• Aucun résultat trouvé

3. Le modèle d’étude : l’Arc cuprifère katangais

3.2. Géologie et géomorphologie

3.1. Climat et géographie

Le climat est subtropical (altitude d’environ 1300 m). Il est caractérisé par une saison des pluies (novembre à la fin du mois de mars), une saison sèche (mai à septembre) et deux mois de transition (octobre et avril) (Figure 8). La précipitation est d’environ 1300 mm par an dont 1200 mm tombent durant la saison des pluies. Au début de la saison sèche, la végétation herbacée se dessèche, excepté les espèces adaptées à la sécheresse, et celles se développant dans les mares permanentes. La température moyenne annuelle est d’environ 20°C. La température journalière la plus basse est de 15°C en début de saison sèche. Les mois de septembre et octobre sont généralement les mois les plus chauds (31-33°C). L’amplitude de variation de la température entre le jour et la nuit est faible pendant la saison des pluies, mais elle est beaucoup plus grande durant la saison sèche où la température de la nuit peut descendre à 5°C.

L’ « Arc cuprifère katangais » correspond au territoire géographique de la province du Katanga composé d’un chapelet de plus de 200 sites cupro-cobaltifères distribués sur une distance de 300 km entre Kolwezi et Lubumbashi (François 1988). Les affleurements de roches cupro-cobaltifères émergent sous forme de collines couvertes de savane steppique d’un plateau moyen où prédomine la forêt claire (Figure 7) (Brooks & Malaisse 1985). La forêt claire correspond à la formation végétale la plus répandue de la province du Kantaga (Schmiz 1988).

3.2. Géologie et géomorphologie

L’arc cuprifère katangais est localisé dans une dépression orientée sud-est et nord-ouest. Celui-ci est bordé au sud et sud-est par les massifs anciens de Kabombo, Solwezi, Kakonta, Luina et Mokambo ; au nord et nord-ouest par les massifs Kibariens, les plateaux du Kundelungu et de Biano. On distingue dans la région trois formations stratigraphiques : l’antékibarien, le Kibarien et le Katangien. Cette dernière formation comprend le Kundelungu au sommet, où se trouve l’étage minéralisé de Kakontwe, et la série des mines à la base. La série des mines est à son tour subdivisée: le Roan inférieur, non minéralisé ; le Roan moyen dont font partie la plupart des gisements de cuivre et cobalt du Katanga avec une teneur en cuivre dans la roche allant parfois au delà de 10%. Les principaux minerais sont la chalcopyrite et la malachite ; le Roan supérieur, peu minéralisé.

36

La tectonique panafricaine a découpé la série des mines en écailles de diverses dimensions. Ces écailles qui devraient normalement se trouver à des milliers de mètres de profondeur sous les sédiments du kundelungu ont été amenées en surface par des extrusions et affleurent d’une manière intermittente dans une aire de 300 km x 50 km depuis Musoshi au sud-est jusqu'à Kolwezi (Okitaudji 2002). Les affleurements de roches cupro-cobaltifères du Katanga sont donc des anomalies géochimiques responsables de la présence de Cu et de Co dans le sol et ce à des concentrations extrêmes. La teneur en cuivre dans le sol varie entre 100 et 100 000 mg kg-1 et celle du Co entre 10 à 100000 mg kg-1 (Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963; Brooks & Malaisse 1985).

La minéralisation de cuivre de ces collines qui peut être associée à une minéralisation de cobalt et de manganèse serait ancienne de 620 millions d’années. Cependant, leurs dates d’apparition en surface et d’exposition à la colonisation par les plantes supérieures seraient plus récentes (1 à 3 millions d’années ; Johan Yans, comm. personnelle).

Les affleurements naturels de roches cupro-cobaltifères présentent de forts gradients topographiques. Duvigneaud décrit ces habitats en notant des gradients élevés de profondeur du sol, de pente, de recouvrement rocheux, de teneur en cuivre, etc… et soulève leur originalité puisque les habitats rocheux sont rares au Katanga (Figure 9). Notons que ces affleurements se caractérisent par une petite taille, rares sont les affleurements qui possèdent une superficie supérieure à 1 km2.

Figure 8 Diagramme ombrothermique de la région de Lubumbashi (Campbell et al.

1996)

Figure 9 Végétation et teneur en cuivre du sol (en ppm) sur les collines I et II de Fungurume (Duvigneaud & Denaeyer-De Smet, 1963). A : pelouse enrochée, à Eragrostis,

Sporobolus stelliger, et polycuprophytes ; B : pelouse sur colluvion malachiteux ; C : id.,

stade à Xerophyta equisetoïdes ; D : id., sur travaux indigènes ; E : steppe de pente à Loudetia

simplex et Cryptosepalum ; F : steppe à Loudetia-Cryptosepalum dans l’auréole de

contamination ; G : steppe enroché arbustif à Xerophyta et Aeschynomene pararubrofarinacea ; H : bosquet à Uapaca robynsii ; I : forêt claire enrochée à Brachystegia bussei ; J : savane à Cussonia ; K : pelouse à Rendlia altera

37

3.3. Flore-végétation-habitats

Les sites cuprifères du Katanga possèdent une flore très originale qui comprend plus de 600 espèces (Leteinturier, 2002) dont environ 40 seraient endémiques (Brooks & Malaisse 1985) (Tableau 2) vraisemblablement nées par le jeu de l’isolement écologique (toxicité du cuivre) et l’isolement géographique (les sites ne sont pas contigus, certains peuvent être séparés de plusieurs centaines de kilomètres) (Figure 7). Certaines d’entre elles possédent une distribution très restreinte (une ou deux collines). La flore des habitats cuprifères du Katanga contribue réllement à la biodiversité de la province du Katanga. Elle est constituée d’un

cortège diversifié d’espèces aux affinités variées. Une partie de cette flore est inféodée à

d’autres habitats du Katanga et existe dans les savanes steppiques des hauts-plateaux, des dembos (vallées planes sur dalle latéritique qui avec le temps s’est végétalisée), des dalles latéritiques, sur les termitières et dans la savane de la forêt claire (miombo) (Duvigneaud 1958). Par contre d’autres espèces présentent un caractère relictuel (cuprophytes locaux ou paléoendémiques) en possédant une distribution disjointe (elles sont présentes dans des zones géographiques éloignées et bien distinctes). Une autre caractéristique remarquable de cette flore est que certaines populations possèdent des variations morphologiques entre

collines ce qui évoquerait une spéciation en cours (Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963).

Cette flore s’assemble en différents groupements végétaux hautement originaux qui varient systématiquement le long des toposéquences ; Duvigneaud l’attribue à des variations de Cu, sans le démontrer (Duvigneaud 1958; Duvigneaud & Denaeyer-De Smet 1963). Il distingue une savane arbustive à Uapaca robynsii, une savane steppique à Loudetia

simplex – Monocymbium ceresiiforme, une steppe rocheuse à Xerophyta sp. et des pelouses

herbacées (Figure 9).

Cependant, la phytogéographie et la taxonomie de cette flore sont encore imparfaitement connues. Le manque de données phytogéographiques sur la flore d’Afrique Centrale dans les années 60 jusqu’à maintenant et le manque d’échanges scientifiques entre les pays francophones et anglophones d’Afrique n’ont pas permis de réaliser une révision précise de la phytogéographie de cette flore. Certaines espèces réputées endémiques des habitats cuprifères katangais seraient peut-être simplement des cuprophytes locaux c'est-à-dire des cuprophytes présentant une distribution disjointe. Elles seraient connues uniquement sur sols cuprifères au Katanga mais existeraient sur sols non-métallifères dans d’autres territoires phytogéographiques. La vérification du statut des endémiques des habitats cuprifères du

38

Katanga est indispensable pour établir des priorités de conservation des éléments les plus originaux de cette flore. Une révision phytogéographique et taxonomique de cette flore s’impose.

Les habitats cupro-cobaltifères sont variés, on distingue des affleurements de roches dont leur géologie a été décrite ci-dessus, les habitats anthropogènes récents créés par l’industrie minière (Brooks & Malaisse 1985). Ces derniers correspondent à des zones d’affleurements perturbées où le sol a été remanié et le minerai a été mis en surface, à des zones de stockage de déblai minier, à des zones humides contaminées par le ruissellement des métaux provenant des zones de déblai stocké, à des sites contaminés par les poussières métalliques provenant des cheminées des industries minières. Ces habitats ont été colonisés par une flore locale des habitats non métallifères qui s’est adaptée à ces conditions extrêmes et plus particulièrement par certaines cuprophytes des affleurements cupro-cobaltifères.

En plus de leur extrême rareté, les métallophytes du Katanga présentent des potentialités importantes d’un point de vue biotechnologique. Leur aptitude à tolérer des concentrations élevées en cuivre et en cobalt leur confère un intérêt dans la « reverdurisation » des sols contaminés par ces métaux. En outre, certaines de ces espèces, dites hyperaccumulatrices de métaux, pourraient être utilisées pour la phytoextraction des sols contaminés. La flore des sites cuprocobaltifères constitue donc pour la République démocratique du Congo (RDC) une ressource génétique à étudier, à conserver et à valoriser. Pourtant, cette flore est directement menacée par les activités minières. À ce jour, la végétation de plus d’une dizaine de collines a déjà été totalement détruite. Conformément à la Convention sur la Diversité biologique et aux engagements pris par la communauté internationale lors du Sommet mondial sur le Développement durable (Johannesburg 2002), l’État de la RDC a la responsabilité de conserver les éléments les plus originaux de sa biodiversité végétale, mais aucune action n’a été mise en œuvre par l’Etat pour limiter cette érosion.

Dans cette situation d’urgence, l’étude de l’écologie, de la taxonomie, de la biologie de la conservation de cette flore remarquable est indispensable pour l’établissement de stratégies et de plans de sa conservation.

39