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L'apprentissage professionnel : problèmes et perspectives : actes du Colloque des 9 et 10 octobre 1986

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L'apprentissage professionnel : problèmes et perspectives : actes du Colloque des 9 et 10 octobre 1986

AMOS, Jacques (Ed.), et al.

AMOS, Jacques (Ed.), et al . L'apprentissage professionnel : problèmes et perspectives : actes du Colloque des 9 et 10 octobre 1986 . Genève : Université de Genève Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, 1987, 152 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:92915

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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UNIVERSITE DE GENEVE

Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation Cahier N° 47

SERVICE DE LA RECHERCHE SOCIOLOGIQUE Cahier N° 23

L'APPRENTISSAGE PROFESSIONNEL : PROBLEMES ET PERSPECTNES Actes du colloque des 9 et 10 octobre 1986

Jacques Amos Siegfried Hanhart

W alo Hutmacher Bernard .Schneider

Johnny Stroumza

Pour toute correspondance:

Service de la

recherche sociologique 8 rue du 31-Décembre CH-1207 Genève

Juin 1987

Section des sciences de l'éducation UNI II CH-1211 Genève 4

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AVANT-PROPOS Première partie

Introduction:

TABLE DES MATIERES

Walo Hutmacher, directeur du SRS Allocutions de bienvenue:

M. le Conseiller d'Etat Jean-Philippe Maître M. le Conseiller d'Etat Dominique Follmi M. le Professeur Edouard Bayer, doyen FPSE

DE L'AVENIR DU TRAVAIL

Conférence du Professeur René Lévy Deuxième partie

Table ronde d'ouverture:

LA FORMATION PROFESSIONNELLE FACE AUX MUTATIONS ECONOMIQUES, TECHNOLOGIQUES ET SOCIALES

1

3

9 11 13

17

31

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Troisième partie

COMPTE-RENDUS DES ATELIERS

Formation professionnelle et développement

de la personnalité de l'apprenti 53

Formations scolaires et apprentissages

professionnels: Trajectoires et articulations 59 Cohérence entre objectifs, enseignement et

évaluation dans les cours professionnels 71 Apprentis et maîtres d'apprentissage:

Dans la tension entre formation et production 76 Mutations technologiques: Quelles implications

pour la formation initiale et continue? 82 Pratiques et formation des formateurs 90

Quatrième partie

Table ronde de clôture:

FORMATION PROFESSIONNELLE ET RECHERCHE:

QUELLES PRIORITES?

CONCLUSIONS

ANNEXES

A. Liste des abréviations utilisées B. Programme du colloque

C. Liste des participants

D. Projets du programme national EVA E. Bibliographie

93 115

123 125 129 137 145

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AVANT-PROPOS

Pour la première fois, les Cahiers de la Section des scien­

ces de l'éducation et les Cahiers du Service de la recherche sociologique paraissent sous une couverture commune. C'est l'aboutissement de la collaboration des deux institutions éditrices dans l'organisation et l'animation d'un colloque, et la restitution au public de son contenu.

A l'occasion de la clôture du programme national de recherche "Education et vie active" (plus familièrement appelé EVA), en effet, la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'Université de Genève et le Service de la re­

cherche sociologique du Département genevois de l'instruction publique ont organisé un colloque sur le thème général

"L'apprentissage professionnel: problèmes et perspectives".

Destiné prioritairement aux milieux de la formation professionnelle de Suisse romande, il a intéressé plus de cent praticiens, dont la liste figure en annexe, avec le programme complet du colloque.

Ces actes reflètent fidèlement le déroulement du col­

loque. Les diverses interventions rapportées ici, qu'elles soient attribuées directement ou indirectement à des personnes particulières, n'ont fait l'objet d'aucune sélection de notre part, ni de préparation par leurs auteurs en vue d'une publication. Le texte qui suit doit être considéré comme un ensemble de réactions "à chaud", issues des divers milieux professionnels de la Suisse romande, et comme un témoignage de l'état actuel de la sensibilité de ces milieux aux problèmes traités. Dans cette perspective, les signataires n'ont retouché les interventions enregistrées que pour en rendre la forme plus appropriée à la lecture.

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INTRODUCTION Walo Hutmacher

Directeur du Service de la recherche sociologique et chargé de cours à la FPSE, Université de Genève

Il n'est pas de jour que l'actualité ne se charge de rappeler sous une forme ou une autre que la compétitivité des entreprises suisses dépend de leur créativité et de la qualité reconnue à leurs produits. A son tour, la créativité et la qualité dépendent de celle de la force de travail et par conséquent de la capacité des institutions de formation professionnelle de maintenir et développer la qualification de cette force de travail au moment de la formation initiale et, de plus en plus, par le biais de la formation continue.

Au gré des transformations techniques, économiques, sociales et culturelles qui traversent les sociétés industrielles occidentales depuis maintenant plus d'un quart de siècle, la conscience de ces fortes interdépendances s'est renforcée dans les milieux de la formation et dans cerne de l'économie. Ainsi, le directeur général d'une grande entreprise industrielle genevoise la traduisait récemment dans ces termes: "Les responsables de formation, qu'ils soient dans l'enseignement primaire, secondaire, professionnel, technique ou universitaire, qu'ils soient dans des écoles ou dans des entreprises, détien­

nent la clé principale de la compétitivité" (Gérard Fatio,

"Compétitivité et formation", Revue "Entreprendre", No 4, 1986).

Simultanément à cette prise de conscience, une autre certitude s'installe dans les esprits: le mouvement de trans­

formation économique et sociale n'est pas terminé; il se poursuivra et s'accélérera même à moyen terme. De plus, il coïncidera, pour ce qui est de la Suisse, avec des facteurs démographiques qui tendent généralement à peser sur les capacités collectives d'adaptation: je vewc parler de la diminution de la base de recrutement de jeunes consécutive à

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la récente diminution des naissances et qui entraînera iné­

vitablement un certain vieillissement des forces de travail.

Du côté des institutions de formation générale et profes�ionnelle, les mutations en cours et à venir ont exigé déjà et exigeront encore d'énormes efforts d'adaptation. On parle beaucoup du renouvellement rapide des connaissances à transmettre. Ce n'est pourtant à mon sens qu'un des aspects du changement, important certes mais peut-être le moins mal maîtrisé. D'autres changements tout aussi urgents sont plus difficiles et plus lents à se réaliser.

Ainsi, on demande de plus en plus à toutes les institutions de formation de contribuer non seulement à l'acquisition de savoirs et de savoir- faire de haut niveau, mais également à l'épanouissement de personnalités équilibrées, au dévelop­

pement des facultés d'autonomie, de créativité et de commu­

nication, à la capacité et au désir de chacun d'apprendre toute sa vie. De telles dispositions, qui ressortent du savoir-être n'ont plus de nos jours seulement une valeur ornementale; elles deviennent au contraire partie intégrante du profil idéal des candidats dans un nombre croissant de situations de travail.

Mais le développement (ou la conservation) de ce type de facultés chez les enfants et les adolescents suppose des changements de méthode de travail dans les institutions de formation ainsi qu'1m changement des attitudes et des mentalités éducatives. L'école telle qu'on la concevait il y a encore trente ans, fonctionnant à base de soumission à des disciplines assez rigides et uniformisantes et orientée plus vers la sélection des meilleurs que vers la promotion de la plupart, n'y suffit pas. Une autre école, d'autres modèles de formation, orientés vers la promotion du plus grand nombre se cherchent encore, dans le monde entier, à travers mille essais, tâton­

nements et débats.

Mais un constat s'impose. Le climat général de change­

ment entraîne dans de nombreuses situations de formation, l'inefficacité et l'obsolescence des certitudes traditionnelles, des savoirs d'expérience acquis par les maîtres et les respon­

sables, des méthodes d'enseignement, d'encadrement ou d'accompagnement des processus d'apprentissage héritées du passé. En même temps on ne peut pas (ou on ne veut pas)

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simplement attendre que d'autres certitudes, d'autres méthodes s'élaborent lentement à travers les essais et les tâtonnements de quelques générations de maîtres.

Ainsi s'explique pour une part que depuis un certain nombre d'années les systèmes de formation recourent plus systématiquement aux sciences sociales pour recouvrer si.non des certitudes, du moins une certaine intelligibilité des situations et des acteurs. Au cours des vingt dernières années, dans tous les pays industrialisés, la recherche en éducation s'est développée dans de fortes proportions. Mais on doit admettre qu'elle a concentré ses efforts sur le domaine de l'enseignement primaire et secondaire général. délaissant quelque peu celui de la formation professionnelle qui, d'ailleurs, ne manifestait pas non plus de son côté un intérêt considérable.

Compte tenu de cette situation, au milieu des années septante, le Conseil fédéral a chargé le Fonds national de la recherche scientifique de conduire un programme national de recherche, comm sous le label Education et vie active (EV A).

Doté d'une enveloppe de huit millions de francs, ce programme représente véritablement le premier grand effort de recherche dans le domaine de la formation professionnelle non­

universitaire, c'est-à-dire notamment l'apprentissage selon le système dual et les écoles professionnelles.

Entre 1980 et 1985, une bonne vingtaine de projets de recherche ont investigué divers aspects et divers problèmes du champ de la formation professionnelle. Une équipe de cher­

cheurs a par exemple étudié les stratégies d'apprentissage chez les apprentis; une autre a analysé la manière dont les adultes pensent que les apprentis apprennent; une troisième a étudié les parcours de formation des apprentis et les diffi­

cultés qu'ils rencontrent; une autre la place qui. est faite aux apprnntis dans les entreprises, une autre encore les réper­

cussions du changement technologique sur les biographies de travail, etc. Je ne veux pas énumérer ici tous les projets du programme. Une liste détaillée se trouve en annexe avec les indications pe1mettant d'éventuelles prises de contact directes avec les chercheurs concernés.

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La plupart des recherches viennent de se terminer; pour certaines, des publications sont encore en préparation (1).

Pourtant, aussi intéressants que soient les résultats, leurs effets dans la pratique seraient nuls s'ils n'étaient pas diffusés, discutés et valorisés dans le champ de la formation professionnelle. Le groupe d'experts et la direction du pro­

gramme ont été sensibles à cette question et ont tenu à ce qu'un certain travail de diffusion et de valorisation soit accompli déjà au cours de la réalisation du programme, notamment par les équipes de recherche.

Dans l'ensemble, ces équipes ont joué le jeu. Par le biais de groupes d'accompagnement formés de praticiens, comme par le biais de colloques et de séminaires spécialisés, un grand nombre de contacts se sont noués entre des chercheurs et des praticiens. Mais l'effort de diffusion est encore insuffisant.

Dans divers milieux de la pratique, particulièrement en Suisse romande, on regrette un certain manque d'information à propos du programme de recherche et de ses résultats.

On peut comprendre ces regrets, même s'il faut rappeler que les recherches sont à peine achevées et, dans 1 • appré­

ciation de l'effort de diffusion, tenir compte aussi du point de vue quantitatif. Par la force des choses, les échanges et les cercles de collaboration noués en cours de programme, autour des projets de recherche ou de thèmes spécifiques, n'ont pu à chaque fois toucher que de petits groupes de personnes. Même si, au total, plus de mille praticiens ont pris part à ces con­

tacts, c'est bien peu au regard des dizaines de milliers de personnes qui s'occupent de formation en Suisse, que ce soit dans les entreprises, dans les écoles professionnelles, dans les offices cantonaux et fédéraux ou dans des commissions.

Toujours est-il que ces collaborations ont permis d'atténuer quelque peu les rigueurs du climat d'ignorance, d'indifférence, voire de méfiance réciproques qui régnait entre les milieux de la recherche et ceux de la formation profes­

sionnelle. Ce n'est pas le moindre mérite du programme EVA.

(1) Voir la bibliographie provisoire en annexe.

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Ces expenences ont aussi montré que le dialogue entre chercheurs et praticiens requiert un certain apprentissage de part et d'autre et repose sur des conditions de disponibilité et d'ouverture réciproques. Au début, les uns et les autres sont parfois déçus, souvent parce qu'ils attendaient mieux, plus ou autre chose. Les bénéfices n'apparaissent qu'en 1m second temps.

Le colloque dont nous présentons ici une restitution écrite s'inscrit dans le prolongement des efforts de diffusion de la recherche qui, de l'avis général, doivent encore gagner en étendue et en profondeur. La Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation et le Service de la recherche socio­

logique ont tous deux participé au programme national EV A, au plan de sa gestion et à celui de la recherche. Leur vocation les destine aussi à contribuer à la diffusion et à la mise en discussion des résultats. L'exercice n'a rien d'inhabituel, sinon peut- être par le public auquel il s'adresse. Car là il y a bien innovation: je crois que ceci est le premier colloque romand destiné à diffuser des résultats de recherche portant sur la formation professionnelle.

Pour ce premier colloque (qui j'espère sera suivi d'autres), nous avons voulu donner la priorité au contact avec ceux qui, à un titre ou un autre, sont responsables de la formation professionnelle dans les entreprises, dans les écoles ou dans les administrations publiques. L'intention est de leur présenter un certain nombre de recherches, d'en discuter les résultats, d'esquisser des solutions à des problèmes et d'identifier les domaines où des efforts accrus s'imposent (2).

L'éventail thématique couvert par les chercheurs est toutefois très vaste, trop pour 1m seul colloque. Placés devant un choix, nous avons privilégié le secteur le plus complexe et numériquement le plus important, celui de la formation en apprentissage.

(2) Deux autres colloques de clôture du programme EV A, à vocation plus scientifique, ont eu lieu à Bâle et à Bellinzone.

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Afin de favoriser au maximum le dialogue direct et personnalisé entre chercheurs et praticiens, nous avons retenu la formule des ateliers, chacun consacré à 1m thèm e d'actua­

lité auquel la recherche apporte une contribution . Les chercheurs y ont exposé leurs résultats et en ont discuté avec les praticiens. Les travaux de ces ateliers font l'objet d'une présentation résumée dans la troisième partie de ces actes.

Les ateliers forment le coeur du travail de mise en relation entre recherche et pratique. Ils sont encadrés de deux tables rondes mobilisant principalem ent des praticiens . Dans la première, ils disent les problèmes et les perspectives tels qu'ils les voient actuellement depuis la place qu 'ils occupent dans le système de la formation professionnelle (2ème partie).

Ces éléments ont fourni des matériaux et un cadre à la réflexion et aux échanges au sein des ateliers , avec l'exposé du Prof. R. Lévy sur le thème très actuel de "L'avenir du travail"

( 1ère partie).

Quant à la deuxième table ronde (4ème partie), elle est consacree aux perspectives en matière de recherche. Le programme national s 'achève . Il faut s ' interroger sur la suite . Grâce à ce programme, il existe aujourd'hui quelques premiers résultats que les participants ont pu apprécier. Il ne s 'agit pas de savoir si on va continuer à occuper le petit groupe des chercheurs qui s 'est formé et qui connaît mieux les com­

plexités et la diversité du champ et des pratiques de la formation professionnelle en Suisse. Les meilleurs trouveront (ou ont déjà trouvé) de nouveaux. champs d'intérêt. La question de la continuité est posée à la pratique autant qu'à la recher­

che: Est--il utile, voire nécessaire de continuer l'effort de recherche? Le cas échéant, comment? Dans quel sens faut-il orienter les investigations? Selon quelles modalités poursuivre le dialogue et la coopération entre la recherche et la pratique?

Le bilan à chaud de la première occasion de dialogue qu'a constitué le colloque esquisse quelques pistes en réponse à ces questions.

Il me reste l'agréable devoir, au nom des institutions organisatrices, de remercier tous ceux qui ont contribué à la préparation et à la réussite du colloque, ainsi qu 'à la produc­

tion de ces actes . A commencer par les chefs des départe­

ments de l'instruction publique et de l'économie publique du

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canton de Genève qui nous ont apporté leur soutien et leur présence, ainsi que les autorités de l'Université de Genève qui nous accueillent dans leurs locaux. La direction du programme national EV A nous a apporté un soutien financier très appré-­

cié. Ensuite, je voudrais remercier les personnes qui ont accepté de participer à une de nos tables rondes, ainsi que les animateurs des ateliers et les chercheurs et praticiens qui les ont secondés. Enfin, M. Michel Schaller, administrateur de la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation et sa secrétaire, Mme Annarita Ischer ont droit à notre reconnais­

sance spéciale pour le dévouement avec lequel ils ont assuré des tâches ingrates et souvent invisibles d'organisation matérielle sans lesquelles le colloque ne se serait pas fait.

ALLO CUTION

de

Monsieur le Conseiller d'Etat Jean-Philippe Maître Chef du département de l'économie publique, Genève

Toute réflexion et plus encore toute action destinée à valoriser la formation professionnelle soulève la question fondamentale de savoir quelle est en réalité la place que l'on veut donner à la formation professionnelle dans l'ensemble des préoccupations politiques. Nous vivons dans un pays qui n'a pas de matières premières, qui, par conséquent, ne peut compter que sur son génie inventif, sa capacité de s'adapter, mieux encore son aptitude à anticiper un certain nombre de change-­

ments. Aussi, il me semble évident que les qualifications professionnelles jouent pour nous un rôle de tout premier plan.

C'est en réalité, si vous permettez ce raccourci de langage, notre seule matière première.

En d'autres termes,

formation professionnelle la formation en général et la en particulier représentent un

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investissement absolument capital pour des collectivités qui veulent vivre, se développer et s'affirmer dans la compétition internationale. Elles doivent par conséquent toujours être présentes à l'esprit dans la réflexion et l'action politique. Je suis tenté de dire qu'elles doivent représenter un souci quoti­

dien de l'homme politique.

Je suis particulièrement attaché à ce que puissent s'exprimer, de la manière la plus concrète possible, les liens très étroits qui existent entre l'école et la formation prof es­

si.onnelle en emploi. Il ne doit y avoir aucune ségrégation.

L'école et la formation professionnelle en emploi ne sont pas des chiens de faïence. Les deux doivent concourir à ce que l'apprentissage des connaissances générales, le développement de la personnalité, mais aussi la maîtrise des techniques nécessaires pour exercer convenablement un métier forment un tout dans une vision intégrée et cohérente.

Aujourd'hui, il faut se rendre compte que la formation en emploi est à un tournant. L'apprentissage de base, le certificat fédéral de capacité ne sont plus, ne peuvent plus être une fin au- delà de laquelle plus rien ne se passe en matière de forma­

tion. La formation initiale est une étape, indispensable pour donner accès à une profession mais qui doit aussi stimuler la volonté de perfectionnement professionnel continu. Aussi faut-il se préoccuper de créer les relations de symbiose qui doivent exister entre l'apprentissage de base et 1 es différentes institutions qui y préparent d'un côté et celles qui concourent au perfectionnement professiotmel de l'autre. Cela inclut les écoles au sens large aussi bien que l'université.

Pour sa part, le colloque que nous ouvrons entend expri­

mer une volonté de mariage entre la recherche et la pratique, de symbiose entre les préoccupations qui naissent de la réflexion et celles qui sont le fruit de l'action. Nous aurons besoin de la recherche pour comprendre et conduire les changements qui sont devant nous. La rencontre que nous inaugurons me paraît donc de la plus haute importance et c'est avec plaisir que je vous souhaite un plein succès.

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ALLOCUTION de

Monsieur le Conseiller d'Etat Dominique Follrrü Chef du département de l'instruction publique, Genève

Je souhaite, d'entrée de jeu, souligner l'intérêt de ce colloque sur l'apprentissage professionnel, thème peu abordé par les universitaires; un colloque que je placerai sous le signe de la rencontre. Rencontre entre deux organismes: la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation et le Service de la recherche sociologique du département de 1 'instruction publique, qui ont conjugué leurs efforts et leurs talents pour organiser ces deux journées de réflexion. Rapprochement, aussi, entre chercheurs et praticiens qui souvent, par nécessité (le manque de temps) ou par intérêt exclusif, ignorent leurs travaux respectifs. Rencontre, encore, entre un constat sur une pratique de l'apprentissage à laquelle le peuple suisse vient de renouveler son appui et des propositions d'aménage­

ment de cette réalité que les mutations technologiques rendront inévitables.

L'apprentissage professionnel marque un tournant dans la vie d'un adolescent. Il représente un rite de passage entre 1 'univers scolaire et le monde professionnel. Il constitue l'articulation, le pont jeté entre des réalités ou des logiques différentes: individu et organisation, formation et production, savoir opérationnel et culture générale, acquisition et appli­

cation. Suivant le point de vue que l'on adopte, l'apprentissage peut dès lors être conçu comme le lieu d'une tension, d'un conflit d'intérêts ou, au contraire, comme le résultat d'un compromis, d'un juste équilibre entre les besoins des jeunes et les nécessités de l'entreprise. Si l'on adopte cette seconde perspective, il est nécessaire de donner aux jeunes un savoir et un savoir-faire immédiatement uti1isables sur le marché du travail ( chercher 1 'intégration), mais aussi la capacité d'échanger ce savoir contre un autre, à différents moments de leur carrière (permettre l'adaptation).

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Le rôle de l 'enseignement dans la formation profession-­

nelle en apprentissage est déterminant autant que délicat.

Pour les jeunes qui ont souvent perçu l 'entrée dans un bureau ou un atelier comme l 'occasion d 'échapper à la classe , à l 'étude pour laquelle ils éprouvaient peu de motivation. Pour l 'employeur aussi qui peut avoir tendance à juger comme

"utile" dans le processus d'acquisition que ce qui est visible , tangible, immédiatement mesurable : l a présence a u poste de travail et les prestations de l 'apprenti . L'apport de l 'école est pourtant d'une grande importance, me semble-t-·il , car il prend en compte l 'intérêt à long terme et des jeunes et des entreprises. Il correspond à une formation générale , à un investissement de longue durée , qui doit permettre autant aux travailleurs d ' être mobiles qu 'à notre société à maîtriser ses mutations. Dans son enseignement, l'école ne peut pas, bien entendu, se reposer sur un savoir et des méthodes séculaires;

elle doit s'ouvrir aux nouvelles techniques, adapter sa péda­

gogie à l 'évolution des idées et des pratiques, devancer en quelque sorte le monde de demain.

Il faut noter que l 'imbrication entre l 'école et l 'appren­

tissage est devenue plus complexe du fait que certains jeunes commencent leur apprentissage une ou plusieurs années après la fin de la scolarité obligatoire. Ce phénomène n'est peut­

être pas étranger aux critiques qui sont formulées, ici et là, par des employeurs ou des formateurs, sur la baisse de qualité des aptitudes chez certains apprentis . Une telle régression, à laquelle l 'on pourrait attribuer d 'autres origines (par exemple , l'influence des médias), n'est toutefois démontrée par aucune étude sérieuse et je pense qu 'elle est, à la limite, invérifiable par manque de points de comparaison et du fait du changement de contexte social .

Les résultats et perspectives qui sont mises en valeur par le programme national de recherche Education et Vie Active (EVA) seront au coeur des discussions de ce colloque. Qu'il me soit permis de relever l 'importance de cette recherche, qui peut féconder la réalité et saluer l'effort entrepris à Genève et sur le plan national . depuis quelques années, pour faire progresser notre compréhension de l 'apprentissage prof es-­

sionnel . J'exprime le voeu que cette réflexion puisse se poursuivre, à différents niveaux et même s'intensifier.

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Il me reste à remercier les organisateurs de leur heureuse initiative et de souhaiter aux participants de ces deux journées des débats riches de sens, dans les deux acceptions du terme, c'est-à-dire riches de signification et de direction.

ALLO CUTION

de

Monsieur le Professeur Edouard Bayer Doyen de la Faculté de psychologie et

des sciences de l'éducation

Il est probable que la plupart des participants de ce colloque n'ont guère l'habitude de se réunir dans ce cadre.

Aussi voudrais-je brièvement présenter notre Faculté et souligner le sens que prend pour nous l'organisation de ce colloque.

Peut-être est-ce parce que le singulier est plus facile à identifier que le pluriel, que la psychologie figure en premier dans le nom de notre Faculté. Cette première identification n'est certes pas usurpée dans la mesure où c'est ici que les travaux de Jean Piaget ont donné naissance à l'une des plus prestigieuses écoles de psychologie au plan mondial.

Mais la tentation d'identifier les sciences de l'éducation à la psychologie s'est souvent exprimée, dans la mesure ou, pendant longtemps les sciences de l'éducation se réduisaient à la pédagogie. Historiquement, dans l'Institut J ean-Jacques Rousseau puis dans 1 'Institut des Sciences de 1 'Education, toute une lignée de grands pédagogues de 1' école qui ont nom Claparède, Ferrière, Bovet, Dottrens, Pauli ou Roller se signalent par leur contribution à 1' étude des problèmes scolaires. Ce n'est qu'à partir des années septante que la section des sciences de l'éducation met l'accent sur une

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approche pluri-disciplinaire des problèmes éducatifs, s'ouvrant aux dimensions sociales, économiques, politiques, culturelles, mais aussi gestionnaires et planificatrices de l'éducation. Dans ce cadre se crée aussi rapidement un secteur orienté vers l'éducation des adultes et les problèmes de la formation continue, notamment aussi professionnelle.

Pourtant, il faut bien avouer que la curiosité et la recherche ou la curiosité universitaire pour les problèmes de formation professionnelle, notamment les formations initiales et l'apprentissage n'a pas une longue tradition, ni dans notre Faculté ni dans d'autres universités suisses ou européennes.

C'est le programme national "Education et vie active" qui déclenche un premier intérêt de recherche dans un domaine pourtant vital et numériquement considérable du système de formation suisse.

Que notre Faculté et le Service de la recherche socio­

logique s'unissent pour organiser ce colloque me paraît à la fois heureux et normal. Les deux institutions ont activement participé au groupe d'experts du programme national ainsi qu'aux travaux de recherche. Mais l'intention générale dépasse cette circonstance car, depuis un certain nombre d'années déjà, les deux institutions cherchent à repenser et renforcer leurs rapports avec le champ de la formation professionnelle tant au plan de l'enseignement qu'à celui de la recherche. Déjà la participation au programme national EV A s'inscrivait dans cette visée et les travaux effectués témoignent de cet enga­

gement.

Ce colloque cherche à favoriser la rencontre de cher­

cheurs et de praticiens, à engager le dialogue entre eux. On constatera sans doute à l'exercice qu'en matière de formation professionnelle, comme dans d'autres domaines, la recherche et la pratique sont deux mondes qui s'ignorent et entre lesquels le dialogue est difficile. De part et d'autre circulent des stéréotypes. La métaphore de la tour d'ivoire ou le reproche de jargon incompréhensible sont bien connus, de même que de l'autre côté l'image du praticien pragmatique aux vues courtes. Chercheurs et praticiens ont des intérêts qui ne coïncident pas toujours et des rôles distincts: les cher­

cheurs circulent dans un univers orienté vers l'acquisition et l'accumulation de coru1aissances. La pratique ne peut pas

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ignorer les contraintes de l'action, la nécessité d'agir rapi­

dement et efficacement. Pourtant, les praticiens n'agissent pas sans connaissances. Mais beaucoup de ce qu'ils savent va de soi pour eux, ils ne savent plus que ce sont des connais-­

sances. C'est là bien souvent que naissent les premières irritations devant des chercheurs qui ignorent tout ou presque de l'organisation de la formation professionnelle, de ses problèmes, de ses enjeux, de ses conflits.

Je n'allongerai pas, sinon pour dire que je crois que les règles du jeu entre partenaires de la recherche et de la pratique doivent encore être trouvées, pas seulement dans les domaines de la formation professionnelle d'ailleurs. Il ne ser­

virait à rien cependant d'attendre que ces règles se trouvent pour entamer le jeu. On ne les trouvera qu'en commençant concrètement à échanger, à coopérer, à se confronter aussi au besoin. Si chacun garde en mémoire cette question des règles du jeu, le chemin se fera en cheminant. C'est la raison d'être de ce colloque et je souhaite qu'il réussisse à nous rapprocher en vue du but commun qui réside en fin de compte dans l'amélioration des conditions de formation.

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DE L'AVENI R DU T RAVAIL Professeur René LEVY Université de Lausanne

I. Ne parlons pas de l'emploi, mais du travail

Mais pourquoi ? Tout le monde a compris la leçon de la récession du milieu des années 70: il n'y a pas de garanties contre le renversement de la plus belle des conjonctures!

Il est vrai qu'au milieu des années 70, la Suisse a perdu selon les estimations entre 7% et 10% de ses emplois, tout comme il est vrai que la majorité des personnes touchées n'a jamais franchi le seuil d'un bureau de timbrage .

Il est vrai que dans la première moitié des années 80, une nouvelle perte d'emplois a eu lieu . Elle s 'est fait jour plus directement dans les statistiques officielles, ne pouvant pas être épongée dans la même mesure que la première par des départs d'étrangers .

Donc il y a bel et bien eu perte d'emplois après les années de la haute conjoncture; mais il est aussi vrai que la situation se présente de manière extrêmement différente selon les secteurs et les régions, de telle sorte que les propos globaux sont d'une portée fort limitée .

Il est vrai aussi - et difficile à faire croire à des étrangers ! - que le nombre des chômeurs a de nouveau baissé depuis 1 984, et cela dans une mesure qui n'est pas directement compensée par la disparition artificielle des

"implaçables" de la statistique du chômage ; pourtant le niveau de l'emploi reste inférieur au maximum atteint en 1 972.

Il est finalement vrai que les indices conjoncturels actuels témoignent d'une situation d'essor économique dont personne n 'a l'air d'oser parler!

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On est tenté de dire qu'en Suisse aujourd'hui, il n'y a que les pronostiqueurs du chômage qui n'ont pas de travail; les problèmes de l'emploi sont "out". On va donc, par la suite, parler de la qualité du travail plutôt que de son volume et ce pour deux raisons principales:

Première raison: les pronostics de l'emploi à moyen ou plus long terme (p. ex. Browa 1984) sont hypothéqués de trop de paramètres dont on prévoit mal le changement et pas mieux leur impact futur - lui aussi changeant - sur l'emploi.

Deuxième raison: trop souvent, la question de l'emploi occulte celle de la qualité du travail qui est offert; il convient donc de rappeler le "comment" du travail à un moment où son

"combien" ne nous hante pas de manière impérieuse.

II. Quel est l'impact des nouvelles technologies?

Chacun se pose la question. Quand on la pose aux chercheurs, on constate qu'ils ont encore fort peu à dire. La plupart des études disponibles concernent des cas particuliers et des périodes initiales, exploratoires. Elles ne peuvent donc livrer des résultats qu'on pourrait extrapoler à des situations ultérieures, plus banalisées. De plus, ce genre de recherches manque crûment en Suisse; à l'étranger, elles sont le plus souvent effectuées dans des industries ou, plus rarement, dans des services organisés à des échelles bien plus larges que ce qu'on connaît en Suisse. Parmi les premières études empit'i.­

ques suisses sur le travail a,rec les nouvelles technologies figurent celles effectuées dans le cadre du Programme ''Vie au travail" du Fonds National de la Recherche Scientifique: Bieri, Dürrenberger & Jaeger 1985; Muggli & Zinkel 1985; Ruch &

Troy 1986; Troy, Baitsch & Katz 1986; la perception de ces technologies et de leur impact est étudiée par le GRISO C 1 986.

Finalement, ces études concernent quasi exclusivement le travail avec des équipements basés sur l'informatique. En fait, il est intéressant de constater qu'on entend par l'appellation de "nouvelles technologies" uniquement ce genre d'équipe­

ment, alors que d'autres technologies, nouvelles elles aussi, viendront influencer les différents aspects du travail de

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multiples façons tout aussi dignes d'être étudiées. Pensons, par exemple, au développement de nouveaux matériaux, au génie biologique et plus particulièrement génétique, aux emplois de procédés nucléaires ou basés sur le laser.

Ces remarques signa.lent les limites qu'il convient d'avoir à l'esprit quand on essaie, comme nous allons le faire, d'anticiper quelques conséquences probables de l'implantation des nouvelles technologies dans le monde du travail.

Bornons-nous à six éléments, sans prétendre être complet:

1. Sous l'influence des nouvelles technologies, le travail risque fort de devenir plus abstrait. Davantage que jusqu'à maintenant, la manipulation directe d'objets physiques sera remplacée par la manipulation de symboles et d'informations; dans une certaine mesure, plus limitée peut-être, il en sera de même pour des travaux de service qui pourraient voir diminuer la proportion du travail relationnel direct, le face-à-face au client cédant le pas à des activités "multiplicatrices" touchant plus de destinataires, mais nécessitant des supports techniques.

2. Les systèmes employés par les nouvelles technologies changent rapidement, la longévité des matériels comme des logiciels diminue. Peut-être y aura-t-il un point de saturation à cette évolution, mais il ne pointe pas encore à l'horizon. La maîtrise physique et mentale de l'outil sera donc de moins en moins un acquis durable.

3. Ces systèmes sont des machines transclassiques, leur fonctionnement n'étant en large partie plus directement incorporé à leur structure matérielle. Leur emploi potentiel est donc beaucoup plus wi.iversel, flexible et moins limité à wi.e application particulière que ne le sont les savoir-faire professionnels conventi01mels.

4. Davantage que dans les automates mécaniques conven­

tionnels, une partie importante des connaissances professionnelles peut être intégrée dans ces systèmes.

Pour donner un exemple peut--être caricatural: on peut imaginer qu'un bon système expert médical pourrait être utilisé par des infirmières, une partie importante des connaissances professionnelles des médecins concernant le

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diagnostic et le traitement étant intégrée au système.

5. Le travail informatisé permet wie dissociation plus prononcée des fonctions d'exécution et de surveillance que les technologies et les principes d'organisation conventionnels. On peut, parfois aussi on doit largement travailler seul, éventuellement à domicile, sans que cela diminue les possibilités de surveillance par une instance centrale.

6. L'informatisation risque d'accélérer plutôt que de rompre l'intensification du travail, tout en diminuant les risques d'accidents physiques. Il faut donc s'attendre à un déplacement des symptômes négatifs aux niveaux psycho-somatique et psycho-social où ils sont souvent plus diffus, plus dissociés de leur origine, moins faciles à reconnaître et plus difficiles à traiter.

Après cette énumération, ajoutons une remarque à l'égard de ceux qui se plaisent à pianoter eux-mêmes sur un ordinateur personnel ou qui en profitent dans leur travail. Les changements indiqués pourraient leur paraître exagérément négatifs par rapport au bénéfice ou au plaisir qu'ils en tirent.

L'un ne contredit pas l'autre. Cette réflexion concerne l'introduction des techniques informatisées au monde du travail dans la période actuelle et à venir. Dans ce contexte concret, elle se fait avant tout sous le signe de la rationalisation et de la substitution du travail par le capital investi, donc dans une situation où existe une forte pression dans le sens de la rentabilisation et de l'amortissement rapide.

Mais il est évident qu'ici interviennent des choix et qu'il ne s'agit nullement d'un processus déterminé aveuglément par une sorte de loi naturelle de l'évolution technique. Nous y reviendrons.

Les changements évoqués toucheront non seulement la nature du travail au niveau du vécu individuel, mais aussi l'organisation et les conditions qui lui donneront son cadre plus ou moins obligé. Qu'il suffise de mentioIU1er le degré d'au­

tonomie dans l'organisation spatiale, temporelle et logique que laisse le système choisi; ou le degré de coopération humaine, de compétition, de solitude qui sera engendré par l'aména-­

gement physique et social qui entoure et sous-tend le travail.

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III. Tout ne dépend pas des nouvelles technologies

Il est bien évident que l'introduction de nouvelles technologies n'est pas le seul facteur qui influence le tableau que présentera le travail à l'avenir. Parmi les autres, je n'en citerai que deux.

D'abord, un phénomène difficile à diagnostiquer: la surproduction. Les économistes dogmatiques nient souvent la possibilité-même de son existence. Pourtant, dans différents secteurs, il est soit évident, soit plausible que l'appareil de production est passablement surdimensionné par rapport à la demande, même en tenant compte des possibilités d'augmen­

tation. On connaît la surproduction laitière, viticole, bovine en Suisse. On connaît la surproduction d'appareils ménagers, de voitures et d'autres biens de consommation ailleurs. Les appareils productifs des pays industrialisés de l'Ouest possèdent un over-kill économique à l'image du potentiel destructif des armées. D'où des problèmes d'investissement pour capitaux internationaux en quête de rentabilité.

En principe, en-dehors de la croissance zéro ou d'une forme de neutralisation économique de ces capitaux qui serait encore à inventer, on observe deux stratégies d'expansion. Une première est la recherche de nouveaux marchés dans les régions non encore intégrées au système d'échanges inter­

national: les pays en développement, notamment la Chine, et la nébuleuse soviétique. D'où une internationalisation des grandes sociétés dans une mesure telle qu'on estime aujourd'hui qu'elles contrôlent déjà plus d'un tiers des échanges internationaux - le commerce international devient commerce intracorporatif. Résultat: les nouveaux emplois sont de plus en plus créés dans les régions du globe qui s'y prêtent le mieux - donc ailleurs que chez nous. Les firmes industrielles suisses qui détiennent des succursales à l'étranger y contrôlent un nombre d'emplois qui sera bientôt l'équivalent de l'effectif du secondaire suisse. En 1980, les 87 plus grands de l'industrie tenaient à l'étranger un effectif équivalant à 80% de l'emploi industriel interne (voir Borner & Wehrle 1984).

L'effet sur le travail de cette internationalisation progressive du pouvoir économique est indirect et difficile à

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anticiper, surtout si l'on s'intéresse davantage à la nature et aux conditions du travail qu'à son volume. Une expression de cette influence est la diminution de la marge de manoeuvre des instances politiques, liées qu'elles sont à un territoire et à des procédures démocratiques, en faveur des centrales de décision des sociétés multinationales. A la longue, il pourrait être plus important d'être employé chez Philips ou chez Ciba-Geigy que d'avoir le passeport suisse.

Une deuxième voie d'expansion vise la "marchandisation"

des domaines de la vie quotidienne qui jusqu'ici ne sont pas encore soumis aux logiques du marché. Qu'il suffise de penser aux loisirs, dans un sens très large: les soins du corps, le sport, les jeux, le savoir, les conseils de tous genres, les soins de l'âme; la prise en charge tous azimuts, moyennant finances, n'a pas encore atteint le point culminant de son essor.

Une troisième stratégie, plus défensive, consiste à diminuer les coûts liés à la production et 1m des moyens de plus en plus envisagés du côté des salaires implique la dualisation de l'effectif: on divise l'effectif de l'entreprise en une catégorie d'employés stables, liés à l'entreprise par de multiples avantages et une certaine sécurité à long terme, et une autre catégorie de précaires, recrutés et renvoyés à court terme selon les besoins micro-conjoncturels. Cette deuxième catégorie de travailleurs peut être liée à l'entreprise par des contrats de travail à temps flexible, selon les fluctuations des commandes, elle peut être louée aussi auprès d'agences de travail temporaire, ou elle peut être trouvée par l'inter­

médiaire de sous-tnl.itants offr::mt des conditions d'engage­

ment qui terniraient l'image de bon employeur des grandes firmes. Le modèle japonais, si souvent évoqué pour son perfectionnisme concernant la première de ces catégories n'en repose pas moins aussi sur la deuxième, sa proportion en emplois étant selon les sources et les secteurs entre un et deux tiers de l'effectif total. Les différentes formes de la flexibilisation du temps de travail peuvent aussi être utilisées dans cette perspective.

Le dernier facteur qu'il convient d'introduire dans ce tableau global est peut--être le plus intéressant. L'essor économique des pays industrialisés au 20e siècle était étroitement lié à une forme de production très particulière.

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On parle souvent de Taylorisme. Le concept de Fordisme paraît plus adéquat, parce que plus complet. Non seulement la machinerie de production, surtout dans le domaine des biens de consommation, a été poussée à des taux de productivité insoupçonnés auparavant (par la combinaison de la technique des chaînes de production avec l'étude et l'aménagement de la division du travail et des mouvements des travailleurs selon les principes dits scientifiques de Taylor). En complément, une politique d'augmentation des salaires, donc un Keynésianisme, parfois privé, parfois plutôt d'Etat, souvent les deux à la fois, a permis l'écoulement à large échelle de cette production gigantesque.

Or bon nombre d'indices laissent penser que le modèle fordiste a désormais largement atteint, sinon dépassé, certaines limites intérieures. Citons les taux élevés de fluctuation du personnel, réprimés efficacement seulement par un chômage notable là où il existe: l'absentéisme des absents et des présents; les erreurs, défauts et dégâts dans la production qui nécessitent, avant même que le produit quitte la fabrique, un taux de réparations parfois assez élevé. Il devient difficile de mobiliser la motivation des travailleurs, détournés par le système taylorien du produit immédiat de leur travail. Une autre limite est liée à l'intégration à large échelle et donc aussi à l 'intemationalisation des firmes: dans la mesure où les sous-unités deviennent interdépendantes dans une firme, dans une branche ou au niveau de toute l'économie nationale ou internationale, les turbulences de tous genres qui peuvent affecter une partie d'un tel réseau hautement intégré se répercutent, par effet systémique, sur les autres parties.

Les poussées de conjoncture, mais aussi les crises se propagent plus facilement. Finalement, la politique économique keynésienne suscite de plus en plus la résistance de milieux influents. D'où les multiples tentatives de réorganiser les structures des grandes entreprises et de réaménager les conditions de travail, par exemple dans le sens d'un ré-enrichissement des tâches du travailleur particulier ou d'une autonomie accrue de petites sous-unités.

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N. Quel impact sur le travail en Suisse?

Nous nous intéressons ici à l'avenir du travail en Suisse, je ne mentionnerai donc qu'en passant l'évolution à l'échelle mondiale. Celle-ci sera probablement caractérisée par une inégalité croissante. Les activités intenses en travail humain peu qualifié, dangereux ou nocif à l'environnement seront déplacées de plus en plus dans les mini-Japons du monde entier, les travaux hautement rentables, exigeant des qualifications avancées ou la proximité des centres de décision restant concentrés dans les pays industrialisés ou post­

industrialisés.

Le travail humain ne devrait donc pas devenir caduc en Suisse, même si son volume a de fortes chances de diminuer à moyen ou plus long terme. Il reste largement nécessaire et non seulement dans les secteurs peu automatisables, mais préci­

sément dans les entreprises de production et de services complexes, aux processus intégrés à large échelle. Il s'avère de plus en plus que tout n'est pas mathématisable et informa­

tisable. Mais c'est un travail qui ressemblera de moins en moins aux profils qui sont encore aujourd'hui dans nos têtes et dans nos formations. Les nouvelles activités seront des activités de surveillance, de dépannage sophistiqué, d'exploitation de systèmes artificiels complexes, où les connaissances techniques doivent se combiner avec la rapidité, le sens de l'improvisation, la capacité de restructuration mentale devant des situations peu routinisables, le sens de la responsabilité.

Les qualifications requises impliqueront de moins en moins des capacités psycho-motrices équilibrées dans la production, l'intuition et la sociabilité dans les services; par contre, la flexibilité mentale, la vision globale et non pas sectorielle, les connaissances et opérations abstraites seront plus importantes aux dépens de l'expérience casuistique, de la fidélité et l'identification à un produit, un matériel. une entreprise ou aux gestes professionnels familiers.

Aujourd'hui, une telle description peut paraître d'une portée limitée. Elle semble esquisser le profil d'un travail hautement qualifié et donc privilégié. Demain, après la

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banalisation des formes de production et de prestations de services caractérisées par l'automatisation et l'informa­

tisation, ils pourraient se multiplier dans une mesure très large. Ce qui manque dans cette vision, par contre, ce sont d'éventuels mouvements d'opposition ou de compensation à l'égard de ces tendances. Certaines ébauches sont déjà visibles, mais leur évolution est peu claire à l'heure actuelle.

V. Révolution technologique, révolution culturelle ?

Quittons pour un instant le monde de l'économie et du travail avec ses structures objectives et considérons son complément culturel: le travail en tant que valeur sociale. On a beaucoup parlé, depuis les années 70, d'un changement de valeur qui se ferait sentir surtout auprès des jeunes géné­

rations et qui relativiserait le bien-être matériel. Ce qui était le désir des générations antérieures est aujourd'hui acquis pour une partie considérable de la population. Les valeurs qui les remplacent seraient d'un ordre plus immatériel:

l'épanouissement personnel. la qualité de la vie, le souci de l'environnement, la sociabilité. Selon différentes recherches, un tel changement de valeurs a en effet eu lieu, dans une certaine mesure, en Suisse comme dans les autres pays hautement industrialisés. Il est par contre inconnu dans le Tiers-monde, et pour cause. Or on peut considérer que la valorisation du travail en tant qu'activité nécessaire, utile, fondamentale pour l'être humain, si ancrée dans la culture moderne de l'Occident, fait elle aussi partie de l'ensemble des valeurs désignées tout à l'heure comme matérielles. Il est intéressant de noter en passant que parmi les idéologies politiques et sociales modernes, la valeur du travail comme élément essentiel de l'affirmation individuelle fait l'unanimité au-delà de toutes les frontières partisanes, combien affirmées par ailleurs.

Mais comme toujours, les choses, vues de plus près, sont plus complexes. Il serait faux de dire que le travail ne serait plus prisé par les jeunes et considéré globalement comme une corvée dont il s'agit de s'acquitter avec le moins d'effort possible, sinon de l'éviter. C'est l'acceptation du travail comme valeur en soi, sans égard à sa qualité et à son résultat, qui est de moins en moins acquise. En paraphrasant les

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tendances qui ressortent des données éparpill ées dont nous disposons à ce sujet, on pourrait dire que les gens distinguent assez nettement deux situations : ou bien je trouve un travail qui m 'intéresse, et là je m'investis pour y trouver une part d'épanouissem ent, ou bien je ne trouve qu 'un boulot quelconque qui me permet de survivre, et qu'on ne m ' en demande pas plus. C'est donc moins le travail globalement qui est rejeté, que l e principe de son acceptation absolue. En d'autres termes : si la morale formelle du travail s 'effrite, l 'éthique professionnelle dem eure (Bieri & al . 1 985).

On a pu dire que l'économie moderne, notamment dans le s ecteur industriel, a longtemps exploité un potentiel de compétences et de motivations généralisées orientées vers la qualité du travail accompli et seulement secondairement vers l e gain personnel sous fomie de salaire ou d'autres avantages.

Pourquoi "exploité"? Il s 'agit d'une motivation caractéristique du secteur traditionnel dans l 'agriculture, l 'artisanat et le petit commerce, où l e secondaire moderne a pendant des décennies recruté son personnel . Ce personnel était alors appelé à travailler dans des conditions industrielles qui ne faisaient rien pour reproduire cette motivation.

Est-ce que le changement de valeurs ne pourrait pas continuer jusqu'au point où on ne souhaite plus travailler parce que les loisirs et la consommation ont développé un très grand attrait, souvent empreint d'une liberté que l e travail ne permet plus depuis longtemps ? Les propagandistes de la société des loisirs rêvent de cela, mais c ' est une utopie aussi lûngtemps que les arrangemet1ts macrostr�cturel� qu1 sous-tendent la centralité culturelle du travail restent inchangés . En clair et très simpl ement formulé : aussi longtemps que la plupart de nos besoins sont satisfaits par des biens et des prestations qu'on doit acheter sur un marché, qu'on a donc besoin d'argent pour vivre et que l 'argent nous parvient principalement par un travail rémunéré, la réalité structurelle pose des limites strictes à de tels changements (Lévy 1 986).

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VI. Devant un choix techn�politique fondamental?

L'esquisse présentée reste, certes, fragmentaire. Elle contient pourtant quelques éléments qui permettent une réflexion d'ensemble dépassant la simple extrapolation de tendances. Au niveau le plus simple, il en ressort que s'il est probable que le volume de travail demandé par l'économie ira en diminuant, l'économie sans travail humain, à l'instar de certaines expériences dites pilotes, n'est pas pour l'année 2000. Par contre, la nature des activités sera transformée de manière importante, même si ce processus se développera plus lentement que prévu par certaines études futuristes (p. ex.

"Büro 1990" de Siemens, 1976). Il en résulte des profils de compétence très différents de ceux que vise la formation actuelle.

Arrivé à ce point, il convient de rappeler que parler de l'impact des nouvelles technologies sur le travail est une formulation abrégée qui n'est point innocente. L'aspect concret que prend une technologie installée dans un atelier ou un bureau, les places de travail qu'elle comprend, les relations entre les travailleurs qu'elle induit, tout cela est le résultat d'une multitude de décisions qui sont loin d'être de nature purement technique. Il s'agit là, dans toute la densité sociologique du terme, d'institutionnaliser le travail d'une nouvelle manière; la forme que prendra cette institutio­

nalisation - à la fois matérielle, logique et plus strictement sociale - deviendra réalité et contrainte objective, dès sa mise en place. Les décisions qui la façonnent sont donc un enjeu fondamental pour le monde du travail.

Nous nous trouvons dans une phase de transition qui pourrait devenir décisive pour une période prolongée, les choix effectués peuvent conditionner le travail à long terme. A ce titre, et pour conclure, j'aimerais rappeler un débat intéressant suscité par des études récentes d'histoire industrielle. Selon certains auteurs (notamment Piore & Sabel 1984), nous sortons d'une période de plusieurs décennies, qui était foncièrement structurée par le concept de production propre au Fordisme. Dans ses formes actuelles, il arrive à des limites. On peut dès lors essayer de les franchir en rems­

taurant un système semblable, mais à l'échelle mondiale

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- l 'économie mondiale qui deviendrait un atelier transnational intégré, doublé d'un Keynésianisme lui aussi pratiqué à l'échelle mondiale. Ou alors on peut développer un ou plusieurs autres concepts de production. C elui qui me paraît le mieµx défini jusqu 'à présent et intéressant pour la Suisse viserait W1e forme de spécial.isation flexible et décentralisée, basée sur des petites et moyeruies unités de production ou de services, inter-connectées par des réseaux: qui leur laissent W1e grande autonomie. Dans de telles W1ités, on emploierait l es nouvelles technologies d 'une marùère qui ressemble, en dépit du niveau teclmique bien différent, au fonctionnement de l 'artisanat traditionnel: flexibilité, adaptation rapide à une demande changeante, autonomie et orientation généraliste d es travailleurs seraient l es atouts principaux, mis en valeur par des formes de coopération partielle qui se développent au gré des besoins et des expériences. On connaît des exemples pratiques qui fonctionnent de cette manière, entre autres l 'industrie textile italienne dans la région de Prato ou les mini-aciéries dans certaines régions des Etats-Unis. En Suisse, ces tentatives sont plus réticentes, mais on pourrait citer à ce titre l 'Association pour la rech erch e et le développem ent industriel dans le canton d 'Obwald, à un moindre d egré certaines chambres de commerce cantonales (par exemple celle de Bâle-Campagne) et, pourquoi pas, le Netzwerk für Selbsthilfe des entreprises autogérées en Suisse allemande, ou encore le Jura neuchâtelois. Le potentiel de motivation men­

tionné plus haut prendrait toute sa valeur dans ce contexte.

Ainsi on peut déceler dans la situation teclmo-politique actuelle des enjeux importants à plusieurs niveaux : au niveau de la nature du travail, de son organisation, des concepts de production dominants et bien sûr aussi au niveau de la formation professionnelle. Elle devra tenir compte d es changements évoqués. Les stratégies individuelles à moyen et à long terme oscilleront entre le job et le travail sérieux; on sera confronté à une gamme de travail et d e non-travail, à des formes d'aménagement du temps de travail b eaucoup plus nuancées, moins tranchées que ce qui prédomine aujourd 'hui. U s'agit donc aussi de préparer l es jeunes générations à une plus grande indépendance dans la formulation d e projets biographiques personnels, à la compréhension et à la participation aux choix sociaux et techniques qui sont en train de se prendre avec ou sans eux.

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