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Oncologie : Article pp.54-56 du Vol.7 n°1 (2013)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE DOSSIER

Quand la reprise professionnelle révèle le patient à lui-même

When the return to work reveals a lot to the patient about himself

A. Eberl-Marty

Reçu le 7 janvier 2013 ; accepté le 20 janvier 2013

© Springer-Verlag France 2013

RésuméDans le cadre de notre activité en psycho-oncologie au sein d’un hôpital général, nous avons observé une aug- mentation des demandes de suivi après les traitements de cancer. La plupart de ces demandes ont émergé au moment de la reprise professionnelle des patients. De plus, il s’agit fréquemment de patients n’ayant pas fait de demande de suivi durant les traitements, malgré le passage régulier de la psychologue. Dans ce cadre, nous nous sommes interro- gés sur les processus et mécanismes mis en place au moment de la reprise professionnelle après un cancer, sur les carac- téristiques des patients qui demandent un soutien après les traitements et la raison pour laquelle cette étape engendre des demandes de suivi posttraitements. Afin d’appréhender au mieux les facteurs déterminant une demande de suivi posttraitement et les processus psychologiques en jeu lors de la reprise professionnelle, nous ferons l’analyse de trois cas cliniques aux caractéristiques communes : 1) ils sont tous en rémission après leur traitement ; 2) les patients ont tous demandé un suivi plusieurs mois après l’arrêt des traite- ments ; 3) ils vont ou ont repris depuis peu une activité pro- fessionnelle. La maladie et les traitements n’ont pas entraîné de handicap moteur. Ils étaient tous désireux de reprendre leur activité professionnelle. L’analyse de ces situations cli- niques a permis de mettre en exergue quelques éléments sail- lants : 1) il s’avère que chaque patient semble avoir déve- loppé uncopingcentré sur la recherche de soutien social. Ce dernier a été perçu comme efficace ; 2) durant les traite- ments, les sujets semblent avoir immédiatement mobilisé leurs ressources, sans élaboration psychique préalable cons- tatée ; 3) le domaine professionnel semble être le déclen- cheur d’angoisses révélant parfois des problématiques plus complexes ; 4) les patients se sont fortement mobilisés psy- chiquement durant les traitements ; 5) deux d’entre eux ont tenté de continuer à travailler durant les traitements ; 6) les patients ne semblent pas faire de liens entre leurs difficultés actuelles et l’événement maladie. Ces éléments portent à

penser que : 1) la reprise professionnelle est peut-être l’élé- ment déclencheur d’une prise de conscience d’un change- ment qui a été dénié jusque-là. En effet, il s’avère que les patients n’aient pas pris conscience des répercussions psy- chiques de la maladie et des traitements. Certains manifeste- ront même un refus de voir dans leur questionnement actuel une conséquence des bouleversements psychiques dus à la maladie ; 2) il est possible qu’il soit plus difficile de remo- biliser les ressources psychologiques nécessaires pour s’adapter à ce nouveau changement, au moment où le sou- tien social se fait moins dense notamment.

Mots clésCancer · Fin traitements · Reprise professionnelle · Bouleversements psychiques

AbstractWithin the scope of our psycho-oncology activity in a general hospital environment, we have observed an increase in requests for appointments after treatment for can- cer. The majority of these requests have come at a time when the patient has decided to return to work. Moreover, they are frequently from patients who have not requested appoint- ments during treatment, despite the regular opportunities available with the psychologist. Within this context, we have raised questions about the process and mechanisms in place at the time of returning to work after cancer, about the cha- racteristics of patients who request support after treatment and the reasons behind why this step leads to requests for post-treatment appointments. In order to better understand the factors determining a request for post-treatment appoint- ments and the psychological processes in play when retur- ning to work, we will analyse three clinical cases with common characteristics: 1) all of them are in remission fol- lowing their treatment; 2) all of the patients requested an appointment several months after stopping treatment; 3) they are going to or have just resumed some professional activity.

The disease and the treatments did not lead to any motor function disabilities. They all wanted to resume their profes- sional activities. Analysis of these clinical circumstances helped to highlight some salient points: 1) it would appear that each patient seemed to have developed a coping

A. Eberl-Marty (*)

CHIC de Castres-Mazamet, F-81100, France e-mail : a-eberlmarty@chic-cm.fr

Psycho-Oncol. (2013) 7:54-56 DOI 10.1007/s11839-013-0405-7

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-pson.revuesonline.com

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mechanism focused on support from their social network.

This has been perceived as being effective; 2) during treat- ment, patients seemed to have immediately called upon the help from their resources, without previously noted psycho- logical development; 3) the professional domain seems to be the trigger for anxiety, often revealing more complex under- lying issues; 4) the patients were highly psychologically aware during treatment; 5) two of them tried to continue working while undergoing treatment; 6) the patients did not seem to make links between their current difficulties and the disease event. These elements lead us to think that:

1) the return to work is possibly a trigger in raising aware- ness of a change that has been ignored up to this point.

Indeed, it would appear that patients were not aware of the psychological repercussions of the disease and its treat- ments. Some will even indicate in the current questioning a refusal to see a consequence to the psychological upheaval due to the disease; 2) it is possible that it is more difficult to call upon the help of the psychological resources necessary to adapt to this new change, at a time when support form social networks is at its minimum, in particular.

KeywordsCancer · Treatment end · Return to work · Psychological upheaval

Depuis plusieurs années, les patients atteints d’un cancer survivent de plus en plus à leur maladie. En corollaire, les patients appartenant à la population active sont en majorité amenés à reprendre une activité professionnelle après la fin des traitements [1].

Les deux derniers Plans cancer ont insisté sur l’importance d’un accompagnement social du retour au travail pour ces anciens patients, en lien avec une réalité souvent difficile [1].

Dans le cadre d’une pratique en psycho-oncologie, force est de constater que les demandes de suivi après les traite- ments coïncident fréquemment avec la reprise profession- nelle. Ce fait nous invite à nous interroger sur les processus psychologiques en cours et sur le rôle du psychologue dans l’accompagnement de cette transition fortement symbolique pour les patients. Parmi ces derniers, nous avons remarqué que certains d’entre eux qui venaient pour troubles anxieux apparus après la fin des traitements avaient auparavant décliné toute offre de suivi, du fait d’un soutien social perçu comme très efficace. Ce fait nous a amené à nous interroger sur la nature des processus mis en place lors de la reprise professionnelle et sur l’influence de cette dernière dans l’émergence d’un besoin de soutien chez ces patients.

Afin d’illustrer notre propos, nous allons nous appuyer sur l’analyse de trois cas cliniques, pour ensuite proposer quelques hypothèses sur les mécanismes en jeu, avant de conclure sur l’accompagnement des patients après les traitements.

Mme D. a 28 ans, mariée et mère d’un enfant. Traitée pour un cancer du sein, l’entourage s’est fortement mobilisé autour d’elle. Elle maintiendra son activité de secrétariat pendant une grande partie des traitements.

Six mois après la fin des traitements, elle est adressée à la psychologue pour angoisses nocturnes importantes quelques semaines avant sa nouvelle prise de fonction.

Mme D. aborde spontanément sa difficulté à envisager de parler de son passé à son futur employeur, prenant soudai- nement conscience de son statut d’« ancienne malade ».

Cette réalité n’avait pas encore été perçue, du fait d’un entourage très présent. Informer l’autre signifie pour elle de mettre des mots sur un parcours et un vécu, mais aussi d’être confrontée aux représentations sociales qui entourent sa maladie.

Mme G., 47 ans, est agent administratif, célibataire et sans enfant. Traitée pour un cancer du sein, elle minimise d’em- blée tous les effets secondaires avec l’aide d’un entourage très réactif et aidant. Quelques mois après la reprise profes- sionnelle, elle se plaint d’un manque de concentration important. Apprendre qu’il est fort probable que les traite- ments soient responsables de ces troubles lui fait soudaine- ment réaliser la nature durable des effets secondaires…et de la toxicité des traitements reçus. Elle abordera ensuite son sentiment de décalage vis-à-vis de ses collègues, se sentant totalement étrangère à leur agitation. Toutefois, elle se sent très irritable, surtout lorsqu’elle est perturbée dans sa tâche, lui renvoyant une image paradoxale et négative d’elle- même. Enfin, elle abordera la promotion d’un collègue à un poste qu’elle convoitait avant la maladie.

La réalité de sa reprise professionnelle l’oblige à s’inter- roger sur la valeur qu’elle accorde à son travail, l’amenant à finalement réaménager son temps d’activité. Peu à peu, elle prendra conscience que la vie de son entreprise et de son service a continué sans elle, lui rappelant son statut « d’inac- tive », alors même qu’elle l’avait toujours refusé.

M. R., 48 ans, proviseur, est marié et a deux enfants. Il a été traité pour un lymphome, et son entourage proche l’a beaucoup soutenu. Réduisant son activité professionnelle de moitié, ce sera encore le cas lorsqu’il rencontre la psycho- logue pour troubles anxieux, trois mois après la fin de ses traitements.

Il parle spontanément d’une anxiété qui apparaît lors de situations complexes concernant ses élèves. Il se sent plus en difficulté et irritable face aux contraintes inhérentes à son métier et avec lesquelles il était pourtant habitué à travailler.

Cette sensibilité le surprend énormément. Cependant, il ne fera aucun lien avec la maladie ou ses traitements puisque, dira-t-il, « tout s’est très bien passé ».

Il semblerait que le ralentissement de son rythme de vie ne lui permet plus d’occulter toutes les implications person- nelles et émotionnelles de son métier, générant une angoisse importante et révélant le trait hyperactif de sa personnalité.

Psycho-Oncol. (2013) 7:54-56 55

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En effet, percevant une fragilité qu’il ne se connaissait pas, M. R. admet redouter la prochaine rentrée scolaire et sa reprise à temps complet, mais ne fera aucun lien avec l’événement « maladie ».

L’étude de ces trois vignettes cliniques permet de mettre en exergue des éléments importants.

Les patients ont mis en place un coping centré sur la recherche de soutien social. Perçu comme efficace, il révèle une anticipation des effets secondaires des traitements.

L’événement « maladie » a ainsi été anticipé. Ces patients parleront très peu de l’annonce du diagnostic. Nous pouvons supposer qu’ils ont immédiatement mobilisé leurs ressour- ces, sans élaboration psychique préalable. Le maintien de l’activité professionnelle semble avoir permis à deux d’entre eux de préserver une identité, de maintenir un sentiment de continuité protecteur face aux bouleversements induits par la maladie et ses traitements. Enfin, ils ne font pas spontané- ment de lien entre les troubles anxieux et la maladie. Très conscients des stratégies mises en place durant leurs traite- ments, ils semblent se sentir protégés des éventuelles réper- cussions psychologiques.

Il est possible de proposer quelques hypothèses sur l’apparition de ces demandes et des mécanismes mis en place par ces trois patients.

En premier lieu, ce nouveau changement semble faire résonance avec celui provoqué par l’annonce du diagnostic et vient interroger les patients sur leur vécu des derniers mois. La réalité d’un retour à une vie « normale » les confronterait à la nécessité d’une élaboration psychique évi- tée jusque-là.

L’un d’entre eux ne fera pas de lien entre leur vécu et leur anxiété actuelle, révélateur d’une stratégie d’évitement pour le moment encore efficiente. Les deux autres parviendront à prendre en considération leurs changements psychiques actuels, leur permettant de s’inscrire de nouveau dans une dynamique professionnelle avec laquelle ils seront en accord et d’assumer leur propre évolution vis-à-vis d’eux-mêmes et des autres.

Nous constatons que lorsque le domaine professionnel est de nouveau abordé comme partie constituante de la vie de l’individu et non plus seulement comme élément stabilisa- teur de l’identité d’un patient, les moyens psychiques font défaut. La mobilisation psychique ayant été immédiate et intense, il est possible que les ressources soient épuisées.

L’ultime adaptation serait ainsi beaucoup moins aisée, met- tant en évidence l’absence d’élaboration psychique.

De plus, lors de la reprise professionnelle, le réseau social s’est étiolé, voire a disparu. Cet entourage, qui a soutenu la stratégie de minimisation du patient, n’est plus là pour pallier l’absence de discours sur ce qu’est le retour au travail et ce qu’il signifie pour le sujet lui-même. Pour la première fois, il doit faire face seul à l’ultime étape de son parcours, mettant à nu sa solitude et ses défenses lacunaires.

Le retour au travail révèle ainsi au patient ce qu’il est en tant qu’individu imparfait et seul, contrairement à l’image qu’il avait pu construire de lui-même, en miroir d’un entou- rage exclusivement positif et encourageant.

Parce que la reprise professionnelle représente souvent pour le patient et son entourage la dernière étape d’un long parcours, que les liens entre l’individu et ses proches se modifient et qu’elle confronte le sujet à une réalité différente de ce qu’il avait sans doute projeté, les nombreux remanie- ments psychiques qui en découlent mériteraient d’être anti- cipés et parfois accompagnés par les psychologues travail- lant en oncologie.

Conflit d’intérêt :l’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Référence électronique

1. La situation du cancer en France en 2012. Boulogne-Billancourt, Collection état des lieux et des connaissances, ouvrage collectif édité par lINCa, décembre 2012. http://lesdonnees.e-cancer.fr/

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