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Ecologie et biologie de la conservation des métallophytes. Le cas de Crepidorhopalon perennis et C. tenuis (Scrophulariaceae) des sols cupro-cobaltifères du Katanga

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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1 Université Libre de Bruxelles

Faculté des Sciences

Ecole doctorale « Biodiversité, Ecologie, Evolution » Laboratoire d’Ecologie végétale et Biogéochimie

Thèse

Présentée pour l’obtention du grade de

Docteur en Sciences

Par Michel-Pierre Faucon

Ecologie et biologie de la conservation des métallophytes.

Le cas de Crepidorhopalon perennis et C. tenuis

(Scrophulariaceae) des sols cupro-cobaltifères du Katanga

Directeur de thèse : Pierre Meerts Codirecteur : Michel Ngongo Luhembwe

Remerciements

Défendue le 11 septembre 2009 devant le jury constitué de :

Farid Dahdouh-Guebas, Professeur, Université Libre de Bruxelles Président Olivier Hardy, Chargé de recherche FNRS, Université Libre de Bruxelles Secrétaire Jérôme Degreef, Chargé de recherche, Jardin Botanique National de Belgique Lecteur

Henri Morvan, Professeur, Université d’Artois Lecteur

Michel Ngongo Luhembwe, Professeur, Université de Lubumbashi Codirecteur

Pierre Meerts, Professeur, Université Libre de Bruxelles Directeur

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Avant propos

Actuellement, l’impact de l’appauvrissement de la diversité biologique sur l’équilibre de la planète n’est plus à démontrer. La gestion de la biodiversité est officiellement devenue une préoccupation collective et mondiale pour limiter cette érosion. Face à cette situation, de nombreux projets de conservation et de restauration de la biodiversité ont émergé conjointement à l’essor des sciences de la conservation. Néanmoins, la biodiversité de certaines régions du monde est peu gérée et peu étudiée, notamment les régions tropicales qui rassemblent plus de 90 % des espèces de la planète.

Les risques d’extinction sont plus importants chez les espèces inféodées à des conditions d’habitat très particulières, réalisées en peu d’endroits à la surface de la planète.

Les plantes à distribution écogéographique très étroite, liées à des conditions de sol très spécifiques, sont appelées endémiques édaphiques. Relativement peu d’espèces ont développé des phénomènes de tolérance à ces conditions environnementales extrêmes: les endémiques édaphiques. Parmi ces espèces, certaines tolèrent de très fortes teneurs en métaux dans le sol, elles sont appelées métallophytes absolues. Ces plantes, d’un grand intérêt scientifique, sont particulièrement vulnérables à l’extinction. En effet, elles se développent dans des milieux riches en ressources naturelles présentant un intérêt économique très élevé (métaux non ferreux). L’exploitation de ces ressources entraîne inévitablement une dégradation ou même une destruction totale de leurs habitats. Leur haut degré de spécialisation les rend pour la plupart inaptes à coloniser d’autres habitats. Malgré leur spécificité écologique, leur rareté et leur vulnérabilité, la biologie de la conservation de ces espèces est peu étudiée ; seule une dizaine d’études ont été publiées à ce jour.

Au Katanga en République Démocratique du Congo, plus d’une centaine d’affleurements de roches cupro-cobaltifères ou « collines de cuivre » uniques en leur genre à la surface de la terre, isolés géographiquement et écologiquement, portent une végétation très originale qui comprend plus de 600 espèces, dont 33 endémiques. En plus de leur intérêt scientifique fondamental, des points de vue biogéographique, physiologique et évolutif, ces plantes présentent des potentialités importantes d’un point de vue biotechnologique. En effet, leur aptitude à tolérer des concentrations élevées en cuivre et en cobalt leur confère un intérêt dans la « reverdurisation » des sols contaminés par ces métaux. En outre, certaines de ces espèces, dites hyperaccumulatrices de métaux, pourraient être utilisées pour épurer les sols contaminés. La flore des sites cupro-cobaltifères constitue donc pour la République Démocratique du Congo (RDC) un patrimoine génétique à conserver et à valoriser. Pourtant de nombreuses espèces sont menacées d’extinction par la destruction de leurs habitats provoquée par l’extraction de minerais. A ce jour, la végétation de plus d’une dizaine de collines a déjà été totalement détruite. La conservation et la restauration de la biodiversité des habitats métallifères du Katanga sont une priorité urgente pour assurer le maintien de la biodiversité de la province du Katanga.

Le présent travail porte sur la distribution, l’écologie, la biologie des populations et la conservation des métallophytes du Katanga, avec un intérêt particulier pour un couple d’espèces rares réputées hyperaccumulatrices de cuivre et de cobalt : Crepidorhopalon perennis et C. tenuis (Scrophulariaceae). Nos objectifs consistaient à mettre en évidence les particularités biologiques et écologiques de ces deux métallophytes du Katanga, à examiner la valeur conservatoire de leurs habitats, ensuite à évaluer l’impact de l’activité anthropique sur les populations et enfin à dégager une stratégie de conservation appropriée qui puisse être étendue aux autres cuprophytes du Katanga.

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Il nous a semblé utile de replacer d’abord le travail dans le contexte plus général de la conservation des espèces rares. A cette fin, une introduction relativement extensive vise à : i) présenter une synthèse des problématiques de recherche de la conservation de la biodiversité afin de situer l’étude dans son contexte,

ii) apprécier les caractéristiques adaptatives remarquables de la flore des sites métallifères, sa valeur biologique et sa diversité,

iii) exposer les connaissances disponibles sur les sites cuprifères du Katanga et de la flore qui les compose afin d’identifier l’originalité de ce modèle d’étude.

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Remerciements

"Au risque d’employer une métaphore un peu hasardeuse, une thèse m’apparaît comme un écosystème en soi, dont la dynamique d’idées change au cours des années, influencées par de nombreuses perturbations, parfois négatives quand elles sont trop intenses, mais aussi formatrices car même la plus faible des perturbations stimule la régénération d’idées. Elle est aussi très diversifiée en problématiques de recherche, en expériences, ce qui la rend forte face aux catastrophes. Avec le temps, même s’il faut y apporter de plus en plus d’énergie, la thèse devient de plus en plus stable jusqu’à un équilibre que je n’aurais jamais pensé atteindre lorsque j’ai commencé à coloniser mon sujet. Néanmoins, la thèse n’est pas uniquement le travail personnel du doctorant ; elle bénéficie des interactions établies avec les encadreurs, les collègues, les proches et les diverses rencontres imprévues… Ainsi je me dois et j’ai le plaisir de remercier…

…Pierre Meerts, pour avoir joué le rôle de symbionte pendant ces quatre années de thèse. Sa passion pour la botanique et l’écologie, son investissement et son enthousiasme pour les résultats de mes recherches et mes projets accomplis m’ont permis de réaliser cette thèse dans les meilleures conditions possibles

…Michel Ngongo Luhembwe, qui m’a accueilli à la Faculté des Sciences Agronomiques de Lubumbashi en m’offrant une niche vacante où j’ai trouvé mon optimum écologique. Sa sagesse, son expérience et ses relations m’ont apporté un soutien considérable pour la réalisation de cette thèse. En m’accordant sa confiance, j’ai pu m’intégrer au mieux au sein de l’Université de Lubumbashi et assurer les enseignements de deux cours.

…Grégory Mahy qui a joué le rôle de stimulateur en tant que copromoteur « officieux » de cette thèse. Sa réflexion, son énergie débordante, son ambition et sa soif de monter des projets m’ont permis de trouver en lui un collaborateur idéal

…Les doctorants du PIC : Mylor Shutcha, François Chipeng, François Munyemba, Michel Mpundu qui ont été des compagnons de route pendant toute cette thèse. « Aksanti sana »

…les partenaires du projet PIC : Nathalie Verbruggen, Marjolein Visser, Jean Lejoly, Jan Bogaert, Gilles Colinet, Grégory Mahy qui m’ont apporté leur soutien et leur collaboration

…l’ONG Biodiversité Au Katanga (BAK) pour avoir porté un intérêt à mon travail et avoir participé financièrement à nos projets

…les collègues, étudiants et personnels de la Faculté des Sciences Agronomiques de l’Université de Lubumbashi, le duo Papa Armand et Maman Solange qui ont pris soin de moi, accompagné, informé, conseillé... J’ai partagé avec vous des moments inoubliables : le bukari à la ferme Kasapa, les enseignements, les sorties sur le terrain, l’apprentissage de la conduite en moto…

…les institutions publiques congolaises (SESCAM, ANR, Division des Mines du Katanga, Police des mines) qui m’ont accordé l’autorisation d’accès aux sites miniers suite à quelques entretiens scéniques

…toutes les personnes que j’ai pu rencontrer au Katanga, qui m’ont accueilli chaleureusement chez eux ou qui m’ont dépanné lorsque je me trouvais dans des situations difficiles… les familles Shutcha, Ombaku, Mongoli, Panda, DeCallion

…Aricia, Arthur, Pacific, Ben, Eric, François qui ont réalisé sous mon encadrement leur mémoire de fin d’étude dont certains résultats ont contribué à l’avancée de cette présente thèse

… François Malaisse, Ingrid Parmentier, Fabienne Van Rossum dont leurs compétences et expériences ont été réellement bénéfiques pour la publication de certains articles et pour la réalisation de cette thèse

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…Henri Morvan pour sa patience et son soutien au cours de mes trois premières années d’étude universitaire. Sans son aide précieuse, je n’aurai jamais pu envisager de réaliser une thèse de doctorat

…Claude Lefebvre et Pierre Saumitou-Laprade pour m’avoir initié à la recherche, j’ai eu un réel plaisir d’effectuer mes premiers pas dans la recherche à vos côtés

…Thomas Drouet pour ses précieuses relectures et son soutien aux cours de cette thèse

…Papa Kisimba, le broussard invétéré, pour sa connaissance naturaliste très large du Katanga,

…L’ami Pietro Salis, pour son aide et ses compétences techniques qui m’ont permis de réaliser mon expérience en culture in vitro

…les membres du Laboratoire et amis du Jardin Botanique Jean Massart pour leur sympathie journalière et leur coup de main

…mes parents, pour leurs sacrifices, leur détermination à soutenir leurs enfants à réaliser des études supérieures et pour avoir été les premiers à susciter mon intérêt pour les sciences naturelles

…les personnes qui m’ont offert ma première flore et mes premiers livres de botanique, René, Mr Yvain…

…Ma famille et amis belges, congolais, français et pas de calaisiens qui m’ont apporté leur soutien moral

…Ma chère et tendre qui m’a en permanence soutenu au cours de cette dernière année de thèse.

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Sommaire

INTRODUCTION 1

1. UNE BIODIVERSITE PLANETAIRE EN DECLIN 1

1.1. Qu’est ce que la biodiversité ? 1

1.2. Erosion de la biodiversité 1

1.2.1. Les extinctions naturelles 1

1.2.2. Les principales crises d’extinctions 3

1.2.3. Extinctions d’origine anthropique 4

1.3. Conservation de la biodiversité 5

1.3.1. Pourquoi conserver la biodiversité 5

1.3.2. Bilan des actions menées 7

1.3.3. La biologie de la conservation 8

Etablissement des statuts de conservation IUCN 9

Notion de l’espèce dans la conservation 9

Ecogéographie et structure des populations 10

Dynamique démographique 11

Diversité génétique 12

Biologie de la reproduction 12

1.3.4. L’importance des endémiques dans la conservation 13

1.3.5. Méthodes de Conservation de la biodiversité 13

2. TRESOR MINERAL ET BIODIVERSITE VEGETALE 15

2.1. La flore des sites métallifères 15

2.1.1. Définitions 15

2.1.2. L’originalité botanique des sites métallifères 16

2.2. Tolérance aux métaux lourds des végétaux supérieurs 19

2.2.1. Définition 19

2.2.2. Les grandes stratégies de tolérance aux métaux 20

2.2.3. Tolérance au cuivre et au cobalt 22

2.3. Endémisme et richesse floristique des sites métallifères 25

2.3.1. Endémisme édaphique 25

2.3.2. Endémisme et biais taxonomique 30

2.3.3. Une biodiversité menacée 31

2.4. Particularités de la biologie de la conservation des métallophytes 32

3. LE MODELE D’ETUDE : L’ARC CUPRIFERE KATANGAIS 33

3.1. Climat et phytogéographie 35

3.2. Géologie et géomorphologie 35

3.3. Flore-Végétation-habitats 37

4. LE MODELE CREPIDORHOPALON : ECOLOGIE ET DISTRIBUTION DE C. perennis (P.A.

Duvigneaud) Eb. Fisch. et C. tenuis (S. Moore) Fischer 39

5. OBJECTIFS DE L’ETUDE 41

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CHAPITRE 1 : Hyperaccumulation ou accumulation du Cu et du Co ? 42 CHAPITRE 2 : Les facteurs édaphiques qui influencent l’absorption du Cu et du Co et la fitness de Crepidorhopalon perennis and C. tenuis (Scrophulariaceae) au SC Afrique 52 CHAPITRE 3 : Tolérance et accumulation du Cu chez deux cuprophytes des sols cuprifères du Sud de l’Afrique Centrale : Crepidorhopalon perennis et C. tenuis (Scrophulariaceae) 65 CHAPITRE 4 : Endémisme et valeur de conservation des cuprophytes du Katanga 83 CHAPITRE 5 : Certaines métallophytes rares bénéficient-elles des sols perturbés par l’activité minière ? Le cas

de Crepidorhopalon tenuis 110

CHAPITRE 6 : Conservation d’une cuprophyte en danger critique d’extinction : évaluation du risque d’hybridation de Crepidorhopalon perennis avec sa congénère C. tenuis 136

DISCUSSION GENERALE ET PERSPECTIVES 155

1. VALEUR DE CONSERVATION DES HABITATS CUPRIFERES DU KATANGA 156

2. VALEUR DE CONSERVATION DES METALLOPHYTES 160

3. MENACES 165

4. STRATEGIES DE CONSERVATION 166

BIBLIOGRAPHIE 171

GLOSSAIRE 189

RESUME 191

ANNEXE 1 : Brochure du jardin botanique expérimental de la Faculté des Sciences Agronomiques de l’Université de Lubumbashi

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Introduction

1. Une biodiversité planétaire en déclin

1.1. Qu’est ce que la biodiversité ?

Le terme biodiversité, introduit dans le milieu des années 80, englobe la diversité à tous les niveaux de l’organisation biologique : la diversité génétique, la diversité spécifique ou taxonomique et la diversité d’écosystèmes (Wilson 1992 ; Dobson 1995 ; Eldredge 1998 ; Gaston 2000). La diversité, « essence de la vie » (Frankel 1970) est, dans un contexte global, essentielle à la survie des espèces et à leurs adaptations spécifiques aux environnements. Elle joue un rôle fondamental dans les interactions biologiques, dans le fonctionnement des écosystèmes, les grands équilibres de la planète (climat, cycles biogéochimiques…).

L’appréhension de la diversité biologique fait appel à de nombreuses disciplines telles que l’écologie, la biologie évolutive, la géologie, la biogéographie, la biologie de la conservation, la génétique, la systématique, l’éthnobiologie... L’intérêt de ce concept tient notamment à son caractère mesurable au niveau de l’espèce du moins (nombres d’espèces sur une surface donnée, fréquence, abondance des espèces, densité d’individus…) (Purvis &

Hector 2000 ; Gaston 2000). La biodiversité est au centre de beaucoup de problématiques d’actualité en biologie des organismes : la relation entre la diversité taxonomique et le fonctionnement des écosystèmes, l’étude de sa distribution, sa relation avec la productivité des écosystèmes et des communautés, la relation entre la diversité génétique et la viabilité des populations.

1.2. Erosion de la biodiversité

1.2.1. Extinctions naturelles

Depuis l’apparition de la vie sur Terre, de nouvelles espèces naissent continuellement tandis que d’autres s’éteignent naturellement. Toute espèce a une durée de vie limitée qui a été estimée chez les espèces fossiles à 5-10 millions d’années (hors des périodes de crise d’extinction) (Eldredge 1998). Les espèces sont exposées naturellement à des menaces

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d’extinction aléatoires d’origine génétique, environnementale ou démographique, communément désignées « risques stochastiques d’extinction », en opposition aux menaces déterministes découlant en partie des activités humaines. Les facteurs d’extinction stochastiques sont imprévisibles et peuvent causer de grandes fluctuations de la taille des populations. Leur influence s’exerce davantage chez les populations à faible effectif; plus la population est petite, plus grande est la probabilité que ces événements mènent à l’extinction. Le premier effet stochastique concerne la démographie des petites populations, c’est-à-dire l’évolution et la composition de leurs effectifs. Les facteurs d’extinction stochastiques démographiques provoquent une variation aléatoire du nombre de naissances et de morts dans la population. A chaque génération, chaque individu possède une probabilité de survivre et de se reproduire. Lorsque la population présente un faible effectif, la probabilité que les individus meurent tous la même année n’est pas négligeable (Goodman 1987 ; Lande 1993 ; Holsinger 2000).

Le deuxième effet stochastique est d’ordre génétique. Chez une espèce diploïde à reproduction sexuée, les gamètes qui participent effectivement à une conjugaison représentent un échantillon aléatoire de la diversité génétique de la population. Par conséquent, il se peut que certains allèles ne soient pas transmis aux descendants et s’éteignent au sein de la population; d’autant plus si certains individus de la population ne se reproduisent pas. Ce phénomène qui est appelé « dérive génétique » induit une érosion de la diversité génétique de la population (Lande 1988 ; Frankham 2005). Dans une population modèle, de taille constante au cours du temps, le taux auquel la variabilité génétique est perdue est inversement proportionnel à la taille de cette population (Frankam 1996). Chez les populations présentant un faible effectif, la dérive génétique aboutit donc à une baisse de la diversité génétique des populations affectant ainsi leur potentiel évolutif et adaptatif (Frankham & Kingslover 2004).

De plus, chez les espèces présentant un système de reproduction autoincompatible, la dérive génétique peut induire une réduction de la diversité allélique au locus d’incompatibilité (Young et al. 2000). La réduction de la fréquence de pollen compatible limite la fécondation et réduit le potentiel reproducteur de la population (De Mauro et al. 1993).

A l’échelle du gène, la dérive génétique conduit à l'augmentation ou la diminution de la fréquence dans la population, de l'un de ses allèles qui peut correspondre exceptionnellement à une mutation délétère (Frankham 2005). Dans le cas d’une augmentation aléatoire de fréquence de l’allèle délétère, celui-ci peut se fixer dans la population et ainsi affecter la valeur sélective moyenne (Frankham 2005). Ce phénomène

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correspond au « fardeau génétique ». De même, la dépression de consanguinité qui est associée plus particulièrement à la nature du système de reproduction de l’espèce, peut affecter la valeur sélective moyenne de la population. L’autofécondation favorise l’accumulation et l’expression de mutations délétères (Charlesworth & Charlesworth 1987).

Elle augmente la fréquence d’homozygotes au sein d’une population favorisant l’expression d’allèles récessifs délétaires et diminuant ainsi la valeur sélective moyenne de la population (Frankham et al. 2002).

Un troisième effet est lié à la stochasticité environnementale. Les facteurs stochastiques environnementaux correspondent aux changements imprévisibles des facteurs abiotiques ou biotiques (densité des compétiteurs, parasites ou prédateurs) causant à leur tour des fluctuations aléatoires du taux de natalité et/ou de mortalité (Lande 1993 ; Foley 1994).

L’extinction d’une espèce peut engendrer la perte d’une autre espèce. Ce phénomène de coextinction est présent particulièrement dans le cas d’une coévolution entre deux espèces par exemple les associations symbiotiques, de parisitisme… (Pih Koh et al. 2004).

1.2.2. Principales « crises d’extinctions »

L’histoire de la vie sur Terre a été ponctuée par cinq crises majeures d’extinction. Entre 65 % et 85 % des espèces animales marines se sont éteintes à l’Ordovicien (500 millions d’années – Ma), au Dévonien (345 Ma), au Trias (180 Ma) et au Crétacé (65 Ma). Bien qu’elle ne soit pas la plus massive en nombre d’extinctions, cette dernière reste la plus connue. En effet, elle correspond à l’extinction des dinosaures, tant médiatisés. Quatre-vingt-quinze pour cent des espèces ont disparu au Permien (250 Ma) correspondant à la crise la plus catastrophique de tous les temps. Dans la mer, entre 85 et 96 % des espèces ont disparu (50 à 57 % des familles, 70 à 83% des genres); sur terre, on avançait jusqu’ici les chiffres de 70 à 77 % des familles de vertébrés terrestres comme n’étant plus représentées après la crise (Lethier 1998).

Ces extinctions sont dues à des changements climatiques globaux dont l’origine reste discutée: des événements volcaniques majeurs ou un impact météoritique ou voire à des changements climatiques rapides…

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4 1.2.3. Extinctions d’origine anthropique

Au cours des 65 derniers millions d’années, le taux d’extinction moyen a tourné autour d’une extinction par an pour un million d’espèces (Eldredge 1998). Aujourd’hui, le taux d’extinction observé serait 100 fois plus important et il continue d’augmenter (Dobson 1995 ; IUCN 2004). Ceci laisse penser que nous vivons une sixième crise d’extinction (Leakey &

Lewin 1995), d’autant plus que l’on sait que l’extinction d’une espèce peut en entraîner bien d’autres en cascade (Teyssèdre 2004). Selon l’UICN (2004), Union Internationale pour la Conservation de la Nature, plus de 7.000 espèces animales et 9000 espèces végétales sont menacées d'extinction, sans compter les espèces non décrites ou non encore évaluées. Quatre ans plus tard, une nouvelle évaluation de l’érosion de la biodiversité mondiale a été réalisée, elle indique qu’au moins 1141 espèces sur les 5487 mammifères de la planète sont menacées d’extinction. Au moins 76 mammifères se sont éteints depuis l’an 1500 (UICN 2008). De plus, le rapport du Millennium Ecosystem Assessment (2005), évoque la disparition de 12%

des oiseaux, 25% des mammifères et 32% des amphibiens d’ici à 2100. Et il ajoute que 20%

des récifs coralliens et 35% des superficies de mangroves ont récemment disparu. Selon une estimation d’extinction des espèces, les deux tiers de l’ensemble des espèces vivant sur Terre risquent de s’éteindre d’ici 100 ans simplement sous l’effet de la destruction de leurs habitats (Raven 2002). Si l’on ajoute les récents travaux concernant l’extinction possible de 15% à 37% des espèces de la planète d’ici 2050 sous l’effet du réchauffement climatique (Thomas et al. 2004), il est possible d’affirmer, même si ces études donnent encore lieu à des discussions, que l’on se trouve dans une période d’extinction massive.

Aux débuts de l’agriculture, la population humaine représentait 5 millions d’individus, de nos jours elle en compte 6 milliards 700 millions (http://www.populationmondiale.com/).

Cette expansion démographique a évidemment provoqué un impact négatif sur la biodiversité, ne serait-ce que par l’augmentation de territoires anthropisés corrélée à la réduction de la surface des habitats naturels (Balmford 1996 ; Eldredge 1998 ; Gaston 2005). En raison de la nature exponentielle de la croissance démographique humaine, les effets de l’homme sur la biodiversité sont récents : la moitié des extinctions connues depuis 1600 sont intervenues au XXe siècle (Smith et al. 1993). On peut distinguer trois grands types de mécanismes d’érosion de la biodiversité (Diamond 1984 ; Eldredge 1998) d’origine anthropique : la réduction et/ou la dégradation des habitats (Cohen 1997 ; Laurance et al. 2002), la surexploitation d’espèces (Clark 1973), les invasions d’espèces exotiques (Wilcowe et al. 1998) et les pollutions

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(Eldredge 1998). En ce début de XXIe siècle, un quatrième facteur de perturbation a été mis en évidence : le réchauffement climatique global de la planète, dû à l’émission massive de gaz à effet de serre (Luterbacher et al. 2004 ; Thomas et al. 2004).

La destruction des habitats par la déforestation, l’agriculture, l’exploitation des ressources minières et l’urbanisation constitue la cause principale de perte de la biodiversité (Hughes et al. 1987 ; Wilson 1989 ; Brooks et al. 2002). La fragmentation des habitats augmente le taux d’extinction locale par une réduction de la taille des populations, par une augmentation de l’effet des menaces stochastiques et par une réduction de la diversité génétique (Leach et al. 1996).

Les invasions biologiques sont désormais considérées comme la deuxième cause de perte de biodiversité à l’échelle mondiale (Simberloff 2003). Les invasions biologiques possèdent un impact négatif sur la diversité des communautés, elles provoquent une diminution de la richesse spécifique (Levine et al. 2003) et homogénéisent des communautés biologiques (McKinney 2004).

1.3. Conservation de la biodiversité

1.3.1. Pourquoi conserver la biodiversité

La biodiversité a un intérêt majeur pour l’homme (Eldredge 1998). Elle possède une valeur d’usage directe et une valeur écologique. Elle est considérée comme un « service écologique » (Scherr et al. 2004 ; Ehrlich & Wilson 1991 ; Costanza et al. 1997) améliorant les conditions de vie (diversité d’aliments, de médicaments…) et assurant le bon fonctionnement de la planète en maintenant l’équilibre des écosystèmes. En effet, une diversité spécifique élevée procure à l’écosystème une capacité tampon face aux variations de l’environnement physique et biologique, et par conséquent une certaine stabilité de son fonctionnement. Au sein d’un écosystème, toutes les espèces ne répondent pas de la même façon aux fluctuations de l’environnement, certaines seront plus résistantes que d’autres aux perturbations environnementales (Yachi & Loreau 1999). En cas de perturbations, les diverses fonctions de l’écosystème seraient en partie maintenues par des combinaisons d’espèces qui différent, au moins en termes d’abondance. Au contraire, un écosystème pauvre en espèce

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pourra difficilement se restructurer et fonctionner. Il existe vraisemblablement une relation positive entre la richesse spécifique et la stabilité de l’écosystème ou, plus précisément, entre la richesse spécifique et capacité de l’écosystème à amortir les perturbations. Ceci a été démontré dans la prairie nord-américaine où la productivité primaire se maintient mieux en cas de sécheresse dans les couverts diversifiés que dans les couverts pauvres en espèces (Tilman & Downing 1994 ; Hector et al. 1999). De plus, une relation positive entre la diversité spécifique et la production primaire a été démontrée (Tilman et al. 1996).

Cependant, cette relation positive n’est valable jusqu’à un certain seuil de la richesse spécifique. La biodiversité est donc bien un facteur important de contrôle de la productivité primaire, mais peut-être pas toute la biodiversité ? En effet, c’est la diversité de groupe fonctionnel (groupe d’espèces ayant le même impact sur l’écosystème, les mêmes caractéristiques écophysiologiques) qui semble réellement être corrélée à la productivité primaire (Tilman 1997 ; Hector et al. 1999). D’autres facteurs écologiques pourraient influencer la productivité primaire comme le nombre et la nature des interactions biologiques, la structure spatiale des végétaux (plantes volubiles, diversité de taille…), la diversité et la nature des modes d’occupation du sol par les racines (profondeur de l’enracinement). Ces derniers pourraient être significativement plus corrélés à la productivité que la richesse spécifique dans certains écosystèmes (écosystèmes primaires c'est-à-dire au dernier stade successif). Néanmoins, ils ne remettent pas en question la relation positive entre la biodiversité et la productivité.

Ensuite, elle est aussi économiquement très rentable puisqu’elle constitue une ressource naturelle pour l’homme. 40 à 70 % des médicaments produits par l’industrie pharmaceutique proviennent de substances naturelles (Kumar 2004). De plus, l’agriculture puise dans la diversité de variétés d’espèces cultivées pour assurer un rendement et une qualité élevée de la production agricole.

On peut lui attribuer aussi une valeur patrimoniale, esthétique ou même spirituelle.

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7 1.3.2. Bilan des actions menées

La prise de conscience de la valeur que représente la biodiversité a amené en 1988 le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) à explorer l’idée d’une convention internationale sur la biodiversité. Un texte a été élaboré pour montrer la nécessité de « partager les coûts et avantages entre les pays développés et ceux en voie de développement » (Glowka et al. 1994). Il a abouti à une convention qui fut ouverte à la signature au Sommet de Rio (juin 1992). 168 états ont signé cette convention sur la diversité biologique (CBD, http://www.cbd.int/). Cet événement a marqué le début d’une mobilisation internationale pour tenter de gérer les problèmes environnementaux considérés comme planétaires par excellence. Le sommet mondial pour le développement durable à Johannesburg en septembre 2002 recommandait une série de mesures pour réduire la pauvreté et protéger l’environnement. Une journée internationale de la diversité biologique a été proclamée (22 mai) et de nombreuses réunions seront organisées chaque année. Malgré cette mobilisation internationale, l’érosion de la biodiversité s’aggrave. Plus particulièrement dans les pays en voie de développement, les guerres qui désorganisent la gestion mise en place et favorisent le braconnage, la mauvaise gouvernance, la surexploitation des ressources naturelles accélérés par la surconsommation des habitants des pays développés entraînent une accélération de l’érosion de la biodiversité (Redford & Richter 1999 ; Balmford et al. 2001 ; Smith et al. 2003).

Actuellement, les efforts de conservation sont centralisés en partie dans les zones les plus riches en biodiversité de la planète qui concentrent un nombre exceptionnel d’espèces endémiques et qui subissent une importante destruction de leurs habitats d’origine. Elles sont appelées « hotspots » (Myers et al. 2000) et sont localisées en Nouvelle Calédonie, aux îles du Pacifique, en Amérique centrale, dans le bassin méditerranéen... Cependant, de nombreuses espèces sont menacées d’extinction hors de ces périmètres, notamment en Afrique Centrale, ou dans des habitats spécifiques comme les affleurements métallifères...

Toutefois, l’IUCN, International Union for Conservation of Nature qui constitue le plus vaste réseau mondial pour la protection de l’environnement, aide le monde à trouver des solutions aux défis de l’environnement et du développement les plus pressants. ONG fondée en 1948, elle réunit actuellement 48 États, 114 agences gouvernementales, plus de 800 ONG et plus de 10.000 experts et scientifiques de plus de 180 pays. Elle est à l’initiative d’un ensemble de programmes de conservation de la biodiversité intégrant la gestion des

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écosystèmes, le changement climatique global, l’éducation, la politique environnementale. Par exemple, elle collabore avec des groupes d’entreprises exploitant des ressources naturelles pour les sensibiliser et les aider à conserver ou restaurer la biodiversité des sites qu’elles exploitent. Malheureusement, elle ne possède pas de pouvoir d’autorité et de contrôle sur les états et les entreprises ; de nombreux pays et exploitants des ressources naturelles n’appliquent pas les conventions promulguées (Smith et al. 2003).

De plus, elle a établi un statut de conservation des espèces à partir d’une estimation du risque d’extinction de celles-ci, qu’elle publie dans la liste rouge. Cette liste sert de référence dans le monde de la conservation, notamment auprès des gestionnaires (Rodrigues et al. 2006 et références dans l’article). L’établissement du statut de conservation permet de quantifier l’érosion de la biodiversité et ainsi donne un état de la dégradation de la biodiversité, indispensable pour convaincre les décideurs politiques à appliquer un programme de gestion et de conservation de la biodiversité (Possingham et al. 2002). Cette classification du risque d’extinction des espèces a été révisée et améliorée au cours des différentes versions de la liste rouge. Elle a été influencée par les résultats d’étude d’une nouvelle science appliquée à la conservation de la biodiversité, la « Biologie de la conservation ».

1.3.3. La biologie de la conservation

La biologie de la conservation a émergé en réponse au constat de l’accélération du taux d’extinction des espèces sur le globe. Elle est souvent qualifiée de discipline de crise car elle a pour objectif de remédier dans l’urgence à la situation dramatique du déclin de la biodiversité (Heywood & Iriondo 2003). La biologie de la conservation se propose de croiser les apports de disciplines variées (écologie, biogéographie, démographie, génétique, systématique, biologie évolutive…) afin de comprendre, d’analyser et de prévenir le déclin de la biodiversité (Soulé 1985 ; Pullin 2002). Par cette approche pluridisciplinaire ciblée, elle représente une interface d’importance entre science et enjeux de société car il s’agit souvent de trouver un juste milieu entre des perspectives socio-économiques et politiques et les exigences biologiques des espèces (O’Connor et al. 2003 ; Miller 2005). Le but de l’étude de la biologie de la conservation d’une espèce est d’établir son statut de conservation et de définir une stratégie de conservation (Figure 1).

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Figure 1 Les étapes pour évaluer et conserver les plantes menacées (d’après Pullin 2002)

Figure 2 Les 8 catégories IUCN dans lesquelles sont classées les espèces selon leur risque d’extinction (IUCN Red List of Threatened species 2008 www.iucnredlist.org)

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9 Les statuts de conservation IUCN

L’IUCN propose un système semi-quantitatif du risque et de la menace d’extinction des taxons, structuré en 8 catégories (Figure 2) : éteint (EX), éteint à l’état sauvage (EW), en danger critique d’extinction (CR), en danger (EN), vulnérable (VU), quasi menacé (NT), préoccupation mineure (LC), données insuffisantes (DD) (IUCN, 2001). Ces catégories sont structurées à partir des critères IUCN tels que la taille des populations, l’évolution de leurs effectifs dans le temps, la répartition géographique actuelle des populations, une évaluation de l’intensité de l’anthropisation. La première étape pour l’établissement du statut de conservation d’une espèce est de compiler les connaissances disponibles dans la littérature sur la taxonomie, la distribution, l’habitat de l’espèce. Néanmoins, cette étape nécessite un complément d’étude sur la niche écologique, la démographie, le régime de reproduction de l’espèce afin de mettre en évidence un éventuel état de menace (Figure 1). Les facteurs responsables du déclin de l’espèce, peuvent être de natures diverses : écologique (prédation des graines, herbivorie, faible abondance des pollinisateurs), génétique (fardeau de mutation, dépression de consanguinité, dérive génique…) ou anthropique (destruction de l’habitat, surexploitation des ressources naturelles, invasion biologique). Il s’agit d’identifier parmi toutes les causes possibles, les facteurs qui compromettent la viabilité de la population (Soulé 1985).

Notion de l’espèce dans la conservation

De nombreuses définitions de l’espèce ont été proposées (Mayr 1942), phylogénétique (Cracaft 1983), évolutive (Simpson 1961)... L’adoption de l’une ou l’autre définition n’est pas anodine pour la conservation et peut conduire à des appéciations contradictoires des priorités de conservation (Beltrame 2007). Par exemple, la richesse spécifique et l’endémisme sont deux symboles représentatifs de la diversité biologique généralement pris en compte en biologie de la conservation (Caldecott et al. 1996). La valeur de ces critères variera selon le concept de l’espèce utilisé. Le nombre d’espèces recensées dans la liste rouge IUCN peut varier selon le concept de l’espèce employé (Possingham et al. 2002 ; Balmford et al. 2003).

Par exemple, le concept phylogénétique augmentera considérablement le nombre d’espèces sur base du caractère monophylétique de beaucoup de populations (Agapow et al. 2004). A l’opposé, le concept évolutif diminuera le nombre d’espèces parce qu’il définit l’espèce comme une lignée évolutive continue formée de populations ancestrales et de leurs descendants, qui est distincte des autres lignées évolutives et qui a son propre destin (Simpson

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1961). Même si le concept phylogénétique augmente le nombre d’espèces et apporte aux méthodes l’utilisant des données critiquables, son application dans la conservation des espèces reste intéressante. En effet, il permet de souligner des divergences entre les populations. Une population ou une entité morphologique considérée comme une sous-espèce représente potentiellement une espèce en cours de création ou une population présentant une adaptation locale à un habitat spécifique. Dans ce cas, la valeur de conservation de la sous- espèce (ou population divergente) serait aussi élevée que celle d’une espèce possédant des caractéristiques écogéographiques identiques. Néanmoins, la délimitation d’une sous-espèce devrait être mieux définie car si l’on pousse le principe à l’extrême, chaque population a un chemin évolutif propre et peut être considérée comme une espèce ou une sous-espèce (Mace 2004).

Ecogéographie et structure des populations

Les risques d’extinction sont plus importants chez les espèces rares (Pimm et al. 1988 ; Simberlof 1998 ; Purvis et al. 2000). Il est donc essentiel d’associer l’étude de la biologie des espèces rares à la biologie de la conservation. Différents types de rareté ont été mis en évidence sur base de critères écogéographiques et démographiques tels que la taille de l’aire de répartition de l’espèce étudiée, l’amplitude de son habitat et la taille des populations qui la composent (Figure 3). Sept formes de rareté ont été définies. Les principales formes de rareté diffèrent selon les types d’espèces (ainsi que les zones géographiques) et donc selon le type de menaces qui s’exercent sur les espèces rares (Rabinowitz et al. 1986 ; Lavergne 2004 ; Lavergne et al. 2005). Une espèce ubiquiste mais rare parce qu’elle est localement, toujours peu abondante sera plus sensible à la stochasticité démographique, et moins à la stochasticité environnementale, qu’une espèce rare localement abondante mais présente en très peu de localités.

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Figure 3 Les sept formes de rareté proposées par Rabinowitz (1981). Elles ont été mises en évidence sur base de critères écogéographiques et démographiques tels que la taille de l’aire de répartition de l’espèce étudiée, l’amplitude de son habitat et la taille des populations qui la composent (abondance locale)

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La dégradation des habitats par l’homme est la principale cause de l’extinction des espèces (Channell & Lomolino 2000). De nombreuses espèces présentent un type de rareté associé à la spécificité de leur habitat telles que les endémiques édaphiques (Kruckeberg &

Rabinowitz 1985 ; Rajakaruna 2004). Même si certaines d’entre elles ont la capacité de s’adapter à leur nouvel environnement anthropogène et ainsi assurer leur survie, cela n’est pas le cas pour la plupart des espèces rares qui présentent souvent une faible plasticité écologique (Lavergne 2004 ; Gomulkiewicz & Holt 1995). L’aire de répartition d’une espèce peut être limitée par l’absence de milieux favorables mais aussi par sa faible aptitude à la dispersion ou expliquée par son apparition relativement récente. Or lorsqu’il y a peu de milieux favorables, les gènes conférant une moins grande aptitude à la dispersion sont sélectionnés (Olivieri et al.

1995 ; Ronce et al. 2000). En effet, lorsqu’une espèce est spécialisée (adaptée à un seul type de milieux), elle devient généralement incapable de coloniser d’autres habitats (Colas et al.

1997), ce qui la rend d’autant plus vulnérable.

La biologie de la conservation d’une espèce endémique à un milieu spécifique inclut donc l’analyse de la distribution des populations, de la niche écologique de l’espèce et de l’impact de l’activité humaine (Dinsdale et al. 1997). L’étude écogéographique d’une espèce doit comprendre l’évaluation de son aire de distribution (nombre total d’occurrences dans une grille régulière de mailles d’une surface donnée) à partir des données bibliographiques et des collections d’herbiers récoltés présentes dans les herbarium. Outre une information précieuse sur la distribution actuelle des espèces, de nombreux modèles ont été ajustés pour prédire l’aire de distribution potentielle et pour déterminer l’optimum écologique des espèces sur base de leur distribution géographique et des données écologiques de leurs occurrences (Augustin et al. 1996 ; Hirzel et al. 2001, 2002). A une échelle plus précise, des modèles de régressions généralisées (GLM, Nelder & Wedderburn 1972; GAM, Hastie & Tibshirani 1990) permettent d’estimer l’optimum écologique d’une espèce à partir de l’abondance de l’espèce et des facteurs de l’habitat (par ex., Bio et al. 1998; Austin, 1999; Vetaas, 2002). L’analyse de la variation des facteurs écologiques au sein de l’habitat en lien avec la fréquence, l’abondance de l’espèce permet de mettre en évidence les exigences écologiques et le degré de spécialisation de l’espèce considérée.

Dynamique démographique

La taille des populations est une composante centrale de la biologie de la conservation des populations (cf. 1.2.1.). Elle est corrélée positivement avec la diversité génétique des

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populations (Frankham 1996 ; Hartl & Clark 1997) et constitue un paramètre clef des processus de microévolution et de la survie des populations (Meffe & Caroll 1997). Les données de dynamique démographique intégrées dans un modèle basé sur la probabilité d’extinction d’une population isolée permettent d’établir un diagnostic de viabilité des populations (Soulé 1987 ; Shaffer 1981, 1990). De nombreux auteurs ont proposé une taille viable des populations (par ex., Gilpin & Soulé 1986). Les populations de 10 à 50 individus sont souvent considérées comme trop petites puisque les facteurs stochastiques démographiques d’extinction sont intensifiés. De plus, elles entraînent une perte rapide de diversité génétique et sont sujettes à l’extinction par une simple catastrophe naturelle. Les populations de 1000 à 10000 individus sont de taille suffisante pour assurer une persistance à long terme. La structure des populations joue également un rôle dans leur pérennité.

La viabilité des populations a été examinée grâce à la modélisation de la démographie (par ex., Brastock & O’Connell 1988 ; Menges & Dolan 1998 ; Pfab & Witkowski 2000). Ces modèles ont été utilisés pour prédire le risque d’extinction des populations en intégrant les valeurs des facteurs stochastiques démographiques (par ex. la probabilité de survie des individus) et déterministes (par ex. indice de fragmentation de l’habitat, surface détruite de l’habitat…) (Canales et al. 1994 ; Enright et al. 1998 ; McCarthy et al. 2001).

La diversité génétique

La structure génétique correspond à la distribution de la variabilité génétique inter- et intra- populationnelle. Elle fournit une information utile pour établir des mesures de conservation dont l’objectif est de maintenir la diversité génétique au sein de l’espèce. La variation influencée par le jeu de la sélection naturelle, constitue la base de l’adaptabilité des populations : résistance face aux maladies, aux herbivores… (Solignac et al. 1995 ; Ayres &

Ryan 1997).

La biologie de la reproduction

Une bonne connaissance de la biologie de la reproduction des plantes en danger est essentielle (Olfelt et al. 1998). Elle fournit aussi des informations importantes pour la compréhension de processus évolutifs comme la spéciation et l’adaptation. L’évaluation du potentiel de reproduction (phénologie, production de fleurs, succès reproducteur), du mode de reproduction et de dispersion, des risques d’hybridation avec des espèces congénériques sont des études impératives pour développer une méthode de gestion efficace. De plus, certains

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modes de reproduction peuvent avoir un impact sur la viabilité des populations, particulièrement chez les populations de petite taille (c.f. 1.2.1).

1.3.4. L’importance des endémiques en conservation

Une place spéciale est accordée aux espèces endémiques dans la conservation de la biodiversité. Les espèces endémiques sont des espèces dont l’aire de répartition est restreinte à un territoire spécifié, le plus souvent peu étendu. Ce terme d’espèces endémiques regroupe en fait des espèces « d’âges » très différents (Favarger & Contandriopoulos 1961). On parle ainsi de paléo-endémiques pour des espèces taxonomiquement isolées (genres ou familles monotypiques) et patro-endémiques si elles sont diploïdes et ont des espèces apparentées polyploïdes dont elles peuvent être à l’origine. Au contraire, les espèces néo-endémiques sont issues d’événements récents de spéciation. Elles peuvent apparaître soit à partir d’événements de polyploïdisation (apo-endémiques) soit par différenciation progressive des populations dans certaines zones de l’aire de répartition de l’espèce génitrice (schizo-endémiques).

En raison même de leur aire de répartition très restreinte, les endémiques ont un risque d’extinction élevé, notamment selon les critères de l’IUCN (Rodrigues et al. 2006). Il peut cependant s’agir d’espèces naturellement rares dont les populations sont parfois stables (Lavergne et al. 2005). Les pays ou les régions où elles se trouvent ont une forte responsabilité dans leur protection puisqu’elles ne sont présentes à aucun autre endroit de la planète (Keller & Bollmann 2004). Elles figurent donc en grand nombre tant sur les listes d’espèces menacées que sur celles d’espèces protégées. Elles jouent aussi un rôle particulier dans la désignation des « hot spots » (Myers et al. 2000) ou des aires protégées (Margules &

Pressey 2000 ; Zurlini et al. 2002).

1.3.5. Méthodes de conservation de la biodiversité

Les études de biologie de la conservation aboutissent à l’établissement d’un programme de conservation. Singh (2002) propose 4 grandes stratégies de la conservation de la biodiversité.

La conservation in situ impliquant la protection des écosystèmes, assure la conservation de la diversité globale à l’échelle du gène, des populations, des espèces, des communautés et des processus écologiques. Elle nécessite l’établissement d’un réseau

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d’aires protégées représentatif de la diversité biologique qui reste difficile à mettre en œuvre face aux enjeux économiques de l’exploitation intensive des ressources naturelles. Hors de ces zones protégées, la conservation in situ nécessite une gestion durable de l’exploitation des ressources naturelles afin de réduire les pressions anthropogènes sur les populations naturelles. Par exemple, par l’adoption d’un guide de bonnes pratiques (études d’impacts sur la biodiversité, gestion écosystémique des milieux exploités…) ou par la mise en place de micro-réserves au sein des zones exploitées, de corridors biologiques dans le cas où l’habitat aurait été fragmenté, ou encore par la mise en culture des populations des espèces indigènes exploitées…

Cette conservation in situ doit chaque fois que possible être accompagnée de conservation ex situ des ressources génétiques des espèces (Cohen et al. 1991 ; Maunder &

Byers 2005). Cette conservation ex situ est établie dans les jardins botaniques et zoologiques par la mise en culture des espèces menacées d’extinction, par la création de banques de germoplasmes, de graines, de pollen, de plantules, de culture de tissus, de gènes... (Guerrant et al. 2004). Néanmoins, elle reste une solution complémentaire à la conservation in situ ou pour une sauvegarde d’urgence (Guerrant et al. 2004). En effet, conserver la biodiversité, ce n’est pas seulement, la conserver en tant que telle et dans sa composition actuelle, mais c’est surtout conserver son potentiel d’évolution.

L’écologie de la restauration est une nouvelle stratégie pour la conservation de la biodiversité (Jordan et al. 1988 ; Bradshaw 1993 ; Clewell 1993 ; Dobson et al. 1997).

Auparavant, elle se distinguait de la biologie de la conservation puisqu’elle consistait uniquement à initier ou favoriser le rétablissement d’un écosystème dégradé ou détruit.

Actuellement, l’écologie de la restauration comprend aussi la réintroduction ou l’introduction d’espèces, la restauration des communautés végétales et fongiques (Suding et al. 2003). La restauration d’espèces en danger et d’habitats dégradés reste cependant un procédé extrêmement difficile. De nombreux projets de restauration ont échoué dans leur mise en œuvre (Gobster & Hull 2000; Pfadenhauer 2001). L’écologie de la restauration ne constitue pas un alibi à la destruction d’espaces naturels au détriment des opérations de conservation et de gestion de la biodiversité.

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2. Trésor minéral et biodiversité végétale

La flore des sites métallifères présente une spécialisation écologique, une fréquence de rareté et un risque d’extinction élevés (Whiting et al. 2004). Elle représente un modèle d’étude original et intéressant en biologie de la conservation, à la fois d’un point de vue fondamental (processus écologiques et évolutifs) et d’un point de vue appliqué (stratégies de conservation à employer dans ce contexte).

2.1. La flore des sites métallifères

2.1.1. Définitions

Les métaux sont un des trois groupes d'éléments distingués par leurs propriétés d'ionisation et de liaison chimique ; les deux autres sont les métalloïdes et les non-métaux. Les nombreuses fonctions des métaux essentiels dans les systèmes biologiques s’étendent de la régulation de processus métaboliques à la composition des protéines (Borovik 1990).

Parmi les métaux, la sous classe des « métaux lourds » est équivoque (Bovorik 1990).

Ils sont définis en général comme ceux ayant une densité supérieure à 5. Hormis le Fe et le Mn, tous sont rares dans la croûte terrestre, et sont donc des éléments traces métalliques (ETM). Ils exercent leur action toxique sur les plantes même à des concentrations relativement faibles dans le sol.

Les sols métallifères ?

Les sols métallifères sont soit d’origine naturelle soit d’origine anthropique.

Les sols métallifères naturels sont développés sur des affleurements de roches métallifères. La teneur en métaux de ces sols peut être extrêmement élevée ; elle peut atteindre des milliers de mg.kg-1, mais diminue rapidement lorsqu’on s’écarte du gisement (Ernst 1974).

Les affleurements naturels de roches métallifères les plus répandus à la surface de la terre sont des affleurements serpentiniques riches en nickel, en fer et en magnésium répartis sur les différents continents de la planète (Brooks 1987). Les affleurements de roches ferrifères sont aussi très répandus, par exemple au Sud-Est du Brésil, dans l’Etat du Minas Gerais, le Quadrilatero Ferrifero représente la zone métallifère la plus importante de la

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planète (Jacobi et al. 2007). On trouve aussi des affleurements de manganèse, de cuivre, de cobalt, d’or et d’autres minerais rares. Ils induisent très souvent des modifications des paysages au niveau de la végétation. En effet, la toxicité des métaux lourds opère une sélection très poussée, en éliminant de nombreuses espèces qui, toutes autres conditions égales, devraient croître en ces lieux. De manière très caractéristique la croissance des espèces ligneuses est inhibée, ce qui aboutit au développement de groupements végétaux purement herbacés ou faiblement arbustifs particulièrement remarquables dans une région forestière (Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963 ; Ernst 1974).

Depuis un siècle, le développement des activités d’extraction et de transformation de minerais a dispersé des métaux toxiques et contaminé des surfaces bien plus vastes que celles occupées par les affleurements naturels. De nouveaux types d’habitats métallifères sont ainsi apparus (par ex., Allen & Sheppard 1971 ; Ginocchio et al. 2002). Ces sites métallifères d’origine anthropique varient selon la nature du sol existant avant la pollution, la nature du ou des minerais exploités, des procédés industriels… ils constituent un ensemble très hétérogène (Remon et al. 2005).

2.1.2. L’originalité botanique des sites métallifères

L’adaptation aux métaux lourds chez les plantes a focalisé l’intérêt des écologistes, physiologistes et biologistes mais aussi des ingénieurs et des chimistes depuis très longtemps.

Dès le XVIèmesiècle, le célèbre savant Georgius Agricola rapporte que des végétaux semblent souffrir lorsqu’ils se développent sur des sols riches en minerais (Agricola 1556). De même lorsque son but est de repérer les veines métallifères intéressantes, il précise qu’une végétation particulière, absente aux alentours, se développe au-dessus de ces ressources. Il remarque ainsi l’effet nocif des métaux sur une végétation dite sensible, et la relative tolérance d’une végétation plus adaptée.

Dans le cas des sites à serpentine, par exemple, le sol issu de l’altération de minéraux naturellement riches en métaux de transition porte une flore spécifique adaptée aux fortes teneurs métalliques. La caractéristique principale de ces sols est une inversion du rapport calcium/magnésium, associée à de très fortes teneurs en Fe, Ni, Cr (Proctor & Woodell 1975 ; Brady et al. 2005). Bien souvent, les affleurements serpentiniques apparaissent dénudés et arides et présentent une végétation clairsemée souvent chétive et au port décombrant (Figure

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4). Beaucoup de scientifiques à travers le monde se sont intéressés à la flore serpentinique ; en Toscane, Italie (Sermolli 1948 ; Selvi 2007) ; dans le sud de la Zambie (Wild 1965, 1974), dans le sud-ouest de la France (Duvigneaud 1966), dans les collines du Zimbabwe (Wild 1978), dans les Alpes d’Italie (Verger 1992), en Californie (Kruckeberg 1985), au sud-est de l’Afrique du Sud (Morrey et al. 1989), en Australie (Batianoff & Specht 1992) ; dans l’île de Kyushu au Japon (Toyokuni 1992); à Cuba (Borhidi 1996), en Nouvelle-Calédonie (Jaffré 1992), au Sri Lanka (Rajakaruna & Bohm 2002), au Costa Rica (Reeves et al. 2007). De même que pour la flore serpentinique, Jacobi et collaborateurs (2007) montrent une végétation remarquable et spécifique des affleurements de fer au Brésil. Au Katanga en République Démocratique du Congo, les affleurements manganifères, calaminaires, cobaltifères et cuprifères présentent des formations végétales particulières au sein du paysage katangais mais réalisant des toposéquences semblables d’un affleurement à l’autre (Duvigneaud 1958 ; Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963). Remarquons que les divers types d’habitats métallifères présentent une végétation hautement originale et unique. Les conditions écologiques extrêmes de ces différents types de sols métallifères ne permettent que l’installation d’espèces présentant des traits particuliers et entraînent la constitution de phytocénoses originales (Ernst 1974 ; Duvigneaud 1958 ; Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963).

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Figure 4 Affleurements de roches serpentiniques. 1ère et 2ème photo Klamath-Siskiyou Mountains en Californie, (www.fs.fed.us, T. Nilson) ; 3ème photo Great Dyke au Zimbabwe (www.zimbabweflora.co.zw, photo B. Wursten)

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Les végétations des affleurements métallifères possèdent un nombre important d’espèces endémiques très vraisemblablement nées sur les sites métallifères par le jeu de l’isolement écologique et géographique (Brooks & Malaisse 1985 ; Kruckeberg 1985, 1986 ; Jaffré 1992 ; Borhidi 1996 ; Rajakaruna 2004). Cette flore semblerait aussi présenter un caractère relictuel comprenant des espèces très répandues au cours d’un épisode climatique défavorable à la forêt (Wild 1978 ; Brooks & Malaisse 1985 ; Borhidi 1996).

Dans le cas des sites métallifères anthropogènes, une flore locale des habitats non métallifères a colonisé rapidement ces milieux nouvellement contaminés en acquérant des capacités de résistance aux métaux lourds (écotypes métallicoles de Agrostis capillaris, Armeria maritima, Silene vulgaris, Aston & Bradshaw 1966 ; McNeilly & Bradshaw 1968 ; Wu et al. 1975; Schat & Ten Bookum 1992 ; Lefèbvre & Vernet 1990 ; Antonovics et al.

1971). Les végétations qui s’y développent sont d’origine récente. La colonisation végétale de ces habitats est alimentée en partie par les populations de plantes non tolérantes existant à proximité. Le crible sélectif très sévère qu’impose la toxicité des métaux peut entraîner une évolution rapide vers des niveaux de tolérance élevés (Antonovics et al. 1971 ; Wu et al.

1975 ; Bradshaw 1983 ; Ash et al. 1994). Les habitats métallifères anthropogènes représentent donc un modèle intéressant pour étudier les processus évolutifs rapides d’adaptation à des facteurs écologiques très contraignants (Antonovics et al. 1971). Même si la flore des habitats métallifères anthropogènes provient d’habitats non métallifères, les espèces qui la composent, s’assemblent en une végétation particulière par rapport aux habitats non metallifères locaux (Ernst 1974 ; Babalonas et al. 1997 ; Strandberg et al. 2006). En Europe, la composition de la végétation des sites métallifères varie très peu d’un site à l’autre puisque ces derniers sont souvent colonisés par les mêmes espèces (Babalonas et al. 1997 ; Strandberg et al. 2006). Mais dans d’autres régions minières de la planète, les sites métallifères anthropogènes peuvent être colonisés par des espèces tolérantes aux métaux provenant des affleurements métallifères naturels (primaires) (Brooks & Malaisse 1985).

Néanmoins, la végétation des habitats métallifères naturels se distingue des habitats anthropogènes. Elle est composée de communautés anciennes (dites primaires) pourvues d’espèces pérennes (Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963 ; Jaffré 1992 ; Borhidi 1996 ; Babalonas et al. 1997).

Actuellement, peu d’études réalisées à partir de méthodes quantitatives d’analyse de la végétation ont été réalisées pour caractériser l’écologie de ces végétations spécifiques

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(McCarten 1992 ; Babalonas et al. 1997 ; Harrison et al. 2006), il est donc difficile actuellement de comprendre leur distribution, leur évolution...

Les végétations des différents types d’habitats métallifères présentent des caractéristiques communes :

- une rareté et faible recouvrement des phanérophytes, - surreprésentation des espèces à stratégie stress-tolérante - sous représentation des arbres,

- une hauteur limitée,

- un recouvrement total souvent < 100 %, - une faible productivité,

- un symdrome de stress tolérance par la présence de petites feuilles coriaces persistantes

La flore des sites métallifères comprend des groupes écogéographiques distincts définis sur base de l’affinité au substrat métallifère. Deux classifications ont été établies, l’une présente une forte connotation écologique (Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963;

Duvigneaud 1966) et l’autre plus simplifiée est essentiellement chorologique (Lambinon &

Auquier 1963). Nous retiendrons la classification de Lambinon & Auquier (1963):

métallophytes absolus pour les taxons endémiques des sols métallifères et pseudométallophytes pour les espèces présentes sur sols métallifères et non métallifères.

Dans ce présent travail nous utiliserons le terme « métallophyte » pour désigner toutes les plantes qui se développement exclusivement sur sol métallifère ou qui y montrent une fréquence et une abondance particulièrement élevées.

2.2. Tolérance aux métaux lourds des végétaux supérieurs

2.2.1. Définition

La « tolérance aux métaux lourds » est la « capacité d’une plante à survivre et se reproduire sur des sols toxiques ou défavorables à la plupart des organismes en raison d’une contamination métallique » (Turner 1969 ; Antonovics et al. 1971 ; Macnair et al. 2000).

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D’un point de vue physiologique, la tolérance aux métaux lourds correspond à l’ensemble des mécanismes d’homéostasie des métaux (transport, chélation, séquestration) permettant de « maintenir la concentration des métaux essentiels dans les limites physiologiques et à minimiser les effets délétères des métaux non essentiels » (Clemens 2001). Elle est présente chez tous les organismes qui supportent des expositions excessives en métaux lourds (Ernst et al. 2002).

2.2.2. Les grandes stratégies de tolérance aux métaux

Une grande diversité de comportements vis-à-vis des métaux existe dans la flore métallicole.

En comparant les concentrations en métal des parties aériennes et des parties racinaires on met en évidence deux grandes stratégies de tolérance aux métaux lourds : l’exclusion des métaux des parties aériennes ou au contraire, d’accumulation des métaux dans les feuilles (Baker 1981 ; Baker & Walker 1990 ; Dahmani-Muller et al. 2000) (Figure 5).

La stratégie d’exclusion, peut reposer sur la capacité d’empêcher l’absorption des métaux. Dans ce cas précis, on parle d’évitement (Baker & Walker 1990). L’évitement est communément observé chez les bactéries, les champignons et les algues ; il semble rare chez les végétaux supérieurs (Baker & Walker, 1990). Les végétaux tolérants aux métaux lourds dits « exclueurs » absorbent les métaux mais limitent le transport vers les parties aériennes en séquestrant les métaux dans les tissus racinaires (Baker & Walker 1990 ; Pauwels 2006).

Certaines métallophytes présentent un mécanisme de détoxification en larguant l’excès de métaux dans leurs feuilles mortes (Dahmani-Muller et al. 2000).

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Figure 5 Représentation schématique des stratégies rencontrées chez les plantes en réponse à une augmentation des concentrations en métal dans le sol (Baker 1981). Trois stratégies sont distinguées. A) l’exclusion (excluder) ; B) « indicatrice » (indicator) ; C) l’(hyper)accumulation (accumulator).

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