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collection dirigée par Georges Lambrichs

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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L E C H E M I N

collection dirigée par Georges Lambrichs

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RENÉ PONS

L'après-midi

suivi du Déménagement,

de Journées et de l'Enterrement

G A L L I M A R D

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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays, y compris l'U.R.S.S.

© 1962, Éditions Gallimard.

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L' après-midi

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1

La maison est silencieuse. Ils font la sieste.

Il va se reposer un moment sous les arbres, jusqu'à deux heures, puis il se remettra au travail. Il faut absolument qu'il ait terminé cet ouvrage avant la fin des vacances. A partir d'aujourd'hui plus rien ne l'en distraira. Il est temps qu'il s'appuie sur quelque chose de solide.

Debout au milieu du vestibule, M. Si- monet tient dans une main un livre broché neuf, dont seules les premières pages sont coupées, et d'où émerge le manche d'un coupe-papier en ivoire. Son autre main est

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posée sur la boule de verre de la rampe, qui se réchauffe sous ses doigts. Devant lui, les fentes de la double porte-persienne qui donne sur le jardin, envoient sur le mur des bandes de lumière dorée, qui s'élargissent, s'estompent, comme le fais- ceau d'un projecteur, et finissent par se fondre dans la teinte orangée de la tapisse- rie. Dehors, les cigales infatigables conti- nuent leur monotone crissement.

M. Simonet fait deux pas vers la porte qui se trouve à sa gauche. Il tourne la poi- gnée de porcelaine noire. La porte résiste.

Il force, jure à demi-voix : « Bon Dieu ! » La porte s'ouvre d'un seul coup. Elle vibre et racle les dalles où son frottement, à la longue, a laissé une trace claire en forme d'arc de cercle. La poignée vient heurter le mur. Le bruit du choc se répercute jus- qu'en haut de l'escalier. Toute la maison paraît ébranlée — surpris, il se fige, écoute

— mais rien ne bouge, le silence retombe...

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Le petit salon est plongé dans la pé- nombre. Un peu de soleil filtre sous les interstices des volets. Peu à peu, M. Simo- net distingue les chenets de cuivre, ou plus exactement les reflets qui s'y accrochent, le ventre bombé d'une lampe ancienne, les girandoles du lustre, la glace, placée au- dessus de la cheminée dont le marbre blanc forme une tache pâle, et, enfin, la masse des meubles, serrés à tel point, qu'entre eux ne subsiste plus qu'un étroit passage.

L'air sent le moisi, le plâtre humide et la poussière.

A gauche de l'entrée, le vieux piano noir, qui n'a pas été accordé depuis bientôt vingt ans (c'est en vain l'année dernière qu'il a essayé de retrouver un air de valse, ses doigts gourds ont refusé de gravir les plus simples arpèges) est couvert de plâtras, brisés dans leur chute en fines écailles blanches. De lourdes toiles d'araignée pen-

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dent dans les angles du plafond. D'autres, plus ténues, se balancent le long des chaî- nes du lustre. Une table à jeu, deux fau- teuils recouverts d'une tapisserie fanée, trois chaises cannées, et une bergère, occu- pent le centre de la pièce. Sur la table à jeu : une boîte à gants, un coffret d'acajou, et un cendrier ébréché.

A droite, se dresse un haut secrétaire sur lequel, depuis des années, une lourde pen- dule de marbre arrêtée à cinq heures et quart, se couvre de poussière.

En face de l'entrée, le faible éclat de ses poignées de bronze, signale une commode provinciale accroupie sur ses pieds torses.

Dans cet infime espace, il y a encore un tabouret Charles X, une sellette, trois chaises paillées, deux chaises longues pliées dressées contre le mur. Sur la cheminée, deux lampes en cuivre se font pendant.

Entre elles, une rangée de bibelots dont la forme reste imprécise.

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Sur les murs les cadres sur plusieurs files laissent à peine entrevoir la tapisserie fanée à raies rouges. Les gravures sont invisibles derrière le reflet tordu des vitres qui les protègent. Quant aux tableaux, leurs surfaces encrassées, craquelées, bitu- meuses, empêchent de distinguer ce qu'ils représentent. Un seul, accroché près de la fenêtre, fait exception. C'est le portrait d'une jeune fille dont le visage un peu bovin se détache sur un fond de clair de lune...

Il avance prudemment vers le coin où sont pliées les chaises longues. Quelque chose craque sous son pied avec un bruit sec. Un cadavre d'insecte sans doute.

Chaque année on en trouve des centaines derrière les meubles.

Une légère odeur de paradichloroben- zène monte du grand tapis roulé dans un coin.

Il s'arrête.

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Il pose sa main sur le marbre de la che- minée. Devant lui dans le reflet vert qui tombe de la glace, un amoureux en porce- laine de Saxe se penche vers une dame étendue sur une méridienne...

Il n'a plus qu'à tendre la main pour attraper la chaise longue ; mais il ne bouge pas. Et il reste là, face à cette lourde silhouette que lui renvoie le miroir, comme emprisonné dans ce bloc de silence et d'ombre, que ne parvient pas à troubler l'après-midi strident...

2

M. Simonet ouvre la porte-persienne qui donne sur le jardin. La touffeur enve- loppe son visage. Brusquement, le chant des cigales paraît monter d'un ton. Le

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bourdonnement des abeilles qui butinent dans la vigne vierge de la façade s'y ajoute.

Le soleil ronge les couleurs. Pas un souffle de vent. Les feuilles amollies pendent le long des branches. Il n'a pas plu depuis un mois.

Et pourtant, là-bas, au-delà de la cor- beille ovale entourée de buis où flamboient des dahlias multicolores, le bassin est tou- jours plein à ras bord d'une eau verte et glacée, sur laquelle tombent, avant de pourrir, les fruits jaunes et secs d'un til- leul. L'eau coule, inépuisable en dépit de la sécheresse, sans que l'on puisse savoir exactement d'où elle vient. Elle s'accumule au fond des couloirs de mine, là-haut dans la colline où on la capte, et comme un défi silencieux, coule sans jamais s'ar- rêter...

Il descend la pierre du seuil, et s'avance lentement sous l'ombre des trois marron- niers plantés devant la maison. Puis il

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dépasse une haie de thuyas. Des taches do- rées glissent sur son dos. La main refermée sur le livre se balance mollement le long de son corps, au rythme de sa marche.

Dans son autre main, il tient une chaise longue pliée. Il émerge en pleine lumière.

Il s'arrête. Il lève le livre au-dessus de ses yeux, en guise de visière.

A sa droite, le jardin en terrasse, domine une autre terrasse plus étroite sur laquelle se trouve un jardin potager et la maison du gardien. Cette terrasse elle-même domine un terrain planté de lavandes, qui descend jusqu'à la route où conduit une allée de mûriers.

M. Simonet regarde vers cette route. Elle brille comme du sel, et, après un coude, disparaît derrière une haie de cyprès. De l'autre côté, un grand champ de blé prêt pour la moisson. Au-delà coule une petite rivière aux rives plantées d'osiers, puis le terrain remonte, carrelé de champs minus-

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cules jusqu'au bord du plateau couvert de buissons clairsemés.

A sa gauche, une colline plantée de pins et d'oliviers, surplombe le jardin.

Devant lui, l'allée de marronniers, long tunnel d'ombre, conduit à un garage qui marque la limite de la propriété.

Derrière lui la maison dort toujours.

Il s'avance. Des brindilles de bois mort craquent sous ses pieds. Il fait quelques pas encore. La chaise longue frôle les buis.

Il la déplie près du bassin, à l'ombre d'un gros if. Des fragments de soleil passent à travers les branches, et viennent jouer sur l'eau transparente, où des « cordonniers » glissent par saccades.

Il s'allonge, pesamment, replie un de ses bras au-dessus de sa tête et laisse pendre l'autre à côté de l'accoudoir, la main qui tient le livre effleurant presque la terre.

Il reste ainsi quelques minutes, les yeux mi-clos fixés sur les branches immobiles,

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puis se soulève et ouvre le livre. Sur la page de garde, en travers, il y a une dédicace :

« A mon plus cher ami. Georges. » Il tourne les pages jusqu'à celles qui ne sont pas encore coupées, referme le livre sur son pouce, et lit le résumé qui se trouve au dos de la couverture...

« Une passion irrésistible attire l'un vers l'autre un homme et une femme...

Après de multiples péripéties, d'où leur amour sort intact, ils arrivent enfin à se retrouver. L'habileté de l'auteur est d'avoir su renouveler ce sujet éternel... »

Il bâille.

Machinalement, d'un coup sec, il libère deux ou trois feuillets.

Une auto s'approche, aborde la côte avant la maison, change de vitesse, accé- 1ère, passe derrière M. Simonet, puis le bruit de son moteur décroît peu à peu et finit par s'éteindre dans le loin- tain.

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La tête de M. Simonet s'incline, ses mains s'entrouvrent, le livre glisse sur son ventre. Dans un sursaut, il relève la tête, mais elle roule à nouveau sur son épaule, sa respiration devient plus ample : il dort...

3

Deux heures sonnent.

M. Simonet entrouvre les yeux, croise ses pieds, les décroise, chasse une mouche qui tournoyait autour de son visage et, faisant décrire un lent demi-cercle à sa tête contre la toile de la chaise longue, regarde autour de lui.

Des libellules tourbillonnent, s'arrêtent, ailes vibrantes, et filent brusquement dans une direction inattendue. D'autres, posées sur les feuilles luisantes des buis, étincel-

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M. et Mme Simonet, dans leur maison de cam- pagne. Avec Jacques qui doit avoir six ou sept ans, et le père de Mme Simonet, qui doit en avoir quatre-vingts. C'est l'après-midi du 17 juillet. Un après-midi ordinaire. Il ne se passe rien. Si : une visite (celle de vieux amis de la famille) et, après la visite, un orage d'été.

Cette nouvelle est suivie de trois autres, appa- remment aussi simples. Elles ont toutes pour thème celui de retenir quelques moments perdus situés

« entre les actes » où l'homme s'abandonne un moment lui-même et, se trouvant seul face à face avec le temps qui passe, vit son propre drame, ce qui est, tout compte fait, peu de chose. Mais, dans bien des cas, toute la vie.

René Pons, né en 1932 près de Montpellier, est licencié ès lettres.

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Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

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