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perennis avec sa congénère C. tenuis (en prép.)

3. Stratégies de Conservation

Les priorités de conservation

Dans le cas de la flore du cuivre, nos résultats suggèrent que les catégories IUCN ne suffisent pas nécessairement pour définir les priorités en matière de conservation. Elles ne constituent, en effet, qu’une évaluation du risque d’extinction dans des circonstances actuelles alors qu’un système d’évaluation des priorités d’action tient compte de nombreux autres facteurs relatifs aux mesures de conservation tels que les chances de succès, les coûts ainsi que d’autres caractéristiques biologiques du sujet considéré (IUCN 2001). Dans notre étude, nous avons remarqué que 17% des taxons endémiques pouvaient s’établir dans un habitat anthropogène. De plus, nous avons démontré que C. perennis et C. tenuis trouvaient leur optimum écologique dans les habitats anthropogènes métallifères. L’exploitation minière aurait favorisé l’expansion de certains cuprophytes. Contrairement à C. tenuis dont le risque d’extinction est de préoccupation mineure (LC), d’autres cuprophytes présentant une capacité à coloniser les habitats anthropogènes métallifères ont été évaluées selon les critères IUCN comme en danger critique, en danger ou vulnérable à l’extinction parce qu’elles présentaient une distribution très restreinte. Mais étant donné leur capacité à coloniser les habitats métallifères anthropogènes récents (de 1-3 ans) et la fréquence élevée des perturbations causées par l’exploitation minière au Katanga, il est fort à penser que ces espèces connaissent à l’avenir une expansion rapide de leur aire de distribution (par ex. Crepidorhopalon perennis,

Haumaniastrum robertii, Faroa chalcophila, Vigna dolomitica, Gutenbergia pubescens). Ces

espèces présenteraient un risque d’extinction plus faible que celui estimé à partir des critères IUCN. Nous suggérons que la colonisation d’habitats anthropogènes par des espèces rares

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pourrait représenter un nouveau critère intéressant pour nuancer ou compléter les catégories actuelles de l’IUCN. L’aptitude de certaines espèces à coloniser les habitats secondaires amène à hiérarchiser les priorités de conservation. Les taxons les plus menacés sont ceux qui sont liés à des communautés primaires. Toutefois, à long terme, le maintien, dans des communautés en voie de stabilisation, d’espèces pionnières comme le sont nos deux modèles, n’est pas garanti.

Conservation des métallophytes aptes à coloniser les habitats anthropogènes métallifères

Néanmoins, les espèces endémiques d’un ou quelques sites bénéficiant des sols perturbés par l’industrie minière peuvent connaître réellement un risque d’extinction élevé. Face à l’intensité et la fréquence élevées des perturbations provoquées par l’exploitation de minerais, les sous-populations de ces espèces sont facilement détruites et n’arrivent pas à coloniser à temps les nouveaux habitats anthropogènes. C’est le cas de C. perennis, Vigna

dolomitica (endémiques d’un seul site), de Gutenbergia pubescens (2 sites), Bulbostylis fusiformis et Faroa chalcophila (3 sites). Par conséquent, même si certains cuprophytes

présentent une aptitude à coloniser des habitats métallifères anthropogènes récents, un plan de conservation de ces espèces doit être établi et plus particulièrement pour les espèces à aire de distribution restreinte. La conservation de ces cuprophytes pourrait être établie assez facilement dans une zone anthropogène de leurs sites d’origine située à l’écart des zones subissant des remaniements réguliers par les travaux miniers. De plus, un plan d’introduction de ces espèces dans des sites métallifères anthropogènes non exploités ou protégés et écologiquement proches de leurs sites d’origine peut être envisagé afin d’accélérer leur expansion et ainsi assurer la réussite de leur conservation. Ces introductions d’espèces peuvent être réalisées par la transplantation d’individus et/ou par l’installation de substrat d’origine contenant éventuellement un stock grainier (Guerrant et al. 2004). La mise en place d’une banque de graines ex situ et la multiplication d’individus de ces espèces en vue d’effectuer un renforcement des populations ex situ (introduites) est nécessaire pour assurer la réussite du programme de conservation (Maunder et al. 2004b, Maunder & Byers 2005). La méthode de multiplication des cuprophytes la plus appropriée semblerait la culture in vitro. En effet, les essais de culture de C. perennis en condition non stérile n’ont pas été convaincants même en présence d’une contamination en cuivre. En culture in vitro, C.

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et de reprise élevés. Les cuprophytes sembleraient sensibles aux pathogènes (Malaisse & Brooks 1982; Paton & Brooks 1996; Chipeng et al. 2009). Afin de limiter la perte de matériel biologique, la multiplication de ces espèces pourrait s’effectuer en conditions stériles. A l’exception de C. perennis, la plupart des cuprophytes rares présentant une aptitude à coloniser les habitats anthropogènes ont été maintenus en culture au jardin botanique expérimental de la Faculté d’Agronomie de Lubumbashi. Les cuprophytes présentant des

traits liés à la colonisation et une plasticité écologique élevée sembleraient faciles à conserver dans des habitats métallifères anthropogènes récents.

Néanmoins, avant d’effectuer l’introduction de ces cuprophytes dans un habitat métallifère anthropogène protégé, il semble nécessaire d’évaluer les risques d’hybridation de ces espèces avec leurs congénères plus répandues colonisant les habitats anthropogènes (Maunder et al. 2004a ; Parsons & Hermanutz 2006) (Tableau 1). Par exemple, C. perennis /

C. tenuis, B. fusiformis / B. pseudoperennis, F. chalcophila / F. affinis… Le choix du site

d’introduction dépendra en partie du risque d’hybridation entre l’endémique et sa congénère plus répandue. L’analyse de la variation morphologique des deux populations de C. perennis et C. tenuis en sympatrie à la mine de l’Etoile n’a pas permis de montrer un risque d’hybridation entre ces deux espèces.

Perspectives de conservation des métallophytes des communautés primaires

Beaucoup de cuprophytes possèdent leur optimum écologique dans les communautés primaires. Celles-ci restent mal connues ; elles n’ont plus été étudiées depuis Duvigneaud & Denaeyer-De Smet (1963). Face aux menaces pesant sur les cuprophytes des communautés primaires des habitats cuprifères du Katanga, l’étude de leur biologie de la conservation est indispensable pour établir une stratégie globale de conservation de la flore des habitats cuprifères du Katanga. La conservation in situ des communautés primaires semblerait la stratégie de conservation la plus appropriée étant donné leur complexité et leur ancienneté. Les phénomènes de vicariance induits par l’isolement géographique des collines de cuivre ainsi que la présence d’endémiques à aire de distribution restreinte expliqueraient certaines différences floristiques observées entre les collines (Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963 ; Brooks & Malaisse 1985). Cette différentiation floristique qui reste à démontrer impliquerait un plan de conservation propre à chaque colline. La mise en place de micro-réserves pour

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du Katanga. Cependant, cette mesure empêcherait l’exploitation de certaines zones à intérêt

économique élevé et ainsi serait en conflit avec les objectifs économiques de l’exploitation du cuivre. On peut suggérer que la mise en place de micro-réserves pourrait s’effectuer à la condition qu’un consensus s’établisse entre le plan d’exploitation du site exploité et la valeur conservatoire des unités de végétation ou des espèces qui le composent. L’analyse de la végétation du site exploité permettrait de mettre en évidence les unités de végétation les plus originales à conserver. Dans le cas où certaines se situeraient dans les zones d’exploitation, un essai de restauration pourrait être effectué dans une zone anthropogène protégée. Actuellement dans l’urgence de la situation, la création de micro-réserves et la réalisation d’une banque de graines ex situ permettrait d’initier un programme de conservation de cette flore.

Faire le lien entre la conservation de la biodiversité et la restauration écologique des paysages dégradés semble crucial. Ceci nécessite une approche au niveau des communautés. En particulier, il est urgent d’étudier l’écologie de ces communautés primaires qui apparaissent uniques au monde. Nous pensons que ces communautés sont très conservatives à l’égard des métaux lourds et luttent très efficacement contre les transferts dans les bassins versants, que ce soit en solution ou en suspension. Ces communautés représentent des

modèles fascinants de phytostabilisation naturelle de sols à très haute teneur en Cu/Co.

Les mécanismes de la mise en place de ces communautés et les interactions entre les espèces qui les constituent (facilitation ?) ne sont pas connus. Une approche écophysiologique de ces communautés est du plus haut intérêt. Les mécanismes de structuration de ces

communautés primaires doivent être étudiés par les outils statistiques modernes, et selon

une démarche d’écologie intégrative, associant étroitement pédologues, géologues, et écologues. Les questions qui se posent sont, notamment :

-quels sont les mécanismes d’assemblage de ces communautés et les mécanismes régulateurs de leur richesse ?

- quelle est l’influence de la structure de ces communautés sur la dynamique des métaux ? - les microorganismes (mycorhizes) jouent-ils un rôle dans l’adaptation de ces communautés extrémophiles ?

- les traits fonctionnels des espèces permettent-ils de dégager des lois d’assemblage ?

- quels sont les traits les plus influents sur la distribution des espèces le long des gradients de teneurs en métaux ?

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Au-delà d’un intérêt strictement fondamental, une comparaison des communautés primaires et pionnières apporterait des informations indispensables pour concevoir des

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