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1.4 Normes et conditionnement d’une matrice

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(1)

1.4 Normes et conditionnement d’une matrice

Dans ce paragraphe, nous allons définir la notion de conditionnement d’une matrice, qui peut servir à établir une majoration des erreurs d’arrondi dues aux erreurs sur les données. Malheureusement, nous verrons également que cette majoration n’est pas forcément très utile dans des cas pratiques, et nous nous efforcerons d’y remédier. La notion de conditionnement est également utilisée dans l’étude des méthodes itératives que nous verrons plus loin.

Pour l’étude du conditionnement comme pour l’étude des erreurs, nous avons tout d’abord besoin de la notion de norme et de rayon spectral, que nous rappelons maintenant.

1.4.1 Normes, rayon spectral

Définition 1.27(Norme matricielle, norme induite). On noteMn(IR)l’espace vectoriel (surIR) des matrices carrées d’ordren.

1. On appelle norme matricielle surMn(IR)une normek · ksurMn(IR)t.q.

kABk ≤ kAkkBk,A, B∈Mn(IR) (1.56) 2. On considèreIRn muni d’une normek · k. On appelle norme matricielle induite (ou norme induite) sur

Mn(IR)par la normek · k, encore notéek · k, la norme surMn(IR)définie par :

kAk= sup{kAxk; x∈IRn,kxk= 1},A∈Mn(IR) (1.57)

Proposition 1.28(Propriétés des normes induites). SoitMn(IR)muni d’une norme induitek · k. Alors pour toute matriceA∈Mn(IR), on a :

1. kAxk ≤ kAk kxk,x∈IRn,

2. kAk= max{kAxk ; kxk= 1,x∈IRn}, 3. kAk= max

kAxk

kxk ; x∈IRn\ {0}

. 4. k · kest une norme matricielle.

DÉMONSTRATION

1. Soitx∈ IRn\ {0}, posonsy = x

kxk, alorskyk= 1donckAyk ≤ kAk. On en déduit que kAxk

kxk ≤ kAket donc quekAxk ≤ kAk kxk. Si maintenantx= 0, alorsAx= 0, et donckxk= 0etkAxk= 0; l’inégalité kAxk ≤ kAk kxkest encore vérifiée.

2. L’applicationϕdéfinie deIRndansIRpar :ϕ(x) =kAxkest continue sur la sphère unitéS1={x∈IRn| kxk= 1}qui est un compact deIRn. Doncϕest bornée et atteint ses bornes : il existex0S1tel quekAk=kAx0k. 3. Cette égalité résulte du fait que

kAxk

kxk =kA x kxkket x

kxk ∈S1etx6= 0.

4. SoientAetB∈Mn(IR), on akABk= max{kABxk ; kxk= 1,x∈IRn}.Or kABxk ≤ kAkkBxk ≤ kAkkBkkxk ≤ kAkkBk. On en déduit quek · kest une norme matricielle.

(2)

Définition 1.29(Rayon spectral). SoitA ∈ Mn(IR)une matrice inversible. On appelle rayon spectral deAla quantitéρ(A) = max{|λ|;λ∈Cl, λvaleur propre deA}.

La proposition suivante caractérise les principales normes matricielles induites.

Proposition 1.30(Caractérisation de normes induites). SoitA= (ai,j)i,j∈{1,...,n}∈Mn(IR).

1. On munitIRnde la normek · ketMn(IR)de la norme induite correspondante, notée aussik · k. Alors kAk= max

i∈{1,...,n}

Xn

j=1|ai,j|. (1.58)

2. On munitIRnde la normek · k1etMn(IR)de la norme induite correspondante, notée aussik · k1. Alors kAk1= max

j∈{1,...,n}

Xn

i=1|ai,j| (1.59)

3. On munitIRnde la normek · k2etMn(IR)de la norme induite correspondante, notée aussik · k2.

kAk2= (ρ(AtA))12. (1.60)

En particulier, siAest symétrique,kAk2=ρ(A).

DÉMONSTRATION– La démonstration des points 1 et 2 fait l’objet de l’exercice 33 page 75. On démontre ici uniquement le point 3.

Par définition de la norme 2, on a :

kAk22= sup

xIRn kxk2=1

Ax·Ax= sup

xIRn kxk2=1

AtAx·x.

CommeAtA est une matrice symétrique positive (carAtAx·x = Ax·Ax ≥ 0), il existe une base orthonormée (fi)i=1,...,n et des valeurs propres(µi)i=1,...,n, avec0 ≤ µ1µ2. . .µn tels queAfi = µifi pour tout i∈ {1, . . . , n}. Soitx=P

i=1,...,nαifi∈IRn. On a donc : AtAx·x= X

i=1,...,n

µiαifi

· X

i=1,...,n

αifi= X

i=1,...,n

α2iµiµnkxk22. On en déduit quekAk22ρ(AtA).

Pour montrer qu’on a égalité, il suffit de considérer le vecteurx = fn; on a en effetkfnk2 = 1, etkAfnk22 = AtAfn·fn=µn=ρ(AtA).

Nous allons maintenant comparer le rayon spectral d’une matrice avec des normes. Rappelons d’abord le théorème de triangularisation (ou trigonalisation) des matrices complexes. On rappelle d’abord qu’une matrice unitaireQ∈ Mn(Cl)est une matrice inversible telle queQ =Q−1; ceci est équivalent à dire que les colonnes deQforment une base orthonormale deCln. Une matrice carrée orthogonale est une matrice unitaire à coefficients réels ; on a dans ce casQ=Qt, et les colonnes deQforment une base orthonormale deIRn.

Théorème 1.31(Décomposition de Schur, triangularisation d’une matrice). SoitA ∈ Mn(IR)ouMn(Cl)une matrice carrée quelconque, réelle ou complexe ; alors il existe une matrice complexeQunitaire (c.à.d. une matrice telle queQ=Q−1et une matrice complexe triangulaire supérieureTtelles queA=QT Q−1.

(3)

Ce résultat s’énonce de manière équivalente de la manière suivante : Soitψune application linéaire deEdansE,Eest un espace vectoriel normé de dimension finiensurCl. Alors il existe une base(f1, . . . ,fn)deClet une famille de complexes(ti,j)i=1,...,n,j=1,...,n,j≥i telles queψ(fi) = ti,ifi+P

k<itk,ifk.De plusti,i est valeur propre deψet deApour touti∈ {1, . . . , n}.

Les deux énoncés sont équivalents au sens où la matriceAde l’application linéaireψs’écritA=QT Q1, oùT est la matrice triangulaire supérieure de coefficients(ti,j)i,j=1,...,n,jietQla matrice inversible dont la colonne jest le vecteurfj).

DÉMONSTRATION– On démontre cette propriété par récurrence surn. Elle est évidemment vraie pour n = 1. Soit n ≥ 1, on suppose la propriété vraie pournet on la démontre pour n+ 1. Soint doncE un espace vectoriel surCl de dimensionn+ 1etψune application linéaire de E dansCl. On sait qu’il existeλ ∈ Cl(qui résulte du caractère algébriquement clos deCl) etf1E tels queψ(f1) = λf1 etkf1k = 1; on poset1,1 = λet on noteF le sous espace vectoriel deEsupplémentaire orthogonal deClf1. SoituF, il existe un unique couple(µ,v)∈Cl×Ftel que ψ(u) =µf1+v. On noteψ˜l’application qui àuassociev. On peut appliquer l’hypothèse de récurrence àψ˜(carψ˜est une application linéaire deFdansF, etFest de dimensionn). Il existe donc une base orthonorméef2, . . . ,fn+1deF et(ti,j)ji≥2tels que

ψ(f˜ i) = X

2≤ji

tj,ifj, i= 2, . . . , n+ 1.

On en déduit que

ψ(fi) = X

1≤jin

tj,ifj, i= 1, . . . , n+ 1.

Dans la proposition suivante, nous montrons qu’on peut toujours trouver une norme (qui dépend de la matrice) pour approcher son rayon spectral d’aussi près que l’on veut par valeurs supérieures.

Théorème 1.32(Approximation du rayon spectral par une norme induite).

1. Soitk · kune norme induite. Alors

ρ(A)≤ kAk, pour toutA∈Mn(IR).

2. Soient maintenantA∈Mn(IR)etε >0, alors il existe une norme surIRn (qui dépend deAetε) telle que la norme induite surMn(IR), notéek · kA,ε, vérifiekAkA,ερ(A) +ε.

DÉMONSTRATION– 1 Soitλ∈Clvaleur propre deAtelle que|λ|=ρ(A).

On suppose tout d’abord queλ∈IR. Il existe alors un vecteur non nul deIRn, notéx, tel queAx=λx. Commek · kest une norme induite, on a

kλxk=|λ|kxk=kAxk ≤ kAkkxk. On en déduit que|λ| ≤ kAket doncρ(A)≤ kAk.

Siλ∈Cl\IR, la démonstration est un peu plus compliquée car la norme considérée est une norme dansIRn(et non dans Cln). On montre tout d’abord queρ(A)<1sikAk<1.

En effet, Il existex ∈ Cln,x 6= 0, tel queAx = λx. En posantx = y+iz, avecy, z ∈ IRn, on a donc pour tout k∈IN,λkx=Akx=Aky+iAkz. CommekAkyk ≤ kAkkkyketkAkzk ≤ kAkkkzk, on a, sikAk<1,Aky→0 etAkz→0(dansIRn) quandk →+∞. On en déduit queλkx→0dansCln. En choisissant une norme surCln, notée k · ka, on a donc|λ|kkxka→0quandk→+∞, ce qui montre que|λ|<1et doncρ(A)<1.

Pour traiter le cas général (Aquelconque dansMn(IR)), il suffit de remarquer que la démonstration précédente donne, pour toutη >0,ρ(A/(kAk+η))<1(carkA/(kAk+η)k<1). On a doncρ(A)<kAk+ηpour toutη >0, ce qui donne bienρ(A)≤ kAk.

(4)

2. SoitA ∈ Mn(IR), alors par le théorème de triangularisation de Schur (théorème 1.31 ppécédent), il existe une base (f1, . . . ,fn)deClnet une famille de complexes(ti,j)i,j=1,...,n,jitelles queAfi=P

jitj,ifj. Soitη∈]0,1[, qu’on choisira plus précisément plus tard. Pouri = 1, . . . , n, on définitei =ηi−1fi. La famille(ei)i=1,...,nforme une base deCln. On définit alors une norme surIRnparkxk = (Pn

i=1αiαi)1/2, où lesαisont les composantes dexdans la base(ei)i=1,...,n.Notons que cette norme dépend deA et deη. Soitε > 0; montrons que pourη bien choisi, on a kAk ≤ρ(A) +ε. Remarquons d’abord que

Aei=A(ηi−1fi) =ηi−1Afi=ηi−1X

ji

tj,ifj=ηi−1X

ji

tj,iη1−jej= X

1≤ji

ηijtj,iej, Soit maintenantx=P

i=1,...,nαiei.On a Ax=

Xn i=1

αiAei= Xn

i=1

X

1≤j≤i

ηi−jtj,iαiej= Xn j=1

Xn i=j

ηi−jtj,iαi ej.

On en déduit que

kAxk2= Xn j=1

Xn i=j

ηi−jtj,iαi Xn

i=j

ηi−jtj,iαi ,

= Xn j=1

tj,jtj,jαjαj+ Xn j=1

X

k,ℓ≥j (k,ℓ)6=(j,j)

ηk+ℓ2jtj,ktj,ℓαkα

ρ(A)2kxk2+ max

k=1,...,n|αk|2 Xn j=1

X

k,ℓj (k,ℓ)6=(j,j)

ηk+ℓ2jtj,ktj,ℓ.

Commeη∈[0,1]etk+−2j≥1dans la dernière sommation, on a Xn

j=1

X

k,ℓ≥j (k,ℓ)6=(j,j)

ηk+ℓ2jtj,ktj,ℓηCTn3,

CT= max

j,k,ℓ=1,...,n|tj,k||tj,l|ne dépend que de la matriceT, qui elle même ne dépend que deA. Comme

k=1,...,nmax |αk|2≤ X

k=1,...,n

|αk|2=kxk2, on a donc, pour toutxdansCln,x6= 0,

kAxk2

kxk2ρ(A)2+ηCTn3. On en déduit quekAk2ρ(A)2+ηCTn3et donc

kAk ≤ρ(A) 1 +ηCTn3 ρ(A)2 12

ρ(A)(1 +ηCTn3 ρ(A)2 ).

D’où le résultat, en prenantk · kA,ε=k · ketηtel queη= min 1,ρ(A)ε

CTn3

.

Corollaire 1.33(Convergence et rayon spectral). SoitA∈Mn(IR). Alors : ρ(A)<1si et seulement siAk→0quandk→ ∞.

DÉMONSTRATION– Siρ(A)<1, grâce au résultat d’approximation du rayon spectral de la proposition précédente, il existeε >0tel queρ(A)<1−2εet une norme induitek.kA,εtels quekAkA,ε=µρ(A) +ε= 1−ε <1.Comme k.kA,εest une norme matricielle, on akAkkA,εµk→0lorsquek→ ∞. Comme l’espaceMn(IR)est de dimension finie, toutes les normes sont équivalentes, et on a donckAkk →0lorsquek→ ∞.

(5)

Montrons maintenant la réciproque : supposons queAk→0lorsquek → ∞, et montrons queρ(A)<1. Soientλune valeur propre deAetxun vecteur propre associé. AlorsAkx=λkx, et siAk→0, alorsAkx→0, et doncλkx→0, ce qui n’est possible que si|λ|<1.

Remarque 1.34(Convergence des suites). Une conséquence immédiate du corollaire précédent est que la suite (x(k))k∈INdéfinie parx(k+1) = Ax(k)converge vers0(le vecteur nul) pour toutx(0)donné si et seulement si ρ(A)<1.

Proposition 1.35(Convergence et rayon spectral). On munitMn(IR)d’une norme, notéek · k. SoitA∈Mn(IR).

Alors

ρ(A) = lim

k→∞kAkkk1. (1.61)

DÉMONSTRATION– La démonstration se fait par des arguments d’homogénéité, en trois étapes. Rappelons tout d’abord que

lim sup

k→+∞uk= lim

k+sup

n≥k

un, lim inf

k→+∞uk= lim

k→+∞inf

nkun,

et que silim supk→+∞uk≤lim infk→+∞uk, alors la suite(uk)k∈INconverge verslimk→+∞uk= lim infk→+∞uk= lim supk+uk.

Etape 1.On montre que

ρ(A)<1⇒lim sup

k→∞ kAkk1k ≤1. (1.62)

En effet, si iρ(A)<1, d’après le corollaire 1.33 on a :kAkk →0donc il existeK∈INtel que pourkK,kAkk<1.

On en déduit que pourkK,kAkk1/k<1, et donc en passant à la limite sup surk, on obtient bien que lim sup

k→+∞kAkkk1 ≤1.

Etape 2. On montre maintenant que

lim inf

k→∞ kAkk1k <1⇒ρ(A)<1. (1.63)

Pour démontrer cette assertion, rappelons que pour toute suite(uk)k∈IN d’éléments deIR ou IRn, la limite inférieure lim infk+ukest une valeur d’adhérence de la suite(uk)kIN, donc qu’il existe une suite extraite(ukn)nINtelle que ukn→lim infk→+∞uklorsquen→+∞. Orlim infk→+∞kAkk1/k<1; donc il existe une sous-suite(kn)n∈IN⊂IN telle quekAknk1/knℓ <1lorsquen→+∞. Soitη∈]l,1[il existe doncn0tel que pournn0,kAknk1/knη.

On en déduit que pournn0,kAknk ≤ηkn, et donc queAkn→0lorsquen→+∞.Soientλune valeur propre deA etxun vecteur propre associé, on a :Aknx=λknx; on en déduit que|λ|<1,et donc queρ(A)<1.

Etape 3. On montre queρ(A) = limk→∞kAkkk1.

Soitα∈IR+tel queρ(A)< α. Alorsρ(α1A)<1, et donc grâce à (1.62), lim sup

k→+∞kAkkk1 < α,α > ρ(A).

En faisant tendreαversρ(A), on obtient donc : lim sup

k→+∞kAkk1kρ(A). (1.64)

Soit maintenantβ∈IR+tel quelim infk→+∞kAkk1k < β. On a alorslim infk→+∞k(β1A)kk1k <1et donc en vertu de (1.63),ρ(β1A)<1, doncρ(A)< βpour toutβ∈IR+tel quelim infk→+∞kAkk1k < β. En faisant tendreβvers lim infk+kAkkk1, on obtient donc

ρ(A)≤lim inf

k+kAkk1k. (1.65)

De (1.64) et (1.65), on déduit que lim sup

k→+∞kAkkk1 = lim inf

k→+∞kAkkk1 = lim

k→+∞kAkk1k =ρ(A). (1.66)

(6)

Un corollaire important de la proposition 1.35 est le suivant.

Corollaire 1.36(Comparaison rayon spectral et norme). On munitMn(IR)d’une norme matricielle, notéek · k. SoitA∈Mn(IR). Alors :

ρ(A)≤ kAk.

Par conséquent, siM ∈ Mn(IR)etx(0) ∈ IRn, pour montrer que la suitex(k)définie par x(k) = Mkx(0) converge vers0dansIRn, il suffit de trouver une norme matriciellek · ktelle quekMk<1.

DÉMONSTRATION– Sik.kest une norme matricielle, alorskAkk ≤ kAkket donc par la caractérisation (1.61) du rayon spectral donnée dans la proposition précédente, on obtient queρ(A)≤ kAk.

Ce dernier résultat est évidemment bien utile pour montrer la convergence de la suiteAk, ou de suites de la forme Akx(0)avecx(0)∈IRn.Une fois qu’on a trouvé une norme matricielle pour laquelleAest de norme strictement inférieure à 1, on a gagné. Attention cependant au piège suivant : pour toute matriceA, on peut toujours trouver une norme pour laquellekAk<1, alors que la série de terme généralAkpeut ne pas être convergente.

Prenons un exemple dansIR,kxk = 14|x|. Pourx= 2on akxk = 12 <1.Et pourtant la série de terme général xk n’est pas convergente ; le problème ici est que la norme choisie n’est pas une norme matricielle (on n’a pas kxyk ≤ kxkkyk).

De même, on peut trouver une matrice et une norme telles quekAk ≥ 1, alors que la série de terme généralAk converge...

Nous donnons maintenant un théorème qui nous sera utile dans l’étude du conditionnement, ainsi que plus tard dans l’étude des méthodes itératives.

Théorème 1.37(Matrices de la formeId+A).

1. Soit une norme matricielle induite,Idla matrice identité deMn(IR)etA ∈ Mn(IR)telle quekAk <1.

Alors la matriceId+Aest inversible et

k(Id+A)−1k ≤ 1 1− kAk.

2. Si une matrice de la formeId+A∈Mn(IR)est singulière, alorskAk ≥ 1pour toute norme matricielle k · k.

DÉMONSTRATION

1. La démonstration du point 1 fait l’objet de l’exercice 38 page 76.

2. Si la matriceId+A∈Mn(IR)est singulière, alorsλ=−1est valeur propre, et doncρ(A)≥1. En utilisant le corollaire 1.36, on obtient quekAk ≥ρ(A)≥1.

1.4.2 Le problème des erreurs d’arrondis

SoientA ∈Mn(IR)inversible etb∈IRn; supposons que les donnéesAetbne soient connues qu’à une erreur près. Ceci est souvent le cas dans les applications pratiques. Considérons par exemple le problème de la conduction thermique dans une tige métallique de longueur 1, modélisée par l’intervalle[0,1]. Supposons que la température ude la tige soit imposée aux extrémités, u(0) = u0 et u(1) = u1. On suppose que la température dans la tige satisfait à l’équation de conduction de la chaleur, qui s’écrit (k(x)u(x)) = 0, oùk est la conductivité thermique. Cette équation différentielle du second ordre peut se discrétiser par exemple par différences finies (on

(7)

verra une description de la méthode page 11), et donne lieu à un système linéaire de matriceA. Si la conductivité kn’est connue qu’avec une certaine précision, alors la matriceAsera également connue à une erreur près, notée δA. On aimerait que l’erreur commise sur les données du modèle (ici la conductivité thermiquek) n’ait pas une conséquence trop grave sur le calcul de la solution du modèle (ici la températureu). Si par exemple1%d’erreur surkentraîne100%d’erreur suru, le modèle ne sera pas d’une utilité redoutable. . .

L’objectif est donc d’estimer les erreurs commises surxsolution de (1.1) à partir des erreurs commises surbetA.

Notonsδb∈IRnl’erreur commise surbetδA∈Mn(IR)l’erreur commise surA. On cherche alors à évaluerδx

x+δxest solution (si elle existe) du système : x+δx∈IRn

(A+δA)(x+δx) =b+δb. (1.67)

On va montrer que siδA“n’est pas trop grand”, alors la matriceA+δAest inversible, et qu’on peut estimerδxen fonction deδAetδb.

1.4.3 Conditionnement et majoration de l’erreur d’arrondi

Définition 1.38(Conditionnement). SoitIRnmuni d’une normek · ketMn(IR)muni de la norme induite. Soit A∈Mn(IR)une matrice inversible. On appelle conditionnement deApar rapport à la normek · kle nombre réel positifcond(A)défini par :

cond(A) =kAk kA−1k.

Proposition 1.39(Propriétés générales du conditionnement). SoitIRnmuni d’une normek · ketMn(IR)muni de la norme induite.

1. SoitA∈Mn(IR)une matrice inversible, alorscond(A)≥1.

2. SoitA∈Mn(IR)une matrice inversible etα∈IR, alorscond(αA) = cond(A).

3. SoientAetB ∈Mn(IR)des matrices inversibles, alorscond(AB)≤cond(A)cond(B).

DÉMONSTRATION– 1. Commek · kest une norme induite, c’est donc une norme matricielle. On a donc pour toute matriceA∈Mn(IR),

kIdk ≤ kAk kA−1k ce qui prouve quecond(A)≥1.

2. Par définition,

cond(αA) = kαAk k(αA)1k

= |α| kAk 1

|α|kA−1k= cond(A)

3. SoientAetBdes matrices inversibles, alorsABest une matrice inversible et commek · kest une norme matricielle, cond(AB) = kABk k(AB)−1k

= kABk kB−1A−1k

≤ kAk kBk kB−1k kA−1k. Donccond(AB)≤cond(A)cond(B).

Proposition 1.40(Caractérisation du conditionnement pour la norme 2). SoitIRnmuni de la norme euclidienne k · k2 et Mn(IR)muni de la norme induite. Soit A ∈ Mn(IR)une matrice inversible. On note cond2(A) le conditionnement associé à la norme induite par la norme euclidienne surIRn.

(8)

1. SoitA ∈Mn(IR)une matrice inversible. On noteσn[resp.σ1] la plus grande [resp. petite] valeur propre de AtA(noter queAtAest une matrice symétrique définie positive). Alors

cond2(A) =rσn

σ1. 2. Si de plusAune matrice symétrique définie positive, alors

cond2(A) =λn

λ1,λn[resp.λ1] est la plus grande [resp. petite] valeur propre deA.

DÉMONSTRATION– On rappelle que siAa comme valeurs propresλ1, . . . , λn, alorsA−1 a comme valeurs propres λ−11 , . . . , λn1etAta comme valeurs propresλ1, . . . , λn.

1. Par définition, on acond2(A) =kAk2kA1k2. Or par le point 3. de la proposition 1.30 quekAk2 = (ρ(AtA))1/2 =

σn. On a donc

kA1k2 = (ρ((A1)tA1))1/2= ρ(AAt)1)1/2

;orρ((AAt)1) = 1σ˜1,

σ˜1est la plus petite valeur propre de la matriceAAt. Mais les valeurs propres deAAtsont les valeurs propres deAtA: en effet, siλest valeur propre deAAtassociée au vecteur proprexalorsλest valeur propre deAAtassociée au vecteur propreAtx. On a donc

cond2(A) =r σn

σ1.

2. SiAest s.d.p., alorsAtA=A2etσi=λ2iλiest valeur propre de la matriceA. On a dans ce cascond2(A) = λn

λ1. Les propriétés suivantes sont moins fondamentales, mais cependant intéressantes !

Proposition 1.41(Propriétés du conditionnement pour la norme 2). SoitIRnmuni de la norme euclidiennek·k2et Mn(IR)muni de la norme induite. SoitA∈Mn(IR)une matrice inversible. On notecond2(A)le conditionnement associé à la norme induite par la norme euclidienne surIRn.

1. SoitA∈Mn(IR)une matrice inversible. Alorscond2(A) = 1si et seulement siA=αQα∈IRetQest une matrice orthogonale (c’est-à-direQt=Q−1).

2. SoitA∈ Mn(IR)une matrice inversible. On suppose queA=QRQest une matrice orthogonale. Alors cond2(A) = cond2(R).

3. SiAetBsont deux matrices symétriques définies positives, alors

cond2(A+B)≤max(cond2(A),cond2(B)).

La démonstration de la proposition 1.41 fait l’objet de l’exercice 42 page 77.

On va maintenant majorer l’erreur relative commise surxsolution deAx=blorsque l’on commet une erreurδb

sur le second membreb.

Proposition 1.42(Majoration de l’erreur relative pour une erreur sur le second membre). SoitA∈Mn(IR)une matrice inversible, etb ∈ IRn,b 6= 0. On munitIRn d’une normek · ketMn(IR)de la norme induite. Soit δb∈IRn. Sixest solution de(1.1)etx+δxest solution de

A(x+δx) =b+δb, (1.68)

(9)

alors

kδxk

kxk ≤cond(A)kδbk

kbk (1.69)

DÉMONSTRATION– En retranchant (1.1) à (1.68), on obtient : x=δb

et donc

kδxk ≤ kA−1kkδbk. (1.70)

Cette première estimation n’est pas satisfaisante car elle porte sur l’erreur globale ; or la notion intéressante est celle d’erreur relative. On obtient l’estimation sur l’erreur relative en remarquant queb=Ax, ce qui entraîne quekbk ≤ kAkkxk. On en déduit que

1

kxk ≤kAk kbk.

En multipliant membre à membre cette dernière inégalité et (1.70), on obtient le résultat souhaité.

Remarquons que l’estimation (1.69) est optimale. En effet, on va démontrer qu’on peut avoir égalité dans (1.69).

Pour cela, il faut choisir convenablementbetδb. On sait déjà que sixest solution de (1.1) etx+δxest solution de (1.67), alors

δx=A−1δb, et donckδxk=kA−1δbk. Soitx∈IRntel quekxk= 1etkAxk=kAk. Notons qu’un telxexiste parce que

kAk= sup{kAxk;kxk= 1}= max{kAxk;kxk= 1} (voir proposition 1.28 page 64). On a donc

kδxk

kxk =kA−1δbk kAk kAxk. Posonsb=Ax; on a donckbk=kAk, et donc

xk

kxk =kA−1δbkkAk kbk.

De même, grâce à la proposition 1.28, il existey∈IRntel quekyk= 1, etkA−1yk=kA−1k. On choisit alors δbtel queδb=y. CommeA(x+δx) =b+δb, on aδx=A−1δbet donc :

kδxk=kA−1δbk=kA−1yk=kA−1k=kδbk kA−1k. On en déduit que

kδxk

kxk =kδxk=kδbk kA−1k kAk

kbk carkbk=kAketkxk= 1.

Par ce choix debetδbon a bien égalité dans (1.69) qui est donc optimale.

Majorons maintenant l’erreur relative commise surxsolution deAx=blorsque l’on commet une erreurδAsur la matriceA.

(10)

Proposition 1.43(Majoration de l’erreur relative pour une erreur sur la matrice). SoitA∈Mn(IR)une matrice inversible, etb∈IRn,b6= 0. On munitIRnd’une normek · k, etMn(IR)de la norme induite. SoitδA∈IRn; on suppose queA+δAest une matrice inversible. Sixest solution de(1.1)etx+δxest solution de

(A+δA)(x+δx) =b (1.71)

alors

kδxk

kx+δxk ≤cond(A)kδAk

kAk (1.72)

DÉMONSTRATION– En retranchant (1.1) à (1.71), on obtient : x=−δA(x+δx) et donc

δx=−A−1δA(x+δx).

On en déduit quekδxk ≤ kA−1kkδAkkx+δxk,d’où on déduit le résultat souhaité.

On peut en fait majorer l’erreur relative dans le cas où l’on commet à la fois une erreur surAet une erreur surb.

On donne le théorème à cet effet ; la démonstration est toutefois nettement plus compliquée.

Théorème 1.44(Majoration de l’erreur relative pour une erreur sur matrice et second membre). SoitA∈Mn(IR) une matrice inversible, etb∈IRn,b6=0. On munitIRnd’une normek · k, etMn(IR)de la norme induite. Soient δA ∈Mn(IR)etδb∈IRn. On suppose quekδAk< 1

kA−1k. Alors la matrice(A+δA)est inversible et sixest solution de(1.1)etx+δxest solution de(1.67), alors

kδxk

kxk ≤ cond(A) 1− kA−1k kδAk

δbk

kbk +kδAk kAk

. (1.73)

DÉMONSTRATION– On peut écrireA+δA=A(Id +B)avecB =A1δA. Or le rayon spectral deB,ρ(B), vérifie ρ(B)≤ kBk ≤ kδAk kA−1k<1, et donc (voir le théorème 1.37 page 69 et l’exercice 38 page 76)(Id+B)est inversible et(Id +B)1=X

n=0

(−1)nBn.On a aussik(Id +B)1k ≤ X n=0

kBkn= 1

1− kBk ≤ 1

1− kA1k kδAk.On en déduit queA+δAest inversible, carA+δA=A(Id+B)et commeAest inversible,(A+δA)1= (Id +B)1A1. CommeAetA+δAsont inversibles, il existe un uniquex∈IRntel queAx=bet il existe un uniqueδx∈IRntel que (A+δA)(x+δx) =b+δb. CommeAx=b, on a(A+δAx+δAx=δbet doncδx= (A+δA)−1δbδAx). Or (A+δA)−1= (Id+B)−1A−1, on en déduit :

k(A+δA)−1k ≤ k(Id +B)−1k kA−1k

≤ kA−1k 1− kA−1k kδAk. On peut donc écrire la majoration suivante :

kδxk

kxk ≤ kA−1k kAk 1− kA1k kδAk

kδbk

kAk kxk+kδAk kAk

. En utilisant le fait queb=Axet que par suitekbk ≤ kAk kxk, on obtient :

kδxk

kxk ≤ kA−1k kAk 1− kA−1k kδAk

kδbk kbk +kδAk

kAk

, ce qui termine la démonstration.

(11)

1.4.4 Discrétisation d’équations différentielles, conditionnement “efficace”

On suppose encore ici queδA = 0. On suppose que la matriceAdu système linéaire à résoudre provient de la discrétisation par différences finies du problème de la chaleur unidimensionnel (1.5a). On peut alors montrer (voir exercice 49 page 79) que le conditionnement deAest d’ordren2, oùnest le nombre de points de discrétisation.

Pourn= 10, on a donccond(A)≃100et l’estimation (1.69) donne : kδxk

kxk ≤100 kδbk kbk .

Une erreur de1%surbpeut donc entraîner une erreur de100%surx. Autant dire que dans ce cas, il est inutile de rechercher la solution de l’équation discrétisée. . . Heureusement, on peut montrer que l’estimation (1.69) n’est pas significative pour l’étude de la propagation des erreurs lors de la résolution des systèmes linéraires provenant de la discrétisation d’une équation différentielle ou d’une équation aux dérivées partielles7. Pour illustrer notre propos, reprenons l’étude du système linéaire obtenu à partir de la discrétisation de l’équation de la chaleur (1.5a) qu’on écrit :Au=bavecb= (b1, . . . , bn)etAla matrice carrée d’ordrende coefficients(ai,j)i,j=1,n définis par (1.10). On rappelle queAest symétrique définie positive (voir exercice 12 page 20), et que

i=1...nmax{|uiu(xi)|} ≤ h2

96ku(4)k.

En effet, si on noteule vecteur deIRnde composantesu(xi),i= 1, . . . , n, etRle vecteur deIRnde composantes Ri,i= 1, . . . , n, on a par définition deR(formule (1.7))A(uu) =R, et donckuuk≤ kA−1kkRk. Or on peut montrer (voir exercice 49 page 79) quecond(A) ≃ n2. Donc si on augmente le nombre de points, le conditionnement deAaugmente aussi. Par exemple si n = 104, alorskδxk/kxk = 108kδbk/kbk. Or sur un ordinateur en simple précision, on akδbk/kbk ≥10−7, donc l’estimation (1.69) donne une estimation de l’erreur relativekδxk/kxkde1000%, ce qui laisse à désirer pour un calcul qu’on espère précis.

En fait, l’estimation (1.69) ne sert à rien pour ce genre de problème, il faut faire une analyse un peu plus poussée, comme c’est fait dans l’exercice 51 page 79. On se rend compte alors que pourf donnée il existeC ∈ IR+ne dépendant que def (mais pas den) tel que

kδuk

kuk ≤Ckδbk

kbk avecb=

 f(x1)

... f(xn)

. (1.74)

L’estimation (1.74) est évidemment bien meilleure que l’estimation (1.69) puisqu’elle montre que l’erreur relative commise suruest du même ordre que celle commise surb. En particulier, elle n’augmente pas avec le nombre de points de discrétisation. En conclusion, l’estimation (1.69) est peut-être optimale dans le cas d’une matrice quelconque, (on a montré ci-dessus qu’il peut y avoir égalité dans (1.69)) mais elle n’est pas toujours significative pour l’étude des systèmes linéaires issus de la discrétisation des équations aux dérivées partielles.

7. On appelle équation aux dérivées partielles une équation qui fait intervenir les dérivées partielles de la fonction inconnue, par exemple

2u

∂x2+∂y2u2 = 0, oùuest une fonction deIR2dansIR

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