assez d’influence pour faire passer des lois), the business elite (leaders du secteur industriel, individus fortunés), and the military elite (skills et ressources pour faire la guerre). Ces trois types d’élite sont, selon Mills, interconnectés: ils font parti du même réseau, fréquentent les mêmes écoles et clubs. Pour lui, ce sont les positions de ces individus qui leur confère leur pouvoir (key positions), mais surtout leur coopération. Même si d’après lui c’est le secteur corporate qui a le plus de pouvoir, c’est bien l’alliance entre les trois qui est la plus importante. Beaucoup d’académiques se sont donc lancés dans la recherche d’évidences de l’influence de l’argent sur la politique, mais la plupart ont eu de la difficulté à trouver des résultats pertinents. Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs conclu que: « money does not matter » (Powell, 2014). Le problème est qu’il est généralement difficile de directement mesurer l’influence de l’argent sur l’output politique, en étudiant le passage des lois au Congrès, comme la plupart des auteurs ont décidé de le faire (Powell, 2012). Selon Clawson (2001) cependant, s’interroger sur si les contributions achètent ou pas le vote des politiciens révèle une incompréhension fondamentale du fonctionnement du système: « le processus est beaucoup plus lâche et beaucoup plus incertain qu’une transaction sur le marché » (p. 45). Certains ont plutôt préféré se concentrer sur la comparaison des préférences entre différentes catégories de citoyens, ainsi que le résultat des bills.

Gilens (2012) a par exemple comparé les préférences de différents groupes de revenus avec les

policy outcomes. Il a trouvé que les préférences de la majorité des américains n’avaient pas

vraiment d’impact sur les politiques publiques que le gouvernement adoptent ou pas, alors que

leur ‘responsiveness’ est « strongly tilted toward the most affluent citizens ». Bartels (2008) en est

aussi arrivé à la conclusion que les préférences des personnes ayant le plus faible niveau de revenu

n’avaient apparement aucun impact sur le comportement des élus. Ainsi, les individus ayant un

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revenu élevé auraient plus de « voix » que les autres au niveau du Congrès. D’ailleurs, selon Clawson (2001), si l’influence politique dépend de la richesse, cela signifie que: « 10% de la population appartenant à la classe sociale la plus aisée a plus de ‘voix’ que l’ensemble des 90% de la population restante », mais aussi que « Bill Gates, à lui seul, a davantage de voix que 100 millions des Américains les plus pauvres » (p. 34). Déjà au niveau du taux de participation politique, il semble y avoir une forte inégalité entre les individus de différents social and economic backgrounds: la non-participation aux élections est fortement liée au niveau d’éducation et de revenus (Ibid, 2001). Ces études raisonnent aussi avec la théorie de la Social Construction of Target Populations (SCTP), développée par Ingram et Schneider (1993), qui offre également une perspective intéressante sur la relation entre la manière dont un certain groupe est construit ainsi que son degré de pouvoir, et les politiques publiques qui le visent. Les auteurs distinguent entre 4 types de groupes (advantaged, contenders, dependants, deviants). Ils démontrent que les policymakers sont biaisés, et qu’ils ne vont ni utiliser les mêmes outils, ni avoir le même type de politique en fonction de quel groupe est visé. Sans surprise, les riches donateurs que nous allons étudier vont soit se situer dans la catégorie des advantaged (high power, positive social construction), soit dans celle des contenders (high power, negative social construction). D’ailleurs, 77% des américains pensent que les membres du Congrès sont plus à l’écoute des gros donateurs venant d’un autre Etat que de ceux qu’ils sont sensés représenter, c’est-à.dire des électeurs de leur propre Etat (Princeton Survey, 1997). La plupart de ces dons ont en effet pour but d’obtenir une

« accessibilité » au pouvoir, et font partis d’un système d’échange complexe créant un réseau d’obligations (Clawson, 2001). Les grandes entreprises ont aussi l’habitude d’aller à de nombreuses séances de collecte de fonds afin de discuter avec les candidats et leur équipe des intérêts qu’elles ont, et donc de créer du lien, tout en établissant des stratégies avec les autres entreprises du même secteur (ibid, 2001). Au niveau individuel, il a aussi été prouvé que les citoyens les plus aisés sont plus actifs politiquement, et surtout qu’ils ont des préférences très différentes que celles de la majorité des citoyens. En effet, Page and al. (2013) ont comparé la majorité des citoyens avec le

« top 1 percent »: ils ont trouvé que ces derniers favorisent beaucoup plus les coupes budgétaires

pour Medicare et dans le secteur de l’éducation, qu’ils soutiennent une diminution du rôle de l’Etat

en tant que régulateur du marché, et qu’ils s’opposent à l’implication du gouvernement dans le

secteur du travail. Dans un article du New York Times (1997, p .9), le président Clinton expliquait

les séances café tenues à la Maison-Blanche avec certains citoyens comme ceci: « Je cherche des

moyens d’avoir de véritables conversations avec les gens. J’apprends des choses lorsque j’écoute

les gens ». Cependant, pour être admis à ces séances, il fallait déboursé 100’000 dollars, montant

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largement inaccessible pour la plupart des américains, et qui signifie qu’encore une fois, la

population n’était clairement pas représenté dans l’échantillon de personnes sélectionnées

(Clawson, 2001). Avoir des instruments de démocratie directe semble donc être une bonne solution

afin de contrer cette apparente distortion dans la représentation des différents intérêts. La plupart

des études se sont donc concentrées sur le niveau fédéral, mais moins sur le state level. Nous savons

qu’il existe différents types de démocratie. Cependant, c’est la dichotomie entre représentative et

directe qui est tout particulièrement accentuée dans le débat politique (Dalton and al., 2001). Le

système de démocratie directe postule que les citoyens sont en mesure de prendre des décisions

réfléchies et informées sur des questions politiques. Selon Lijphart (1989), la démocratie directe est

en pratique un phénomène plutôt rare. De plus, « of the various devices of direct democracy, such as

the referendum, initiative, recall, and primary elections, only the referendum is frequently

used » (Ibid., 1989). Cela peut s’expliquer par le fait que ce modèle de démocratie, plaçant le

contrôle du gouvernement dans les mains des citoyens eux mêmes, ne peut pas fonctionner

efficacement dans de larges « constitutions politiques », ce qui a donc conduit à la prédominance du

système représentatif (citoyens élisent des ‘représentants’ qui voteront à leur place) (Dalton and al.,

2001). Ce dernier système a beaucoup été critiqué par rapport à la centralisation de la prise de

décision (ibid, 2001), ainsi que sur la véritable représentativité exercée. En effet, de nombreux

académiques, Pitkin (1967) parmi les plus connus, se sont interrogés sur les facteurs de la

représentation. Selon elle, les représentants ne peuvent pas seulement exécuter les demandes des

citoyens, mais ils doivent plus généralement représenter leurs idées et préférences. Si pour elle les

caractéristiques à proprement parler des représentants (être une femme par exemple) ne sont pas les

plus importants, d’autres auteurs tels que Mansbridge (1999) suggèrent qu’une ressemblance entre

représentants et représentés est désirable. Il est ainsi question de représentation dite descriptive, où

le background des élus (éducation, origine, genre, etc) est de grande importance. Selon cette

perspective, le Congrès (ou Parlement) devrait donc être une représentation miniature de sa

population, afin d’être responsive envers cette dernière. De nombreux débats existent donc au

niveau de la démocratie représentative. Plutôt que de s’ajouter aux nombreuses études analysant ce

lien entre divers segments de la population et décisions des élus, nous nous intéressons à la

démocratie directe au niveau étatique, pour laquelle il existe beaucoup moins d’études, et qui a

pourtant une importance cruciale. Ce type de démocratie autorise en effet les citoyens dans la

plupart des Etats à proposer des initiatives et à voter directement par référendum sur des questions

variées, amenant à des modifications législatives et constitutionnelles qui impactent véritablement

la vie des citoyens.

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2.3. Démocratie Directe et son application

Au niveau théorique, les études concernant la démocratie directe gravitent autour de 3 idées:

« principal-agent problems, asymmetric information and issue bundling » (Matsusaka, 2005, p.

192). Une des théories principales en économie politique est celle du median voter, selon laquelle (sous certaines conditions) la compétition entre les partis va faire converger leur position vers celle du median voter, soit celui dont les préférences se situent au milieu de l’échelle (Down, 1957).

Cependant: « theories of direct democracy usually assume that (…) an agency problem exists

between voters and their elected representatives » (Matsusaka, 2005, p. 192). Il y aurait donc selon

eux une distortion entre les intérêts des citoyens et les politiques qui poursuivent leurs

représentants. La démocratie directe, selon cette perspective, pourrait influencer la politique de

deux manières. Le premier effet est direct, puisque les initiatives et référendums pourraient

outrepasser les décisions de certains élus ne respectant pas les préférences de ceux qu’ils

représentent. Le second effet, cette fois indirect, est que la menace qu’une proposition soit soumise

au vote populaire puisse influencer les élus à choisir des politiques différentes que si cet instrument

n’existait pas (ibid, 2005). Pour ce dernier, on pense la démocratie directe comme un « action-

forcer », c’est-à-dire un moyen de faire pression sur les législateurs pour qu’ils agissent sur des

issues controversées (Kesselman, 2011). Pour certains détracteurs de la démocratie directe

cependant, le processus référendaire serait formulé de manière à obtenir une certaine réponse, et qui

donc avantagerait inévitablement qui a posé la question (ibid, 2011). Si la démocratie représentative

reste majoritaire, des instruments de démocratie directe sont appliqués dans différents contextes,

mais aussi de différentes manières. Un des pays les plus connus en ce qui la concerne est la Suisse,

pour laquelle ce type de démocratie est au coeur de la vie politique: « The Swiss citizens vote

several times each year on local, cantonal, and national projects. Since the late 1960s, the number

of projects submitted to the vote has considerably increased » (Kriesi, 2005, p.2). Chaque citoyen

peut s’exprimer directement sur les propositions du Parlement fédéral (référendum facultatif ou

obligatoire), ou formuler une proposition pour modifier la Constitution (initiative populaire). Pour

cette dernière, un citoyen doit arriver à récolter au moins 100’000 signatures en 18 mois pour

qu’elle puisse être soumise au vote. La double-majorité (peuple et cantons) est nécessaire pour

amender la Constitution (admin.ch). Le Liechtenstein est aussi un des pays utilisant le plus les outils

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de la démocratie directe. En effet, les initiatives populaires permettent aux citoyens (après avoir

récolté le nombre requis de signatures) de proposer des modifications législatives ou

constitutionnelles, ainsi que de s’exprimer sur des questions budgétaires . L ’initiative, si elle réunit

tous les critères, est soumise au Parlement. Si ce dernier la refuse, alors elle est soumise au

référendum (Marxer, 2007) . Après ces deux pays, c’est l’Italie qui semble avoir le plus d’experience

dans la démocratie directe dans une comparaison européenne. Il existe en effet ce qu’on appelle un

référendum correcteur, fréquemment utilisé. L’idée est qu’une loi (ou partie de celle-ci) qui ait été

approuvée par le Parlement, puisse être soumise au vote populaire. Le nombre de signatures à

récolter pour cela est seulement de 500’000, soit 1% des électeurs inscrits. Le problème est que

pour qu’une loi soit rejetée, la majorité doit voter contre, et cette majorité doit représenter au moins

50% des électeurs inscrits, ce qui a causé l’invalidation de nombreuses initiatives (Kaufmann et al.,

2007). Les autres pays européens ont peut-être une utilisation moindre de la démocratie directe, ce

qui ne signifie pas pour autant qu’elle y est absente. Nous allons donc faire un petit tour d’horizon

de l’utilisation du référendum et des initiatives populaires dans certains pays d’Europe (en nous

basant sur Kaufmann and al. (2007) et Kaufmann et Waters (2004)). En Allemagne, la démocratie

directe n’est pas appliquée au niveau national (pas de plebiscite depuis 1945). Cependant, le

référendum d’initiative populaire est fréquemment utilisé dans ses Etats et municipalités. En

Autriche, les révisions complètes de la Constitution sont soumises au référendum obligatoire. Des

révisions partielles peuvent également y être soumises si au moins un tiers du Parlement ou de la

Chambre des représentants des Etats fédéraux requiert ces modifications. Cependant, il n’y a pas

non plus de référendum d’initiative populaire au niveau national, mais le Parlement peut décider de

faire un référendum obligatoire sur une loi ordinaire. Les citoyens peuvent quand même soumettre

une pétition au Parlement (mais elle ne mène pas au référendum). Le référendum d’initiative

citoyenne existe dans seulement deux Etats (Haute-Autriche et Styrie), ainsi que dans toutes les

municipalités. En Belgique, les référendums obligatoires sont inconstitutionnels, et les référendums

d’initiative populaire (non obligatoires), n’existent que dans les municipalités. Dans le cas du

Danemark et de l’Irlande, un amendement constitutionnel doit obligatoirement être soumis au

référendum. En Espagne, si une question est considérée comme étant d’importance nationale, alors

un plébiscite peut être tenu, ce qui n’a cependant pas toujours lieu comme beaucoup d’exceptions

existent (sujets sur lesquels le Parlement a une autorité absolue). Pour ce qui est de l’initiative

populaire, elle « existe » dans le sens où une pétition peut être soumise dès 75’000 signatures, mais

il faut l’accord du président, ce qui questionne donc sa véritable nature. En France, il n’y a pas de

référendum d’initiative populaire, et c’est seulement le président (éventuellement le Parlement) qui

(17)

décide d’un plebiscite. En Hongrie, même si la Constitution prévoit l’utilisation d’instruments tels que le référendum et l’initiative populaire, de nombreuses exceptions viennent empêcher leur utilisation régulière, telle que l’exclusion de certains sujets. La Norvège, selon sa Constitution, ne prévoit aucune forme de démocratie directe. Le Parlement peut cependant tenir un plebiscite non- obligatoire, présent aussi au niveau municipal (référendum populaire également à ce niveau là).

Enfin, ce serait les Pays-Bas qui auraient le moins d’expérience dans le domaine de la démocratie

directe, avec une Constitution rigide et ne permettant pas les votes populaires obligatoires, mais

seulement les facultatifs au niveau municipal. Cependant, très peu ont eu lieu, et la plupart du

temps, il s’agissait plutôt de plebiscites. Au niveau international: « over the past 25 years

participatory democracy has experienced an enormous boom. More than half of all referendums

ever held in history fall into this period ». (Kaufmann, Büchi, & Braun, 2007, p. 106). Cependant,

cette expansion n’a pas été égale partout. Au Canada par exemple, l’utilisation de référendums pour

guider la politique gouvernementale n’a été que très peu pratiquée (Blais and al., 2001), malgré le

fait que la majorité de la population soutient ce type d’instruments de démocratie directe

(Mendelsohn et Parkin, 2001): « Canada did not substantially add direct democracy to its political

system » (Boyd, 2010). De plus, quand certains référendums sont tenus, ils ne concernent souvent

qu’une certaine catégorie de citoyens, comme les agriculteurs ou les propriétaires (Boyer, 1992). En

Amérique Latine, et jusqu’à récemment, la plupart des experiences référendaires se sont faites sous

des régimes non-démocratiques (Boyd, 2010). Au Chili, Pinochet a conduit des référendums afin de

légitimer son pouvoir: en 1988, après avoir perdu le troisième, il a admit sa défaite, ce qui a mis fin

à la loi martiale (Butler and Ranney, 1994). Les pays d’Amérique latine ont connus un

accroissement de l’utilisation des référendums au vu de leur récente progressive démocratisation

(Madroñal, 2005). L’Uruguay, la Colombie, le Guatemala, et le Venezuela, bénéficient tous

d’instruments de la démocratie directe. Cependant, ils sont en pratique plutôt faibles, comme au

Venezuela, pays pour lequel le nombre de signatures requis est tellement élevé que le seuil n’est

jamais vraiment atteint, ce qui fait que le référendum est plutôt rare (ibid, 2005). L’Uruguay est

celui se défendant le mieux, avec l’implémentation des référendums populaires dans un format

utilisable, ce qui en fait un leader de la démocratie directe en Amérique latine. Sur le continent

asiatique, la plupart des référendums importants ayant eu lieu ont pour la plupart été conduits par

les autorités nationales (Hwang, 2006). Mais certains pays tels que la Corée du Sud, le Japon, ou

encore Taïwan, ont vus des référendums se produire à l’initiative de leurs citoyens, notamment au

niveau de questions environnementales (ibid, 2006). Taïwan, par exemple, a utilisé le système

référendaire pendant des années au niveau local, et en 2003, a adopté une loi autorisant les

(18)

initiatives et les référendums au niveau national. Cette nouveauté a conduit l’année suivante au

« Peace Referendum » sur les relations entre Taïwan et la Chine continentale (Matsusaka, 2005). En Océanie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande doivent toutes deux faire appel au référendum pour des réformes constitutionnelles. De plus, la Nouvelle-Zélande autorise les initiatives populaires, mais leur « pouvoir » est atténué par un important nombre de signatures requises, ainsi que leur « non- binding » nature (Boyd, 2010). En Australie, malgré le fait que de nombreux référendums obligatoires soient tenus, les représentants contrôlent ces derniers (ce qu’ils sont, quand ils ont lieu, etc): « they thus become a battleground of representative rather than direct democracy » (ibid, 2010, p. 14). En effet, les représentants de l’opposition contrent toujours les appels aux référendums de la majorité, même si cela signifie devoir changer leurs propres positions politiques (Kobach, 1993). Enfin, en ce qui concerne le continent africain et le moyen-orient, ils n’ont pas encore eu de véritable experience de la démocratie directe (Boyd, 2010), même si des référendums obligatoires ont déjà été tenus: « in the nondemocratic world the outcomes are different. Only nine out of ninety- two referendums in Africa have failed to yield a 90 percent Yes vote. In a majority (fifty-two), the outcome was, implausibly, more than 98 percent Yes » (Butler and Ranney, 1994, p. 4). Ainsi, certains référendums, plutôt que d’être des vecteurs d’expression pour les citoyens, sont parfois utilisés comme outils au service du pouvoir afin de se légitimer (que cela passe par des moyens

« démocratiques » ou non). Nous venons donc de voir que l’utilisation des instruments de

démocratie directe est très inégale, et que cette dernière n’est souvent pas appliquée de la même

manière. Au final, ce sont la Suisse et les Etats-Unis qui ont le plus d’histoire avec la démocratie

directe (Boyd, 2010). Nous allons maintenant nous concentrer sur ce dernier pays, les Etats-Unis, et

plus particulièrement sur l’Etat auquel nous nous intéressons dans cette étude, soit la Californie.

(19)

3. Cadre théorique:

3.1. Démocratie directe en Californie

Aux Etats-Unis, toutes les constitutions étatiques contiennent des éléments de démocratie directe (Möckli, 1994). Cependant, seulement la moitié des Etats ont des instruments tels que le référendum, l’initiative, ou le recall (Wagschal, 1997). Ce dernier permet au peuple de convoquer une nouvelle élection en cours de mandat (gouverneur par exemple) si il estime que l’élu a trahi sa confiance (Michelot, 2010). Nous souhaitons cependant nous concentrer dans cette étude sur les initiatives soumises au référendum. En effet, parmi les différentes formes de « citizen lawmaking », les ballot initiatives sont les plus courantes (Kesselman, 2011). Elles peuvent soit être une proposition d’un nouveau texte législatif, soit un amendement de la Constitution. Comme on le voit sur la carte ci-dessous, seulement certains Etats autorisent les deux types d’initiatives (constitutionnelles et législatives) ainsi que le référendum. Les initiatives constitutionnelles amendent le texte organique de l’Etat, alors que les initiatives législatives proposent l’adoption d’une loi et les référendums sont des validations par le peuple de lois votées par l’Assemblée législative (Michelot, 2010).

!

Source: ballotpedia.org

(20)

De nombreuses importantes lois ont été adoptées par ce biais: quelques exemples datant du début du XXème siècle incluent l’assurance contre les accidents au travail en 1910 dans l’Oregon, l'interdiction du travail des enfants dans l'Arkansas en 1914, la retraite dans l'Arizona en 1914, ou encore la limitation de la journée de travail à huit heures dans le Colorado et l'Oregon en 1912 (Heußner, 1999). Les sujets se sont multipliés depuis, avec des référendums concernant aussi bien les taxes, que la drogue, les droits sociaux, l’immigration, l’avortement, ou encore l’environnement.

Les ballot measures ont en effet été des arènes de choix pour les « guerres culturelles » aux Etats- Unis, notamment du côté des conservateurs, dont le but est de mobiliser des « moral voters » (Kesselman, 2011). Mariage gay, avortement, et immigration, sont par exemple des sujets à la fois sensibles et controversés, et dont de nombreuses propositions les concernaient directement.

Ainsi, en 2008, l’Etat d’Arkansas a refusé l’adoption aux couples gays, ainsi qu’à tout couple non- marié. L’Arizona et la Californie ont aussi adopté des lois anti-mariage gay la même année, et en novembre, 41 Etats avaient passé les amendements constitutionnels définissant pour la plupart l’institution maritale comme étant l’union d’un homme et d’une femme (ibid, 2011). Dans l’Etat du Colorado, une proposition voulait définir la vie humaine comme existant à partir du moment de la fertilisation, ce qui aurait eu de très graves conséquences pour le droit des femmes à l’avortement (ibid, 2011). Un autre exemple est celui de cannabis, interdit au niveau fédéral, mais pour lequel de nombreuses initiatives ont eu lieu au niveau étatique afin de la décriminaliser (utilisation, possession, ou vente). Cela s’est produit dans le Colorado, le Michigan, et l’Utah en 2000, ainsi, que dans l’Etat du Massachusetts en 2008. En revanche, des mesures similaires ont été rejetées en Dakota du Sud, Oregon, Alaska, Nevada, et Ohio. Dans l’Etat de Washington, une initiative datant de 2008 n’a pas récolté assez de signatures pour être au ballot. Enfin, en Californie, la marijuana est décriminalisée, mais la proposition 19 (2010) a été rejetée (personal cultivation, possession and transportation) (ibid., 2011). Ces dernières années, de nombreux débats et affrontements ont aussi porté, dans le secteur de l’éducation, sur l’autorisation et le développement des charter schools. Ces écoles sont publiquement financées, mais ont une gestion privée. Elles sont souvent définies comme

« independant public schools of choice, freed from rules but accountable for results » et les

personnes à leurs têtes peuvent être un groupe de parents ou de professeurs, une entreprise privée,

ou encore une organisation communautaire (Finn, Manno, and Vanourek, 2000). Leur effectivité

(principal argument de leur défenseurs) par rapport aux écoles traditionnelles est plutôt mitigée

(Bettinger, 2005). Pourtant, si l’on regarde l’activité législative au niveau étatique, il semblerait que

ce type d’école ait de plus en plus de soutien dans le public agenda (McNeal and al., 2007). L’Etat

(21)

du Minnesota a été le premier à adopter cette réforme de l’éducation, en 1991, qui s’est depuis développée dans la majorité des Etats (ibid, 2007). Le principal problème, pour ses détracteurs, est que n’importe qui peut les créer, et que ces derniers sont libres du programme enseigné. De plus, comme elles fonctionnent principalement comme des entités privées, il y aurait un véritable manque de transparence. Avec ces quelques exemples, on peut donc comprendre que les résultats de la plupart des initiatives populaires aux Etats-Unis ont des implications majeures, et ce dans la plupart des domaines. Selon Kaussman (2011): « citizen lawmaking is a privileged tool for grasping the American political psyche -how individuals attitudes and behaviors interact with politics- and the reflexive tactical adaptations by parties and interest groups » (p. 4). On aurait donc une meilleure perception en étudiant les ballot measures, qui nous font réfléchir au-delà de la simple polarisation entre deux types d’Etats « red conservative Republican » ou « blue liberal Democrat » (ibid). L’Etat auquel nous nous intéressons principalement dans cette étude, la Californie, a adopté en 1911 les initiatives populaires, en tant que moyen d’autoriser les citoyens à directement promulguer des lois et même à amender la Constitution sans devoir accéder aux représentants. Selon Berg et Holman (1989): « the process was instituted in reaction to an unresponsive legislature dominated heavily by well-financed and professional special interest groups ». Rarement utilisées au début du siècle, ces mesures d’initiatives populaires sont devenues pour certains groupes de citoyens le meilleur moyen de défendre leurs intérêts particuliers (Douzet et Cain, 2007). Elles peuvent aussi servir comme outil de contournement de la législature en place par le gouverneur, comme lorsqu’en 2005, Arnold Schwarzenegger avait (en vain) tenté de court-circuiter le pouvoir législatif (ce dernier étant opposé à ses projets de lois) en soutenant des mesures d’initiative populaire (ibid, 2007). Au niveau légal, certains critères doivent être respectés afin de « qualifier » une initiative pour qu’elle soit soumise au vote. Pour le premier type d’initiative (constitutionnelle), il s’agit de 5 % du total des électeurs ayant participé au dernier scrutin pour l’élection au poste de gouverneur. Pour les deuxième et troisième types, il s’agit de 8 %. Le nombre de signatures doit être obtenu sous 150 jours. Si la pétition rassemble moins de 95 % des signatures nécessaires, elle est disqualifiée (donc non soumise au vote); si elle rassemble plus de 110 % des signatures nécessaires, elle est qualifiée et inscrite au vote. En revanche, si elle rassemble entre 95 % et 110 % des signatures nécessaires, cela entraîne automatiquement une vérification individuelle de toutes les signatures (dans les 30 jours) .

4

La Californie fait partie des Etats ayant eu le plus recours à ces outils de démocratie directe: « seul l’Oregon – historiquement à l’origine de l’introduction de cet acte de démocratie participative

Informations sur le site du California Secretary of State Alex Padilla: http://www.sos.ca.gov/elections/ballot-measures/how-qualify-

4

initiative/

(22)

directe dans la pratique politique américaine au début du xx e siècle – vote plus que la Californie » (Michelot, 2010, p.1). Son expérience dans ce domaine en fait donc un cas exemplaire (Kehler et Stern, 1994), et les consultations populaires sont une composante importante de l’identité institutionnelle de cet État, ces dernières ayant des effets très importants sur la vie publique. Le référendum le plus célèbre du pays a d’ailleurs eu lieu dans celui-ci: il s’agit de la Proposition 13, acceptée en 1978, et qui prévoyait un plafonnement des taxes foncières à 1 % de la valeur des biens, ce qui a eu pour conséquence « une baisse de 57 % des revenus de cet impôt pour l’État de Californie » (Michelot, 2010, p.2). La Californie a souvent servie de modèle aux autres Etats, comme avec la célèbre loi des « 3 strikes », passée en 1994 (proposition 184), et qui a ensuite été exportée ailleurs dans le pays. Cette loi prévoit l’enfermement des récidivistes pour au moins 25 ans à la troisième infraction (peu importe qu’elle soit minime), si les deux premières ont eu un caractère violent, ce qui a conduit à une véritable explosion de la population carcérale (Douzet et Cain, 2007).

L’Etat de Californie, en 2016, était aussi de loin celui qui récoltait le plus de contributions pour les propositions allant être votées, avec un total de 313 millions, soit 289 millions de dollars de plus que la Floride (se trouvant en deuxième position). Suivent le Nevada (5.95M), l’Arizona (5.52 M), l’Oregon (4.44M), le Maine (4.38M), et le Dakota du Sud (4.33M) (The Pew Charitable Trusts, 2016). Au niveau des secteurs, c’est celui de la santé qui récolte le plus de donations (parmi tous les Etats), avec un total de 155.5 millions de dollars, suivi d’assez loin par le secteur de l’énergie (19.7 M), puis la marijuana (19.2M), les armes à feu (12.4M), l’éducation (9.6M), l’application de la loi (6.8M), et le salaire minimum (3.2M) (Ibid, 2016). La Californie est également spéciale de part une bonne disclosure des donateurs, si on la compare aux autres Etats, avec des lois plus dures qu’ailleurs concernant la transparence (et donc une meilleure perception des intérêts privés qui sont derrière ces contributions). Le rapport des contributions faites se font en fonction du type de comité.

En effet, les contributions passent généralement par ce que l’on appelle des ballot measures

committees. Selon la California Fair Political Practices Commission (FPPC), ce genre de comité est

défini comme suit: « any person or group receiving contributions of $2,000 or more in a calendar

year for the qualification, passage, or defeat of a ballot measure or ballot measures ». En 1981, la

Cour Suprême des Etats-Unis a voté sur le fait que si les restrictions de donations pour les candidats

sont possibles, limiter l’argent qui va aux campagnes concernant les initiatives violerait le Premier

Amendement, soit la liberté d’expression (in Citizens Against Control v. City of Berkeley). Les

limitations aux contributions directes pour les ballot measures étant inconstitutionnelles, il existe

donc moins d’incentives à l’independent spending, qui représente seulement 10 % des donations en

(23)

Californie entre 2006 et 2010 selon le site FollowTheMoney.org (195’005’934 dollars d’independent spending vs 1’967’086’655 dollars de contributions directes aux campagnes étatiques). La principale différence entre ces deux types de donations est que les dépenses indépendantes ne sont pas coordonnées par un quelconque comité, mais sont directement utilisées dans des canaux de communication politique tels que la télévision, la radio, les mails, etc. (NCSL, 2017). Pour ce qui est des contributions directes aux ballot measure committees: un comité est dit

« primarily formed » si il a été créé dans le but de soutenir ou d’opposer une mesure (ou plus, mais étant votées durant la même élection), ou alors si il utilise au moins 70% des ses contributions totales pour supporter ou opposer une mesure (ou plus, et toujours durant la même année) (FPPC).

Un comité est qualifié de « general purpose » si il a été créé afin de supporter ou d’opposer des propositions dans plus d’une élection ou plus d’une juridiction (ces comités sont généralement associés à un secteur spécifique). Ainsi, pour la première catégorie, ils doivent rapporter toutes les contributions supérieures à $1,000 ou plus, et pour la seconde, toutes celles à partir de $5,000 (ibid).

De plus, les comités « primarily formed » qui récoltent plus de $1,000,000 doivent fournir une liste de leurs 10 contributeurs les plus importants (FPPC

2

). Cela nous amène aux principales règles concernant la finance des campagnes visant à l’acceptation ou au refus des initiatives populaires proposées, ainsi qu’à comment elles peuvent impacter l’opinion publique et donc les résultats.

3.2. Campaign Finance & Agenda Shaping

De nombreuses réformes ont eu lieu concernant la régulation du financement des campagnes

politiques, particulièrement après des scandales tels que le Watergate, lorsque le public a été mis au

courant que la campagne de Nixon avait forcé plusieurs compagnies à donner (secrètement) des

milliers de dollars chacune (Clawson, 2001). La régulation de l’argent en politique se fait

généralement par l’imposition de la transparence (disclosure), ainsi que par la limitation des

contributions faites aux campagnes électorales des candidats (NCSL, 2015). Le FECA (Federal

Election Campaign Act) de 1971 définit les principales règles à respecter pour ce qui est de combien

des individus peuvent donner aux PACs, partis, ou candidats. En 1974, la FEC (Federal Election

Commission) a été créée afin de contrôler que l’application de ces règles. Cependant, les Etats,

(24)

selon le 10ème amendement de la Constitution, conservent toujours un certain pouvoir au niveau législatif. Ainsi, même si le FECA et la FEC procurent un cadre général pour tous, c’est en réalité au niveau étatique qu’est régulé le financement des campagnes. Cependant, la Cour Suprême de Justice a émis ces dernières années de nombreuses décisions obligeant tous les Etats à s’y plier.

Pour ce qui est des propositions, l’arrêt ‘First National Bank of Boston v. Bellotti, 435 U.S. 765’ de 1978 stipule que les Etats ne peuvent pas interdire aux corporations d’y contribuer financièrement.

En 1981, avec ‘Citizens Against Rent Control v. City of Berkeley, 454 U.S. 290’, la Cour a décidée

qu’il ne pouvait pas y avoir de limites aux contributions pour les ballot initiatives. Par conséquent,

la loi californienne qui les limitaient auparavant a été invalidée. Les donations faites ne sont donc

pas limitées, et n’importe quelle entreprise ou individu peut mettre des millions dans la proposition

puis dans le soutien (ou l’opposition) à une initiative. Alors que l’utilisation du référendum est

généralement pensée comme un contre-pouvoir, et comme une manière pour le peuple de

s’exprimer directement dans un contexte de frustration grandissante envers l’establishment et les

représentants au niveau fédéral, ces décisions renforcent le pouvoir de l’élite américaine dans le

processus politique. De plus, Berg et Holman (1989) expliquent que depuis 1978, il y a eu un clair

tournant vers une professionnalisation de ce processus de démocratie directe en Californie: « what

was once a valuable agenda-setting mechanism for citizens has increasingly become a tool of

professional special interest groups ». Il y aurait une dichotomie grandissante entre les initiatives

qui se qualifient pour le vote et celles qui échouent avant même d’avoir été présentées. En plus

d’une très forte augmentation des donations, ces dernières aurait plus de chance d’être utilisées pour

faire appel à des services spécialisés dans la récolte de signatures (Ibid, 1989). Il y a deux étapes

principales qui demandent un financement important: la première est la proposition d’une initiative

(récolte de signatures suffisante pour qu’elle soit sélectionnée), et la seconde est le soutien ou

l’opposition à une initiative jusqu’à la votation populaire. Selon Overton (2004), le vrai problème

dans le financement de campagne, c’est que de très importantes inégalités de richesse vont causer

d’importantes inégalités dans la participation citoyenne. En effet, avec une telle professionnalisation

et des fonds massifs destinés à influencer l’opinion publique, il est difficile pour des citoyens plus

modestes de s’y mesurer, et de réunir à la fois assez de temps, d’argent, et de volontaires. Cette

étape, « the billion-dollar petition-drive market (…) is far from the romantic image of street-corner

activists hailing down concerned citizens to promote a worthy cause »: « the bustling business

collects signatures for a fee. » (Kesselman, 2011, p. 8). Cela est encore plus inquiétant sachant que

les lois ou les modifications constitutionnelles votées ont un impact tout à fait tangible sur la

population. En effet, selon Matsusaka (2005): « many of the critical policy innovations of the last

(25)

several decades were ignited and fueled by initiatives, including term limits, physician-assisted suicide, legalized gambling, medical marijuana, capital punishment, abortion, racial preferences/

affirmative action and, of course, tax cuts ». Il conclut ainsi que: « to a remarkable degree, initiatives and referendums are driving the policy agenda in the states ». Il est alors nécessaire de s’intéresser à la question de comment l’agenda politique est façonné, de ce qui fait le succès des policy proposals. Généralement, lorsque l’on parle d’agenda shaping, on a tendance à penser qu’il s’agit simplement de l’introduction de nouvelles thématiques ou de nouveaux problèmes à l’agenda.

Cependant, Tallberg (2003) n’est pas convaincu que cette définition suffise. Il propose donc de distinguer entre 3 formes d’agenda shaping: agenda setting, agenda structuring, et agenda exclusion. Selon lui, ces trois formes d’influence sont à la fois distinctes et mutuellement exclusives, puisque l’agenda-setting réfère à l’introduction de nouvelles issues sur l’agenda politique; l’agenda-structuring à l’amplification (ou diminution) de certaines issues étant déjà sur l’agenda; et l’agenda-exclusion, enfin, au blocage actif de certaines issues afin d’éviter qu’elles ne s’y retrouvent. L’agenda-setting a souvent tendance à être vu comme la manipulation d’idées et d’informations à des fins privées, ou encore comme fournissant des focal points autour desquels les négociations peuvent converger (Garrett and Weingast 1993). Pour ce qui est de la capacité d’influencer les décisions politiques en mettant l’accent sur certains éléments ou non (agenda structuring), elle est apparemment assez peu reconnue en tant que catégorie indépendante (Tallberg, 2003). Cependant, elle semble essentielle afin de comprendre à la fois les stratégies des acteurs souhaitant pousser l’agenda dans une certaine direction, ainsi qu’une partie des raisons pour lesquelles les citoyens vont voter. Enfin, ce que Tallberg appelle agenda exclusion réfère en réalité au deuxième « visage » du pouvoir, c’est-à-dire celui de la non-décision (Bachrach et Baratz, 1962).

Comprendre le concept de pouvoir, ce qu’il est, et qui le détient, est central pour toute analyse en

Science Politique. Luke distingue 3 dimensions du pouvoir (the 3 faces of power). La première est

celle de l’overt decision: « A has power over B to the extent that he/she can get B to do something

that B would not otherwise do » (Dahl, 1957 : 203). Selon Lukes (1974: 19): « …this first, one

dimensional, view of power involves a focus on behavior in the making of decisions on issues over

which there is observable conflict of (subjective) interests, seen as express policy preferences,

revealed by political participation ». La deuxième dimension est celle du covert agenda setting

(Bacharach et Baratz, 1962: 948): « Power is also exercised when A devotes his or her energy to

creating or reinforcing social and political values and institutional practices that limit the scope of

the political process to public consideration of only those issues which are comparatively innocuous

to A ». Cette vision à deux dimensions permet de considérer « the ways in which decisions are

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