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Oncologie : Article pp.45-51 du Vol.8 n°1 (2014)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Formation au dépistage des difficultés psychosociales en cancérologie : apport d ’ un guide d ’ entretien (PO-Bado) sur la pratique des soignants du dispositif d ’ annonce*

Training for Screening of Psychological Distress: Input of PO-Bado Guide on the Practice of Health Professionals at Cancer Diagnosis

N. Stadelmaier · Y. Saada · O. Duguey-Cachet · E. Moncla · B. Quintard

Reçu le 10 janvier 2014 ; accepté le 15 janvier 2014

© Springer-Verlag France 2014

RésuméLe guide d’entretien semi-directif PO-Bado est un instrument d’hétéroévaluation des difficultés psychosociales des patients en cancérologie. Il a été introduit dans l’entre- tien de soignants (IDE et MER) du dispositif d’annonce.

L’étude montre qu’au-delà de ses qualités de dépistage, la PO-Bado favorise la mise en place d’une relation d’aide et modifie les pratiques des soignants quant à la structuration de l’entretien et à leurs compétences relationnelles à aborder la souffrance psychologique.

Mots clésPratiques infirmières · Dépistage de la souffrance psychologique · Dispositif d’annonce · Relation d’aide · Entretien semi-directif

AbstractPO-Bado is a semi-directive instrument for asses- sing psychosocial difficulties in cancer patients. It was intro- duced in nurses’ post-diagnosis consultations. This study confirms that in addition to its screening qualities, PO- Bado favours a supportive relationship with patients, ena- bling nurses to better structure the consultations and increa- sing their communication skills to talk about psychological distress with the patients.

KeywordsNurse practice · Screening psychological distress · Post-diagnosis consultations · Supportive relation · Semi-directive interview

Contexte général de l’étude

Temps accompagnement soignant (TAS) du dispositif d’annonce

Le dispositif d’annonce1prévoit un TAS, basé sur un entre- tien proposé au patient et réalisé par un soignant, infirmier (IDE) ou manipulateur en électroradiologie (MER), généra- lement à distance de quelques jours de l’annonce médicale de la maladie et du projet de soins. La première partie de l’entretien TAS est centrée sur l’écoute, l’échange, l’apport d’informations pratiques concernant la maladie, les exa- mens, les traitements et leurs effets secondaires. La seconde partie cherche à évaluer avec le patient l’impact de la mala- die et des traitements sur son quotidien et à identifier et anti- ciper d’éventuels besoins médicopsychosociaux et nutrition- nels. En fonction des besoins détectés, le soignant propose une orientation vers les professionnels des soins de support : assistante sociale, diététicienne, socio-esthéticienne, kinési- thérapeute, etc., et psychologue.

De nombreux travaux soulignent les difficultés rencon- trées par les médecins et les soignants à gérer un entre- tien dans un contexte d’annonce d’une mauvaise nouvelle [4–7,29,30], à faciliter l’expression des émotions du patient [3,22,23] et à évaluer sa détresse psychologique et ses besoins en soins de support [18].

Un guide d’entretien : la Documentation de base psycho-oncologique (PO-Bado2)

En 2006, lors de la mise en place du dispositif d’annonce dans un établissement de santé de la région bordelaise, les

N. Stadelmaier (*) · O. Duguey-Cachet · E. Moncla

Département CARE, institut Bergonié, 229, cours de lArgonne, F-33076 Bordeaux cedex, France

e-mail : n.stadelmaier@bordeaux.unicancer.fr Y. Saada · B. Quintard

Université de Bordeaux, 3 ter, place de la Victoire, F-33076 Bordeaux, France

* Létude a été soutenue par la Fondation de France en 2011.

1Plan cancer 20032007. www.plancancer.fr.

2(P)sycho (O)nkologische (BA)sis (DO)kumentation (PO-Bado).

Groupe de travail PO-Bado Munich, Herschbach P, Marten-Mittag B.

www.po-bado.med.tu-muenchen.de.

DOI 10.1007/s11839-014-0451-9

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infirmiers et les MER en charge du TAS ont été formés pour structurer l’entretien et balayer l’ensemble des besoins en soins de support. Pour l’évaluation spécifique de la souffrance psychologique, nous avons introduit le guide d’entretien semi-directif PO-Bado (Documentation de base psycho- oncologique). Cet outil a été élaboré et validé dans sa forme standard à 12 items et dans sa forme courte à six items par une équipe de recherche allemande (http://www.po-bado.med.

tu-muenchen.de) [13–15]. Il s’agit d’un instrument d’hétéroé- valuation des difficultés psychosociales des patients en cancé- rologie. Le manuel de la PO-Bado fournit un guide d’entretien précis quant à la manière d’introduire et de clore l’entretien et aux modalités d’aborder diverses thématiques. À partir de questions ouvertes, six domaines sont abordés : épuisement/

fatigue, réduction des activités de la vie quotidienne, oscilla- tion de l’humeur, angoisses/soucis/tension nerveuse, tristesse/

abattement, autres problèmes sociaux ou familiaux. Il s’agit d’évaluer le vécu subjectif du patient sur les trois derniers jours par rapport à telle ou telle plainte. Le professionnel évalue donc moins le degré de gravité des symptômes que l’intensité de la souffrancede la personne. L’exemple suivant permet d’illustrer cet aspect :

IDE : Comment vous vous sentez physiquement en ce moment ? Vous sentez-vous fatiguée?

P :Fatiguée, non.…Il faut dire que je ne dors pas beau- coup en ce moment depuis mercredi (jour de l’annonce d’un cancer du sein).

IDE :Est-ce que cela est difficile pour vous, vous souffrez de ce problème de sommeil ?

P :Non, mais j’ai pris rendez-vous chez mon médecin. Je ne suis pas une grande dormeuse, mais là, cette nuit je me suis levée à 4 h et demie. Dès que je dors je fais des cau- chemars.…C’est vrai que j’appréhende, c’est peut-être ça qui m’empêche de dormir. Mais fatiguée, non.

IDE :Plutôt de la tension nerveuse alors ?

P :Oui, stressée, oui, oui, je le suis déjà de nature, alors là…

Malgré les troubles du sommeil, l’item « épuisement, fati- gue » sera noté avec une cotation basse. La patiente présente des troubles du sommeil, mais ne les décrit pas comme une souffrance ; elle a mis en place une stratégie (rendez-vous pris avec le médecin). Par contre, l’item « angoisse, tension nerveuse » aura une cotation plus élevée.

Cet outil présente l’avantage de structurer l’entretien et de combiner, en limitant leurs biais respectifs, deux approches du sujet, l’une directe (grille d’entretien semi-structurée) et l’autre indirecte (expression libre du patient). Les six thèmes sont résumés à la fin de l’entretien par le professionnel de santé dans une feuille récapitulative permettant de coter pour chaque item l’intensité de la détresse psychologique sur une échelle de 0 à 4. Selon des critères précis, le professionnel peut ainsi repérer les patients nécessitant une orientation vers une consultation psychologique.

De la pratique vers une démarche de recherche

L’intérêt de cet outil et les raisons de son choix pour le dépistage de la souffrance psychosociale dans le cadre de l’annonce ont été présentés dans un premier article [27].

Avec le recul d’une expérience clinique de cinq ans dans cet établissement bordelais (plus de 3 000 entretiens réalisés avec la PO-Bado jusqu’en 2009), cet outil semblait présenter deux intérêts majeurs au-delà de ses qualités de dépistage : aider les soignants à mieux structurer l’entretien et leur per- mettre d’amorcer une relation d’aide. En 2011, nous avons pu réaliser une étude avec le soutien de la Fondation de France afin de mettre à l’épreuve cette expérience clinique.

Les objectifs de cette recherche ont été d’analyser l’impact de la PO-Bado au cours de l’entretien TAS sur :

la qualité de la relation d’aide avec le patient ;

la satisfaction des soignants quant à la structuration de l’entretien autour du vécu psychologique du patient ainsi que leur perception de leurs compétences relationnelles.

Cette étude, dont les principaux résultats ont été présentés dans une publication antérieure [26], nous a permis de mon- trer que la PO-Bado permet effectivement d’allier dépistage des difficultés psychosociales des patients et d’amorcer une relation d’aide.

Après un bref rappel des résultats concernant le premier objectif (impact de la PO-Bado sur la qualité de la relation d’aide), nous souhaitons, dans le présent article, développer la présentation et approfondir la discussion des résultats rela- tifs au second objectif portant sur l’apport de l’outil quant à la pratique et à la satisfaction des soignants.

Méthode

Cette étude a reçu un avis favorable du Comité de protection des personnes Sud-Ouest (CPP) et une autorisation de la Commis- sion nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Participants

Quinze soignants, IDE et MER, en charge du TAS depuis plus de six mois et issus de quatre centres de soins (Tableau 1), ont accepté de participer à l’étude sur la base du volontariat et sous couvert d’anonymat. Sur les quatre centres, un seul (cen- tre « pilote ») utilisait déjà et de façon systématique la PO- Bado dans le cadre de l’entretien TAS, depuis la mise en place du dispositif d’annonce. Il a permis de constituer le groupe de soignants « expérimentés ».

Les soignants des trois autres centres ont bénéficié d’une formation de trois jours. Les deux premiers jours étaient consacrés à :

un apport théorique portant sur la détresse psychologique à l’annonce d’un cancer et la notion de « subjectivité » ;

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un rappel des techniques et attitudes favorisant ou freinant l’expression du patient (relations d’aide) abordées dans la formation initiale des IDE ;

des analyses de cas et des exercices de cotation à partir d’enregistrement audio d’entretiens de TAS avec la PO- Bado par un IDE expérimenté ;

le déroulement du protocole de recherche et les consignes d’enregistrement des entretiens.

Le troisième jour consistait en un compagnonnage avec un IDE expérimenté de la PO-Bado afin de s’immerger dans la pratique clinique.

Procédure

Pour mettre à l’épreuve la première hypothèse de l’étude (l’utilisation de la PO-Bado améliore la qualité de la relation d’aide avec le patient), nous avons retranscrit et analysé, avec le logiciel d’analyse de contenu NVIVO 8, 62 entretiens sur la base d’indicateurs issus des travaux de Rogers sur la relation d’aide [19,20,24,25]. Ces entretiens ont été réalisés par 15 infirmiers et radiomanipulateurs du TAS, quelques jours après l’annonce du diagnostic. Ils ont été répartis en deux groupes (Tableau 1) : le premier groupe appelé groupe expé- rimenté est constitué de soignants (n= 4) qui utilisaient la PO- Bado de façon systématique. Le second groupe, appelé groupe non expérimenté, est constitué de soignants (n= 11) qui n’utilisaient pas la PO-Bado et qui y ont été formés3 durant l’étude. Les soignants du groupe expérimenté ont enre- gistré 20 entretiens du TAS ; l’autre, constitué de 11 soignants formés à l’outil pendant l’étude, a enregistré 21 entretiens avant la formation et 21 entretiens après la formation.

Pour mettre à l’épreuve la seconde hypothèse(l’utilisa- tion de la PO-Bado améliore la satisfaction des soignants quant à la structuration de l’entretien et la perception de leurs compétences relationnelle), nous avons retranscrit intégrale- ment et analysé (NVIVO 8) les entretiens semi-directifs réa- lisés auprès des 15 soignants (expérimentés et non expéri- mentés). Pour le groupe non expérimenté, nous avons rencontré individuellement les soignants, à distance de la formation à la PO-Bado, soit environ quatre à cinq mois après leur formation. Nous les avons interrogés sur divers éléments de leur vécu relatif à l’utilisation de la PO-Bado :

expériences avec cet outil de dépistage ;

écart perçu entre les entretiens qu’ils avaient réalisés avant et après formation à la PO-Bado ;

difficultés rencontrées dans l’utilisation de la PO-Bado.

Concernant le traitement des données, chaque entretien a fait l’objet d’une analyse de contenu manuelle (tri à plat)

[1,8,17], effectuée séparément par deux psychologues (BQ et YS) qui ont ensuite confronté les résultats de leurs analy- ses afin d’aboutir à une version finale commune.

Résultats

La PO-Bado favorise une relation d’aide avec le patient : synthèse des résultats

Concernant la première hypothèse, nous avons pu observer une augmentation significative des séquences de communication centrées sur le vécu subjectif et les affects des patients dans le groupe de soignants inexpérimentés après leur formation, ainsi qu’une utilisation significativement plus élevée des tech- niques favorisant l’expression des patients (questions ouvertes, reformulation, clarification, etc.). Par ailleurs, avant la forma- tion, les soignants inexpérimentés utilisent significativement plus de techniques ne favorisant pas l’expression du patient (telles que les réponses d’évaluation, d’interprétation, etc.) que ceux du groupe expérimenté et qu’après leur formation.

Cependant, il est à noter que si les soignants du groupe expé- rimenté utilisent significativement autant de techniques favori- sant l’expression des patients que les soignants inexpérimentés après formation, ils recourent tout autant que les sujets inexpé- rimentés avant formation à des techniques ne favorisant pas l’expression des patients. Dans la discussion des résultats, nous avions émis l’hypothèse selon laquelle il y a un risque de rou- tinisation chez les sujets expérimentés à revenir à des attitudes non conseillées dans les séquences de relation d’aide.

L’analyse des données met en exergue un autre résultat important : les séquences d’information sur les traitements et soins, abordées en début d’entretien par les soignants avec le patient, ne diffèrent pas en temps et en fréquence d’un groupe à l’autre. L’utilisation de la PO-Bado n’entrave donc pas

Tableau 1 Caractéristiques des groupes.

Groupe expérimenté

Groupe non expérimenté

Nombre détablissements

1 (centre pilote)

3 (centre 2, centre 3, centre 4)

Nombre de soignants 4 (1 homme, 3 femmes)

11 (11 femmes) Centre 2 :

4 femmes ; centre 3 : 5 femmes ; centre 4 : 2 femmes

Ancienneté professionnelle dans le TAS

2,2 ans 3,6 ans

Avant formation Nombre dentretiens 20 21

3Cette formation a été assurée par une psychologue, un cadre de santé, une infirmière du TAS, spécialistes de la PO-Bado et travaillant dans le centre pilote.

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l’objectif premier de l’entretien TAS, à savoir le complément d’informations nécessaires à la bonne compréhension par le patient de sa pathologie. La durée des entretiens n’est pas modifiée après l’introduction de la PO-Bado. Sans être statis- tiquement significatif, on note que le temps moyen des entre- tiens avec la PO-Bado n’est pas allongé, mais qu’il est au contraire inférieur à ceux réalisés sans la PO-Bado (39 minutes 24 secondes avant formation versus 32 minutes 43 secondes après formation). Ce constat tend donc à confirmer que cet outil permet de condenser et mieux structurer l’ensemble de l’entretien, et qu’il est compatible avec les réalités et exigen- ces du terrain.

Structuration de l’entretien autour du vécu

psychologique du patient et perception des soignants de leurs compétences relationnelles

Revenons maintenant à la seconde hypothèse de cette étude s’intéressant au changement des pratiques et à la satisfaction des soignants relative à l’utilisation de ce guide d’entretien semi-directif.

Nous avions formulé l’hypothèse selon laquelle l’utilisa- tion de la PO-Bado au cours du TAS améliore :

la satisfaction des soignants quant à la structuration de l’entretien autour du vécu psychologique du patient ;

la perception qu’ils ont de leurs compétences relation- nelles.

Sur les 15 soignants interrogés, deux n’ont pas utilisé la PO-Bado à la suite de la formation, l’un invoquant un manque de temps, l’autre disant que cela lui « semblait » compliqué.

Les analyses de contenu thématique des entretiens ont montré que l’ensemble des soignants considère que cet outil permet de :

mieux dépister et évaluer les besoins des patients; « avant c’était orienté sur les traitements et les effets secondaires et maintenant ça me donne plus d’informations, on recher- che plus de choses concernant la vie familiale, l’humeur, on oriente plus les questions alors qu’avant on reprenait ce qui avait été dit avec le médecin et pas le côté social et psychologique » (11 : nombre d’entretiens dans lesquels le thème est apparu au moins une fois–16 : nombre de fois où le thème apparaît dans l’ensemble des entretiens) ;

favoriser une écoute plus attentive et approfondie des patients; « peut-être encore plus attentive à ce que dit la personne tout simplement », « je pense que ça permet d’affiner l’écoute » (6–10) ;

développer davantage d’attitudes favorisant l’expression;

« ceux [les entretiens] que je faisais avant étaient beau- coup plus directifs et laissaient beaucoup moins la place à la personne », « quelqu’un qui me disait qu’il avait du

mal à dormir, ça s’arrêtait là je ne serais pas allée plus loin pour savoir comment est-ce qu’il percevait les cho- ses », « donc pour moi aussi ça facilite la relation d’aide, ça permet aussi d’avoir plus le vécu subjectif du patient et pas nous d’interpréter ce qui pourrait être difficile pour eux donc je pense que ça affine aussi l’échange » (12–18) ;

avoir une attitude d’écoute plus attentive, une place plus grande laissée au patient ; les soignants rapportent égale- ment qu’ils ont moins d’« a priori », qu’ils « n’interprètent plus les propos » des patients, mais qu’ils se « basent sur leurs dires » ; « du coup, la perception du soignant change parce que voilà comme je te dis on partait avec eux, je ne vais pas dire des a priori sur la souffrance psychologique, mais voilà on se doutait que la chute des cheveux ou l’ablation d’un sein ça peut poser des problèmes, alors que pas forcément et c’est vrai que la grille nous permet de dépister peut-être d’autres problèmes qui existent que ceux qu’on s’était imaginés au départ » (5–7). Cet outil est perçu comme une aide afin de « cibler les besoins » et par là même de « mieux orienter vers les soins de support ».

L’exemple suivant fournit une illustration : « au cours de notre échange, vous m’avez dit que vous êtes très inquiet depuis l’annonce du diagnostic, que vous n’arrivez plus à dormir la nuit, tellement vous vous faites des soucis. Vous m’avez dit aussi que vous craignez la réaction de votre conjoint. Vous vous sentez très tendu et abattu. Je pense qu’il serait important de parler davantage de cela avec une personne compétente, et je vous propose donc de contacter le psychologue, afin que vous puissiez le ren- contrer lors de votre prochaine venue… Qu’en pensez- vous ? » ;

se sentir plus à l’aise et plus légitimes dans la préconisa- tion d’une orientation; « oui ben ça m’a permis d’être beaucoup plus à l’aise déjà donc peut-être plus prêt à cap- ter des réactions » (5–9) ;

de les aider à « structurer » et à « cadrer l’entretien »et que le TAS était ainsi « mieux organisé » ; « ça permet effectivement d’avoir une trame, c’est une trame quelque chose de précis voilà » (9–18) ;

enfin, concernant les difficultés rencontrées, les soignants ont eudavantage d’appréhension à utiliser l’outil que de réelles difficultésdans son utilisation : « non pas trop c’est plutôt pendant la formation je me suis dit que ça allait être compliqué mais finalement non c’est bien, c’est un bon outil » ; « non moins que ce que je pensais » (5–5). Cer- tains ont précisé la nécessité d’un entraînement préalable, afin de rendre son utilisation plus facile et plus systéma- tique ; « non ça m’a été aidant, au départ il a fallu un peu d’entraînement quand même mais ça aide » (3–3). La plu- part soulignent la difficulté de se rappeler tous les thèmes de la PO-Bado et de les aborder dans l’entretien de manière naturelle ; « y avait des nuances qu’il était

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difficile d’aborder ; il était difficile d’aborder tous ces thèmes ; voilà, bon après, effectivement c’est la pratique » (6–7).

Sur une échelle de 0 à 10, les soignants ont été satisfaits de la formation à l’outil (m= 8,5 ;σ= 0,8), ont eu le senti- ment de mieux gérer un entretien (m = 7,4 ; σ = 1,3), et considèrent que la formation les a aidés à mieux orienter les sujets qui en avaient besoin vers une consultation psy- chologique (m= 8,3 ;σ= 1,2).

Discussion

L’étude a permis de valider la première hypothèse selon laquelle l’introduction de la PO-Bado au cours de l’entre- tien TAS améliore la qualité de la relation d’aide avec le patient. Ces éléments ayant été discutés dans une publication antérieure [26], nous souhaitons ici mettre en exergue la satisfaction des soignants quant à l’apport de cet outil. Il favorise l’expression des patients et facilite l’approche de la dimension psychologique dans l’entretien soignant. Il nécessite cependant unchangement de posture dans la rela- tion avec le patient.

Dans un premier temps, les résultats montrent une satis- faction des soignants dans le fait de disposer d’un guide d’entretien leur permettant de questionner de façon structu- rée les dimensions psychologiques du patient. Cela rejoint des résultats similaires obtenus avec d’autres outils de dépis- tage de la détresse psychologique [10]. Les soignants se sen- tent plus à l’aise et légitimes dans l’évaluation du degré de souffrance des patients et donc dans la décision d’orienter vers le psychologue. Nous observons une modification des pratiques : après formation, les orientations en consultation psychologique ne concernent plus que 30 à 40 % des sujets alors qu’elles étaient à 66 % avant formation. Ces données correspondent à celles du groupe expérimenté et concordent avec les études de prévalence de la détresse psychologique de la population atteinte de cancer [9]. La proposition d’une orientation vers un psychologue s’appuie sur l’expression du patient. La PO-Bado permet à l’IDE ou au MER de dégager des indicateurs « argumentés » pour pointer auprès du patient les éléments de difficultés psychosociales, motivant une consultation psychologique. À la fin de l’entretien, le soignant clôt l’échange en soulignant les différents facteurs d’une souffrance qu’il a perçue ; le patient peut bien sûr refuser la proposition d’une consultation psychologique et y recourir ultérieurement.

L’utilisation d’un guide d’entretien semi-directif (ici la PO-Bado) permet également aux soignants de passer d’un registre d’entretien plutôt directif à un mode semi-directif basé sur des questions ouvertes. Donner la parole au patient sur des aspects psychologiques est souvent vécu

comme inquiétant par les soignants qui craignent ne pas pouvoir répondre et canaliser l’expression émotionnelle de la personne. La méthode du guide d’entretien donne à la fois une ouverture et un cadre à l’expression du patient, ce qui est rassurant pour le professionnel. Libert et Conradt [16], en prenant appui sur des recherches, soulignent que la révélation d’informations importantes de la part des patients est facilitée par des questions ouvertes. Ils écri- vent [16] : « le fait de laisser le patient exprimer ses soucis et ses inquiétudes et de recourir à des questions ouvertes et non multiples faciliterait déjà son adaptation, permet- trait de percevoir l’approche subjective que le patient a de la situation et de détecter les troubles émotionnels » (pp 1169).

L’originalité de la PO-Bado est de proposer un dépistage des difficultés psychosociales à partir du vécu subjectif du patient et d’amorcer une relation d’aide. Les patients accor- dent une grande importance à une communication soute- nante de la part des professionnels de santé et centrée sur leurs besoins psychosociaux [12]. Mais comme le souli- gnent Razavi et Delvaux [21], la connaissance des aspects psychosociaux et les compétences de communication des professionnels de santé sont souvent lacunaires, ce qui entraîne une mauvaise identification des problèmes des patients. Les attitudes favorisant l’écoute et l’expression du patient ne sont pas « innées ». Ainsi, une bonne pra- tique clinique nécessite d’être acquise dans un processus de formation spécifique [21,28]. L’utilisation de cet outil implique l’acquisition de compétences communicationnel- les, telles que l’écoute et l’attitude d’empathie [2,28].

Comme les soignants interrogés l’expriment, l’approfondis- sement de l’échange avec le patient les amène à prendre du recul sur leurs interprétations et à se centrer sur le vécu subjectif de la personne malade, plus que sur l’évaluation d’un symptôme. Cela nécessite un développement des apti- tudes relationnelles des professionnels dans le face-à-face avec le patient [11].

Les formations des IDE et des MER à la PO-Bado exi- gent d’allier diverses connaissances et compétences tant théoriques que pratiques [2,16,22]. Comme le soulignent Razavi et Delvaux [21] et plus tard Barth et Lannen [2], une consolidation des acquisitions est nécessaire. Cet aspect se trouve confirmé par les résultats de l’hypothèse 1. En effet, on observe dans le groupe des soignants expérimentés à la PO-Bado un maintien des attitudes favorisant l’expres- sion des patients, mais un relâchement par rapport aux atti- tudes ne favorisant pas l’expression. Nous avions conclu à un processus de routinisation : on observe avec le temps un retour vers certains stéréotypes de comportement, tels qu’une tendance à recourir à la solution immédiate, à don- ner des réponses de soutien et de dédramatisation, etc. Un travail régulier sur les mécanismes sous-tendant la commu- nication est probablement nécessaire. Comme Barth et

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Lannen [2] le soulignent, les comportements de communi- cation des médecins et soignants en oncologie s’inscrivent comme unlife-long learning.

Conclusion

Améliorer la communication avec les patients, notamment dans des contextes d’annonce, est un processus continu. Dans cette étude, nous avons montré que le guide d’entretien semi- directif PO-Bado constitue un support pour les soignants enga- gés dans le dispositif d’annonce, leur permettant de mieux structurer l’entretien, de donner un cadre contenant à l’expres- sion du patient et d’anticiper au mieux les besoins psychoso- ciaux des patients [26]. Il amène un changement dans la pra- tique de l’entretien infirmier (MER). On observe une évolution vers une posture relationnelle qui se centre davantage sur le vécu subjectif du patient et qui permet un échange ouvert, mais guidé par le soignant. Cet outil permet d’apprendre à prendre

« le risque » des questions ouvertes, de se décentrer des symp- tômes pour se centrer sur ce que le patient en dit et ressent ; au- delà d’une simple proposition, c’est « oser » être dans une indication d’orientation vers le psychologue (psychiatre) en s’appuyant sur ce qu’on a perçu du vécu du patient.

Cette recherche a permis de tester à petite échelle la faisabilité de l’implantation de la PO-Bado dans d’autres établissements et son appropriation par d’autres équipes, en termes de formation, d’acquisition et d’intégration à une pratique préexistante.

Une étape de validation de la version longue et courte de la PO-Bado en langue française débutera en 2014 avec l’appui de la Fondation de France. L’équipe allemande a démontré que cet outil est adapté aussi bien aux situations aiguës qu’à un suivi des patients au long cours, en milieu hospitalier ou en secteur ambulatoire. Les qualités cliniques de dépistage de la PO-Bado, mais également l’amorce d’une relation d’aide qu’elle peut favoriser, pourront être un apport incontestable pour les équipes confrontées à la souffrance psychologique des patients cancéreux, tout au long de la maladie.

Remerciements Les auteurs remercient La Fondation de France pour son soutien.

Établissements participants à l’étude : institut Bergonié, cen- tre hospitalier de Niort, maison de santé Bagatelle, hôpital d’instruction des armées Robert-Picqué.

Nous remercions toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de cette étude et notamment les infirmiers et manipulateurs du TAS et les patients qui ont accepté l’enre- gistrement des consultations TAS.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

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