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TROIS JOURS COMME LES AUTRES

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Academic year: 2022

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TROIS JOURS

COMME LES AUTRES

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FRANÇOIS SAUTERON

TROIS JOURS

COMME LES AUTRES

RENÉ JULLIARD 30 et 34, rue de l'Université

PARIS

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© 1961. by René Julliard PRINTED IN FRANCE

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A m o n père, en gage de profonde admiration.

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Vous intéresse-t-il d'être tenu au courant des livres que publie l 'éditeur de cet ouvrage?

Envoyez simplement votre carte de visite aux Éditions René JULLIARD, Service

« Vient de Paraître », 30 et 34, rue de l'Université, Paris-7e, et vous recevrez régu- lièrement et sans aucun engagement de votre part leur bulletin illustré « Vient de Paraître » qui présente, avec les explications nécessaires, toutes les nouveautés, lièrement et sans aucun engagement de votre part leur bulletin illustré « Vient de Paraître » qui présente, avec les explications nécessaires, toutes les nouveautés, romans, voyages, documents, histoire, essais, etc., que vous trouverez chez votre libraire.

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AVANT-PROPOS

'AUTEUR se défend d'avoir voulu écrire un roman populiste. Ernest, le héros de ce récit, n'est ni une victime de l'ordre social, ni un révolté : c'est un éternel vaincu qui ressasse ses défaites.

Ouvrier, il aurait pu, tout aussi bien, être commis d'administration ou vendeur dans un magasin. Si l'auteur l'a placé dans une usine, c'est parce que ce cadre permettait, par la répétition des faits et des détails, de recréer en peu de pages l'atmosphère dans laquelle Ernest use lentement une vie sans imprévu.

Occupé à des tâches machinales, privé de tabac, contraint au silence, Ernest ne peut que laisser vagabonder sa pensée. Le présent n'existe pas, ou si peu. Quand il se rappelle à lui, c'est sous la forme d'une contrainte personnifiée par le pointeau ou par le contremaître. Ernest saurait-il d'ailleurs profiter de l'heure présente ? C'est un velléitaire qui va du passé à

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l'avenir pour revenir au passé. Un mariage mieux assorti, une amitié solide auraient changé son destin, mais Ernest est resté un incompris qui souffre de cet état.

Le roman est donc celui de beaucoup de nos semblables, issus des milieux les plus divers, et c'est pourquoi la dernière ligne tracée, l'auteur a eu une longue pensée pour tous les Ernest,... Ernest, pauvre et triste héros, Ernest, personnification de la condition humaine.

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E

E dormait lourdement, la Fernande, telle une bête, repliée sur elle-même, pelotonnée dans les draps, tout contre le mur. A la voir, on la devinait bien à l'aise dans la tiédeur du lit.

Ernest, prêt à partir, contemplait ce repos avec envie. Dernier coup d'œil qui, de la femme, se posa successivement sur chacun des meubles bien cirés. Il attira à lui la porte du palier, soucieux de ne pas réveiller son épouse par un grincement des gonds.

Une nouvelle semaine commençait. Il avait employé tous les artifices ordinaires pour retarder ce moment détesté : le café bu à petites gorgées, la cravate et les lacets noués avec amour, le peigne passé vingt fois dans les cheveux. Maintenant, il ne pouvait plus différer son départ. Comme chaque semaine, il allait travailler cinq jours en usine pour mériter deux jours de repos ; ces deux jours qui étaient sa vie,

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et qu'il voyait loin, très loin, perdus dans une sorte de brume, faite de patience et de fatigue.

Le pène s'immobilisa. Ernest tressaillit en s'apercevant qu'il tenait en main la clé de sûreté. Il avait failli enfermer sa femme, c'était bien le jour « j'suis pas encore réveillé», grogna-t-il, en s'apprêtant à descendre les étages.

Dans l'escalier, aux marches creusées par de nombreux lavages, il agrippa d'une main la rampe de fer, de l'autre il vérifia la tenue de son pantalon et la présence de sa cantine dans le sac de plage.

Puis, il releva le col de son imperméa- ble. En approchant du premier étage, il pressa le pas, glissant sur la tranche de la chaussure pour amortir encore plus le bruit de sa marche : la locataire du pre- mier était une véritable mégère. Elle avait pu être plaisante vers sa seizième année, mais maintenant, sous des cheveux mal peignés, d'un jaune sale, l'épiderme de son visage marqué d'une multitude de petits sillons évoquait une peau d'éléphant. Avec cela, elle avait la colère facile. Ernest redoutait de la réveiller. Elle lui faisait peur.

L'escalier et le couloir franchis sans en- combre, il saisit la porte-fenêtre de l'en- trée par l'une de ses traverses démunie de ses vitres : « Sacrés mômes, ils démo-

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lissaient tout : la serrure, les carreaux, ça faisait honte quand on venait vous voir. » Dehors, il pleuvait, une pluie froide qui vous fouettait au visage. Il ajusta en mau- gréant le col de son imperméable.

Des gouttelettes se déposaient sur ses lunettes, l'aveuglant, lui donnant l'humi- liante sensation de devenir infirme. Il traversa la chaussée.

La rue calme et longue n'était plus qu'une suite de taches lumineuses, reflets des lampadaires dans les flaques d'eau.

Quelques ombres, ouvriers allant comme lui à leur usine, glissaient sur les trottoirs.

De temps en temps, une voiture perçait la brume de ses phares. Quelques fenêtres s'éclairaient, une porte claquait, la nuit finissait.

Il approcha du boulevard. Le bruit de fond de Paris, ce bruit produit par le rou- lement continu des voitures, lui parvint d'abord comme un faible ronronnement, puis, s'amplifiant, sembla surgir de partout, du ciel, des murs, de la chaussée.

Au bout de la rue, il obliqua en direction de l'entrée du métro qui barrait le trottoir d'un large rectangle jaunâtre.

Un reflet de lumière lui rappela qu'une grande flaque d'eau s'étendait juste devant les marches. Il la contourna avec précau- tion, et, à la suite d'autres usagers, agrippa la rampe humide et froide.

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Un inconnu retenant le portillon l'obli- gea à hâter le pas. Il maugréa contre cet importun en suivant les méandres du cou- loir. Tendant à la poinçonneuse sa carte d'abonnement, il faillit la laisser tomber à terre, la reprenant au vol du bout des doigts. « Ça s'annonce mal, bon sang ! »

Pour la seconde fois, il se prenait en défaut. Il y avait déjà eu la clé de sûreté.

S'il avait enfermé la Fernande, quelle his- toire ! Elle aurait manqué son train et, pendant des années, il en aurait entendu parler au moindre prétexte. La poinçon- neuse avait eu elle aussi un mouvement d'impatience, mais il y avait peu de monde ; cela n'avait pas d'importance...

A ce moment, l'angoisse le saisit, l'heure ? Cette panique du matin, il la connaissait bien, peur de voir la porte de l'usine, la grande, se refermer devant lui, d'entendre le ricanement des autres, et ces explica- tions à donner au bureau du personnel...

Un coup d'œil rapide le rassura : les usagers habituels de son métro étaient à leur poste, fidèles à leur wagon, à leur banquette, ils occupaient sur le quai leur place ordinaire, cette place choisie en pre- nant pour point de repère la bascule, le distributeur de bonbons ou l'une des gran- des affiches qui ornaient la paroi de la station. Il contourna un groupe et alla

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s'asseoir sur l'immense banc de bois, à côté d'une femme qui tricotait.

Malgré de nombreux trajets effectués ensemble, ils ne s'étaient jamais parlé.

Chacun n'était pour l'autre, qu'un signal vivant sur le chemin du travail. Elle trico- terait jusqu'à l'arrivée de la rame, ne quittant même pas ses aiguilles pour mon- ter en voiture. Et cela pendant des années peut-être.

Ernest regarda autour de lui. Tout déno- tait le lundi matin, pas de course à l'entrée du portillon, pas de bousculade. Des allu- res avachies, des bâillements de gens mal réveillés après une nuit écourtée par le cinéma.

Le balayeur, entre les pieds, dessinait, avec son petit réservoir d'eau, une longue série de huit, appliqué à parfaire ses bou- cles, jetant un regard courroucé aux voya- geurs qui, assis sur le banc, étendaient devant eux des jambes trop longues.

Demain, l'arabesque serait imparfaite, il ne disposerait plus du calme nécessaire, plongé lui aussi dans l'affolement général qui mène au bout de la semaine.

Ernest songea aux deux événements qui marqueraient les prochains jours : la demande d'augmentation qu'il se proposait de faire, et la grève que le syndicat préco- nisait.

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« Tant que j'demande pour moi, j'la ferai pas », grogna-t-il.

Ah, s'il était augmenté ! Pas question d'en informer la patronne. Il avait été trop bête la dernière fois.

Il lui donnerait l'enveloppe sans feuille de paie, se faisant allouer le montant de l'augmentation en petite monnaie qu'il garderait pour lui.

De quoi s'offrir l'apéro, et acheter un billet de la Loterie nationale. Des fois qu'il gagnerait, comme le cousin Jules...

La rame arrivait. Il se leva en même temps que l'homme aux sandalettes ; un gars qui, en toute saison, portait des san- dalettes de cuir. Quand il pleuvait, on ne voyait qu'elles. On prenait peine pour lui.

Pourtant, il était bien habillé.

Peut-être une infirmité : sueur profuse ou durillons...

Ernest saisit la poignée du wagon et, d'un geste violent de faible qui veut mon- trer sa force, il envoya cogner les portes contre les battants, d'où elles revinrent pour se refermer à moitié. Il se logea dans un des coins opposés à l 'entrée, bien qu'une banquette à proximité se trouvât disponible.

« On n'est pas encore pourri, hein ? » Cette affirmation virile cachait une honte, ancienne, mais toujours vivace. Oh, c'était loin, du temps où il travaillait à

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Montrouge, aux grosses pièces. Il rentrait épuisé, vidé par des furoncles, une tren- taine. Il avait acheté un journal et, assis dans son coin, tassé sur lui-même, faisait semblant de lire.

Une jeune femme était montée, blonde et rose avec des joues bien rondes, une de ces garces de la race des bien en chair qui ne travaillent pas. Elle lui avait mis sous le nez une carte de priorité de femme enceinte (ça ne paraissait même pas), toute fière d'avoir des droits à faire valoir. Il n'avait rien vu. Elle avait insisté. Quand il comprit enfin, une femme, en face de lui, ricanait, prête à intervenir. Une honte.

Elle aurait agi de même, la Fernande, si la chose était arrivée devant elle à un autre que lui, toujours prête à prendre parti pour les femmes.

Il la revit, dormant bien au chaud.

« C'est pas juste tout de même, on se crève pour l'autre. »

Après la guerre, il n'avait plus voulu qu'elle travaille. Orgueil de mâle désireux de reprendre sa place de chef, mais aussi égoïsme ; désir de trouver un accueil aima- ble au logis, des repas cuits à point, un ménage bien tenu. La Fernande, trop fière pour aimer travailler chez les autres, s'était ancrée aisément dans cette vie facile. Elle engraissait. Il l'en jalousait maintenant.

L'homme aux sandalettes était resté

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debout lui aussi, un peu plus loin, au milieu du wagon, tenant la barre de cuivre que n'avait pas encore souillée la sueur de toutes les mains des autres.

En apparence, ils s'ignoraient. « Et si l'un de nous se foutait par terre en sor- tant, est-ce que l'autre le ramasserait ? », se dit Ernest. Non, on a trop peur de rater le pointage, la machine tourne, tant pis pour les éclopés.

Les stations se succédaient, vidant ou remplissant le wagon en des mouvements de marées.

Ernest se détendait ou se tassait alors un peu plus dans un coin. Les glaces à droite et à gauche lui renvoyaient son image. Il ne l'aimait pas cette image, barre sombre des lunettes cachant les yeux, men- ton carré, oreilles décollées. « J'suis pas si vieux. »

Une belle fille au visage régulier monta et s'assit devant lui. Il la couva des yeux : le beau visage s'animait, se déformait, se calmait et se remettait en mouvement comme un jouet d'enfant. Il s'efforça vai- nement de porter ailleurs son attention. Le haussement des sourcils se faisait atten- dre. Cela l'agaça, mais non, le sourcil se releva tandis que la bouche, cherchant une goulée d'air, s'ouvrait comme pour happer un insecte. Un fameux tic.

La femme partie, il essaya de compter

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A C H E V É D ' I M P R I M E R L E 1 4 J U I N 1 9 6 1 P A R J . C H A N T E N A Y I M P R I M E U R A P A R I S P O U R R E N É J U L L I A R D É D I T E U R A P A R I S

d ' é d i t i o n 2 3 7 7 N ° d ' i m p r e s s i o n 2 4 0 8 D é p ô t l é g a l 2 t r i m e s t r e 1961

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